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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/5474/2019

AARP/55/2023 du 20.02.2023 sur JTDP/460/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5474/2019 AARP/55/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 8 février 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/460/2022 rendu le 29 avril 2022 par le Tribunal de police,

 

et

C______, comparant par Me Dalmat PIRA, avocat, PBM Avocats SA, avenue
de Champel 29, case postale, 1211 Genève 12,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 29 avril 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 du code pénal suisse [CP]), lui infligeant une peine privative de liberté complémentaire de 12 mois, avec sursis partiel, la partie ferme en étant arrêtée à six mois et la durée du délai d'épreuve à trois ans. A______ a été condamné à payer à C______ CHF 5'000.-, avec intérêts à 5% dès le 21 octobre 2018, à titre de réparation du tort moral, ainsi qu'aux frais de la procédure.

Au terme de sa déclaration d'appel, A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement.

b. Selon l'acte d'accusation du 15 juillet 2021, il est reproché ce qui suit à A______ :

A Genève, le 21 octobre 2018, à partir d'environ 3h00 du matin, C______ et lui se sont retrouvés dans l'établissement D______ sis avenue 1______ no. ______ à E______ [GE]. A______ était le gérant de l'établissement et C______ en avait été l'exploitante. Ils ont consommé de l'alcool chacun de leur côté.

Vers 5h du matin, alors qu'ils buvaient un dernier verre après la fermeture de l'établissement et que plus personne n'était présent, A______ a saisi C______ et l'a basculée sur le bar avec force. Il s'est couché sur elle de manière à l'empêcher de bouger et de se dégager, la mettant ainsi hors d'état de résister, a saisi sa tête avec ses deux mains, l'a embrassée de force en introduisant sa langue dans la bouche de la victime, l'a mordue à cet endroit et a caressé son corps. Il a ensuite soulevé le pull de C______, a extrait son sein droit du soutien-gorge et l'a mordu. La victime a tenté par tous les moyens de le repousser, de se dégager tout en criant de douleur et en lui demandant de s'arrêter ; elle est parvenue finalement à se libérer de son emprise physique en plantant un ongle dans son corps, la douleur le faisant réagir, puis a pris la fuite en courant.

Agissant de la sorte, A______ a infligé à C______ les lésions visibles sur les cinq photographies produites et décrites dans le certificat médical du 21 octobre 2018 du Dr F______, soit des douleurs au niveau cervical, au niveau de l'avant-bras droit et de la fosse iliaque droite, une contusion avec un hématome du 1/3 moyen de la face interne de l'avant-bras droit d'environ 3 cm de diamètre ainsi qu'une contusion des deux lèvres avec une micro-plaie punctiforme de la lèvre supérieure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Au mois d'octobre 2018, C______ était l'exploitante de la discothèque "D______" ainsi que du restaurant "G______", dont A______ était le gérant, pour un salaire convenu de, selon ses déclarations, env. CHF 3'400.-/mois (déclarations à la police) ou 2'400.-/mois. Toutefois, elle n'avait été que partiellement payée et estimait l'arriéré de salaire qui lui était dû à plus de CHF 25'000.-.

b.a. Selon sa plainte à la police du 23 octobre 2018, dans la nuit du 21 au 22 octobre précédent, elle avait bu un verre avec son patron dans le restaurant. Ils s'étaient plus tard retrouvés à la discothèque vers 4h, où A______ avait bu plusieurs verres d'alcool. À 5h, après la fermeture, A______ avait dit à la sœur de C______, H______, seule autre personne encore présente, que la première avait trop bu pour conduire. Il avait pris dans son sac les clefs de son véhicule et les avait empochées puis avait insisté afin que H______ rentre avec son petit ami, qui l'attendait à l'extérieur, dormir à l'hôtel tout proche où elle logeait lors de ses passages à Genève, assurant qu'il y aurait ultérieurement accompagné C______. S'étant ainsi trouvée seule avec A______, celle-ci avait, à sa demande insistante, préparé pour A______ et elle deux "I______". Elle avait ensuite refusé de servir un second cocktail à A______. Il s'était mis en colère puis avait fait le tour du bar derrière lequel elle se tenait ; elle avait tenté de passer mais il l'avait saisie et basculée sur le plateau. Elle avait tenté de se dégager mais il était quasi couché sur elle. Il avait pris sa tête de ses deux mains et l'avait embrassée de force, enfonçant sa langue dans sa bouche en l'étouffant. Il avait mordu sa bouche et passé ses mains partout sur elle. Elle tentait de se dégager et lui criait de cesser. Il avait soulevé son pull, sorti son sein droit de son soutien-gorge et l'avait mordu. Elle avait crié de douleur. A un moment, elle avait planté dans le corps de son agresseur ses ongles, en cassant un, ce qui l'avait fait sursauter, et elle était parvenue à se libérer et à prendre la fuite en courant.

Comme il n'y avait personne à l'extérieur pour l'aider, elle avait téléphoné à sa sœur, lui avait expliqué ce qu'il s'était passé et s'était dirigée vers l'hôtel. A son arrivée, elle avait aperçu la voiture de A______ qui arrivait et s'était cachée derrière des containers. Sa sœur était sortie et avait été rejointe par le prévenu qui avait échangé quelques mots avec elle et lui avait remis les clefs de la voiture. H______ était ensuite venue vers elle et elle lui avait relaté les faits, en pleurant. A______ les avait approchées et lui avait dit qu'il n'avait jamais voulu lui faire du mal et la respectait. En pleurant, elle lui avait demandé de "dégager" et de ne pas la toucher, de sorte qu'il avait quitté les lieux. C______ était ensuite retournée à la discothèque avec sa sœur pour récupérer son sac. A______ y était arrivé simultanément. C______ avait calmé H______, qui était très en colère et lui avait demandé de rester dans la voiture, mais sa sœur l'avait suivie dans l'établissement. Malgré la présence de A______ elle avait pu récupérer ses affaires et quitter les lieux. Elle était rentrée chez elle, appelant son époux car elle était totalement paniquée. Elle avait dû s'immobiliser sur un parking pour vomir. Arrivée à son domicile, elle avait relaté ce qui lui était arrivé à son mari puis s'était effondrée. Dans l'après-midi, elle s'était rendue à l'hôpital où ses lésions avaient été photographiées et soignées.

b.b. Devant le MP, C______ a indiqué avoir bu un kir au restaurant puis deux cocktails et deux shots à la discothèque et qu'elle était "bien" mais fatiguée. Elle a confirmé ses précédentes déclarations sur le déroulement des événements, précisant qu'après être parvenue à se dégager en le blessant à l'oreille, elle avait constaté que la ceinture de A______ était détachée. Elle avait saisi son téléphone qui était posé sur le bar et s'était enfuie. A______ lui avait fait plusieurs appels vidéo, étant précisé qu'une capture d'écran de son téléphone portable liste 12 appels vidéos manqués provenant du prévenu entre 7h24 et 7h27 (C-12). Elle n'avait pas eu le sentiment qu'il était vraiment "bourré".

Ses relations avec le prévenu avaient toujours été uniquement professionnelles et il ne lui avait jamais manqué de respect. Ils ne se fréquentaient pas dans d'autres contextes, si ce n'est qu'ils avaient dîné à une reprise au restaurant, en compagnie de son époux. Travaillant dans une entreprise de maçonnerie à laquelle le prévenu faisait appel pour des chantiers, ou l'inverse, J______ était la personne qui lui avait présenté A______. A sa connaissance, les deux hommes ne se voyaient pas souvent, si ce n'est au travail. Elle avait fêté son anniversaire au D______ avec ses frère et sœur ainsi que quelques amis.

