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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/14167/2021

AARP/119/2024 du 04.04.2024 sur JTDP/838/2023 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : INJURE
Normes : CP.177; CPP.9
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14167/2021 AARP/119/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 4 avril 2024

 

Entre

A______, domicilié c/o B______, ______ [GE], comparant en personne,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/838/2023 rendu le 26 juin 2023 par le Tribunal de police,

et

C______, comparant par Me D______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 26 juin 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable d'injure (art. 177 al. 1 du Code pénal suisse [CP]), l'a condamné à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à CHF 90.- l'unité, avec un sursis de trois ans, rejetant ses conclusions en indemnisation et le condamnant à verser à C______ CHF 1'050.10 pour ses frais de défense, frais de la procédure à sa charge, en CHF 926.-, émolument complémentaire de CHF 600.- en sus.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement et à l'allocation de la totalité de ses conclusions en indemnisation.

b. Selon l'ordonnance pénale du 18 février 2022 il est reproché à A______ d'avoir, à Genève, le 28 avril 2021, sur la terrasse du restaurant "E______", à F______ [GE], traité C______ de "sale boche" devant plusieurs employés de ce dernier, portant ainsi atteinte à sa dignité humaine, faits qualifiés de discrimination raciale au sens de l'art. 261bis al. 4 CP. À l'ouverture des débats de première instance, le TP a informé les parties que les faits seraient également examinés sous l'angle de l'infraction d'injure au sens de l'art. 177 al. 1 CP.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. C______ exploite le restaurant "E______" à F______. À partir de 2018, A______ lui a loué une chambre située au-dessus de l'établissement.

Suite à un premier conflit en septembre 2020, C______ a résilié le bail à loyer pour le 31 décembre 2020. A______ a contesté la résiliation et le litige a été porté devant le Tribunal des baux et loyers.

Lors de son dépôt de plainte pénale, le 25 juin 2021, C______ a expliqué qu'en avril 2021, il avait fait une remarque à A______ concernant le port du masque sur la terrasse du restaurant. Celui-ci l'avait alors traité de "sale boche" devant ses employés, G______, H______ et I______. Il datait cet épisode au 28 avril 2021.

En première instance, C______ a déclaré que, quand il était allé déposer plainte, il ne se souvenait plus exactement de la date de l'altercation, mais la situait après les vacances d'avril. Le policier lui avait dit qu'il fallait mettre une date et une heure. Il avait déterminé le mercredi 28 avril 2021 par déduction. Le restaurant était fermé les dimanches et lundi. Les vendredis et samedis, il y avait trop de monde. Les faits s'étaient donc produits un mercredi ou un jeudi. Il n'était pas d'origine allemande.

b. Entendu par la police, A______ a contesté avoir traité C______ de "sale boche" le 28 avril 2021 autour des 18h30, ainsi que tout conflit entre eux en avril ou juin 2021. Il n'avait plus adressé la parole au tenancier du E______ depuis sa requête en expulsion, début avril 2021. Selon lui, la question de l'accès à son appartement serait à l'origine du litige les opposant. En effet, la porte d'entrée de l'appartement donnait sur la terrasse du restaurant et C______ exigeait qu'il n'emprunte pas cet accès, mais traverse la cuisine ou la cave pour entrer et sortir.

Devant le MP, il a ajouté qu'il n'était pas présent le jour des faits. Il était en Valais et s'était directement rendu à J______ [employeur] prendre sa garde de nuit sans passer par F______. En tout état, il était impossible qu'il ait pu être à F______ à 18h30 alors qu'il prenait son service à 19h00. Il n'était pas raciste et n'aurait jamais prononcé une telle insulte, d'autant plus que sa compagne était d'origine camerounaise et lui-même d'origine marocaine. Le grand-père de celle-ci était allemand. En sa qualité d'aide-soignant, le port du masque était très important. Il avait quitté la chambre louée à C______ le 1er avril 2022.

Au cours de l'audition de la témoin H______, laquelle a déclaré que seules G______ et elle étaient présentes lors de l'altercation, à l'exclusion de client du restaurant, A______ a répliqué "je n'avais donc pas l'obligation de porter un masque". Ajoutant ensuite que, selon lui, c'était le "rush" à 18h30 au restaurant et qu'il n'était pas possible d'entendre une conversation depuis la cuisine.

En première instance, il a indiqué que le litige avait pour objet la procédure de conciliation et non le port du masque. Ils avaient eu plusieurs disputes en lien avec l'accès au logement. Il n'avait jamais proféré d'insulte à l'encontre de C______ à ces occasions.

