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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/5640/2020

AARP/206/2022 du 11.07.2022 sur JTCO/25/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5640/2020 AARP/206/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du lundi 11 juillet 2022

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, ______, comparant par Me C______, avocat,

D______, comparant par Me E______, avocat,

tous deux appelants,

 

contre le jugement JTCO/25/2022 rendu le 22 février 2022 par le Tribunal correctionnel,

 

et

F______, comparant en personne,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ et D______ appellent du jugement du 22 février 2022, par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) a, notamment, constaté que celui-là avait commis les faits décrits dans la demande de mesure du 24 novembre 2021 en état d'irresponsabilité, l'a soumis à un traitement institutionnel et a prononcé son expulsion obligatoire de Suisse pour une durée de cinq ans. Les premiers juges ont donné acte au prévenu de ce qu'il acquiesçait dans leur principe aux conclusions civiles de D______ et l'ont renvoyée à agir par la voie civile.

A______ déclare entreprendre le jugement dans son ensemble, tout en précisant qu'il s'oppose à ce que des mesures soient ordonnées.

D______ conclut à l'annulation partielle du jugement et à l'octroi de ses prétentions en réparation du tort moral subi, par CHF 15'000.- + intérêts.

b. Selon la demande de mesure pour prévenu irresponsable du 24 novembre 2021, il est reproché ce qui suit à A______ :

b.a. À Genève, le 18 mars 2020, vers 17h00, après s'être rendu dans l'appartement occupé par D______, au 2ème étage du 1______ [GE], A______ s'est emparé d'un couteau de cuisine et a assené, avec acharnement, plusieurs coups de couteau à la victime, notamment sur son flanc gauche, son thorax, son abdomen, zones où se trouvent des organes vitaux, son visage, sa tête (derrière l'oreille gauche), son bras gauche et sa main gauche, lui a donné plusieurs violents coups de poing au visage et à la tête ainsi que des coups de pied, et l'a frappée à la tête à l'aide d'une tour d'ordinateur à deux reprises.

En raison de ces actes, D______ a subi les lésions suivantes :

- hématome épicrânien fronto-pariétal et de l'hémiface gauche ;

- atteinte intramusculaire au niveau jugal gauche ;

- hémothorax et pneumothorax gauche avec atélectasie du lobe pulmonaire inférieur gauche ;

- lacération rénale de la lèvre antérieure du rein gauche avec hémo-rétro-périotine ;

- thrombus sub-occlusif d'une branche segmentaire inférieure de la veine rénale gauche ;

- hémopéritoine ;

- lésion du mésentère de l'angle colique gauche ;

- plaie transfixiante du péritoine au niveau de l'hypochondre gauche ;

- déchirure de la capsule de la rate ;

- section complète du muscle de l'extenseur commun du 2ème doigt gauche ;

- effraction du fascia du muscle interosseux dorsal du 2ème doigt gauche.

Les médecins-légistes ont mis en évidence les lésions suivantes:

- plaies cutanées à bord nets à la tête, au niveau du thorax, à l'abdomen et au membre supérieur gauche ;

- plaies cutanées suturées dont les bords ne sont pas appréciables au rétro-auriculaire gauche et à la face dorsale de la main gauche. Cette dernière présente au niveau de sa face externe, cinq fines dermabrasions linéaires et parallèles entre elles ;

- dermabrasions au niveau lombaire gauche (linéaire), au niveau lombaire droit, au poignet droit, au bras et du poignet gauche, à la face dorsale de la main gauche (linéaire) et au membre inférieur droit ;

- ecchymoses à la tête, à la nuque à droite, au flanc droit, à l'épaule gauche, au bras gauche, au 5ème doigt gauche et à la cuisse gauche ;

- tuméfaction de l'hémi-visage gauche.

et ont conclu que les lésions constatées avaient concrètement mis en danger la vie de la victime.

