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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/12990/2021

AARP/381/2022 du 19.12.2022 sur JTDP/971/2022 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : SÉJOUR ILLÉGAL;INTENTION;CONCOURS D'INFRACTIONS
Normes : LEI.115.al1; CP.12; CP.47; CP.17; CP.49
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/12990/2021 AARP/381/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 19 décembre 2022

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Jacques EMERY, avocat, ER&A, boulevard Helvétique 19, 1207 Genève,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/971/2022 rendu le 10 août 2022 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 10 août 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, à CHF 20.- l'unité, sous déduction d'un jour-amende, correspondant à un jour de détention avant jugement, pour infractions à l'art. 115 al. 1 let. b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI), frais de la procédure, y compris l'émolument complémentaire de jugement, à sa charge.

A______ entreprend intégralement ce jugement et conclut, principalement, à son acquittement, avec ses conséquences, et, subsidiairement, au prononcé d'une peine pécuniaire plus clémente, à CHF 10.- l'unité, assortie du sursis complet.

b. Selon l'ordonnance pénale du Ministère public (MP) du 22 septembre 2021, valant acte d'accusation, il est reproché à A______ d'avoir, à Genève, depuis le 24 janvier 2020, lendemain de sa dernière condamnation, jusqu'au 27 juin 2021, date de son interpellation par l'Administration fédérale des douanes, persisté à séjourner et à travailler en Suisse, sans être au bénéfice des autorisations nécessaires et d'un document d'identité reconnu.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ a été interpellé le 27 juin 2021, à 11h25, à Plan-les-Ouates à la sortie de l'autoroute A1, alors qu'il était démuni de pièce d'identité valable et qu'il séjournait illégalement en Suisse depuis 2008.

b.a. Au cours de la procédure préliminaire, A______ a déclaré vivre en Suisse depuis 1990, pays dans lequel il n'avait aucune famille, résider au chemin 1______ no. ______, [code postal] Genève, travailler en qualité d'apprenti brocanteur depuis 25 ans et percevoir à ce titre environ CHF 2'000.- par mois. Il ne bénéficiait d'aucune autorisation de séjour et n'avait jamais pensé retourner dans son pays d'origine. Il avait entrepris des démarches pour être régularisé avant son arrestation ; il avait consulté un avocat dès 2015 et déposé une demande de naturalisation, refusée en décembre 2020, si bien qu'il avait à nouveau contacté son conseil. Un des obstacles à l'obtention de son permis de séjour résidait dans le fait qu'il était dépourvu d'un passeport valable, l'Algérie refusant de délivrer un tel document aux personnes en situation illégale à l'étranger. Son conseil avait essayé d'obtenir une copie de ses documents d'identité par le biais de l'Office cantonal de la population et des migrations à Genève (OCPM). Il souhaitait ne plus résider en Suisse dans l'illégalité.

b.b. Devant le premier juge, A______ a reconnu les faits reprochés. Il devait subvenir à ses besoins, raison pour laquelle il avait travaillé en Suisse. Il s'était rendu à plusieurs reprises au bureau des étrangers dans le canton de Vaud et à l'OCPM pour régulariser sa situation administrative, en vain. Il avait déposé une demande "PAPYRUS", sans jamais obtenir de réponse. Ce n'était ainsi pas de sa faute s'il séjournait illégalement en Suisse, reprochant à l'OCPM de n'avoir fait aucune démarche suite à sa requête. Il entendait déposer une nouvelle demande de régularisation et, même, de naturalisation.

c. Dans la cadre de la procédure, A______ a notamment produit les courriers :

-       de l'OCPM du 14 décembre 2020, qui constate qu'il n'est pas légitimé à déposer une demande de naturalisation ordinaire ;

-       de son ancien conseil du 30 juin 2021, qui atteste avoir reçu le concerné avant son arrestation pour entamer une procédure de régularisation et du dépôt, à cette date, d'une telle demande, avec prière à l'OCPM de solliciter une copie du passeport de son mandant ;