Lors des débats d'appel, A______ a déclaré n'avoir "jamais eu d'altercation avec la partie plaignante". Il n'était pas présent le 28 avril 2021 et il n'était pas possible que la dispute ait eu lieu un autre jour. Les témoins n'étaient pas crédibles puisqu'il s'agissait des employées de la partie plaignante. "Cette histoire avait été montée de toute pièce pour [le] faire virer de cet appartement".

c. G______ a déclaré que son employeur demandait aux locataires de l'appartement du 1er étage de sortir par la cuisine durant les heures d'ouverture du restaurant ou de porter le masque conformément aux prescriptions en vigueur s'ils passaient par la terrasse. Le 28 avril 2021, A______ avait traversé la terrasse pour entrer dans l'appartement sans porter le masque. C______ lui avait fait une réflexion, à laquelle A______ avait répondu "en montant significativement le ton", le traitant de "sale boche".

d. H______ a expliqué que, le 28 avril 2021, elle se trouvait dans la cuisine du restaurant lorsque le conflit avait éclaté. Elle avait vu les deux hommes se disputer, puis entendu des insultes fuser. A______ avait traité son employeur de "sale boche". La jeune femme avait terminé son apprentissage auprès de C______ en janvier 2022 et n'était plus sous ses ordres lors de l'audition devant le MP du 6 septembre 2022 au cours de laquelle elle a confirmé ses déclarations à la police. Depuis la cuisine du restaurant, elle voyait la terrasse, par une grande porte et une baie vitrée. Il n'y avait pas de client présent lors de l'altercation.

e. Les documents suivants figurent au dossier :

-        une attestation du 13 décembre 2021 de l'employeur de A______ confirmant qu'il a travaillé la nuit du 28 avril 2021, de 19h00 à 7h30 le lendemain ;

-        un procès-verbal du 13 janvier 2021 de la commission de conciliation en matière de baux et loyers (CCBL), selon lequel le bail a été prolongé jusqu'au 30 juin 2022. Le bailleur s'engageait à établir un règlement sur l'accès aux chambres louées et à laisser aux locataires le libre accès au logement par la terrasse moyennant le port du masque tant que celui-ci serait obligatoire.

-        une attestation manuscrite du 27 décembre 2021, signée par K______, selon laquelle il était reparti à 17h00 du Valais. L'heure est raturée et on devine qu'il était préalablement inscrit 16h00.

-        une attestation dactylographiée non signée du 28 février 2022 de K______, à teneur de laquelle l'appelant "était bien en Valais en famille la date du 28 avril 2021 où il a passé quelques jours avec nous. Ce dernier est reparti du Valais à 17h00 pour reprendre le service à Genève à 19h00".

C. a. A______ s'est présenté à 9h19 aux débats d'appel auxquels il avait été convoqué à 9h00. Il persiste dans ses conclusions, sous la réserve d'une renonciation à son indemnisation, et sollicite l'audition de sa compagne en qualité de témoin.

b. K______, compagne de A______, a déclaré que celui-ci partait toujours à la même heure de chez elle en Valais quand il rentrait à Genève. Il allait alors directement prendre son service à l'hôpital. A______ lui avait dit avoir eu un problème avec son bailleur, celui-ci lui ayant reproché de l'avoir traité de "sale boche" et de tenir des propos racistes. Elle n'avait jamais vu A______ s'énerver.

c. Par la voix de son conseil, C______ conclut à titre préjudiciel à ce que l’appel soit déclaré irrecevable en application de l’art. 407 al. 1 let. a CPP, et au fond à son rejet et à l’indemnisation de ses frais de défense, en 8h40, hors débats d'appel lesquels ont duré 1h45, auxquelles s'ajoutent la vacation relative au dépôt des conclusions en indemnisation et celle relative aux débats d'appel (2 x 0h30), réparties comme suit : 0h30 au taux de CHF 250.- (avocat stagiaire), prestations effectuées en 2023, et 10h55 au taux de CHF 300.- (collaborateur), dont 1h35 en 2023. Il sollicite la réformation du jugement de première instance en ce sens que le plein de ses conclusions en indemnisation pour ses frais de défense occasionnés par la procédure préliminaire et de première instance doit lui être accordé, à charge de A______.

d. Les arguments plaidés seront discutés, dans la mesure de leur pertinence, au fil des considérants qui suivent.