b.b. Dans ces circonstances, A______ a brisé une des vitres de l'appartement en jetant un objet à travers ou avec son poing, puis depuis cette vitre brisée, a adopté un comportement dangereux envers autrui en jetant sans scrupules divers objets, notamment un ordinateur (la tour et le clavier), le couteau qu'il tenait à la main et avec lequel il avait blessé la victime et une équerre, sur les personnes qui se trouvaient dans la rue, dont notamment un policier, les mettant ainsi en danger de mort imminent.

b.c. En jetant de la sorte divers objets, dont un ordinateur (la tour et le clavier) depuis la fenêtre de l'appartement précité, A______ a endommagé, ou à tout le moins envisagé le fait qu'il pourrait endommager et l'a accepté comme tel, la voiture immatriculée GE 2______ au nom de G______, époux de F______, qui en est l'utilisatrice principale, correctement stationnée dans la rue au pied de l'immeuble précité, étant précisé que F______ a déposé plainte pour ces faits le 19 mars 2020.

b.d. Peu après les faits décrits ci-dessus, A______ s'est opposé à son interpellation, ne se soumettant pas aux injonctions des forces de l'ordre, si bien que les policiers ont dû braquer leur arme de service sur lui, ce qui l'a fait dans un premier temps obtempérer, mais alors que les menottes allaient lui être passées, il a refusé de se laisser faire, a résisté contraignant ainsi les policiers à pratiquer une clef de bras pour l'amener au sol. Dans les locaux de la police, il a continué à se débattre, et avant d'être conduit en salle d'audition, a résisté avec force et a crié, contraignant une nouvelle fois les policiers à le maîtriser par pressions. Il a enfin agi de la même façon au moment de la fouille.

B. Les éléments pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Les faits et leurs conséquences, tels que décrits dans la demande de mesure pour prévenu irresponsable, résultent des éléments du dossier et ne sont pas contestés par l'appelant. Ils sont partant établis.

b. A______ a expliqué son comportement à l'égard de D______ par le fait que lors d'une précédente rencontre, elle avait relevé la beauté des pieds du prévenu, sur lesquels des lésions étaient ensuite apparues. Cette remarque était "un peu tranchante, transversale" et l'avait "un peu fâché". Selon la version donnée en audience de jugement, la victime l'avait menacé de couper ses pieds.

Il a également reproché à D______ de l'avoir fait passer pour son petit copain, alors qu'il n'était pas "l'idiot du village", d'avoir tout orchestré, d'avoir nui à sa réputation et de le voler.

Il n'avait pas prémédité son acte, s'était rendu au domicile de D______ pour s'expliquer avec elle et ne s'était pas contrôlé, ce qui lui arrivait parfois.

Pour avoir lu le dossier, il regrettait ses agissements, mais ne se souvenait pas de ce qu'il avait fait.

c.a. Pour sa part, D______ a confirmé avoir complimenté les chaussures du prévenu et souligné qu'il avait de grands pieds. Elle n'avait pas de souvenirs précis du déroulement des faits, notamment pas de la présence d'un couteau ou de son hospitalisation, si ce n'est qu'à son réveil, aux soins intensifs, elle présentait des sutures et des plaies. Elle se remémorait uniquement que le prévenu était entré chez elle et avait tout cassé, qu'elle lui avait hurlé de cesser, qu'il avait saisi son ordinateur et l'en avait frappée sur la tête et qu'elle s'était protégée en s'agrippant à la barrière de la fenêtre. Elle n'avait pas eu de difficulté à son retour à domicile, lequel était sans dessus-dessous, maculé de traces de sang et jonché du matériel médical utilisé par les secouristes. Cependant, les traces laissées par ses blessures étaient "des points d'acupuncture" et étaient devenues "vi[ve]s", "rouges". Son état de santé n'était pas pire que "le métier de boucher lorsqu'il doit accoucher et dépecer une vache". Un suivi médical, soit une "évaluation émotionnelle" lui avait été imposée et le prononcé d'une curatelle de représentation et de gestion, en date du 25 septembre 2020, n'avait pas de liens avec l'agression subie.