-       du Service de la population du canton de Vaud du 18 janvier 2022 l'informant de ce que, faute de lieu de séjour en Suisse connu depuis le 6 aout 2000, dite autorité ne peut pas entrer en matière sur sa demande de régularisation du 5 août 2021, avec pour conséquence que le prévenu était tenu de quitter la Suisse immédiatement suite aux décisions de renvoi rendues par les autorités fédérales après le rejet de sa demande d'asile ;

-       du Secrétariat d'État des migrations (SEM) du 18 février 2022, refusant la demande de changement de canton du 16 septembre 2021, faute d'approbation des cantons concernés, le dossier ayant été attribué à celui de Vaud suite au dépôt de sa demande d'asile du 18 juillet 1991, laquelle, rejetée, a engendré le renvoi du prévenu par décision du 16 octobre 1991 ;

-       du Consulat général d'Algérie du 22 juin 2022, dont il ressort que, pour regagner le territoire national, les ressortissants algériens doivent être munis d'un passeport, d'une carte d'identité nationale, d'un laissez-passer périmé ou d'un livret militaire. Conformément à l'Accord sur la circulation des personnes du 3 juin 2006, le Consulat général délivre un laissez-passer consulaire aux ressortissants algériens en séjour illégal en Suisse, s'ils sont formellement identifiés, ce qui n'était pas le cas de A______, inconnu des services algériens, aucune demande d'identification en son nom n'ayant été formulée par le SEM.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite, avec l'accord des parties.

b. Dans son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions. Il devait être acquitté des chef d'infractions à la LEI dans la mesure où les articles 12 et 17 CP excluaient sa punissabilité. Il n'avait aucune volonté de demeurer en Suisse mais, faute de documents d'identité, il se trouvait dans l'impossibilité objective de quitter le territoire et de retourner en Algérie. Il devait par ailleurs être mis au bénéfice de l'état de nécessité car son travail lui servait uniquement à subvenir à ses besoins primaires.

En tout état, en le condamnant, les autorités suisses avaient violé la Directive sur le retour puisqu'il n'avait fait l'objet d'aucune démarche en vue de son renvoi et ce, malgré la durée de son séjour en Suisse, qui avoisinait les 30 ans.

Pour la fixation de la peine, le TP avait omis de tenir compte de son minimum vital pour calculer le montant du jour-amende. Sa situation financière n'ayant pas évolué depuis ses dernières condamnations, pour lesquelles un montant de CHF 10.- avait été retenu, le premier juge ne pouvait pas arrêter le montant du jour-amende à CHF 40.-.

Enfin, ses antécédents étaient insuffisants pour conclure à un pronostic défavorable. Il était dans l'impossibilité de régulariser sa situation administrative en raison de l'attribution de son dossier aux autorités vaudoises, alors qu'il était domicilié à Genève depuis 1999. Les deux cantons se renvoyant systématiquement la compétence, la problématique de sa régularisation définitive perdurait, ce qui ne pouvait pas lui être imputé à faute. Son renvoi étant impossible, la peine infligée n'était pas à même de modifier sa situation.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué. L'appelant, qui ne bénéficiait d'aucune autorisation pour séjourner et travailler en Suisse, persistait à y rester par pure convenance personnelle, étant relevé que ses frères vivaient en Algérie et qu'il refusait d'y retourner. Ses antécédents étaient spécifiques.

d. Le TP ne formule pas d'observations et se réfère au jugement entrepris.

