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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/3525/2021

AARP/118/2023 du 27.03.2023 sur JTDP/1094/2022 ( PENAL ) , ADMIS

Descripteurs : USAGE DE FAUX(DROIT PÉNAL);DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LEI;ACQUITTEMENT;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL)
Normes : CP.251.al1; LEI.118.al1; LEI.115.al1.leta; LEI.115.al1.letb; LEI.115.al1.letc; CPP.22.al1; CPP.429.al1.leta
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3525/2021 AARP/118/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 27 mars 2023

ANNULE ET REMPLACE

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1094/2022 rendu le 7 septembre 2022 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 7 septembre 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) a classé la procédure s'agissant du chef d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a, b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) pour la période du 1er juillet 2014 au 6 septembre 2015 et l'a acquitté du chef de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 du Code pénal [CP]), mais l'a reconnu coupable d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a, b et c LEI pour la période du 7 septembre 2015 au 8 juillet 2021 ainsi que de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 22 al. 1 CP cum art. 118 al. 1 LEI). Le TP a condamné A______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, sous déduction d'un jour-amende, correspondant à un jour de détention avant jugement, à CHF 70.- l'unité, avec sursis durant deux ans. Les valeurs patrimoniales saisies (soit CHF 98.40, ch. 1 de l'inventaire n1______ du 8 juillet 2021) ont été restituées à A______. Les frais de la procédure (par CHF 1'328.-) ont été mis à sa charge.

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à son acquittement des chefs d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a, b et c LEI pour la période du 7 septembre 2015 au 8 juillet 2021 et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 22 al. 1 CP cum art. 118 al. 1 LEI).

b. Selon l'ordonnance pénale du Ministère public (MP) du 8 octobre 2021, les faits suivants sont encore reprochés à A______ :

b.a. Entre le 7 septembre 2015 et le 8 juillet 2021 (période pénale retenue in fine par le TP), date de son arrestation, il a pénétré, séjourné et exercé des activités lucratives auprès de diverses sociétés sur le territoire suisse, à Genève, alors qu'il était démuni des autorisations nécessaires.

b.b. Dans le cadre d'une demande d'autorisation de séjour "Papyrus" déposée le 18 mars 2017 auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM), il a produit des documents falsifiés, à savoir des certificats de salaire établis au nom des sociétés C______ Sàrl et D______ Sàrl, alors qu'il n'avait jamais travaillé pour ces dernières, et ainsi tenté (l'infraction ayant été retenue in fine par le TP sous la forme de la tentative) d'induire en erreur l'OCPM en lui donnant de fausses indications sur ses employeurs et sur la durée de son séjour en Suisse, afin d'obtenir frauduleusement un permis de séjour.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Après avoir dû interrompre ses études universitaires d'agriculture débutées au Kosovo, en raison de la situation politique, A______, ressortissant kosovar né le ______ 1969, est venu en Suisse pour la première fois en 1990 et a bénéficié d'un permis en tant que saisonnier. En 1995, il est retourné au Kosovo avant de revenir en Suisse et d'y rester jusqu'en 1997. En 1997, il est rentré une nouvelle fois dans son pays d'origine, où il s'est marié. Il est, peu après, revenu en Suisse et y a résidé jusqu'en 1999. Par la suite, il est retourné au Kosovo durant six mois, avant de revenir en Suisse en 2000. Il a encore effectué plusieurs allers-retours entre la Suisse et le Kosovo, sa femme et ses quatre enfants (nés en 2001, 2002, 2006 et 2012) vivant dans ce dernier pays.

Il a exercé plusieurs emplois sur le territoire helvétique. Entre 1995 et 1997, il indique avoir travaillé pour l'entreprise vaudoise E______, puis de 1997 à 2005 pour F______ à Genève. De 2005 à 2013 ou 2014, il était employé par [l'entreprise] G______ à Genève. Par la suite, de 2014 à 2016, il a notamment travaillé pour H______ SA. Depuis 2016, il travaille pour I______ Sàrl à Genève en tant que maçon-ferailleur et perçoit un revenu mensuel net de l'ordre de CHF 5'340.-.

En Suisse, outre son travail, il a des amis, mais aucun membre de sa famille. Il n'a pas de dette et est sans antécédent judiciaire.

a.b. A______ a déposé une demande d'autorisation de séjour auprès de l'OCPM, dans le cadre de l'opération dite "Papyrus", le 18 mars 2017.

b.a. Le 10 février 2021, l'OCPM a dénoncé A______ au MP, après avoir remarqué que les sociétés C______ Sàrl, D______ Sàrl et I______ Sàrl, qui avaient établi des décomptes et certificats de salaire en son nom, produits à l'appui de sa demande de régularisation, apparaissaient dans de nombreux autres dossiers "Papyrus" et que les charges sociales prélevées par C______ Sàrl et D______ Sàrl ne figuraient pas sur l'extrait de compte individuel AVS de A______.

