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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/9373/2019

AARP/15/2023 du 18.01.2023 sur JTDP/193/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : MENACE(DROIT PÉNAL)
Normes : CP.180
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9373/2019 AARP/15/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 16 janvier 2023

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocat,

appelant et intimé sur appel joint

 

contre le jugement JTDP/193/2022 rendu le 1er mars 2022 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé sur appel principal et appelant joint

et

C______, comparant par Me D______, avocat,

intimée.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 1er mars 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de menaces (art 180 al. 1 du code pénal [CP]) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 180.- l'unité, avec un sursis de trois ans, frais à sa charge. Le TP a encore débouté A______ et C______ de leurs conclusions en indemnisation.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement, à ce que tous les frais de la procédure soient mis à charge de l'État et à ce qu'il soit fait bon accueil à ses conclusions en indemnisation.

Formant appel joint dans le délai imparti, le Ministère public (MP) conclut à ce que le prévenu soit condamné à une amende immédiate de CHF 3'240.- en sus de la peine pécuniaire prononcée.

b. Selon l'ordonnance pénale du 21 décembre 2020, il est reproché à A______ d'avoir, à Genève, le 18 mars 2019, demandé à E______, en parlant de C______, si elle n'avait pas peur "de se faire péter les genoux un soir en sortant de HP", effrayant de la sorte C______.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ était au moment des faits inspecteur principal à la Brigade G______.

C______ travaille comme inspectrice principale à la Brigade H______. A ce titre, elle a été en charge de l'aspect ______ d'une enquête dirigée contre le dénommé F______, actif dans le milieu de la prostitution, ce que A______ savait depuis septembre 2018. Dans le cadre de son enquête, elle a été amenée à rapporter à sa hiérarchie des éléments découverts en lien avec certains policiers, dont A______, une enquête étant ensuite ouverte par l'Inspection générale des services (IGS).

Au moment des faits, les relations entre les inspecteurs de la Brigade H______ et ceux de la Brigade G______ étaient dès lors tendues et l'enquête menée par C______ était un sujet fréquemment évoqué dans les locaux du Vieil hôtel de police (VHP), en particulier au sein de la Brigade G______.

b. E______, lui-même inspecteur à la Brigade H______, s'est rendu le 18 mars 2019 dans les locaux de la Brigade G______ pour participer à une patrouille et indique que A______ lui a tenu les propos à l'origine de la procédure, ce que celui-ci conteste.

Etaient alors présents dans les locaux de la Brigade G______ I______, J______, K______ et L______, certains d'entre eux s'étant retrouvés, après que les propos litigieux eurent été tenus, autour du bar de la brigade. Aucun d'entre eux n'a entendu les propos en question, mais plusieurs confirment qu'il a été question le soir des faits de l'enquête en cours à la Brigade H______.

E______ les a rapportés le 19 mars 2019 à C______ qui se trouvait alors en compagnie de son collègue M______, précisant à l'intéressée qu'il n'était pas inquiet pour ses genoux.

C______ a déposé plainte, expliquant avoir été très choquée par les propos et n'avoir pas dormi de la nuit.

c. Les propos incriminés sont relatés par C______, M______ et E______ avec de petites variations ("se faire casser les deux jambes" ou "qu'on lui brise les deux jambes" ou "les genoux"), mais toujours sous une forme interrogative. E______ n'était lui-même plus en mesure devant l'IGS de se rappeler précisément les termes entendus, mais confirmait qu'il était question, au sujet de C______, de se faire casser les genoux en sortant de HP. Il a ensuite été très précis devant le MP en relatant les termes exacts imputés à A______.