D. a. A______, ressortissant algérien né le ______ 1965, est célibataire et sans enfant. Il est domicilié en Suisse depuis 1990 et, à Genève, depuis 1998. En juillet 1991, il a déposé une demande d'asile, refusée. Il n'a jamais voulu rentrer en Algérie, pays où vivent ses frères, sa sœur étant domiciliée à B______ [France]. Depuis son établissement à Genève, il travaille en qualité de pucier/brocanteur indépendant pour un revenu moyen de CHF 2'000.- par mois. Son loyer mensuel s'élève à CHF 550.- et il s'acquitte d'un montant de CHF 50.- par mois pour rembourser une dette de CHF 1'300.- auprès du Service des contraventions. Il n'a ni assurance-maladie ni fortune.

b. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, il a été condamné le 14 décembre 2015 par le TP, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, à CHF 10.- l'unité, avec sursis durant deux ans, pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation (1er mai 2008 au 6 mars 2015), ainsi que le 23 janvier 2020 par le MP, à une peine pécuniaire de 150 jours-amende, à CHF 10.- l'unité, pour entrée illégale, séjour illégal et activité lucrative sans autorisation (15 décembre 2015 au 3 octobre 2019).

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. La présomption d'innocence, ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, sont garantis par les art. 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH), 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.) et 10 CPP. Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes (ATF 138 V 74 consid. 7 p. 82 ; 127 I 38 consid. 2a p. 41).

L'appréciation des preuves implique donc une appréciation d'ensemble. Le juge doit forger sa conviction sur la base de tous les éléments et indices du dossier. Le fait que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit insuffisant ne doit ainsi pas conduire systématiquement à un acquittement. La libre appréciation des preuves implique que l'état de fait retenu pour construire la solution doit être déduit des divers éléments et indices, qui doivent être examinés et évalués dans leur ensemble (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1169/2017 du 15 juin 2018 consid. 1.1 et 6B_608/2017 du 12 avril 2018 consid. 3.1).

2.2. L'art. 115 al. 1 LEI réprime le comportement de celui qui séjourne illégalement en Suisse, notamment après l'expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé (let. b), et de celui qui exerce une activité lucrative sans autorisation (let. c).

Le séjour illégal au sens de l'art. 115 al. 1 let. b LEI est un délit de durée, un délit continu. L'infraction est achevée au moment où le séjour prend fin (ATF 135 IV 6 consid. 3.2).

L'infraction peut être à nouveau commise si, après avoir été jugé pour de tels faits, le condamné poursuit ou renouvelle son séjour illégal en Suisse. La condamnation en raison de ce délit opère une césure, de sorte que le fait pour le prévenu de perpétuer sa situation irrégulière après le prononcé d'un premier jugement constitue un acte indépendant permettant une nouvelle condamnation pour la période non couverte par la première décision (principe ne bis in idem ; ATF 135 IV 6 consid. 3.2 p. 9).

2.3.1.  Sauf disposition expresse et contraire de la loi, est seul punissable l'auteur d'un crime ou d'un délit qui agit intentionnellement (art. 12 al. 1 du code pénal suisse [CP]). Agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté (art. 12 al. 2 CP, 1ère phrase).

L'État n'est pas fondé à punir une personne du seul fait que son comportement contrevient objectivement à la norme pénale. Il faut encore que l'on puisse lui reprocher d'avoir violé la loi. La justification morale de la répression réside dans ce reproche. Il faut dès lors que l'auteur ait eu la liberté de se soumettre au droit. Le reproche résulte de ce que ledit auteur a fait un mauvais usage de sa liberté. Ce mésusage est qualifié de faute, sur laquelle est fondé le droit pénal moderne (L. MOREILLON / N. QUELOZ / A. MACALUSO / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2020, n. 3 et 4 ad art. 12).

2.3.2. L'état de nécessité constitue un fait justificatif qui ne peut être retenu que dans des situations de danger imminent (art. 17 CP). Il pourrait être envisagé lorsque l'auteur devrait violer la loi d'un autre État en conséquence de l'interdiction d'entrée en Suisse, par exemple parce qu'il est impossible pour lui de se rendre dans cet État faute de papiers (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], Commentaire romand, Code pénal II, Bâle 2017, n. 21 ad art. 291 ; M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER [éds], Basler Kommentar, Strafrecht II : Art. 137-392 StGB, Jugendstrafgesetz, 4e éd., Bâle 2019, n.  37 ad art. 291).