b.b. À l'appui de sa dénonciation, l'OCPM a notamment produit les documents suivants :

- des décomptes de salaire établis par C______ Sàrl en faveur de A______ pour les mois d'octobre à décembre 2013, ce dernier décompte de salaire mentionnant la période allant du 1er décembre au 31 "novembre" 2013 ;

- un contrat de travail de durée indéterminée du 1er janvier 2014, comportant des signatures pour D______ Sàrl et A______, et mentionnant comme adresse de la société rue 2______ no. ______ ;

- des décomptes de salaire établis en faveur de A______ par D______ Sàrl, présentant un format identique aux décomptes de salaire C______ Sàrl, pour les mois d'octobre à décembre 2014 et d'octobre à décembre 2015, et faisant état de déductions pour l'assurance-maladie de 0.042% ;

- des décomptes de salaire établis par I______ Sàrl en faveur de A______ pour les mois de mars, juin, septembre 2017 et pour les mois d'août à octobre 2018 ;

- un extrait du compte individuel AVS de A______ délivré par la Caisse cantonale genevoise de compensation, montrant notamment que le précité a cotisé en tant qu'employé auprès de diverses entreprises dès 1990, dont I______ Sàrl de septembre à décembre 2016, de janvier à décembre 2017, de janvier à décembre 2018 et de janvier à décembre 2019, mais ne faisant aucune mention des sociétés C______ Sàrl et D______ Sàrl ;

- un courriel de J______ du 12 mars 2017 transmettant à I______ Sàrl un projet de courrier à signer, comportant l'en-tête de cette dernière, daté du 13 mars 2017, et semblant être destiné à l'OCPM, à teneur duquel il est question de demander à cette autorité d'octroyer en priorité le permis de séjour et de travail à A______ afin de l'engager en qualité de ferrailleur ;

- un formulaire de demande d'attestation de l'OCPM, rempli et signé par A______ le 26 avril 2017, afin de régulariser son séjour, trouver un logement et de répondre à une demande en ce sens de son employeur ;

- un courrier du 19 juillet 2017, non signé, adressé par A______ à l'OCPM, faisant suite à la demande de renseignements de ce dernier et mentionnant notamment qu'il était retourné au Kosovo en 1997, 1999, 2004, 2009, 2013, 2016 et 2017 ;

- un formulaire M de demande d'autorisation de séjour pour ressortissant étranger avec activité lucrative, daté et signé le 6 septembre 2019 par A______ ;

- un formulaire de demande de régularisation des conditions de séjour dans le cadre de l'opération "Papyrus" rempli, daté et signé le 7 septembre 2019 par A______ ;

- un formulaire de demande de reconnaissance d'un cas individuel d'une extrême gravité dans le cadre de l'opération "Papyrus", daté et signé le 17 septembre 2019 par Me K______ pour le compte de A______, duquel il ressort notamment que ce dernier est arrivé en Suisse en janvier 1995, qu'il a exercé une activité lucrative, qu'il ne fait pas l'objet de poursuites et qu'il possède un casier judiciaire vierge ;

- des formulaires de demande de visa de retour remplis et signés par A______ les 13 juillet 2017, 16 octobre 2017, 20 avril 2018, 3 juillet 2018, 27 novembre 2018, 19 mars 2019, 28 mai 2019, 5 juillet 2019 et 2 décembre 2019 ;

- des courriels des 21 juillet, 5 octobre et 11 décembre 2020 adressés par l'OCPM à A______, rejetant ses demandes de visa de retour en précisant que l'office n'était plus en mesure d'accorder de tels visas aux personnes dépourvues d'autorisations de séjour.

c.a. Dans son rapport de renseignements du 8 juillet 2021, la police observait que les décomptes de salaire pour les années 2013 à 2015 établis par les sociétés C______ Sàrl et D______ Sàrl mentionnaient des prélèvements de charges sociales qui ne figuraient pas sur l'extrait du compte individuel AVS de A______.

Les cotisations retenues pour l'assurance-maladie sur les fiches de salaire de D______ Sàrl pour les années 2014 et 2015 étaient erronées, dès lors que le pourcentage devait être de 0.041% et non de 0.042%.

Les fiches de salaire au nom des sociétés C______ Sàrl et D______ Sàrl étaient similaires, alors que ces sociétés n'avaient rien à voir l'une avec l'autre. La fiche de salaire établie par C______ Sàrl pour le mois de décembre 2013 comportait une erreur, puisqu'elle mentionnait la période du 1er décembre au 31 "novembre" 2013.