D. A______ est né en 1964 en Algérie. De nationalité française, il est au bénéfice d'un permis C. Il est célibataire, sans enfant.

Selon ses dires, il travaille à J______ comme aide-soignant pour un salaire mensuel net de CHF 4'800.-. Le loyer de la chambre qu'il occupe s'élève à CHF 350.- par mois. Sa prime mensuelle d'assurance maladie est de CHF 430.-. Il rembourse mensuellement un crédit de CHF 12'000.- à raison de CHF 416.-.

Il a indiqué être en couple avec K______ depuis plus de 10 ans.

Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, il est sans antécédent.

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

1.2. La bonne marche de la justice n'a pas été entravée par le retard de 19 minutes du prévenu à l'audience d'appel. Aucun intérêt digne de protection ne commandait de prononcer un défaut plutôt que de conduire le procès comme prévu (cf. ATF
145 I 201 consid. 4.2).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 ; ATF 138 V 74 consid. 7).

2.2. L'art. 9 CPP consacre la maxime d'accusation, laquelle découle également des art. 29 al. 2 Cst. (droit d'être entendu), 32 al. 2 Cst. (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, des accusations portées contre soi) et 6 par. 3 let. a CEDH (droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation).

Selon ce principe, l'acte d'accusation définit l'objet du procès (fonction de délimitation). Une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. Il doit décrire les infractions qui sont imputées au prévenu de façon suffisamment précise pour lui permettre d'apprécier, sur les plans subjectif et objectif, les reproches qui lui sont faits (cf. art. 325 CPP). En effet, le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et quelles sont les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (fonction de délimitation et d'information ; ATF 143 IV 63 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_834/2018 du 5 février 2019 consid. 1.1).

Selon l'art. 325 al. 1 CPP, l'acte d'accusation désigne notamment les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur ainsi que les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public. En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenu (ATF 143 IV 63 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_461/2018 du 24 janvier 2019 consid. 5.1). Des imprécisions relatives au lieu ou à la date sont sans portée, dans la mesure où le prévenu ne peut avoir de doute sur le comportement qui lui est reproché (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1185/2018 du 14 janvier 2019 consid. 2.1).

2.3. Se rend coupable d'injure celui qui aura, par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur (art. 177 al. 1 CP).

Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut se fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon le sens qu'un destinataire non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (ATF 133 IV 308 consid. 8.5.1 ; ATF 119 IV 44 consid. 2a ; ATF
117 IV 27 consid. 2c).

Alors que la diffamation (art. 173 CP) ou la calomnie (art. 174 CP) supposent une allégation de fait, un jugement de valeur, adressé à des tiers ou à la victime, peut constituer une injure au sens de l'art. 177 CP. La notion de jugement de valeur doit être comprise dans un sens large ; il s'agit d'une manifestation directe de mésestime ou de mépris, au moyen de mots blessants, de gestes ou de voies de fait. L'honneur protégé correspond alors à un droit au respect formel, ce qui conduit à la répression des injures dites formelles, tels une expression outrageante, des termes de mépris ou des invectives (ATF 128 IV 53 consid. I/A/1/f/aa ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_794/2007 du 14 avril 2008 consid. 3.1 et 6B_811/2007 du 25 février 2008 consid. 4.2). La marque de mépris doit revêtir une certaine gravité, excédant ce qui est acceptable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_229/2016 du 8 juin 2016 consid. 2.1.2 ; 6B_557/2013 du 12 septembre 2013 consid. 1.1).

2.4. "Boche" est un terme injurieux pour définir une personne de nationalité allemande (Le Robert).

2.5.1. En l'espèce, l'intimé s'est montré mesuré et constant dans ses déclarations, expliquant être en litige avec le prévenu en lien avec le bail à loyer les liant et que le conflit s'était notamment cristallisé autour de l'accès à l'appartement par la terrasse et l'obligation de porter le masque.

Ses propos sont corroborés par les témoignages de deux de ses employés, présentes au moment des faits. La témoin G______ a donné des détails sur le motif du conflit (port du masque sur la terrasse et accès à l'appartement) et sur le déroulement du conflit (remarque de l'intimé à son locataire, puis haussement de ton de ce dernier). Elle avait expressément entendu "sale boche" de la bouche de l'appelant.

La témoin H______ a reconnu s'être trouvée dans la cuisine au moment de la dispute. Elle n'avait d'abord que vu les hommes se disputer, puis entendu le prévenu traiter l'intimé de "sale boche".