2.3.3. De jurisprudence constante, la punissabilité du séjour illégal selon l'art. 115 al. 1 let. b LEI suppose que l'étranger ne se trouve pas dans l'impossibilité objective – par exemple en raison d'un refus du pays d'origine d'admettre le retour de ses ressortissants ou de délivrer des papiers d'identité – de quitter la Suisse et de rentrer légalement dans son pays d'origine. En effet, le principe de la faute suppose la liberté de pouvoir agir autrement (ATF 143 IV 249 consid. 1.6.1). L'art. 115 al. 1 let. b LEI est en revanche applicable lorsqu'un retour dans le pays d'origine est en principe possible. Tel est le cas lorsqu'un départ de Suisse n'est pas exclu par des circonstances externes, sur lesquelles ni l'intéressé ni l'autorité n'ont d'influence, mais ne peut pas intervenir uniquement parce que l'étranger concerné ne veut pas quitter la Suisse et fait échouer toute possibilité de retour légal dans son pays d'origine, notamment en se refusant à collaborer dans la mesure que l'on peut attendre de lui et en ne présentant pas les papiers nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 6B_372/2016 du 22 mars 2017 consid. 2 et les références).

2.4. Il est établi et admis que l'appelant a séjourné et travaillé en Suisse alors qu'il n'était pas au bénéfice des autorisations nécessaires.

Il ne ressort nullement du dossier qu'avant son arrestation, en janvier 2020, l'appelant aurait entrepris des démarches visant à faire reconnaître sa nationalité algérienne ou à obtenir des papiers d'identité de son pays d'origine, quel qu'il soit, des documents de voyage ou une quelconque aide des autorités suisses en vue d'organiser son retour. Pourtant, assisté, selon ses dires, d'un avocat depuis 2015, il aurait eu les moyens d'entreprendre certaines démarches afin d'établir sa supposée nationalité algérienne, étant relevé que le dépôt d'une demande "PAPYRUS" n'a pas été démontré et que ses demandes d'asile et de naturalisation ordinaire sont insuffisantes à cet égard. En effet, outre le fait qu'elles ont été rejetées, elles n'avaient aucune chance de succès, à tout le moins pour la dernière, les conditions de base faisant défaut.

S'il démontre avoir entrepris, par l'intermédiaire de son conseil, des démarches pour régulariser sa situation en Suisse, celles-ci sont postérieures à la commission de l'infraction reprochée et ne permettent pas à l'appelant de rester sur le territoire suisse dans l'attente d'être fixé sur son sort, un étranger résidant illégalement en Suisse qui tente de légaliser son séjour par le dépôt ultérieur d'une demande d'autorisation de séjour durable devant attendre la décision à l’étranger (arrêt du Tribunal fédéral 6B_173/2013 du 19 août 2013 consid. 2.4).

En tout état, l'appelant n'a pas effectué les démarches utiles et nécessaires en vue de son retour en Algérie. Il a uniquement cherché à justifier son séjour en Suisse, alors qu'il se savait en situation illégale. Ce n'est qu'en juin 2022 qu'il s'est renseigné sur les modalités d'un tel retour, étant rappelé que le Consulat général d'Algérie a souligné qu'il n'avait formulé aucune demande d'identification auprès du SEM en vue d'obtenir un document lui permettant de concrétiser son retour et que, conformément à l'Accord entre le Conseil fédéral de la Confédération suisse et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur la circulation des personnes du 3 juin 2006 (RS 0.142.111.279), il existait d'autres alternatives pour que les autorités algériennes valident son entrée sur le territoire et ce, même en l'absence de document d'identité.

Or, l'appelant n'a pas l'intention d'effectuer une quelconque démarche dans ce sens puisqu'il entend uniquement déposer une nouvelle demande de régularisation et même de naturalisation, alors qu'il sait, pour avoir déjà déposé ce type de requête, qu'elles n'ont aucune chance de succès.