Elle avait travaillé d'abord [au restaurant] G______, durant deux-trois mois. Durant une période d'environ deux mois, elle avait enchaîné l'activité au restaurant puis celle à la discothèque, les vendredis et samedis.

Elle avait cessé de travailler pour lui et allait initier une procédure civile pour régler les rapports professionnels.

En raison des faits, elle avait dû être hospitalisée durant une semaine dans un établissement psychiatrique en mai 2019 et était sous antidépresseurs ainsi que suivie hebdomadairement par un psychiatre.

b.c. Il sied de préciser que si le certificat médical évoqué dans l'acte d'accusation, délivré le 21 octobre 2018 par le Service des urgences de l'Hôpital privé de K______ [France], ne mentionne pas de marque au sein de la partie plaignante, celui-ci a bien été photographié. En l'absence d'une telle mention dans le certificat médical, il est difficile de l'affirmer avec certitude, vu la faible qualité du cliché, mais une petite lésion à gauche du mamelon et une marque sombre sous celui-ci semblent être présentes.

c.a. A______ n'a été entendu par la police qu'un mois après les faits. Il a dit adhérer au récit de la partie plaignante concernant le début de la soirée mais contesté l'avoir agressée. Ils avaient tous deux consommé beaucoup d'alcool et il ne se souvenait plus du tout du déroulement de la fin de la nuit. Ce n'était pas sa façon de faire que d'agresser ou de demander des faveurs sexuelles de ses employées et/ou amies. Il était très choqué par un tel reproche et n'était d'ailleurs pas du tout attiré physiquement par C______ qu'il considérait comme sa sœur et dont l'époux était un ami. Elle avait pu le taquiner et il y avait une sorte de jeu de séduction entre eux, mais cela était "très platonique et surtout pas sérieux". Par ailleurs, il était marié, père de quatre enfants, et fidèle. Il ne l'avait pas forcée à boire. Il contestait l'avoir contrainte à rester après avoir tout entrepris pour écarter sa sœur.

Il avait en effet toujours payé en espèces et sans quittance le salaire de la partie plaignante. Il allait discuter avec son époux afin de régler ce qu'elle prétendait lui être dû, étant précisé qu'il l'avait rencontré le 19 novembre 2018 et lui avait remis un montant de CHF 3'000.- contre quittance.

c.b. Devant le MP, A______ a réitéré qu'il avait considéré C______ comme sa sœur, ce qui était toujours le cas, et qu'il ne se souvenait pas de ce qu'il s'était passé car il avait été complétement "bourré", à tel point qu'il avait été malade durant trois jours. Ils avaient commencé par boire chacun trois ou quatre verres de vodka au restaurant. Il avait ensuite encore bu de la vodka dans l'établissement d'un ami puis s'était rendu au D______ et avait continué de "picoler" seul puis avec C______ et sa sœur, qui l'avaient rejoint, tous buvant des shots et mélangeant les alcools. Il ne savait pas comment il était ce soir-là, mais en règle générale, lorsqu'il buvait trop, il "rigolait" tout le temps. Il se souvenait avoir pris les clefs de C______, estimant qu'elle n'était pas en état de conduire, mais ignorait s'il les lui avait rendues. Il était exact qu'il avait été blessé à l'oreille. Il s'en était rendu compte en voyant du sang sur sa chemise puis au toucher, alors que C______ avait quitté les lieux. Il s'était alors couché sur le canapé et s'était endormi, H______ avait moins bu que sa sœur. Il présentait ses excuses à la partie plaignante et était attristé par la fin de leur amitié.

Le prévenu a produit une reconnaissance de dette datée du 30 octobre 2018 aux termes de laquelle il s'est déclaré "redevable" envers C______ de la somme de CHF 36'540.- pour du salaire partiellement impayé depuis janvier 2018, ainsi que CHF 15'000.- pour "préjudice physique et morale" (sic), et s'engageait à payer les deux montants au 31 décembre 2018. L'époux et le frère de la partie plaignante lui avaient demandé de signer ce document, ce qu'il avait accepté, et il était en train de s'acquitter mensuellement des sommes reconnues. Il l'avait fait car il n'était pas intéressé par l'argent et était triste pour leur amitié. Dès lors qu'elle avait demandé de quitter son travail et demandé "cette somme", il avait accepté. L'époux de C______ lui avait dit que cela s'arrêterait là s'il signait, tant en ce qui concernait la relation professionnelle que "cette histoire", de sorte qu'il avait été surpris d'être convoqué par la police.


 

d. Des témoins ont été entendus au cours de la procédure :

d.a. J______ a exposé à la police puis au MP que son épouse l'avait appelé, aux environs de 6h-6h30 le 21 octobre 2018. Elle était à proximité de la douane de M______ [GE], en pleurs et si choquée qu'il ne comprenait pas ce qui lui était arrivé et avait initialement pensé à un accident. Lorsqu'elle était arrivée à la maison, il avait dû l'aider à se déshabiller. Elle n'était pas excessivement alcoolisée, mais lucide, fatiguée et choquée. Il avait alors remarqué qu'elle avait un ongle cassé et que sa bouche était tuméfiée. Elle avait évoqué des douleurs aux cervicales et aux bras. Elle n'avait pas donné plus d'explications et s'était couchée. Il l'avait réveillée en fin de matinée. Avec réticence et gêne, elle lui avait dit que A______ l'avait agressée sexuellement, répondant par la négative comme il lui demandait s'il y avait eu pénétration, parce qu'elle était parvenue à se débattre et prendre la fuite. Elle lui avait relaté qu'elle s'était cachée derrière des containers. J______ avait alors accompagné la partie plaignante à l'hôpital. Selon ses déclarations à la police, C______ ne lui avait pas dit que le prévenu l'avait mordue au sein droit, car elle était trop gênée, et il l'avait appris par la suite, d'une amie. Devant le MP, J______ a indiqué que, "de mémoire", elle avait un hématome sur les seins.

Bien que la confiance fut rompue, il entretenait toujours de bonnes relations avec le prévenu, l'entreprise dans laquelle il travaillait lui sous-traitant des armatures, à son initiative. C'était en effet lui qui l'avait présenté à C______ alors qu'elle souhaitait changer d'activité et dans ce contexte ils avaient pris des apéritifs ou dîné ensemble. Il avait certes eu envie d'en venir aux mains, lorsqu'il l'avait revu après les faits, mais avait compris que cela ne servirait à rien. A______ lui avait dit qu'il comprenait sa réaction mais ne se souvenait de rien car il avait trop bu. Il avait présenté des excuses malgré son amnésie ce qui, pour le témoin, revenait à un aveu.

Le témoin a confirmé que A______ ne payait pas régulièrement le salaire de son épouse. Selon ses déclarations à la police, le 19 novembre 2018, le prévenu lui avait remis "le montant de CHF 3'000.- de salaire de [son] épouse". Devant le MP, J______ a précisé qu'accompagné de son beau-frère, il avait rencontré le prévenu une semaine après les faits, ou en décembre 2018, et lui avait fait signer une reconnaissance de dette visant à "délier [C______] des factures et des loyers qui étaient encore dus". A______ s'était exécuté sans faire de difficulté. Dans l'esprit de son épouse et de lui-même, la signature de la reconnaissance de dette devait régler la fin des rapports professionnels, non le sort de la plainte pénale, qui n'avait pas du tout été discuté. Par la suite, A______ avait payé des petites sommes.