Les témoins, quand bien même elles étaient employées par l'intimé au moment des faits, sont crédibles. La témoin H______ avait d'ailleurs terminé son apprentissage auprès du plaignant lors de son audition devant le MP. Tant l'une que l'autre ont rapporté factuellement le déroulement des événements, avec des propos mesurés, tout en donnant des éléments de contexte (motif du litige) ou en expliquant où elles se trouvaient (sur la terrasse, à la cuisine). Aucun élément au dossier ne permet de douter de la véracité de leurs déclarations. Le prévenu ne soutient en tout état pas avoir été en conflit avec les employées de la partie plaignante.

Au contraire, le prévenu a varié dans ses déclarations, notamment quant à l'occurrence de disputes entre lui et son bailleur (première instance : il admet qu'il y a eu plusieurs disputes entre eux ; appel : il nie toute altercation). Il s'est contredit sur le motif de la dispute, contestant d'abord tout lien avec le port du masque, avant de commenter les déclarations d'une témoin par "je n'avais donc pas l'obligation de porter le masque". Dès lors, il reconnaît indirectement, dans un propos spontané, que tel était bien l'objet du litige. En conséquence, ses déclarations sont à prendre avec précaution et sont peu crédibles.

Partant, il ne fait aucun doute qu'une dispute verbale a bien eu lieu entre les parties concernant l'accès au logement par la terrasse et le port du masque.

2.5.2. L'appelant ne sera pas suivi lorsqu'il affirme qu'il est impossible qu'il ait prononcé les termes "sale boche", expression à laquelle il prête un caractère raciste, en raison des origines de sa compagne et de lui-même. Ces termes sont spécifiques et peu courants, de sorte qu'il paraît peu probable que le plaignant ait inventé cette insulte de toute pièce, ce d'autant plus qu'il n'est pas d'origine allemande. Le premier juge a d'ailleurs – à raison – écarté l'infraction de discrimination et incitation à la haine (art. 261bis al. 4 CP), faute d'éléments permettant de considérer que les propos ont été formulés dans un tel but (cf. jugement de première instance, consid. 1.2.2). Il ne sera pas revenu sur ce point en application du principe de l'interdiction de la reformatio in pejus.

Au surplus, les témoins ont expressément déclaré avoir entendu les termes reprochés. Comme énoncé ci-dessus, rien ne permet de douter de leurs déclarations, lesquelles corroborent celles du plaignant.

Partant, il sera retenu que l'appelant a traité le plaignant de "sale boche" lors de l'altercation.

2.5.3. À teneur des éléments à la procédure, si les faits (altercation, propos tenus, lieu) sont établis, un doute demeure quant à la date du 28 avril 2021. Le prévenu prenait effectivement son service à 19h00 à J______ ce jour-là et sa compagne a déclaré qu'il quittait le Valais généralement à 17h00, lorsqu'il travaillait de nuit. Cela laisse peu de temps, compte tenu du trafic, pour envisager une halte par F______. Par ailleurs, l'intimé a expliqué qu'il avait donné une date lors de son dépôt de plainte, par déduction, ne se souvenant pas précisément du jour, deux mois après les faits.

En tout état, la date exacte peut rester indéterminée, se situant très vraisemblablement au mois d'avril 2021.

Peu importe que l'acte d'accusation fixe les faits au 28 avril 2021. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral rappelée ci-dessus, des imprécisions relatives à la date sont sans portée lorsque le prévenu ne peut avoir de doute sur le comportement qui lui est reproché. Tel est le cas en l'espèce. Les termes qui lui sont reprochés sont précisément décrits et contextualisés (lieu, propos tenus, altercation). Même sans le jour précis, l'appelant était en mesure d'apprécier, sur les plans objectif et subjectif, les reproches qui lui sont faits. Il était en mesure de préparer efficacement sa défense, ce qu'il a fait, ne se limitant pas à contester le jour mais aussi l'existence de la dispute, son motif et les propos qui lui sont imputés, notamment leur caractère raciste.

2.5.4. Au surplus, contrairement à ce que soutient le prévenu, la procédure pénale dirigée contre lui n'a pas eu d'incidence sur le litige civil relatif au bail à loyer. À teneur des éléments au dossier, son bail a été prolongé d'une année et demie deux mois avant les faits et il a quitté l'appartement en avril 2022, près d'un an après le dépôt de la plainte pénale.