Dans ces conditions, l'appelant ne démontre pas que son absence de papiers d'identité constituerait une impossibilité objective de quitter la Suisse et impliquerait l'absence d'intention. Au contraire, cette situation semble résulter de son seul fait et de l'absence de démarches utiles entreprises par l'intéressé pour y remédier.

Ses précédentes condamnations pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation, dont la période pénale débute dès 2008, confirment que l'appelant n'a en réalité jamais eu l'intention de quitter le territoire suisse, ce qu'il a d'ailleurs admis par-devant le TP en arguant n'avoir jamais pensé à rentrer en Algérie.

Les art. 12 et 17 CP ne trouvent donc pas application, dès lors que c'est par sa propre faute et de son propre chef, que l'appelant reste sur le territoire helvétique et y travaille illégalement.

Ainsi, le comportement de l'appelant est constitutif de séjour illégal et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation, étant relevé que la jurisprudence de la Directive sur le retour ne fait pas obstacle au prononcé d'une condamnation pour ces chefs, mais influence le choix de la peine à prononcer (cf. infra consid. 3.4).

Sa culpabilité sera partant confirmée et l'appel rejeté sur ce point.

3. 3.1.1. L'art. 115 al. 1 let. b LEI est sanctionné par une peine privative de liberté d'un an au plus ou par une peine pécuniaire.

3.1.2. En vertu du principe de la culpabilité sur lequel repose le droit pénal, les peines prononcées dans plusieurs procédures pénales en raison de l'effet de césure ne peuvent dépasser la peine maximale prévue par la loi pour l'infraction en question (ATF 135 IV 6 consid. 4.2 p. 11). Lorsque le juge choisit de prononcer une peine pécuniaire, il doit déterminer combien d'unités pénales ont déjà, par le passé, été infligées au prévenu en raison du délit continu et ne peut dépasser le seuil maximal de 180 jours-amende prévu par l'art. 34 al. 1, 1re phrase, CP (ATF 145 IV 449 consid. 1).

Pour prononcer une nouvelle condamnation en raison d'un délit continu et pour fixer la peine sans égard à la durée de l'infraction déjà prise en compte dans un jugement antérieur, il faut que l'auteur, après la première condamnation, prenne une nouvelle décision d'agir, indépendante de la première. En l'absence d'une telle décision, et lorsque la situation irrégulière qui doit faire l'objet d'un nouveau jugement procède de la même intention que celle qui a présidé aux faits déjà jugés, la somme des peines prononcées à raison du délit continu doit être adaptée à la culpabilité considérée dans son ensemble et ne pas excéder la peine maximale prévue par la loi (ATF 135 IV 6 consid. 4.2 p. 11 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_715/2015 du 21 mars 2016 consid. 2.6 ; 6B_1226/2013 du 31 mars 2014 consid. 1.1). Si les condamnations prononcées antérieurement atteignent ou dépassent cette limite, le prévenu est condamné à une peine de quotité nulle (ATF 145 IV 449 consid. 1.5 ss).

3.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Celle-ci doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1), ainsi que l'effet de la peine sur son avenir. L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

Bien que la récidive ne constitue plus un motif d'aggravation obligatoire de la peine (art. 67 aCP), les antécédents continuent de jouer un rôle très important dans la fixation de celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1202/2014 du 14 avril 2016 consid. 3.5). En général, la culpabilité de l'auteur est amplifiée du fait qu'il n'a pas tenu compte de l'avertissement constitué par la précédente condamnation et sa rechute témoigne d'une énergie criminelle accrue (R. ROTH / L. MOREILLON [éds], Code pénal I : art. 1-100 CP, Bâle 2009, n. 55 ad art. 47 CP). Une série d'infractions semblables pèse plus lourd que des actes de nature différente (M. DUPUIS et al. [éds], op. cit., n. 5 ad art. 47).

3.3. Selon l'art. 49 CP, si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion (al. 1). S'il doit prononcer une condamnation pour une infraction que l'auteur a commise avant d'avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement (al. 2).