La partie plaignante n'avait jamais évoqué de comportement inadéquat de la part du prévenu par le passé. En revanche, elle était fatiguée et il la mettait sous pression, car il voulait que les affaires marchent, et elle aussi. De ce fait, elle n'était "pas bien [...] comme en dépression". Le différend civil n'avait pas été une source de problèmes avant les faits, car C______ mettait de la bonne volonté. A la date de l'audition par le MP, en septembre 2019, elle n'était plus suivie. "Moralement", il fallait que "cette histoire s'arrête" car il lui était difficile de se répéter, de même que pour lui.

d.b. N______, cousin de A______ et compagnon à l'époque des faits, puis époux, de H______, a confirmé que A______ traitait C______ avec respect. La nuit des faits, dans la discothèque, celle-ci avait consommé du champagne, dansé, rigolé et bu avec le prévenu. Après la fermeture, le témoin lui avait demandé si elle voulait partir avec sa sœur et lui mais elle avait décliné, disant qu'elle restait "avec Monsieur A______". Ce dernier avait beaucoup bu et ne tenait pas debout. H______ et lui étaient donc partis et il ne savait pas ce qu'il s'était passé par la suite. Il ne le savait du reste toujours pas, son amie ou son cousin ne lui ayant rien relaté. Il n'avait notamment pas entendu son amie parler avec sa sœur au téléphone et ni elle ni lui n'étaient retournés à la discothèque.

d.c.a. Selon H______, qui ne fréquentait plus du tout sa sœur, vraisemblablement "à cause de cette histoire", les deux femmes avaient "un peu bu" en début de soirée, au restaurant, et n'étaient donc pas avinées à leur arrivée à la discothèque, où elles avaient également bu du kir ou du O______ [cocktail], suffisamment pour être joyeuses, mais pas ivres. Néanmoins, la partie plaignante avait bu un peu plus qu'elle ou alors elle supportait moins bien l'alcool, de sorte que A______ et elle n'avaient pas souhaité qu'elle prenne sa voiture pour rentrer. Celui-ci avait donc pris ses clefs de voiture et H______ avait pensé qu'il la raccompagnerait à l'hôtel où elle-même avait pris une chambre avec son fiancé, ainsi qu'il l'avait du reste proposé. Elle était donc partie avec N______. Plus tard dans la nuit, elle avait vu que sa sœur avait tenté de l'atteindre et elle l'avait appelée. C______ était paniquée et en pleurs et lui avait dit qu'elle était au pied de l'hôtel. Le témoin était donc descendue mais ne l'avait d'abord pas trouvée avant de réaliser qu'elle était accroupie à côté des containers, en pleurs. La partie plaignante lui avait dit que A______ lui avait fait du mal sans pouvoir répondre à ses questions, vu son état. N______ les avait ensuite rejointes et A______ était également apparu, étant venu en voiture. Il avait restitué les clefs de C______, ce qui avait donné lieu à une dispute entre eux. H______ ne s'était pas opposée à ce que C______ retourne chez elle en voiture, puisqu'elle le voulait. N______ et elle avaient ramené la partie plaignante à sa voiture. Celle-ci avait reproché à sa sœur de l'avoir laissée seule avec le prévenu. Ce n'est que par la suite qu'elle l'avait appelée et lui avait expliqué qu'il l'avait agressée. Elle lui avait également envoyé une photo d'une morsure à la poitrine indiquant que c'était ce qu'il lui avait fait et qu'il l'avait aussi mordue au niveau de la bouche. H______ s'était disputée à ce sujet avec A______, mais il lui avait répondu qu'il ne se souvenait de rien.

Elle a confirmé qu'il n'y avait jamais eu de rapport de séduction entre la partie plaignante et le prévenu et qu'ils s'entendaient bien, même s'ils se disputaient, mais "de manière professionnelle" sur des questions d'organisation. Il y avait un litige financier entre eux, dont elle ne connaissait pas les détails, mais il n'était pas de nature à empêcher C______ de se rendre au D______. D'une manière générale, elle n'avait jamais entendu de reproche au sujet du comportement de A______ à l'égard des femmes.

d.c.b. Une capture d'écran a été versée à la procédure d'un message de H______ à la partie plaignante dans lequel la première indique notamment que A______ souhaitait qu'elle sache qu'il ne voulait pas lui faire du mal et "qu'il regrettait au plus haut point ce qui est arrivé mais que ce n'était pas lui".

d.d.a. P______, agent d'accueil occasionnel au D______, a affirmé que sa patronne, C______, avait beaucoup bu la nuit des faits, soit toute une bouteille de champagne, sous réserve de la coupe que lui-même avait consommée. Ensuite, elle avait pris des Q______ [cocktails au rhum] et de la R______ [eau-de-vie], dont il a précisé qu'il s'agissait un alcool très fort. A______ et elle n'avaient pas cessé de boire. A la fin de la soirée, il avait proposé à la partie plaignante de la ramener, ne souhaitant pas qu'elle prenne sa voiture, mais elle lui avait dit qu'elle restait avec A______, étant précisé qu'"il y avait beaucoup d'amitié entre eux" et qu'il les avait vu se pincer et se mordre lors d'une précédente soirée, soit à l'occasion de l'anniversaire de la partie plaignante. P______ ne comprenait pas ce qu'il s'était ensuite passé "avec cette histoire" et soupçonnait "un complot de la part de Madame". En effet, un mois plus tôt, A______ avait licencié une DJ bisexuelle que C______ avait embrassée et au sujet de laquelle J______ avait posé beaucoup de questions au témoin. Depuis lors, les relations entre la partie plaignante et le prévenu s'étaient détériorées.

Le lendemain des faits, H______ lui avait dit que sa sœur avait "pété les plombs" tout comme elle l'avait fait après l'épisode de la DJ, ce qui avait eu des implications dans leur famille.

d.d.e. Interrogés sur l'épisode évoqué par le témoin, A______ a dit avoir licencié la jeune femme en question parce qu'il l'avait surprise mettant "de l'argent dans sa poche" alors que la partie plaignante a confirmé qu'elle était bisexuelle mais affirmé ne pas voir eu de relation avec cette femme et que cela n'avait rien à voir avec les faits qu'elle avait dénoncés.

e.a. Devant le TP puis la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR), A______ a précisé que son amnésie remontait à 4h30 de la soirée. Il avait dormi sur place et était encore ivre à son réveil. Il se souvenait néanmoins avoir pris les clefs de la voiture de la partie plaignante. Il n'avait pas d'explication aux blessures évoquées dans le certificat médical hormis, selon ses dires en appel, que la partie plaignante l'avait blessé à l'oreille devant l'hôtel. Elle était soudainement venue à sa rencontre et l'avait saisi par les oreilles. Après avoir expliqué qu'il s'en souvenait, il a rectifié, disant qu'en fait, il ne savait pas trop et que cela était ce que son cousin et l'épouse de celui-ci, ou plutôt uniquement le premier, lui avai(en)t relaté. Ses dénégations reposaient sur le fait que C______ avait été comme une sœur à ses yeux et qu'il était respectueux des femmes, aucun incident n'ayant émaillé son parcours alors qu'il avait travaillé des années dans le milieu de la nuit. Il avait accepté de payer ce que demandait J______ car il travaillait avec lui et avait réglé le montant de CHF 15'000.- en plusieurs tranches de CHF 3'000.-. Pour lui, cela était en lien avec le travail fourni par la partie plaignante (déclarations de première instance) ou "pour tout ce qu'il s'était passé" sous réserve d'un mois d'arriéré de salaire en CHF 4'500.- (en appel). J______ lui avait dit que s'il signait la reconnaissance de dette, on n'en parlerait plus. Cela était avant l'ouverture de la procédure pénale ; néanmoins, il avait commencé ses paiements après ladite ouverture, parce qu'il était très ami avec l'époux de C______ et que celui-ci lui procurait beaucoup de travail. Il ne fallait donc pas en déduire qu'il reconnaissait avoir causé du tort à cette dernière.