Le contrat de travail entre A______ et D______ Sàrl du 1er janvier 2014 indiquait une adresse erronée pour cette dernière société, soit rue 2______ no.______, adresse qui n'était valable qu'à partir du 15 mai 2017, selon l'extrait du registre du commerce.

c.b. D'après ce rapport, la fouille du téléphone portable de A______ avait par ailleurs révélé l'existence d'une photographie d'une lettre adressée à l'OCPM concernant sa demande de permis de séjour et de travail, courrier similaire à celui retrouvé dans d'autres demandes de régularisation "Papyrus" mettant en cause J______.

d.a. À la police, A______ a reconnu avoir séjourné et travaillé en Suisse sans les autorisations nécessaires avant sa demande "Papyrus". Il avait obtenu, pour la première fois, un visa touristique pour entrer en Suisse en 2002. Au total, il avait eu quatre ou cinq visas de ce type, émis par les autorités allemandes et grecques. À Genève, il avait logé avec des compatriotes qui se trouvaient dans la même situation que lui. Il avait toujours travaillé de manière non déclarée en Suisse, ne pensant pas qu'il était nécessaire d'obtenir une attestation de travail. Avant sa demande de régularisation dans le cadre de l'opération "Papyrus", il n'avait fait aucune démarche de ce type en Suisse. Il logeait à présent dans un appartement, dont le bail était à son nom, ceci grâce à une attestation fournie par l'OCPM dans le cadre du traitement de son dossier "Papyrus".

Depuis 2016, il travaillait pour la société I______ Sàrl, laquelle avait fait le nécessaire pour que ses cotisations soient payées. En revanche, il ignorait si, lors de ses précédents emplois, ses cotisations sociales avaient été payées. Il n'avait pas osé interroger ses employeurs à ce propos, de peur d'être licencié.

Après avoir entendu parler de l'opération "Papyrus" par l'intermédiaire d'amis et du syndicat L______, il avait souhaité régulariser sa situation en Suisse. Il avait fait appel à J______ pour préparer et envoyer son dossier, sur les recommandations d'amis qui lui avaient indiqué qu'il s'agissait d'un avocat. Il souhaitait initialement confier cette tâche à L______, mais il n'était pas parvenu à se rendre au sein de leurs bureaux en raison du fait que ceux-ci fermaient à l'heure où il finissait de travailler sur les chantiers. Lors de sa première rencontre avec J______, ce dernier lui avait demandé de récolter tous les documents nécessaires à sa demande, soit les fiches de salaires de ses précédents employeurs et tout autre document attestant de sa présence et de ses emplois en Suisse. Il lui avait remis tout ce qu'il avait en sa possession.

Il avait versé une "caution" de CHF 600.- à J______ en espèces, puis ce dernier lui avait demandé CHF 600.- supplémentaires après le dépôt de la demande. J______ l'avait appelé une semaine plus tard pour lui annoncer que "cela avait été fait". Il ne l'avait pas revu pour signer des documents. Il n'avait pas apprécié le fait que les documents aient été envoyés sans qu'il n'ait eu la possibilité de les consulter au préalable. Lorsque des informations supplémentaires sur sa situation personnelle lui avaient été demandées par la suite, J______ lui avait proposé de se charger de les envoyer contre CHF 300.-, montant qu'il avait réglé au moyen d'un bulletin de versement. J______ ne lui avait pas proposé de payer pour des documents manquants.

Il n'était pas surpris que son dossier de demande de séjour ait été dénoncé par l'OCPM, dès lors qu'il avait appris que le précité faisait beaucoup de choses comme cela, précisant toutefois que tous les documents qu'il avait lui-même remis étaient ceux qu'il avait obtenu auprès des employeurs pour lesquels il avait réellement travaillé.

Il n'avait jamais travaillé pour C______ Sàrl ni pour D______ Sàrl et ne pouvait pas s'exprimer au sujet des documents établis au nom de ces sociétés, qu'il n'avait jamais vus. Il avait constaté que certaines entreprises pour lesquelles il avait travaillé ne figuraient pas sur son certificat AVS. Il n'avait jamais vu le courrier du 19 juillet 2017 adressé à l'OCPM, lequel avait sans doute dû être rédigé et envoyé par J______, étant rappelé qu'il n'avait pas vu ce que ce dernier avait envoyé. S'agissant de la capture d'écran du 26 avril 2017 retrouvée par la police dans son téléphone portable, J______ la lui avait envoyée après qu'il lui eut demandé à quelle adresse il avait envoyé sa demande de régularisation, devant alors effectuer une demande de visa.

d.b. Une confrontation a eu lieu entre J______ et A______ devant le MP le 20 septembre 2021, dans le cadre d'une procédure pénale instruite contre le premier (P/3______/2019).

d.b.a. Lors de cette audience, A______ a confirmé ne pas avoir travaillé pour les sociétés C______ Sàrl et D______ Sàrl, de sorte que les fiches de salaire établies à son nom par ces deux sociétés n'étaient pas des documents authentiques. Il avait rémunéré J______ pour préparer son dossier, non pour faire de faux documents. Il ignorait comment de telles fiches de salaire étaient parvenues dans son dossier. J______ lui avait indiqué qu'il obtiendrait son permis deux ans après le dépôt de sa demande.