E______ indique par ailleurs que les propos ont été tenus à son arrivée, près de la porte d'entrée dans les locaux de la Brigade G______. Cela étant, la chronologie de l'arrivée des uns et des autres n'est pas décrite de manière identique par les différentes personnes entendues. A______ affirme que lorsqu'il est arrivé dans les locaux de la brigade avec K______, E______ se trouvait au bar avec J______, I______ et L______, lui-même s'y étant rendu pour prendre une bouteille d'eau. J______ explique s'être trouvé au bar avec I______, lorsque E______ et L______ étaient arrivés, K______ et A______ étant "passés à un moment donné" et restés quelques minutes. Enfin, il ne semble pas à K______ que A______ soit allé au bar après que E______ fut arrivé.

d. L'IGS a conclu son rapport en relevant que les propos relatés s'accordaient quant à leur substance et que l'enquête n'avait pas permis de confirmer ou d'infirmer que ces propos avaient bien été tenus par A______.

L'IGS relevait par ailleurs que E______ n'avait pas d'accointance particulière avec C______ ni d'aprioris négatifs ou positifs à l'égard de A______. E______ a déclaré avoir rapporté les propos conformément aux instructions reçues en lien avec l'enquête en cours, ce qui avait été difficile pour lui sachant que cela aurait des conséquences.

e. Devant le MP puis le TP, E______ a confirmé ses précédentes déclarations. Si les propos tenus relevaient de la blague, c'était alors une plaisanterie de très mauvais goût. Lui-même s'était senti mal à l'aise et avait alors voulu changer de sujet en parlant de la décoration du bar. Il avait plus tard reçu deux balances par courrier interne.

f. A______ a été muté, puis ses rapports de service résiliés.

C. a.a. Devant la Chambre pénale d'appel et révision (CPAR), A______ a persisté à contester avoir tenu les propos en cause. Peut-être que ceux rapportés avaient été tenus par l'un ou l'autre des inspecteurs présents autour du bar de la brigade, où E______ se trouvait déjà lorsqu'il s'y était lui-même rendu, étant précisé que lorsqu'il était précédemment assis à son poste de travail, il ne l'avait pas vu entrer dans la brigade. Lui-même n'avait pas participé à la discussion lorsqu'il était allé au bar, confirmant cependant que le cloisonnement entre les brigades sur l'enquête en cours était dérangeante. Le 18 mars 2019, il ignorait que C______ avait découvert dans son enquête des éléments en lien avec certains policiers dont lui-même, même s'il avait bien sûr pensé que F______ ayant été arrêté, son téléphone avait peut-être été examiné et des messages échangés entre eux découverts, ce qui ne lui posait pas problème.

Il regrettait d'avoir été dès le départ empêché de communiquer et si c'était à refaire, il passerait outre pour dire à C______ qu'elle n'avait pas de raison de s'inquiéter.

a.b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions. L'affaire avait pris une proportion exagérée, ce qui était navrant.

L'appelant refusait d'être condamné pour des propos qu'il n'avait pas tenus. Ayant contribué à donner des explications sollicitées par la Brigade H______ dès septembre 2018, il avait connaissance du fait qu'une procédure était en cours contre F______, ce dont il ne l'avait pas informé, ce qui invalidait l'idée d'une amitié entre eux. Le fait que des noms de policiers étaient apparus dans l'enquête découlait du fait qu'il leur était demandé de rentrer dans le milieu, d'être des hommes de terrain. Des liens étaient ainsi créés, F______ était par ailleurs lui-même une excellente source d'information pour toute la Brigade G______.

Le jour des faits, il ignorait faire l'objet d'une enquête et n'avait d'ailleurs été convoqué qu'en juillet 2019 au sujet de F______. Il était passé à la brigade récupérer un document. Il avait salué les personnes présentes sans participer à leur discussion, pris une bouteille d'eau et était reparti. Il n'avait aucune raison de nourrir une animosité à l'encontre de C______. Il n'en voulait d'ailleurs pas à cette dernière mais au témoin qui l'avait renseignée, dont les déclarations étaient contradictoires et versatiles.