Il ne pouvait dire pourquoi C______ aurait porté de fausses accusations à son encontre. En fait, tout au plus avait-il à l'esprit que leurs rapports n'étaient plus les mêmes depuis qu'il avait licencié la DJ.

e.b. Pour sa part, C______ s'est référée à ses précédentes déclarations, vu l'ancienneté des faits, ne pouvant notamment à ce stade prendre position sur la divergence entre son récit et celui de sa sœur s'agissant de ce qu'elle lui avait dit devant l'hôtel. Il n'y avait jamais eu de jeu de séduction entre le prévenu et elle, pas plus qu'il ne leur était arrivé de se mordre de la façon décrite par le témoin P______. Elle réitérait que la blessure à l'oreille du prévenu était intervenue à l'intérieur de la discothèque, alors qu'elle tentait d'échapper à son emprise.

Celui-ci avait payé une partie de la somme résultant de la reconnaissance de dette, en 2019. Elle ne se souvenait pas du montant mais il devait être de plus de CHF 10'000.- et correspondait à l'arriéré de salaire. L'indemnité pour tort moral de CHF 15'000.- évoquée dans ledit document concernait en revanche les faits dénoncés ; l'idée de la réclamer était venue de son époux.

Suite aux agissements dénoncés, elle avait fait des tentatives de suicide et été hospitalisée à deux reprises, en 2019 et 2020 puis suivie par un psychiatre à un rythme bihebdomadaire durant un peu plus d'un mois (TP) ou de 2019 à courant 2020 (CPAR). Elle avait tenté sans succès d'obtenir des attestation d'hospitalisation, son avocat confirmant être lui-même intervenu, sans succès, ainsi que du médecin-psychiatre. Elle avait failli perdre ses enfants à cause de cela, avait divorcé et, au stade de l'audience de jugement, ne parvenait pas à reprendre le cours de sa vie, la pandémie ayant également joué un rôle. Devant la CPAR, elle a précisé qu'elle avait mis fin au suivi n'en ressentant plus le besoin. Elle avait désormais repris le cours de sa vie, s'occupant de ses enfants et travaillant à temps partiel dans le domaine de la petite enfance.

C. a. A l'issue de l'audition des parties, à l'occasion de laquelle elle a pu constater que A______ a un gabarit imposant alors que C______ est frêle, la CPAR les a informées de ce qu'elle examinerait les fait également dans la perspective de l'art. 263 CP.

b.a. Devant la juridiction d'appel, A______ persiste dans ses conclusions, plaidant subsidiairement le bénéfice du sursis et le rejet en toute hypothèse des conclusions civiles.

Les faits qui lui étaient reprochés constitueraient un épisode tout à fait extraordinaire pour lui et les reproches de la partie plaignante pourraient avoir un lien avec le différend d'ordre financier qui les opposait ou le licenciement de la DJ. Il n'était pas pour autant soutenu que la partie plaignante avait inventé une fausse accusation pour se venger, mais elle avait pu "un peu" déformer les faits à son détriment, d'autant plus que tous deux étaient fortement pris de boisson, nonobstant les dénégations de la partie plaignante en ce qui la concernait. On ne saurait jamais ce qu'il s'était réellement passé, s'agissant d'un cas de "parole contre parole", de sorte que le doute imposait l'acquittement. Subsidiairement, il s'agirait en effet d'examiner les faits sous le prisme de l'art. 263 CP, la consommation excessive d'alcool pouvant expliquer l'absence de souvenirs du prévenu comme un passage à l'acte. En tout état, A______ devait bénéficier du sursis, vu les regrets constamment exprimés, l'ancienneté des faits et les conséquences lourdes d'une incarcération. Il n'était pas contesté que la partie plaignante avait été atteinte par les faits qu'elle dénonçait, mais il restait qu'elle n'avait été en mesure de produire aucune pièce à l'appui de ses prétentions civiles.

b.b. C______ conclut au rejet de l'appel.

Il fallait confronter la clarté et la constance de son récit, conforté par témoins et le certificat médical, à la position hésitante du prévenu, dépourvue de crédibilité compte tenu de son amnésie "sélective". L'art. 263 CP ne saurait trouver application : il était vrai que l'intéressé avait beaucoup bu, mais pas au point d'être tenu pour irresponsable, étant rappelé qu'il avait été en mesure de se déplacer et d'interagir devant l'hôtel.

Invitée à ce faire dans le mandat de comparution à elle adressé et dans l'avis d'audience destiné à son avocat, la partie plaignante n'a pas pris de conclusions en appel fondées sur les art. 433 et 436 du code de procédure pénale (CPP) ; elle a déclaré à l'ouverture des débats qu'elle y renonçait.

D. A______ est né le ______ 1974 à S______, au Kosovo, dont il est ressortissant. Il est arrivé à Genève en 1994, en qualité de réfugié, s'y est établi, a obtenu un permis d'établissement, et vit avec son épouse ainsi que leurs quatre enfants, mineurs, dont trois sont nés en Suisse. Il a encore une fille âgée de 13 ans, née hors mariage ; il ne pourvoit pas à son entretien ni n'a de contacts avec elle. Il ignore où elle se trouve depuis qu'elle a quitté le pays, avec sa mère.

Il n'a plus de famille au Kosovo, où il se rend tous les étés, hormis sa belle-mère.

Sans formation, ni diplôme, il a travaillé la nuit en tant que videur, puis en 2017 en qualité de gérant de restaurants. En parallèle, il a créé une entreprise de maçonnerie, dont il est administrateur depuis 2020, et dans laquelle il travaille. Au bénéfice de l'aide sociale durant quelques mois, depuis décembre 2021, il indique parvenir désormais à se verser un salaire mensuel brut de CHF 4'000.- de sorte qu'il ne perçoit plus que les subsides pour les primes d'assurance maladie. L'appelant souligne qu'une incarcération aurait des conséquences néfastes sur ce développement positif. Son épouse n'a pas d'activité professionnelle.

A teneur de l'extrait du casier judiciaire suisse, A______ a été condamné :

- le 24 juillet 2012, par le MP de l'arrondissement de La Côte, Morges à une peine pécuniaire de 20 jours-amende, avec sursis, ainsi qu'à une amende de CHF 400.- pour conduite d'un véhicule automobile sans le permis de conduire requis ;

- le 13 décembre 2013, par le MP de l'arrondissement de Lausanne à une peine privative de liberté de 60 jours, pour conduite dans l'incapacité de conduire et sans le permis de conduire requis ;

- le 21 mars 2014, par le MP, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, ainsi qu'à une amende de CHF 350.- pour conduite d'un véhicule automobile sans le permis de conduire requis, violation des règles de la circulation routière et conduite d'un véhicule défectueux ;

- le 5 avril 2016, par le MP, à une peine pécuniaire de 120 jours-amende pour violation d'une obligation d'entretien ;

- le 25 mars 2019, par le MP, à une peine pécuniaire de 80 jours-amende, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 640.- pour emploi d'étrangers sans autorisation au sens de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration ;

- le 28 juin 2021, par le TP, à une peine privative de liberté de 18 mois, avec sursis, pour escroquerie, tentative d'escroquerie et faux dans les titres (faits commis en avril et juin 2020) ;

- le 2 février 2022, par le MP, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, avec sursis, ainsi qu'à une amende de CHF 500.- pour détournement de retenues sur les salaires et inobservation par un tiers des règles de la procédure de poursuite pour dettes ou de faillite ;

- le 9 septembre 2022, par le MP, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende pour emploi d'étrangers sans autorisation.