d.b.b. J______ a, pour sa part, expliqué avoir préparé la demande de régularisation de A______ dans le cadre légal et ne pas être l'auteur des fausses fiches de salaire prétendument établies par C______ Sàrl et D______ Sàrl. Ces documents lui avaient été remis par A______. Il avait ensuite envoyé les documents par courrier recommandé à l'OCPM. Il ne se souvenait pas si le dossier de A______ était complet lorsqu'il l'avait envoyé, mais normalement, il y avait tous les documents. Il n'avait rien promis à A______, n'étant pas "le Bon Dieu".

d.c. À l'audience sur opposition devant le MP, A______ a contesté sa culpabilité. Cela faisait 30 ans qu'il résidait en Suisse. Il avait travaillé sans permis, mais pas par choix. Il maintenait ne jamais avoir travaillé pour C______ Sàrl et D______ Sàrl, ni n'avoir établi lui-même les faux documents émanant de ces sociétés. J______ avait déposé son dossier, sans qu'il ne le voie avant. Il l'avait rémunéré pour faire un "boulot correct".

e.a. En première instance, A______ a reconnu les infractions d'entrée illégale, de séjour illégal et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation reprochées.

Il maintenait ses précédentes déclarations selon lesquelles il n'avait jamais travaillé pour les sociétés C______ Sàrl et D______ Sàrl et ignorait quels documents J______ avait envoyés pour son compte à l'OCPM. Le contrat de travail du 1er janvier 2014 avec D______ Sàrl comportait "plus au moins" sa signature, étant précisé qu'il ne se souvenait pas d'avoir signé ce document. Il n'avait pas fourni les documents incriminés à J______. La demande de visa du 3 juillet 2018 comportait bien sa signature.

Il était possible que certaines entreprises ne l'aient pas déclaré à l'AVS, raison pour laquelle il n'y avait pas de trace de cotisations AVS entre 2012 et 2014 sur son décompte. Il avait été difficile pour lui de demander à ses employeurs de le déclarer, sous peine de perdre son emploi. Dans la mesure où il était depuis longtemps en Suisse, il pensait que dans le cadre de sa demande de séjour "Papyrus", il serait interrogé sur les raisons de l'absence de cotisations à l'AVS durant certaines périodes. Il contestait avoir tenté d'induire en erreur l'OCPM pour obtenir frauduleusement un permis de séjour.

e.b. A______ a notamment produit une copie du bail à loyer conclu, en son nom, le 31 janvier 2019, pour son logement actuel à M______ [GE].

C. a. Devant la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR), A______ a exposé n'avoir eu la possibilité de demander une régularisation qu'avec la mise en place du programme "Papyrus", à partir de 2017. Son dossier était toujours en cours d'examen. Il n'était pas d'accord avec sa condamnation pour les infractions d'entrée illégale, de séjour illégal et de travail sans autorisation entre le 7 septembre 2015 et le 8 juillet 2021, car les autorités savaient très bien où il était et, comme il cotisait aux assurances sociales, elles pouvaient très bien le localiser. Dans certaines entreprises, les patrons ne déclaraient pas les employés au statut irrégulier, indiquant que c'était trop risqué pour eux de le faire. Dès lors, ils les payaient moins bien que le salaire auquel ils avaient droit. Ainsi, tant les autorités que les patrons cherchaient à nier leur existence, malgré leur contribution au bénéfice économique de Genève par le travail qu'ils effectuaient, étant précisé qu'il payait des impôts. Ils sollicitaient pourtant uniquement la possibilité de bénéficier d'une autorisation de libre circulation.

Il se montrait formel quant au fait que J______ ne lui avait pas soumis son dossier "Papyrus" avant qu'il ne le dépose à l'OCPM, alors qu'il le lui avait demandé. L'un de ses amis lui avait dit que J______ était avocat et il avait décidé de passer par lui pour son dossier dans la mesure où il pensait qu'il pouvait l'aider sur le plan administratif. Au début, il lui avait fait confiance, mais, après quelques rendez-vous, il avait réalisé qu'il faisait des promesses. Il doutait qu'il puisse obtenir les résultats qu'il mentionnait. Il était à présent énervé contre J______, car il était concerné par une procédure pénale. Il était "sûr à 100%" qu'il n'avait jamais signé le prétendu contrat conclu le 1er janvier 2014 entre D______ Sàrl et lui-même. Il ne l'avait pas non plus remis à J______. Avant de consulter ce dernier, il savait qu'une des conditions en lien avec "Papyrus" était d'avoir séjourné en Suisse pendant dix ans, de manière ininterrompue, sans papiers. Il avait donné à J______ tous les documents qu'il avait en sa possession, dont des fiches de salaire remontant aux années 90. Il avait eu quelques doutes quant au résultat annoncé par J______ de lui obtenir un permis dans un délai de deux ans, mais il n'avait pas vu d'autre possibilité que de commencer la procédure "Papyrus". Il devait soutenir sa famille et sa situation administrative le bloquait. Il savait qu'il y avait "des trous" dans son dossier, car à certains moments, il avait dû retourner dans son pays pour s'occuper de sa famille et de l'éducation de ses enfants, mais il s'était dit qu'il allait quand même le déposer et voir ce qu'en dirait l'administration. Au vu de tout le temps qu'il avait passé en Suisse, il trouvait injuste de ne pas pouvoir bénéficier de ce programme. Pour pouvoir séjourner de manière ininterrompue pendant 10 ans, il fallait en définitive soit être emprisonné, soit être au bénéfice d'un titre permettant de circuler librement.