Subsidiairement, les propos en cause ne constituaient pas des menaces au sens de l'art. 180 CP. Il n'était pas réaliste de penser que les prétendues menaces auraient pu être mises à exécution, s'agissant de propos supposément échangés entre deux inspecteurs de police. E______ avait lui-même perçu les propos comme relevant peut-être de la blague très lourde, en tout état n'avait pas été inquiet pour la plaignante.

Me B______ dépose une note d'honoraires pour la procédure d'appel en CHF 3'600.-, pour sept heures et 15 minutes d'activité de chef d'Etude à CHF 450.- de l'heure, soit quatre heures de préparation de l'audience d'appel, 45 minutes d'entretien, deux heures d'audience et 30 minutes de vacation, frais de dossier de CHF 86.30 et TVA de CHF 251.20 en sus. Il avait conclu en première instance au paiement de CHF 11'800.-, conclusion réitérée devant la CPAR.

b.a. C______ a confirmé ses précédentes déclarations. Le temps passant, elle vivait mieux les choses même si ça la travaillait. Elle a confirmé qu'instruction avait été donnée de remonter tout problème qui surviendrait en lien avec son enquête, à propos de laquelle il avait en effet été décidé de ne pas collaborer avec la Brigade G______ au vu de la problématique de la proximité du mis en cause avec un certain nombre de policiers de cette brigade.

b.b. Par la voix de son conseil, elle persiste dans ses conclusions et conclut à son indemnisation pour ses frais d'avocat.

La menace avait bien été proférée. Le témoin avait été constant sur la réalité d'une menace de porter atteinte à l'intégrité de C______, inspectrice qui avait levé le voile sur la proximité entre les policiers et F______. Le témoin avait également été clair en affirmant que l'appelant était venu vers lui pour lui demander s'il travaillait avec elle. Le témoin n'avait aucune raison de charger l'appelant. Il était crédible, n'avait pas d'animosité à l'égard de qui que ce soit et n'était pas impliqué dans l'enquête dont il ignorait les détails.

L'appelant travaillait à la Brigade G______ depuis des années avec les autres policiers présents au moment des faits. Il avait des raisons d'être inquiet de l'enquête en cours et d'en vouloir à la plaignante. Les faits auraient d'ailleurs pu être qualifiés différemment, notamment de contrainte pour avoir peut-être voulu dissuader la plaignante de procéder, et l'appelant s'en sortait au final plutôt bien.

Les propos en cause avaient clairement un caractère pénal, concernaient des lésions corporelles et avaient été pris au sérieux, dans le climat particulier de l'enquête en cours. La situation était d'autant plus choquante qu'elle impliquait un collègue. Ses dénégations mettaient à mal la théorie du dérapage ou de la blague lourde.

Me D______ dépose une note d'honoraires de CHF 8'310.46, pour 1.3 heures de collaborateur à CHF 350.- et 15.8 heures d'associé à CHF 450.- (y compris deux heures et 30 minutes d'audience d'appel qui a duré 2.5 heures) plus 2% de frais administratifs et 7.7% de TVA.

c. Le MP persiste lui aussi dans ses conclusions en condamnation à une amende à titre de sanction immédiate.

EN DROIT :

1. L'appel et l'appel joint sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. L'art. 10 al. 2 CPP consacre le principe de la libre appréciation des preuves, en application duquel le juge donne aux moyens de preuve produits tout au long de la procédure la valeur qu'il estime devoir leur attacher pour se forger une intime conviction sur la réalité d'un fait (arrêt du Tribunal fédéral 6B_348/2012 du 24 octobre 2012 consid. 1.3). Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Les preuves doivent être examinées dans leur ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_1183/2016 du 24 août 2017 consid. 1.1 ; 6B_445/2016 du 5 juillet 2017 consid. 5.1).