E. Le défenseur d'office du prévenu dépose un état de frais facturant, pour la procédure d'appel, deux heures d'entretien avec le client, cinq heures et demi de lecture et étude du dossier en prévision des débats d'appel, lesquels ont duré une heure et 20 minutes, ainsi que la vacation à ceux-ci, et encore 20 minutes pour l'étude à venir du présent arrêt.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.1.2. Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Les preuves doivent être examinées dans leur ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_1183/2016 du 24 août 2017 consid. 1.1 ; 6B_445/2016 du 5 juillet 2017 consid. 5.1).

L'appréciation des preuves implique donc une appréciation d'ensemble. Le juge doit forger sa conviction sur la base de tous les éléments et indices du dossier. Le fait que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit insuffisant ne doit ainsi pas conduire systématiquement à un acquittement. La libre appréciation des preuves implique que l'état de fait retenu pour construire la solution doit être déduit des divers éléments et indices, qui doivent être examinés et évalués dans leur ensemble (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1169/2017 du 15 juin 2018 consid. 1.1 ; 6B_608/2017 du 12 avril 2018 consid. 3.1 et les références).

2.1.3. Les cas de « déclarations contre déclarations », dans lesquels les propos de la victime en tant que principal élément à charge et ceux contradictoires de la personne accusée s'opposent, ne doivent pas nécessairement, sur la base du principe in dubio pro reo, conduire à un acquittement. L'appréciation définitive des déclarations des participants incombe au tribunal du fond (ATF 137 IV 122 consid. 3.3 p. 127 = JdT 2012 IV p. 79 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1306/2017 du 17 mai 2018 consid.°2.1.1 ; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER [éds], Strafprozessordnung / Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2ème éd., Bâle 2014, n. 83 ad art. 10).

Les déclarations de la victime constituent un élément de preuve. Le juge doit, dans l'évaluation globale de l'ensemble des éléments probatoires rassemblés au dossier, les apprécier librement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_942/2017 du 5 mars 2018 consid. 2.1.2 ; 6B_614/2012 du 15 février 2013 consid. 3.2.5), sous réserve des cas particuliers où une expertise de la crédibilité des déclarations de la victime s'impose (ATF 129 IV 179 consid. 2.4 p. 184 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1306/2017 du 17 mai 2018 consid. 2.1.1).

Les déclarations successives d'un même témoin ne doivent pas nécessairement être écartées du seul fait qu'elles sont contradictoires ; il appartient au juge de retenir, sans arbitraire, la version qui lui paraît la plus convaincante et de motiver les raisons de son choix (arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2013 du 13 juin 2013 consid. 1.2 ; 6B_429/2008 du 7 novembre 2008 consid. 4.2.3). Dans le cadre du principe de libre appréciation des preuves, rien ne s'oppose non plus à ne retenir qu'une partie des déclarations d'un témoin globalement crédible (ATF 120 Ia 31 consid. 3 spéc. p. 39).

2.2. A l'heure d'établir les faits, il sied tout d'abord de relever que la présente affaire n'est pas véritablement un cas de "déclaration contre déclaration", dans la mesure où l'appelant n'oppose pas une version, fût-ce sous forme de simples dénégations, à celle de la victime, se contentant de mettre en avant son incrédulité face à un comportement dont il ne se pense pas capable et disant n'avoir aucun souvenir de la soirée à compter de 4h30. En définitive, il ne procède que par déduction, proposant un raisonnement, non une "parole" au sens de l'adage.

2.3.1. C'est donc essentiellement la crédibilité de la victime alléguée qu'il convient d'apprécier. Dite crédibilité est forte :

a. Son récit des faits est détaillé, cohérent et constant.

b. Il est en outre corroboré par plusieurs éléments du dossier.

Le certificat médical et les photographies attestent de lésions compatibles avec les dires de la victime, de même que les déclarations de sa sœur et de son époux, notamment sur son état de détresse aussitôt après les faits (elle était en larmes, cachée derrière des containers) puis lors et à son retour à domicile. Il y a encore la blessure à l'oreille de l'appelant, que celui-ci a confirmée, tout en disant dans un premier temps qu'il ne parvenait pas à l'expliquer, puis, au stade de l'appel, que l'intimée la lui aurait soudainement infligée, sans motif apparent, devant l'hôtel, selon un récit qu'il a attribué à son cousin (lequel pour sa part a mensongèrement déclaré ne pas avoir été présent, cf. infra c). Ces lésions et atteintes sont un élément corroborant particulièrement fort, dès lors qu'on ne comprend pas quelle pourrait en être la cause s'il fallait écarter la version de la partie plaignante. Certes, le certificat médical n'évoque pas de marque au niveau du sein, et l'époux de la partie plaignante n'a pas été univoque sur ses constatations à cet égard, mais il peut être supposé que si le médecin a pris un cliché de cette partie de l'anatomie de la jeune femme, cela était parce qu'il avait relevé un élément significatif, qu'il a omis de reporter dans le certificat. Comme mentionné supra (B.b.c), on croit d'ailleurs déceler une petite lésion à gauche du mamelon et une marque sombre sous celui-ci à l'examen de la photographie. La sœur de l'intimée a en outre dit avoir vu une image de la blessure au sein et l'appelant n'a du reste jamais tiré argument de l'absence de cette mention dans le certificat médical.

La contradiction dans les versions des deux femmes sur le moment auquel la partie plaignante a dit avoir été victime d'une agression n'a guère de portée : elle n'a pas trait au déroulement des faits eux-mêmes mais à une circonstance postérieure, au sujet de laquelle l'essentiel résulte des deux récits, soit que l'intimée a bien déclaré à sa sœur avoir été agressée par l'appelant. La divergence sur le moment de l'explication peut être dû à une défaillance de souvenirs, chez l'une ou l'autre, ce qui arrive et paraît d'autant plus compréhensible que les événements les ont perturbées toutes les deux, la partie plaignante pour des raisons évidentes, le témoin parce qu'il lui était reproché d'avoir laissé sa sœur seule avec le prévenu, ce qu'elle a pu regretter elle-même, sans oublier qu'elle s'est trouvée prise dans un conflit de loyauté, vu sa proximité avec les deux parties, étant rappelé qu'elle était à l'époque des faits la petite amie du cousin du prévenu, qu'elle a dans l'intervalle épousé.

Le prévenu a lui-même livré une narration similaire à celle de la partie plaignante jusqu'au moment où il affirme ne plus avoir de souvenir, soit jusqu'à l'incident des clefs de voiture de la partie plaignante, qu'il reconnaît avoir confisquées. Ce faisant, il a en grande partie confirmé les déclarations de la partie plaignante ce qui va dans le sens de leur crédibilité globale. L'ultérieur positionnement ambigu du prévenu est un autre élément extrinsèque au récit de la partie plaignante qui lui confère de la plausibilité, ainsi que cela sera discuté plus bas (infra consid. 2.3.2).