C'était la première fois qu'il avait affaire à la justice. Il n'avait jamais été condamné dans son pays d'origine. Au cours de sa vie, il avait toujours eu à cœur de ne pas commettre d'erreurs. Il avait travaillé de manière honnête, même lorsqu'il n'y avait pas beaucoup de travail, et ne s'était jamais adonné à des activités illégales. Il avait voulu soutenir sa famille et la protéger. D'ailleurs, il ne l'avait pas informée de la présente procédure, car il ne voulait pas l'inquiéter. Il avait du mal à comprendre ce que l'on lui reprochait. On lui disait qu'il séjournait de manière illégale, alors que, comme tout un chacun, il prenait les transports publics et faisait ses achats dans les commerces. Sa présence semblait être une atteinte à la sécurité du pays, alors que tel n'était pas le cas. Contrairement à ce que soutenait le MP, il jurait ne pas savoir auparavant que J______ faisait des choses illégales. Il faisait confiance à la justice.

b.a. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions.

S'agissant de la tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités qui lui était reprochée, l'appelant avait toujours nié avoir signé le contrat de D______ sàrl et ses déclarations devaient prévaloir sur celles de J______, lequel était connu des autorités pénales pour avoir déjà confectionné un grand nombre de faux documents de sa propre initiative. La question de savoir qui avait apposé cette signature n'avait, au demeurant, jamais fait l'objet d'une confrontation, J______ n'ayant pas été précisément interrogé sur ce point lors de l'audience du 20 septembre 2021. Aucun élément ne permettait de douter de la bonne foi de l'appelant, qui pensait que J______ était un avocat digne de confiance. Sa condamnation pour une telle infraction violait le principe in dubio pro reo.

Concernant les infractions à l'art. 115 LEI incriminées, l'OCPM faisait concrètement preuve de tolérance vis-à-vis des personnes dans la même situation que l'appelant, en les autorisant à travailler et à séjourner en Suisse sur la base de l'art. 17 al. 2 LEI, dès le dépôt de leur demande de régularisation. Au surplus, dans la mesure où il était demandé aux personnes déposant une demande "Papyrus" de prouver le fait qu'elles avaient séjourné et travaillé en Suisse pendant 10 ans, sans autorisations, pour bénéficier d'un tel programme, il y avait un non sens à les condamner ensuite pour séjour et travail illégaux, sous peine de violer le principe juridique nemo tenetur se ipsum accusare, soit le droit de ne pas s'auto-incriminer. Un tel procédé relèverait par ailleurs d'une fishing expedition illicite et d'une tromperie, rendant toute preuve en découlant inexploitable. À tout le moins dès 18 mars 2017, date du dépôt de la demande "Papyrus" de l'appelant, aucune infraction ne pouvait lui être reprochée, et il était injuste de condamner une personne pour des faits qu'elle devait prouver. Le dépôt de ladite demande avait permis à l'appelant d'obtenir une autorisation temporaire de travail et la possibilité de voyager et de revenir en Suisse à l'aide de visas de retour.

b.b. A______ dépose des conclusions en indemnisation, sollicitant l'octroi d'une indemnité de CHF 1'077.- pour ses frais de défense, correspondant à 5h00 d'activité au tarif horaire de CHF 200.-, audience d'appel comprise, et TVA (CHF 77.-) incluse.

c. Le MP s'en rapporte à justice s'agissant de l'infraction à l'art. 115 LEI pour la période postérieure au dépôt de la requête "Papyrus" de l'appelant et, pour le surplus, persiste dans ses conclusions.

La pratique du MP par rapport à la poursuite des infractions à l'art. 115 LEI dans le cadre des procédures "Papyrus" avait changé depuis quelques mois. En effet, il convenait de considérer qu'à compter de sa demande de régularisation, le demandeur était au bénéfice d'une autorisation de travail. L'OCPM adressait du reste, dans ce cas, une confirmation à l'employeur selon laquelle l'employé avait demandé le programme "Papyrus". En revanche, par rapport à la période antérieure au dépôt de la demande, il convenait de retenir que les infractions à l'art. 115 LEI étaient réalisées. En tout état de cause, si l'infraction à l'art. 118 LEI était réalisée, il n'y avait pas de raison de ne pas condamner le demandeur pour infraction à l'art. 115 LEI, de sorte qu'il convenait de déterminer s'il avait eu l'intention de remettre à l'autorité administrative de faux documents.