L'appréciation des preuves implique donc une appréciation d'ensemble. Le juge doit forger sa conviction sur la base de tous les éléments et indices du dossier. Le fait que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit insuffisant ne doit ainsi pas conduire systématiquement à un acquittement. La libre appréciation des preuves implique que l'état de fait retenu pour construire la solution doit être déduit des divers éléments et indices, qui doivent être examinés et évalués dans leur ensemble (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1169/2017 du 15 juin 2018 consid. 1.1 ; 6B_608/2017 du 12 avril 2018 consid. 3.1 et les références).

2.1.2. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. L'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3). Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.1.3. L'art. 180 CP punit pour menace celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne.

Sur le plan objectif, l'art. 180 al. 1 CP suppose la réalisation de deux conditions. Premièrement, il faut que l'auteur ait émis une menace grave, soit une menace objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime. On tient compte de la réaction qu'aurait une personne raisonnable, dotée d'une résistance psychologique plus ou moins normale, face à une situation identique (ATF 122 IV 97 consid. 2b p. 100 ; ATF 99 IV 212 consid. 1a p. 215 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_578/2016 du 19 août 2016 consid. 2.1). En second lieu, il faut que la victime ait été effectivement alarmée ou effrayée, peu importe que les menaces lui aient été rapportées de manière indirecte par un tiers. Elle doit craindre que le préjudice annoncé se réalise. L'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (arrêts du Tribunal fédéral 6B_578/2016 du 19 août 2016 consid. 2.1 ; 6B_871/2014 du 24 août 2015 consid. 2.2.2 ; 6B_820/2011 du 5 mars 2012 consid. 3).

2.2. En l'espèce, la CPAR retient, comme le premier juge, que les propos reprochés ont bien été tenus par l'appelant. Hormis des variations somme toute usuelles lorsque des témoignages sont recueillis, le témoin, la plaignante et son collègue présent lorsque les propos ont été relatés sont concordants à dire qu'il s'agissait de savoir si l'intimée n'avait pas peur de se faire casser les genoux ou les jambes. Il ressort par ailleurs du dossier que le témoin n'avait aucune raison particulière d'en vouloir à l'appelant ou de vouloir à l'opposé favoriser l'intimée. Bien au contraire, il a hésité à signaler l'incident à sa hiérarchie, conscient des difficultés que cela allait créer. Il ne l'a fait en définitive que pour respecter les directives reçues. Sa crédibilité est ainsi forte.

Cela étant, la CPAR relève que le témoin auquel ces propos ont été tenus a lui-même envisagé qu'il s'agissait peut-être d'une blague lourde, qu'il avait aussi pour instruction de signaler. Il a en tout état précisé qu'il n'avait pas été inquiet pour la plaignante. D'autre part, les propos tenus, quelle que soit la manière dont ils ont été reportés, l'ont été sous forme interrogative, laquelle pouvait être, sinon appropriée, du moins légitime compte tenu du contexte. Avec le premier juge, on admettra que les dénégations de l'appelant sont troublantes s'il s'agissait effectivement d'une blague lourde. Il n'en demeure pas moins que paraît déterminant le fait que le récipiendaire des propos n'a pas été inquiet pour la collègue visée.

Il découle de ce qui précède, en application du principe in dubio pro reo, que les propos incriminés n'étaient pas, en eux-mêmes, de nature à alarmer ou effrayer. Un élément constitutif objectif de l'infraction de menace fait ainsi défaut.

L'appelant sera dès lors acquitté et l'appel joint par conséquent rejeté.

3. 3.1. Selon l'art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné. L'art. 426 al. 2 CPP dispose néanmoins que lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.

La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais ne constitue pas la sanction d'un comportement contraire au droit pénal mais plutôt la réparation d'un dommage consécutif à un comportement fautif, en d'autres termes une responsabilité proche de celle qui découle du droit civil en cas de comportement illicite (ATF 119 Ia 332 consid. 1b p. 334 ; ATF 116 Ia 162 consid. 2c p. 168 ss). Le but est d'éviter que l'État doive assumer les frais d'une enquête ouverte en raison d'un comportement fautif d'un justiciable, ce qui serait insatisfaisant et même choquant (ATF 116 Ia 162 consid. 2d/bb p. 173). Le fardeau de la preuve incombe à l'État (arrêt du Tribunal fédéral 6B_380/2016 du 16 novembre 2016 consid. 6 et les références).