Enfin, les nombreux appels en absence de l'appelant lorsque la partie plaignante a quitté précipitamment la discothèque sont cohérents avec le récit d'un incident sérieux l'impliquant.

c. Les dépositions des témoins N______ et P______ ne sauraient être opposées à l'intimée, tant elles sont orientées.

Le premier, cousin du prévenu, a clairement menti, puisque, affirmant tout ignorer des faits, ce qui n'est pas plausible, il a nié avoir rejoint son amie et les parties devant l'hôtel, contrairement à leurs dires concordants.

Le second a sans équivoque admis qu'il pensait que la partie plaignante avait fomenté un "complot" à l'encontre de l'appelant, lequel était, quoi qu'il en dise, son patron, allant jusqu'à rechercher une motivation malveillante. Or, l'intimée conteste avoir échangé un baiser avec l'employée ensuite congédiée et si l'appelant a affirmé que leurs relations s'étaient dégradées suite à ce licenciement, il ne l'a fait qu'après ce témoignage opportun et sans cohérence avec ses déclarations antérieures ou postérieures, qui sont restées constantes sur le fait qu'il s'entendait bien avec la partie plaignante et regrettait d'avoir perdu une amie.

Dans ces circonstances, on ne saurait suivre la version des deux témoins selon lesquelles la partie plaignante aurait d'elle-même voulu rester avec le prévenu en fin de soirée, sans préjudice du fait que cela ne permettrait pas encore de retenir que celui-ci ne l'aurait pas agressée comme elle le décrit.

d. La question de la quantité d'alcool ingérée par la partie plaignante est sans pertinence. A supposer même qu'elle l'a minimisée, cela permettrait tout au plus d'en déduire que l'appelant n'a pas nécessairement cherché un prétexte pour rester seul avec elle, lorsqu'il s'est emparé de ses clefs de voiture, mais l'absence de préméditation n'exclurait nullement le passage à l'acte.

e. L'hypothèse d'une motivation vengeresse de l'intimée ne trouve pas d'assise suffisante dans le dossier, les deux parties ayant toujours affirmé qu'elles s'entendaient bien avant les faits, ce que la sœur et l'époux de la partie plaignante ont confirmé, malgré le différend sur l'arriéré de salaire, dont l'appelant prétend du reste qu'il ne portait guère que sur un mois de salaire, Au-delà de l'absence de crédibilité du témoin P______, on imagine mal que l'intimée puisse avoir inventé une fausse accusation parce que le prévenu avait licencié une employée pour laquelle elle éprouvait de l'attirance, et cela n'expliquerait pas les éléments à charge, notamment la présence des lésions sur les deux protagonistes.

A l'inverse, en dénonçant les faits, d'abord à sa sœur et son époux, puis aux autorités, la partie plaignante s'est exposée à des conséquences lourdes et prévisibles : elle a dû renoncer à sa collaboration avec l'appelant, sa relation avec sa sœur s'est clairement tendue, peut-être en raison du reproche de ne pas l'avoir protégée et/ou à cause de la proximité entre le fiancé de la sœur et le prévenu, la partie plaignante a dû surmonter sa gêne face à son époux, enfin elle a dû affronter la procédure pénale, ce qui est notoirement difficile.

f. La détresse de la partie plaignante aussitôt après les faits est encore un élément soutenant son récit ; elle expose avoir ensuite été fortement éprouvée dans sa santé mentale. Certes, elle n'a pas été en mesure d'étayer son propos, mais il a été au moins en partie confirmé par son époux et l'appelant lui-même ne conteste pas qu'elle a été atteinte par les faits dénoncés, à entendre la plaidoirie de son conseil.

2.3.2. Comme déjà dit, il n'est pas possible d'examiner la crédibilité du récit de l'appelant, celui-ci disant ne pas être en mesure d'en livrer, du fait d'une amnésie provoquée par une consommation massive d'alcool.

Cette explication est en elle-même douteuse, dans la mesure où il peut être raisonnablement supposé qu'en raison de son activité professionnelle dans le monde de la nuit, l'intéressé, au gabarit par ailleurs impressionnant, était habitué à boire. En outre, sa mémoire ne manque, fort opportunément, qu'à compter du moment où il s'est trouvé seul avec l'intimée.

Surtout, l'appelant a adopté une attitude très ambiguë après les faits et tout au long de la procédure. Tout en se disant incapable de se comporter de la façon décrite par la partie plaignante, il n'a cessé de lui présenter des excuses et a évoqué des vifs regrets à l'idée d'avoir perdu son amitié, ce qui serait pour le moins surprenant chez un homme convaincu d'être calomnieusement accusé d'une infraction grave. Il refuse d'affirmer que la victime a menti, soutenant tout au plus par la bouche de son conseil qu'elle a pu déformer les faits. Cela suggère l'aveu qu'ils sont au moins partiellement vrais, ou alors qu'il y aurait eu un échange intime consenti, ce que l'appelant exclut pourtant, soutenant qu'il considérait la jeune femme comme une sœur. Enfin, on ne s'explique pas pourquoi il a accepté de signer une reconnaissance de dette portant notamment sur une indemnité pour "préjudice physique et morale", ses explications à cet égard étant inconsistantes.

Cette attitude est en définitive un élément supplémentaire au crédit de la version de l'intimée conduisant à retenir que l'appelant regrette sans doute d'avoir agi d'une façon qu'il réprouve lui-même. Un tel soudain, et en effet apparemment unique, passage à l'acte peut avoir été favorisé par l'effet désinhibant de l'alcool, ce qui est un indice supplémentaire du bien-fondé de l'accusation.

2.3.3. En conclusion, il n'y a aucun motif de ne pas prêter foi au récit de l'intimée de sorte qu'il est retenu que les faits se sont bien déroulés de la façon par elle décrite et reproduite dans l'acte d'accusation.

2.3.4. Selon l'art. 263 CP, celui qui, se trouvant dans état d’irresponsabilité causée par ivresse ou intoxication dues à sa faute, aura commis un acte réprimé comme crime ou délit sera puni d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus, alternativement d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire, si la peine privative de liberté est la seule peine prévue par la disposition qui réprime le crime commis dans cet état.

L'appelant ayant affirmé aux débats d'appel qu'il se trouvait lors des faits dans un "coma éthylique", la juridiction d'appel a annoncé qu'elle examinerait le cas échéant sa culpabilité également au regard de la disposition précitée. Toutefois, rien ne permet de retenir que l'intoxication de l'appelant était telle qu'elle aurait entraîné une irresponsabilité, autrement dit, que le seuil de 3‰ de taux d'alcool dans le sang fixé par la jurisprudence aurait été atteint. S'il est indubitable que le prévenu a beaucoup bu ce soir-là, il demeure que, ainsi que déjà exposé, son gabarit lui permettait de mieux résister aux effets de l'alcool, qu'il devait avoir développé une certaine accoutumance et que la thèse même de sa perte de mémoire paraît douteuse. Il n'était en tout cas pas dans le coma, ayant pu tenter à plusieurs reprises d'atteindre la victime par téléphone puis de se déplacer, en voiture, jusqu'à l'hôtel, à sa recherche, soit avec une intention, puis retourner à la discothèque, toujours avec sa voiture. Ni la partie plaignante ni sa sœur (pas plus que son fiancé, mais il a nié avoir été présent), n'ont affirmé qu'il était incohérent ; il n'a pas eu de difficulté à restituer ses clefs à l'intimée.