Le dossier procédural de l'appelant avait eu un traitement particulier, car il avait mis en cause J______. Il y avait donc eu une confrontation, mais celui-ci avait nié avoir confectionné les faux documents incriminés et soutenu qu'ils lui avaient été remis par appelant. L'appelant soutenait, quant à lui, l'inverse. De l'avis du MP, l'appelant savait que le fond de commerce de J______ était de faire des faux pour compléter "les trous" dans le dossier du client, afin de prouver un séjour ininterrompu de 10 ans en Suisse, et ainsi obtenir un permis. La technique de J______ était de rechercher les entreprises tombées en faillite et de faire de faux documents, anti-datés, en leurs noms. Certes, J______ était le principal faussaire, mais l'appelant savait que son dossier présentait des "trous" et il avait précisément approché ce dernier, ce qui démontrait son intention d'induire les autorités en erreur.

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

L'appel ne suspend la force de chose jugée du jugement attaqué que dans les limites des points contestés (art. 402 CPP).

1.2. En l'occurrence, le classement de la procédure s'agissant du chef d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a, b et c LEI pour la période du 1er juillet 2014 au 6 septembre 2015, de même que l'acquittement de l'appelant du chef de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP), ne sont pas contestés en appel et sont donc, d'ores et déjà, acquis.

Seule la condamnation de l'appelant des chefs d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a, b et c LEI pour la période du 7 septembre 2015 au 8 juillet 2021 et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 22 al. 1 CP cum art. 118 al. 1 LEI) demeure litigieuse.

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1145/2014 du 26 novembre 2015 consid. 1.2).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.1.2. Se rend coupable de violation de l'art. 115 al. 1 LEI, quiconque contrevient aux dispositions sur l'entrée en Suisse prévues à l'art. 5 LEI (let. a), y séjourne illégalement (let. b) ou exerce une activité lucrative sans autorisation (let. c).

En principe, l'étranger entré légalement en Suisse pour un séjour temporaire qui dépose ultérieurement une demande d'autorisation de séjour durable doit attendre la décision à l'étranger (art. 17 al. 1 LEI). Cela vaut aussi pour l'étranger résidant illégalement en Suisse qui tente de légaliser son séjour par le dépôt ultérieur d'une demande d'autorisation de séjour durable (ATF 139 I 37 consid. 2.1). Selon le message du Conseil fédéral, le requérant ne peut pas se prévaloir, déjà durant la procédure, du droit de séjour qu'il sollicite ultérieurement, à moins qu'il ne remplisse "très vraisemblablement" les conditions d'admission (FF 2002 3469 ss, p. 3535).

L'art. 17 al. 2 LEI prévoit, en effet, que l'autorité cantonale compétente peut autoriser l'étranger à séjourner en Suisse durant la procédure si les conditions d'admission sont manifestement remplies.

2.1.3. L'art. 118 al. 1 LEI sanctionne le comportement de quiconque induit en erreur les autorités chargées de l'application de la présente loi en leur donnant de fausses indications ou en dissimulant des faits essentiels et obtient, de ce fait, frauduleusement une autorisation pour lui ou pour un tiers, ou évite le retrait d'une autorisation.

L'auteur doit avoir un comportement frauduleux qui induit l'autorité en erreur relativement à un fait essentiel, ce qui amène celle-ci à accorder ou à ne pas retirer une autorisation ; il doit ainsi exister un lien de causalité adéquate entre la tromperie et l'octroi de l'autorisation de séjour au sens que si l'autorité avait eu connaissance de la vérité, elle n'aurait pas délivré ladite autorisation (AARP/327/2021 du 19 octobre 2021 consid. 2.2.1).

Le résultat de l'infraction se produit lorsque l'autorisation de séjour est accordée ; à défaut, il s'agit d'une tentative (AARP/309/2022 du 6 octobre 2022 consid. 2.3.2 ; AARP/179/2022 du 15 juin 2022 consid. 2.1.1 ; M.S. NGUYEN / C. AMARELLE [éds], Code annoté de droit des migrations, vol. II, Loi sur les étrangers [LEtr], Berne 2017, ch. 2.2 n. 10 ad art. 118).

L'infraction de comportement frauduleux à l'égard des autorités est une infraction intentionnelle ; le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2018 du 13 janvier 2022 consid. 5.1 ; AARP/309/2022 du 6 octobre 2022 consid. 2.3.2 ; AARP/179/2022 du 15 juin 2022 consid. 2.1.2).

2.1.4. L'opération dite "Papyrus", qui a pris fin au 31 décembre 2018, a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes d'un pays de l'UE/AELE, bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir : avoir un emploi, être indépendant financièrement, ne pas avoir de dettes, avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum pour les familles avec enfants scolarisés ou sinon 10 ans minimum, faire preuve d'une intégration réussie, et ne pas avoir de condamnation pénale autre que celle pour séjour illégal (ATA/1255/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5 ; ATA/1153/2022 du 15 novembre 2022 consid. 7 ; ATA/878/2022 du 30 août 2022 consid. 7 ; ATA/679/2022 du 28 juin 2022 consid. 6).