c.b. Il résulte du dossier, en particulier du rapport des médecins légistes, que D______ a été secourue par le cardiomobile, alors qu'elle était consciente mais obnubilée, ce qui rendait l'anamnèse impossible, et conduite aux urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Elle présentait notamment un pneumothorax et a dû être intubée, jusqu'au 23 mars 2020, ainsi que stabilisée au plan hémodynamique, avant de bénéficier d'une prise en charge au bloc opératoire, où une laparotomie exploratrice en urgence extrême a été pratiquée. Elle a également dû subir une intervention à la main, suivie d'une pose d'attelle durant quatre semaines, et à l'épaule gauches, de même qu'une révision et suture des plaies faciales, puis a été transférée aux soins intensifs. Un drain a dû être repositionné le lendemain puis retiré le 24 mars 2020, jour de son transfert dans le service de chirurgie viscérale, alors que les redons abdominaux l'avaient été le 22 mars précédent. Au plan ORL, la victime a notamment dû effectuer des exercices de mobilité faciale. Elle a pu regagner son domicile le 1er avril 2020, l'évolution clinique étant bonne, avec des rendez-vous de contrôle en ORL les 3 et 14 avril 2020, lesquels ont mis en évidence des cicatrices hypertrophiques avec une persistance d'écoulement salivaire, un contrôle étant agendé à un an, de même que des consultations en chirurgie de la main les 22 avril et 5 mai 2020, révélant des cicatrices propres et en bonne évolution.

Sur le plan psychologique, les médecins des HUG ont relevé que D______ ne semblait pas avoir conscience d'une quelconque souffrance psychique. Elle ne présentait pas d'état dépressif ni de trouble anxieux caractérisé ou encore d'état de stress post-traumatique. Son sommeil était préservé mais un peu perturbé par les douleurs relatives aux blessures. Elle s'était vue diagnostiquer une personnalité schizoïde lors d'un précédent passage aux urgences psychiatriques genevoises.

c.c. Le Ministère public (MP) a notamment entendu, en qualité de témoin, une assistante sociale de H______, dont les infirmières assuraient le suivi de D______ suite à son retour à domicile. Initialement, l'assistante sociale avait été requise d'effectuer les démarches en vue du remplacement de la fenêtre brisée par A______ mais constatant que la victime ne parvenait pas à gérer ses affaires, elle avait fait une demande de curatelle. Elle avait constaté que D______ n'avait pas un discours cohérent. Elle parlait de l'agression comme d'un tsunami et évoquait les objets lancés par la fenêtre.

c.d. L'infirmière qui avait pris en charge D______ lui avait prodigué des soins de base puis mis en place un bilan de santé hebdomadaire. Ses tentatives de reprise d'un suivi par le médecin traitant de la patiente, que celle-ci n'avait pas vu depuis deux ans, ou de consultation psychiatrique, avaient échoué, D______ ne donnant pas suite, alors même qu'elle était preneuse du soutien psychologique apporté par H______. Selon les informations communiquées par le médecin traitant, D______ avait par le passé bénéficié d'un suivi psychiatrique, sans traitement médicamenteux. L'infirmière avait constaté la présence de tâches de sang et de l'ordinateur brisé dans le logement. D______ était vulnérable et isolée, son discours confus, logorrhéique et dénué de sens. Elle affirmait boire deux litres de bière quotidiennement mais n'était jamais parue particulièrement alcoolisée.

c.e. Devant les premiers juges, D______ a produit :

- l'ordonnance du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant du 25 septembre 2020 instituant une curatelle de représentation et de gestion en sa faveur ;

- une attestation d'un médecin interne auprès des HUG dont il résulte qu'elle bénéficiait d'un suivi régulier auprès du CAPPI des I______ depuis le 15 novembre 2021 et retenant qu'il était "plausible que l'agression subie ... a pu péjorer son équilibre psychique" mais que les conséquences en étaient difficiles à évaluer, se "surajout[a]nt à un contexte de trouble psychiatrique déjà présent auparavant".