Dans ces circonstances, les faits tombent bien sous le coup de la qualification juridique de contrainte sexuelle, au sens de l'art. 189 al. 1 CP, étant relevé que l'appelant n'a, à raison, pas soutenu le contraire, au-delà de son adhésion à ce que les faits soient appréhendés sous le prisme de l'art. 263 CP. Le verdict de première instance est partant confirmé.

3. 3.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

3.2. Aux termes de l'art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation (al. 2).

Selon la jurisprudence, une concentration d'alcool de 2 à 3 g ‰ entraîne une présomption de diminution de responsabilité, alors qu'une concentration inférieure à 2 g ‰ induit la présomption qu'une diminution de responsabilité n'entre pas en ligne de compte. Il ne s'agit là toutefois que de présomptions qui peuvent être renversées dans un cas donné en raison d'indices contraires (ATF 122 IV 49 consid. 1b p. 50 s. ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_136/2016 du 23 janvier 2017 consid. 2.3, 6B_616/2015 du 5 avril 2016 consid. 2.3).

3.3. À teneur de l'art. 49 al. 2 CP, si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l'auteur a commise avant d'avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement.

La fixation d'une peine d'ensemble n'est pas possible en cas de sanctions de genre différent. Ainsi, une peine privative de liberté ne peut être prononcée comme peine complémentaire d'une sanction pécuniaire (ATF 142 IV 265 consid. 2.3.2 et les références = JdT 2017 IV 129 ; ATF 138 IV 120 consid. 5.2 p. 122 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_952/2016, 6B_962/2016 du 29 août 2017 consid. 4.2).

3.4. La faute de l'appelant est sérieuse. Il s'en est pris à un bien juridique particulièrement important, soit la libre détermination en matière sexuelle. Sa victime était son employée, voire sa partenaire en affaires ; elle avait confiance en lui et il affirme l'avoir considérée comme sa sœur. Il a ainsi aussi agi au mépris de la confiance qu'elle avait en lui. Son comportement a été brutal et l'agression n'a cessé que parce que la partie plaignante a pu se dégager de son emprise, après lui avoir planté un ongle au niveau de l'oreille. Les faits ont eu des conséquences lourdes pour la victime, prévisibles tant s'agissant de la fin de leur relation professionnelle, autrement dit de la perte de l'occupation de l'intimée, que du traumatisme, tant il est constant que de tels actes sont susceptibles d'affecter sérieusement la santé mentale de la victime, même si le degré de l'atteinte peut varier d'une personne à l'autre.

L'appelant a été suivi en ce qu'il a exposé que son comportement ne correspond pas à sa personnalité et il a été admis que le passage à l'acte a sans doute été favorisé par l'effet désinhibant de l'alcool. Pour autant, aucun élément du dossier ne permet de retenir que les facultés cognitive et/ou volitive de l'intéressé étaient diminuées. Il est à cet égard renvoyé, mutatis mutandis, au considérant 2.3.4. La responsabilité du prévenu est ainsi entière mais la gravité de sa faute quelque peu tempérée par l'effet précité. Il convient également de tenir compte de ce que les actes commis sont d'une gravité relative eu égard au large spectre de ceux possibles dans ce triste domaine.

Le mobile, égoïste, était nécessairement celui de l'assouvissement d'une pulsion sexuelle.

La situation personnelle de l'appelant, au demeurant apparemment bonne au plan personnel, est sans lien avec les faits.

Ses antécédents sont mauvais, mais non spécifiques.

La collaboration à la procédure comme la prise de conscience sont difficiles à qualifier : l'intéressé s'est retranché derrière son amnésie, réelle ou feinte, mais a adopté un comportement permettant de comprendre qu'il supposait voire savait que les reproches faits étaient fondés, y compris en présentant des excuses, évoquant ses regrets et acceptant de signer la reconnaissance de dette. On ne peut que déplorer qu'il a néanmoins nié sa culpabilité jusqu'en appel et s'est opposé aux conclusions civiles de la partie plaignante, même pour l'hypothèse d'une confirmation du verdict de première instance ce qui contraste avec ledit comportement.

Eu égard aux éléments qui précèdent, une peine d'une quotité d'un an paraît adéquate. C'est cette quotité, non la nécessité d'éviter une récidive, que rien dans le dossier ne permet de craindre si ce n'est les incertitudes qui subsistent sur la prise de conscience, qui impose la peine privative de liberté comme genre de peine. Il s'ensuit qu'il y a concours rétrospectif avec la sanction de même genre prononcée le 28 juin 2021.

Il peut être supposé qu'un tribunal qui aurait eu à connaître de l'ensemble des faits aurait infligé dite peine d'un an pour la contrainte sexuelle, infraction abstraitement la plus grave, et réduit à 12 mois la peine hypothétique de 18 mois retenue pour les faits de 2020, d'où une peine d'ensemble de deux ans. Le solde de peine à prononcer au titre de peine complémentaire est partant de six mois (= [12 + 12] ./. 18).

L'appel sera, dans cette mesure admis.

4. 4.1. Une peine complémentaire, aussi dite additionnelle, peut être assortie du sursis pour autant que sa durée, ajoutée à celle de la peine de base, n'excède pas le seuil au-delà duquel cette mesure ne peut être accordée. Pour décider de l'octroi du sursis, ou du sursis partiel, le juge doit donc se fonder sur la peine globale, comprenant la peine de base, soit celle infligée pour les infractions déjà sanctionnées par un précédent jugement, et la peine complémentaire qu'il prononce. Il peut assortir cette dernière du sursis si la durée de la peine globale demeure dans les limites permettant l'octroi de cette mesure, cela quand bien même la peine de base a été prononcée sans sursis, car les perspectives d'amendement du condamné peuvent être réexaminées à l'occasion du nouveau jugement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_941/2009 du 28 janvier 2010 consid 3.2, publié in SJ 2010 I p. 329, et 6B_645/2009 du 14 décembre 2009 consid°1.1., avec référence aux ATF 109 IV 68 consid. 1 p. 69/70, 94 IV 49 et
80 IV 10).

4.2. Les conditions objectives du sursis (art. 42 al. 1 et 2 CP) restent en l'espèce réalisées et, comme par ailleurs retenu par le TP, un pronostic défavorable ne peut être posé, notamment eu égard à l'absence d'antécédents spécifiques.

Il convient partant d'admettre l'appel sur ce point également et d'octroyer à l'appelant le bénéfice du sursis, dont le délai d'épreuve sera arrêté à trois ans, durée jugée adéquate et suffisante au regard de l'ancienneté des faits et de leur caractère unique dans le parcours de vie de l'intéressé, mais aussi de sa propension à se retrancher derrière l'amnésie alléguée.

5. 5.1. Conformément à l'art. 49 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations), celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement.

L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques et psychiques consécutives à l'atteinte subie et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. Sa détermination relève du pouvoir d'appréciation du juge. En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon les critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites ; l'indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 143 IV 339 consid. 3.1 p. 342). Le juge en adaptera le montant à la gravité de l'atteinte subie et évitera que la somme accordée n'apparaisse dérisoire à la victime ; s'il s'inspire de certains précédents, il veillera à les adapter aux circonstances actuelles pour tenir compte de la dépréciation de la monnaie (ATF 141 III 97 consid. 11.2 p. 98 ; ATF 130 III 699 consid. 5.1 p. 704 s. ; ATF 129 IV 22 consid. 7.2 p. 36 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_267/2016 du 15 février 2017 consid.°8.1).