3.4. Selon la Directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (Directive sur le retour 2008/115/CE), intégrée au droit suisse par l'arrêté fédéral du 18 juin 2010 (RO 2010 5925) et la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne y relative (ci-après : la CJUE, arrêt du 28 avril 2011 C-61/11 PPU EL DRIDI), le prononcé d'une peine pécuniaire du chef de séjour illégal est toujours envisageable (arrêt de la CJUE du 6 décembre 2012 C-430/11 SAGOR). Tel n'est pas le cas du prononcé d'une peine privative de liberté. Une sanction de ce type ne peut, en effet, être infligée que pour autant qu'une procédure administrative de renvoi ait été, préalablement, menée à son terme sans succès contre le ressortissant étranger et que ce dernier demeure sur le territoire concerné sans motif justifié de non-retour (arrêt de la CJUE du 28 avril 2011 C-61/11 PPU EL DRIDI). La CJUE a toutefois précisé que les ressortissants de pays tiers ayant, outre le délit de séjour irrégulier, commis un ou plusieurs autres délits, pouvaient le cas échéant, en vertu de l'art. 2, paragraphe 2, sous b, de la Directive sur le retour, être soustraits au champ d'application de la directive (arrêt du 6 décembre 2011 C- 329/11 Achughbabian, ch. 41).

3.5. Conformément à l'art. 34 CP, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende, le juge fixant leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). Un jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus. Exceptionnellement, si la situation personnelle et économique de l'auteur l'exige, il peut être réduit à CHF 10.-. Le juge en arrête le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).

Le montant du jour-amende doit être fixé en partant du revenu que l'auteur réalise en moyenne quotidiennement, quelle qu'en soit la source, car c'est la capacité économique réelle de fournir une prestation qui est déterminante (ATF 142 IV 315 consid. 5.3.2 p. 320 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_133/2018 du 27 juillet 2018 consid. 3.1). Ce qui est dû en vertu de la loi ou ce dont l'auteur ne jouit pas économiquement doit en être soustrait. Il en va ainsi des impôts courants, ou encore des cotisations à l'assurance-maladie et accidents obligatoires (ATF 142 IV 315 consid. 5.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_133/2018 du 27 juillet 2018 consid. 3.1). La situation à prendre en compte est celle existant au moment où le juge du fait statue (ATF 142 IV 315 consid. 5.3.2).

En règle générale, les intérêts hypothécaires et les frais de logement ne peuvent pas être déduits (ATF 134 IV 60 consid. 6.4 ; ATF 142 IV 315 consid. 5.3 ; 6B_845/2009 du 11 janvier 2010 consid. 1.1.4 in SJ 2010 I 205).

Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation lui permettant de procéder à une estimation du montant du jour-amende en fonction des informations dont il dispose (arrêts du Tribunal fédéral 6B_133/2018 du 27 juillet 2018 consid. 3.1 ; 6B_568/2012 du 16 novembre 2012 consid. 2.1).

3.6. Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

Le juge doit poser un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain. Pour formuler un pronostic sur l'amendement de l'auteur, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère du prévenu et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1).

3.7.1. La faute de l'appelant n'est pas négligeable. Il persiste, depuis de nombreuses années et malgré ses précédentes condamnations, à séjourner et à travailler en Suisse dans l'illégalité. Il agit par pure convenance personnelle, soit pour des mobiles égoïstes et au mépris des règles en vigueur.

Il y a concours d'infractions, facteur d'aggravation de la peine.

Sa collaboration est sans particularité, dans la mesure où il ne pouvait guère contester les faits. Sa prise de conscience de l'illicéité de ses actes est faible puisqu'il nie toute responsabilité, reprochant à l'OCPM une absence de réactivité, alors que les démarches entreprises sont vouées à l'échec. Sa situation personnelle ne justifie pas ses agissements et ne saurait en tout cas pas constituer un prétexte pour se complaire dans sa situation illicite en Suisse en cherchant à se délester de toute faute alors qu'il n'entreprend pas lui-même toutes les démarches utiles pour y remédier.