2.6. Les termes "sale boche" sont injurieux et péjoratifs et constituent un jugement de valeur au sens de l'art. 177 CP, excédant ce qui est acceptable. En les adressant à l'intimé, dans un contexte conflictuel, le prévenu a expressément manifesté son mépris à l'égard de l'intimé et voulu l'atteindre dans son honneur.

Partant, le verdict de culpabilité d'injure au sens de l'art. 177 al. 1 CP sera confirmé.

3. 3.1. L'infraction à l'art. 177 al. 1 CP est réprimée d’une peine pécuniaire de 90 jours-amende au plus.

3.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

3.3. La faute de l'appelant n'est pas négligeable. Il s'en est pris à l'honneur du plaignant.

Ses mobiles sont égoïstes et relèvent d'un comportement colérique mal maîtrisé, certes dans un contexte conflictuel. Il continue de nier les faits en appel, n'hésitant pas à tenter de convaincre, sans succès, des motivations de l'intimé à l'accuser à tort et à se positionner lui-même en victime. Il n'y a ainsi aucune prise de conscience.

Sa collaboration est sans particularité et sa situation personnelle est sans rapport avec les faits, d'autant plus qu'il avait obtenu une prolongation de bail de 18 mois et que la CCBL avait enjoint l'intimé de régler la question de l'accès au logement.

Il est sans antécédent, facteur neutre dans la fixation de la peine.

L'appelant ne conteste pas, au-delà de l'acquittement plaidé, la quotité de la peine pécuniaire de 20 jours-amende, qui sanctionne adéquatement l'infraction d'injure et sera, partant, confirmée. Il en ira de même du montant du jour-amende, fixé à CHF 90.- par le premier juge.

Le sursis prononcé est acquis au prévenu (art. 42 al. 1 CP et 391 al. 2 CPP). Le délai d'épreuve, arrêté à trois ans, n'est pas critiquable.

L'appel est partant rejeté et le jugement entrepris confirmé.

4. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP), qui comprennent un émolument de décision de CHF 1'500.-. L'émolument complémentaire de jugement, arrêté à CHF 600.- par le TP, suivra le même sort.

Vu l'issue de l'appel, il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de la procédure préliminaire et de première instance (cf. art. 428 al. 3 CPP).

5. 5.1. L'art. 433 al. 1 CPP, applicable à la procédure d'appel (art. 436 CPP), permet à la partie plaignante de demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu'elle obtient gain de cause (let. a). Les honoraires d'avocat doivent être proportionnés (N. SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung : Praxiskommentar, 2ème éd., Zurich 2013, n. 7 ad art. 429).

5.2. L'intimé n'ayant pas formé appel, ni appel joint, ses conclusions en modification du jugement de première instance sur ses frais de défense pour la procédure préliminaire et de première instance sont irrecevables.

5.3. La note d'honoraires du plaignant relative à la procédure d'appel apparaît conforme aux principes en matière d'indemnisation, à l'exception de la vacation effectuée pour déposer ses conclusions en indemnisation. Dite vacation n'était pas nécessaire puisque l'acte pouvait être transmis par courriel. Il sera également tenu compte du tarif horaire de CHF 150.- appliqué par la Cour de justice aux avocats-stagiaires (arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 consid. 3 et 2C_25/2008 du 18 juin 2008 consid. 3, en matière d'assistance juridique, faisant référence aux tarifs usuels d'un conseil de choix à Genève ; AARP/125/2012 du 30 avril 2012 consid. 4.2 ; ACPR/178/2015 du 23 mars 2015 consid. 2.1).

Partant, l'indemnité accordée au plaignant sera arrêtée à CHF 3'457.-, ([0h30 x CHF 150.- + TVA à 7.7%] + [1h35 x 300.- + TVA à 7.7%] + [8h50 x 300.- + TVA à 8.1%).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/838/2023 rendu le 26 juin 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/14167/2021.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'775.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Met l’émolument complémentaire de jugement de première instance de CHF 600.- à la charge de A______.

Condamne A______ à verser à C______, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits en appel, CHF 3'457.- (TVA comprise) (art. 433 et 436 CPP).

Rejette, dans la mesure de leur recevabilité, le solde des conclusions en indemnisation de C______.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable d'injure (art. 177 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 20 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 90.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Condamne A______ à verser à C______ CHF 1'050.10, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 926.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP). "

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police ainsi qu'à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Anne-Sophie RICCI

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1526.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

120.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

80.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'775.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'301.00