2.1.5. Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, consacré à l'art. 9 in fine Cst. ; ce principe est également rappelé à l'art. 3 al. 2 let. a CPP qui prévoit que les autorités pénales s'y conforment (arrêt du Tribunal fédéral 6B_472/2012 du 13 novembre 2012 consid. 2.1).

Le principe de la bonne foi protège ainsi le justiciable dans la confiance légitime qu'il place dans sa relation avec les autorités. Le MP pourrait avoir récemment changé de pratique quant à l'opportunité de poursuivre une infraction de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) dans l'hypothèse où un prévenu était acquitté de celle prévue par l'art. 118 LEI, dans le cadre d'une opération de régularisation comme "Papyrus", et ce pour la période pénale couverte par celle-ci. Ce raisonnement s'inscrit dans le contexte particulier où des étrangers sans autorisation sont invités par l'État à dévoiler leur situation irrégulière dans l'espoir de se voir octroyer un permis. Il paraît en effet conforme au principe de la bonne foi que les autorités pénales, qui n'auraient pas eu connaissance du séjour illégal sans la révélation volontaire de l'administré, ne le poursuive pas si celui-ci n'adopte aucun comportement frauduleux à l'égard des autorités (AARP/70/2023 du 6 mars 2023 consid. 3.1 et 3.2). Cela se justifie également au regard de la règle selon laquelle nul ne peut être contraint de s'auto-incriminer, qui constitue un principe général applicable à la procédure pénale, découlant de l'art. 32 Cst., de l'art. 14 al. 3 let. g du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II ; RS 0.103.2) et du droit à un procès équitable au sens de l'art. 6 ch. 1 CEDH (ATF 142 IV 207 consid. 8.3).

2.2.1. En l'espèce, il est établi que l'appelant a déposé, en date du 18 mars 2017, une demande d'autorisation de séjour auprès de l'OCPM, dans le cadre de l'opération "Papyrus", informant ainsi les autorités de ce qu'il se trouvait sur le sol suisse depuis plusieurs années et y travaillait, sans les autorisations requises.

Il est également constant que l'appelant s'est adressé à J______ pour préparer et déposer sa demande auprès de l'OCPM et que des faux documents, soit en particulier des certificats de salaire, ont été produits à l'appui de celle-ci.

Contrairement à ce que soutient le MP, on ne saurait déduire du seul fait que l'appelant s'est adressé à J______ pour déposer son dossier auprès de l'OCPM qu'il acquiesçait, avec conscience et volonté, à ce que de faux documents soient confectionnés et produits pour appuyer sa demande auprès des autorités.

Au contraire, différents éléments permettent d'en douter, si ce n'est de se convaincre du contraire.

En particulier, l'appelant a, d'emblée et de manière constante, contesté avoir travaillé pour les sociétés C______ Sàrl et D______ Sàrl et, dès lors, avoir signé ou remis un quelconque faux document émanant de ces sociétés à J______. À cet égard, il ne peut être tenu pour établi que la signature figurant sur le contrat produit avec D______ Sàrl soit celle de l'appelant, dans la mesure où il l'a toujours nié et qu'aucun élément ne permet d'écarter la thèse d'une imitation. Au demeurant, force est de constater que l'ordonnance pénale valant acte d'accusation ne vise que les certificats de salaire produits au titre de documents falsifiés et non ledit contrat.

Or, J______ est précisément connu des autorités pénales pour avoir falsifié des documents dans le cadre d'autres dossiers "Papyrus" qu'il avait été chargé de déposer, selon le procédé bien rôdé exposé par le MP, au contraire de l'appelant, sans antécédent judiciaire. En outre, rien ne permet d'affirmer que, début 2017, l'appelant était en mesure de connaître les procédés illégaux de J______ et qu'il s'est adressé à lui pour ce motif. L'appelant a, tel qu'il l'expose, très bien pu s'adresser à lui parce qu'il le croyait avocat et, de ce fait, précisément en mesure de présenter son dossier de la meilleure manière qui soit, malgré "les trous" existants dans les preuves de son séjour et de son travail en Suisse pour certaines périodes, ceci sur la seule base des pièces authentiques qu'il lui avait remises. L'appelant n'apparaît, du reste, jamais avoir caché ses retours dans son pays d'origine.

Malgré quelques séjours au Kosovo pour voir sa famille, l'appelant paraît avoir passé la majeure partie de son temps en Suisse depuis les années 90 et y a travaillé pour différentes entreprises depuis lors, tel qu'en atteste l'extrait de son compte individuel AVS. Il est, pour le surplus, sans antécédents judiciaires ni dettes. Dans ces conditions, il apparaît plausible que l'appelant ait pu légitimement croire que sa demande avait des chances d'aboutir, surtout si elle était motivée par un homme de loi, sans avoir nécessairement à produire de faux documents.