Ses antécédents pénaux sont mauvais et spécifiques. Il n'a pas appris de ses précédentes condamnations.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, la Directive sur le retour n'a aucunement été violée dès lors qu'une peine pécuniaire a été prononcée à son encontre pour les faits reprochés et non une peine privative de liberté.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le TP a prononcé ce type de peine pour réprimer le comportement de l'appelant.

3.7.2. Compte tenu de ce qui précède et bien que les infractions à la LEI sont, abstraitement, d'égale gravité, il sera considéré que l'infraction la plus grave est celle de séjour illégal – celle-ci ayant nécessairement entraîné l'autre –, qui est adéquatement sanctionnée par une peine de base de 60 jours-amende. Cette peine doit être augmentée de 30 jours-amende pour tenir compte de l'exercice d'une activité lucrative sans autorisation (peine hypothétique : 50 jours-amende). La peine pécuniaire de 90 jours-amende prononcée par le premier juge est ainsi justifiée et sera partant confirmée.

À toutes fins utiles, il sera précisé que, vu l'infraction dite continue de séjour illégal, le seuil maximal de 180 jours-amende n'a pas été dépassé ; l'appelant, qui a été condamné le 23 janvier 2020 par le MP pour entrée illégale, a nécessairement quitté la Suisse avant d'y revenir et a, de ce fait, renouvelé son intention délictuelle, si bien qu'il n'y a pas lieu de tenir compte de la première sanction prononcée le 14 décembre 2015 de ce chef, étant rappelé que l'appelant a été condamné qu'à une seule autre reprise (le 23 janvier 2020) à une peine pécuniaire de 150 jours-amende pour trois infractions, en concours (entrée illégale, séjour illégal et exercice d'une activité lucrative sans autorisation). La Cour estime que la part de la peine pécuniaire infligée à cette date ne peut avoir été de plus de 90 unités pour le séjour illégal (peine de base de 90 unités, aggravée de 60 unités pour l'exercice d'une activité sans autorisation (40 unités ; peine hypothétique de 60 unités) et l'entrée illégale (20 unités ; peine hypothétique de 30 unités). Le total subi à ce jour, présente peine comprise, est dès lors, au plus et selon un calcul très favorable à la défense, de 150 unités.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, la quotité du jour-amende a été fixée à CHF 20.- par le TP, et non à CHF 40.-. Ce montant est conforme à sa situation personnelle et financière, le disponible de l'appelant étant légèrement supérieur à cette somme ([son revenu CHF 2'000.- – son minimum vital de CHF 1'200.-] / 30 = CHF 26.66), étant rappelé que ni les frais de logement ni ses dettes n'entrent en considération et que l'appelant a admis n'avoir aucune assurance-maladie. Peu importe que le montant du jour-amende diffère de ses précédentes condamnations, seule la situation du prévenu au moment du jugement est pertinente.

Enfin, comme l'a, à juste titre, souligné le TP, le pronostic est défavorable. L'appelant n'a aucune intention de quitter le territoire suisse, alors qu'il connaît l'illicéité de ces actes. Une peine ferme s'impose donc.

L'appel sera partant intégralement rejeté.

4. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État, comprenant un émolument d'arrêt de CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP ; art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).

La mise à sa charge des frais de première instance sera confirmée (art. 426 CPP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/971/2022 rendu le 10 août 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/12990/2021.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 935.-, qui comprennent un émolument de CHF 800.-.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable d'infractions à l'article 115 alinéa 1 lettres b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, sous déduction d'un jour-amende, correspondant à un jour de détention avant jugement (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 20.-.

Condamne A______ aux frais de la procédure, arrêtés à CHF 500.- (art. 426 al. 1 CPP).

[ ]

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Met cet émolument complémentaire à la charge de A______."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'État des migrations et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Andreia GRAÇA BOUÇA

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'100.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

800.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

935.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'035.00