L'atteinte objectivement grave doit être ressentie par la victime comme une souffrance morale ; à défaut, aucune indemnisation ne peut lui être accordée. Pour apprécier cette souffrance, le juge se fondera sur la réaction de l'homme moyen dans un cas pareil, présentant les mêmes circonstances. Comme chaque être humain ne réagit pas de la même manière à une atteinte portée à son intégrité psychique, le juge doit se déterminer à l'aune de l'attitude d'une personne ni trop sensible, ni particulièrement résistante (ATF 128 IV 53 consid. 7a p. 71). Il incombe au prévenu de faire état des circonstances qui font qu'il a ressenti l'atteinte comme étant subjectivement grave. Pour que le juge puisse se faire une image précise de l'origine et de l'effet de l'atteinte illicite, le lésé doit alléguer et prouver les circonstances objectives desquelles on peut inférer la grave souffrance subjective qu'il ressent, malgré la difficulté de la preuve dans le domaine des sentiments (ATF 125 III 70 consid. 3a ; ATF 120 II 97 consid. 2b p. 98 ss). La gravité de l'atteinte à la personnalité suppose en tout cas une atteinte extraordinaire, dont l'intensité dépasse l'émoi ou le souci habituel, de telle sorte qu'elle peut fonder une prétention particulière contre son auteur, alors que la vie exige de chacun qu'il tolère de petites contrariétés. La fixation du tort moral procède d'une appréciation des circonstances et l'autorité compétente bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation en la matière (arrêts du Tribunal fédéral 6B_118/2016 du 20 mars 2017 consid. 6.1 ; 6B_928/2014 du 10°mars 2016 consid. 5.1, non publié in ATF 142 IV 163 ; ATF 130 III 699 consid.°5.1 p. 705).

5.2. L'intimée a subi une agression de nature sexuelle aussi soudaine que brutale de la part de celui qui était son patron voire son partenaire en affaires et avec lequel elle entretenait de bonnes relations, lui-même affirmant qu'ils étaient très proches. L'époux et la sœur de la victime ont confirmé que celle-ci était apeurée et dans un état de détresse aussitôt après les faits ; le premier a évoqué, même si ce fut avec sobriété, des difficultés persistantes plusieurs mois après leur commission, sans préjudice de ce que la jeune femme a dû tirer un trait sur sa nouvelle activité d'exploitante d'établissement. Elle a indiqué que l'atteinte à sa santé mentale a été telle qu'elle a dû être hospitalisée à deux reprises suite à des tentamens puis suivie par un psychiatre. Certes, elle n'a pas été en mesure de documenter son propos mais elle s'en est expliquée, avec l'appui de son avocat, dont la parole n'est pas dénuée de poids. Par ailleurs, il n'y a pas de raison de ne pas la croire sur ce point alors qu'elle a été jugée crédible sur le reste et que ses dires sont plausibles selon l'expérience générale de la vie (il est constant qu'une agression, qui plus est commise par une personne supposée digne de confiance, est de nature à causer un traumatisme). Du reste, l'appelant est d'autant plus mal venu de contester les prétentions civiles de la victime qu'il a reconnu, par la bouche de son avocat, qu'elle avait subi une atteinte, qu'il a lui-même, à réitérées reprises, présenté des excuses, ce qui implique, quoi qu'il en dise, qu'il admet lui avoir causé du tort, et qu'il a signé sans discuter une reconnaissance de dette portant notamment sur un montant de CHF 15'000.- pour "préjudice physique et morale".

Dans ces circonstances, il n'y a lieu ni d'annuler ni de réduire le montant de l'indemnité de CHF 5'000.- octroyée par les premiers juges, étant encore relevé que l'appelant ne soutient pas, à raison, qu'il serait excessif eu égard à la casuistique.

6. L'appelant n'obtient que partiellement gain de cause, soit sur la quotité de la peine, ce qui emporte le bénéfice du sursis. Il supportera partant 80% des frais de la procédure, comprenant un émolument d'arrêt de CHF 2'000.- (art. 428 CPP et 14 règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]), le solde étant laissé à la charge de l'État.

Vu cette issue, il n'est pas lieu de revenir sur la condamnation du prévenu à ceux de la procédure préliminaire et de première instance.

7. 7.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit (cf. art. 138 al. 1 CPP) est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, débours inclus, est de CHF 200.- pour un chef d'étude.

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. reiser / B. CHAPPUIS / F. BOHNET (éds), Commentaire romand, Loi sur les avocats, 2ème édition, Bâle 202022, n. 257 ad art. 12). Dans le cadre des mandats d'office, l'État n'indemnise ainsi que les démarches nécessaires à la bonne conduite de la procédure pour la partie qui jouit d'une défense d'office ou de l'assistance judiciaire. Il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables. Le mandataire d'office doit en effet gérer son mandat conformément au principe d'économie de procédure (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3).

7.2. En l'occurrence, deux heures d'entretien avec le client la veille de son audition sont excessives à ce stade de la procédure et en présence d'un prévenu qui de toute façon affirme ne se souvenir de rien. Il sera retenu qu'une heure était amplement suffisante pour lui décrire le déroulement des débats, répondre à ses questions et préparer l'audition. De même, vu le faible volume du dossier et sa maîtrise supposée par le défenseur d'office, censé se montrer expédient et efficace, qui venait de le plaider en première instance, seules trois heures d'activité seront admises pour la préparation de ce dernier auxdits débats. L'analyse du présent arrêt relève quant à elle de l'évaluation de l'opportunité d'un recours au Tribunal fédéral, non de la défense d'office devant les autorités cantonales.

En conclusion, la rémunération sera arrêtée à CHF 1'743.70 correspondant à six heures et 20 minutes d'activité au tarif de CHF 200.-/heure + la majoration forfaitaire de 20% (CHF 253.20) + la vacation par CHF 100.- + l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% (CHF 124.70).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement rendu le 29 avril 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/5474/2019.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP).

Le condamne à une peine privative de liberté de six mois (art. 40 CP).

Dit que cette peine est complémentaire à celle prononcée le 28 juin 2021 par le Tribunal de police du canton de Genève (art. 49 al. 2 CP).

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 43 et 44 CP).

L'avertit de ce que, s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Renonce à ordonner l'expulsion de Suisse de A______ (art. 66a al. 2 CP).

Condamne A______ à payer à C______ CHF 5'000.-, avec intérêts à 5% dès le 21 octobre 2018, à titre de réparation du tort moral (art. 49 CO).

Déboute C______ de ses conclusions civiles pour le surplus.

Condamne A______ à verser à C______ CHF 11'844.-, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure préliminaire et de première instance (art. 433 al. 1 CPP).

Donne acte à celle-ci de ce qu'elle renonce à toute indemnité pour la procédure d'appel.

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 2'370.- (art. 426 al. 1 CPP).

Pend acte de ce que le Tribunal de police a fixé à CHF 2'821.75 l'indemnité de procédure de Me B______, défenseur d'office de A______, pour ses diligences durant la procédure préliminaire et de première instance et arrête à CHF 1'743.70 celle pour la procédure d'appel (art. 135 CPP).

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 2'255.-, y compris un émolument de CHF 2'000.-.

Met 80 % de ces frais, soit CHF 1'804.- à la charge de A______ et en laisse le solde à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police ainsi qu'à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Andreia GRAÇA BOUÇA

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

2'370.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

100.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

80.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

2'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'255.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

4'625.00