d.a. Par voie de commission rogatoire, le MP a recueilli, notamment, le rapport de l'expertise psychiatrique du 20 décembre 2016 réalisé sur A______ à la demande du Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de J______ [France]. Selon ledit rapport, l'expertisé, tout en présentant l'expression des affres d'une très probable dépendance à l'alcool, souffrait des troubles psycho-pathologiques actifs et évolutifs de la construction et de la structuration de sa personnalité et de son caractère, ainsi que du rapport instauré à la réalité, au monde extérieur, à ses règles, à ses limites et à ses interdits. Ces troubles étaient en relation avec l'évolution et l'expression d'une personnalité pathologique, structurée en référence à un registre de type état limite à composante psychotique, à l'origine de l'évolution et du développement de troubles déjà présents dans l'enfance, d'où des troubles du caractère. L'examen clinique avait rapidement mis en évidence de sérieuses atteintes à ses capacités d'attention et de concentration mais non l'expression actuelle de troubles de nature délirante de l'élaboration et de l'expression de la pensée. Avaient également été observés le développement et l'expression de perturbations caractérielles et comportementales particulièrement empreintes d'agressivité et de revendication procédurière, soit des troubles psycho-pathologiques actifs et évolutifs possiblement en lien avec le développement d'un possible syndrome de dissociation intrapsychique sous-jacent de la pensée. L'expertisé avait laissé entendre qu'il était en rupture thérapeutique, ne voulant plus entendre parler du Risperdal.

Les faits de violence "délinquantielle" reprochés auraient été ceux d'un homme dont la construction de la personnalité s'organisait sur un registre de type état limite à tonalité psychotique, particulièrement exposé à éprouver de manière extrêmement rapide, intense et violente un vécu de blessure narcissique, mais pas seulement. Ce vécu avait pu favoriser le déterminisme criminogène de la violence comportementale imposée à autrui.

S'il ne présentait pas habituellement de perturbations caractérielles et comportementales susceptibles de contribuer à le rendre dangereux pour lui ou pour des tiers, une situation de contrainte et de frustration, d'entrave à la satisfaction de son désir occasionnant un vécu de blessure narcissique, plus encore conjuguée à une alcoolisation aigue, pouvait laisser s'exprimer une dangerosité potentielle de nature mixte, criminologique et psychiatrique.

Lors des faits reprochés alors, A______ présentait des troubles psychiques et neuropsychiques ayant contribué à altérer son discernement et à entraver le contrôle de ses actes ; néanmoins, il demeurait accessible à une sanction pénale.

L'évolution et l'expression des troubles psychologiques ainsi qu'une position contemporaine de rupture thérapeutique nécessitaient des soins psychiatriques en hospitalisation, sous contrainte.

d.b. Le MP a à son tour ordonné une expertise psychiatrique, à laquelle A______ a refusé de collaborer, avant d'annoncer un changement d'avis, pour revenir en définitive à sa disposition initiale.

Le rapport du 6 août 2021 a ainsi été réalisé sur la base des éléments du dossier, à l'exclusion d'entretiens avec l'expertisé et de contacts avec ses médecins traitants, non déliés du secret, ou d'accès à son dossier médical.

Les experts relèvent que la procédure ne contient que peu d'informations sur l'éventuel parcours psychiatrique de l'intéressé. Une schizophrénie, niée par l'intéressé, aurait été diagnostiquée en 2006, lors d'une première hospitalisation à J______. A______ aurait été suivi jusqu'en 2014 au sein des établissements publics de santé mentale du département de N______, notamment au Centre médico-psychologique (CMP) de J______ [France], et été hospitalisé à diverses reprises, pour la dernière fois, à tout le moins fois connue, le 21 décembre 2016, sous contrainte administrative. Depuis lors, il serait en rupture de suivi et de traitement psychotrope (Risperdal) tout en maintenant un suivi auprès de son généraliste.