La présomption d'innocence, consacrée par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale (Cst.) et 6 par. 2 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. À cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte (ATF 144 IV 202 consid. 2.2 et les références citées).

3.2. En l'espèce, les propos tenus ont justifié l'ouverture de la procédure. Ils étaient parfaitement inappropriés dans le cadre professionnel dans lequel ils ont été proférés et dans le climat tendu qui existait alors entre les inspecteurs des deux brigades concernées. Ils ont sans aucun doute porté atteinte à la personnalité de l'intimée (art. 28 du Code civil [CC]). Au vu de ce contexte, ils ont été reportés, non seulement à l'intimée mais également à sa hiérarchie. S'il est retenu plus haut qu'ils ne sont pas en eux-mêmes de nature à alarmer ou effrayer, il n'en demeure pas moins que c'est bien l'appelant par son comportement qui a provoqué l'ouverture de la procédure.

Il y a dès lors lieu de laisser les frais de la procédure préliminaire et de première instance à sa charge.

Les frais d'appel seront en revanche laissés à la charge de l'État, vu l'issue de la procédure d'appel.

4. 4.1. L'art. 429 al. 1 let. a CPP dispose que si le prévenu est acquitté, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. Cette indemnité peut cependant être réduite ou refusée si le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci (art. 430 al. 1 let a CPP).

La question de l'indemnisation du prévenu (art. 429 CPP) doit être traitée en relation avec celle des frais (art. 426 CPP). Si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2 p. 357 ; arrêt 6B_187/2015 du 28 avril 2015 consid. 6.1.2). Le droit à l'indemnisation est ouvert dès que des charges pesant sur le prévenu ont été abandonnées (arrêts du Tribunal fédéral 6B_572/2018 du 1er octobre 2018 consid. 5.1.3 ; 6B_187/2015 précité consid. 6.1.2).

4.2. En l'espèce, l'appelant étant condamné aux frais de première instance, il ne sera pas indemnisé pour cette partie de la procédure. Pour ses frais de défense en appel, considérée globalement, la note d'honoraires produite par Me B______ semble adéquate, sous réserve du temps de préparation de l'audience d'appel, excessif pour un avocat chevronné qui connaît la cause depuis le début, temps qui sera par conséquent réduit de moitié. Le temps de l'audience d'appel sera par ailleurs arrêté à sa durée effective de deux heures et 15 minutes.

La rémunération de Me B______ sera partant arrêtée à CHF 2'665.55, correspondant à cinq heures et 30 minutes d'activité au tarif de CHF 450.-/heure, plus l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 190.55.

5. Les conclusions en indemnisation de l'intimée pour la procédure d'appel seront par ailleurs rejetées, au vu de l'acquittement prononcé et du sort des frais de la procédure d'appel (art. 433 CPP).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ et l'appel joint formé par le Ministère public contre le jugement rendu le 1er mars 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/9373/2019.

Admet l'appel principal et rejette l'appel joint.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ de menaces (art. 180 al. 1 CP).

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 3'189.-, y compris un émolument de jugement de CHF 2'000.- (art. 426 al. 1 CPP et 9 al. 1 let. d RTFMP).

Déboute A______ de ses conclusions en indemnisation pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses frais de défense pour la procédure préliminaire et de première instance.

Rejette l'action en indemnisation de C______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Laisse les frais de la procédure d'appel en CHF 1'845.- à la charge de l'État.

Alloue à A______ une indemnité de CHF 2'665.55, TVA comprise, pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses frais de défense pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

Le greffier :

Alexandre DA COSTA

 

La présidente :

Catherine GAVIN

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 


 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

3'189.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

180.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

90.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'845.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

5'034.00