Enfin, l'appelant a toujours soutenu que J______ avait déposé sa demande "Papyrus" sans la lui soumettre au préalable et ce dernier n'a pas prétendu, ni prouvé, l'avoir fait. Au contraire, il apparaît que J______ s'est délibérément chargé de toutes les démarches, y compris de répondre à la demande d'informations complémentaires des autorités administratives, sans offrir à l'appelant la possibilité de valider les données transmises avant cela. Du reste, à teneur du dossier, la capture d'écran retrouvée dans le portable de l'appelant, et transmise par J______ pour attester de l'envoi de sa demande de régularisation, date du 26 avril 2017, tandis que la demande de régularisation litigieuse a été déposée le 18 mars précédent, ce qui tend encore à démontrer que J______ n'a pas soumis les documents litigieux à l'appelant avant leur transmission.

Partant, contrairement à ce qu'a initialement retenu le TP, il existe à tout le moins un doute sérieux quant au fait que l'appelant aurait participé à l'élaboration des faux documents incriminés ou acquiescé d'une quelconque façon à leur production, avec conscience et volonté. Dans ces circonstances, conformément au principe in dubio pro reo, il doit être acquitté de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 22 al. 1 CP cum art. 118 al. 1 LEI).

2.2.2. À défaut d'avoir adopté, ou tenté d'adopter, un comportement frauduleux à l'égard des autorités au sens de l'art. 118 LEI, l'appelant pouvait, suite au dépôt de sa demande "Papyrus", se prévaloir d'une autorisation de séjour et de travail temporaire des autorités administratives, tel que le concède le MP. Du reste, l'appelant a démontré avoir pu conclure un bail à son nom, grâce à une attestation fournie par l'OCPM dans le cadre du traitement de son dossier "Papyrus".

Contrairement à ce qu'a jusqu'ici soutenu le MP, dans ces circonstances, l'appelant ne saurait être également condamné pour infraction à l'art. 115 LEI pour la période antérieure au dépôt de sa demande "Papyrus". En effet, les autorités administratives et pénales n'ont manifestement eu connaissance du séjour et du travail irréguliers de l'appelant qu'au travers de sa demande de régularisation, dès lors qu'ils en constituaient les prérequis. Dans ces conditions, une condamnation de l'appelant de ce chef violerait manifestement les principes de non incrimination et de bonne foi des autorités, précédemment exposés.

En définitive, l'appelant doit également être acquitté d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a, b et c LEI pour la période du 7 septembre 2015 au 8 juillet 2021.

3. L'appel étant entièrement admis, il ne sera pas perçu de frais (art. 428 CPP a contrario).

4. 4.1.1. La question de l'indemnisation doit être tranchée après celle des frais. Dans cette mesure, la question sur les frais préjuge de celle de l’indemnisation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_262/2015 du 29 janvier 2016 consid. 1.2).

4.1.2. L'art. 429 al. 1 let. a CPP, applicable à l’appel via le renvoi de l’art. 436 al. 1 CPP, prévoit que s’il est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, le prévenu a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

4.2. En l'occurrence, l'appelant a chiffré ses conclusions en indemnisation à un montant total de CHF 1'077.-, correspondant à 5h00 d'activité de son conseil au tarif horaire de CHF 200.-, audience d'appel comprise, et la TVA (CHF 77.-).

Il convient de considérer que l’assistance de l'appelant par un avocat était in casu nécessaire et que les prestations facturées sont adéquates. Cela étant, le tarif horaire appliqué aux prestations, dont il apparaît, selon le dossier, qu'elles ont été effectuées par l'avocat-stagiaire, doit être abaissé au tarif horaire appliqué par la Cour de justice de CHF 150.- (ACPR/187/2017 du 22 mars 2017 consid 3.2 ; AARP/65/2017 du 23 février 2017).

En conséquence, l'indemnité allouée à l'appelant pour ses frais de défense sera arrêtée à CHF 807.75 (soit 5 x 150.- + CHF 57.75 de TVA).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1094/2022 rendu le 7 septembre 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/3525/2021.

L'admet.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Classe la procédure s'agissant du chef d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a, b et c LEI pour la période du 1er juillet 2014 au 6 septembre 2015 (art. 329 al. 5 CPP).

Acquitte A______ du chef de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP), d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a, b et c LEI pour la période du 7 septembre 2015 au 8 juillet 2021 et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 22 al. 1 CP cum art. 118 al. 1 LEI).

Ordonne la restitution à A______ des valeurs patrimoniales figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 1______ (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Laisse l'ensemble des frais de la procédure à la charge de l'État.

Alloue à A______ un montant de CHF 807.75 à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'État aux migrations et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

La greffière :

Dagmara MORARJEE

 

Le président :

Gregory ORCI

e.r. :

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).