Lors d'un entretien téléphonique, la curatrice française de l'expertisé avait indiqué que celui-ci bénéficiait d'une mesure civile d'assistance de gestion administrative et financière depuis une dizaine d'années, renouvelée en 2019 pour cinq ans. A______ était connu pour sa virulence verbale, dont il n'avait cependant pas fait preuve avec elle, ayant au contraire noué une relation de confiance. Il se présentait sans difficulté à ses rendez-vous trimestriels et continuait de communiquer par courrier, suite à sa détention. À sa connaissance, son réseau primaire était pauvre et il était isolé socialement, ayant de rares amis, qu'il fréquentait sporadiquement. Il n'avait pas d'activité professionnelle mais évoquait de manière récurrente un projet musical. Il percevait une allocation pour adulte handicapé (AAH) en raison d'antécédents psychiatriques.

Les propos tenus par l'expertisé dans la procédure pouvaient évoquer un syndrome délirant et une désorganisation comportementale, voire un syndrome délirant de persécution. Ces signes cliniques étaient compatibles avec le possible diagnostic de schizophrénie posé en France mais en raison du manque d'information et sans avoir pu s'entretenir avec A______, les auteurs du rapport ont estimé qu'il n'était pas possible d'écarter formellement d'autres diagnostics psychiatriques proches, tels un trouble délirant persistant ou un trouble socioaffectif. Ils ont dès lors retenu un diagnostic, qualifié d'assez large, de trouble psychotique non organique présent au moment des faits, diagnostic dont ils ont précisé, en audience, qu'il s'agissait d'une définition générale, un "chapitre" des psychoses, alors que le terme "non organique" s'opposait à celui de "chronique". Les facultés du prévenu de percevoir le caractère illicite de ses actes et de se déterminer en fonction d'un telle appréciation en avaient été abolies.

A______ semblait présenter, à teneur du dossier, plusieurs facteurs de risque de récidive violente (antécédents judiciaires violents ; vraisemblable trouble psychotique dont la conscience était très faible, voire absente ; rupture de suivi, y compris dans le cadre de mesures pénales ; opposition importante, notamment aux examens médico-légaux et à l'expertise). Le trouble psychotique était le principal facteur dudit risque, en particulier lors de décompensations.

Une mesure institutionnelle de soins fermée était susceptible de le diminuer et s'imposait, vu la dangerosité de l'intéressé, son absence de conscience morbide et son refus de prendre des traitements, éléments qui excluaient le milieu ambulatoire. Vu le manque d'information, il était impossible pour les experts de se prononcer sur la durée nécessaire ou sur l'évolution potentielle de l'état de santé de l'expertisé. Pour les mêmes motifs, ils ne se sont pas prononcés sur une mesure d'internement ou d'internement à vie, tout en précisant que le risque de récidive portait, potentiellement, sur des faits de même genre que ceux actuellement reprochés.

Lors de leur audition, les experts ont exposé qu'ils avaient pu exécuter le mandat, alors qu'initialement ils pensaient ne pas avoir à disposition les éléments nécessaires, dès lors que le dossier avait été complété des éléments recueillis sur commission rogatoire en France.

d.c. A______ a tour à tour déclaré qu'il était lors des faits dans une phase de crise. Il avait cessé deux ans plus tôt de prendre un anxiolytique et avait été diagnostiqué schizophrène en 2006 à J______. Il ne souhaitait pas être suivi par le service médical de la prison et ne voyait plus son médecin traitant depuis deux ans, ou au contraire, il était suivi depuis des années par son généraliste qu'il connaissait bien, auquel il écrivait du reste régulièrement, et avec lequel il avait entrepris des démarches pour ne plus être médicalisé. Il n'était pas malade et ne souhaitait pas rencontrer les experts, qui ne racontaient que "des salades". Il était contre la médication forcée. Devant les premiers juges, A______ a ajouté qu'il contestait le diagnostic de schizophrénie, étant une personne dynamique, spéciale et passionnée. Il continuait, comme avant son arrestation, de prendre quotidiennement du Zyprexa, sans voir de différence sur son état de santé. Précédemment, il avait été sous Risperdal, un traitement qui assommait un cheval et sous l'effet duquel il lui était arrivé d'uriner et de déféquer sur lui.

Selon des notes à des procès-verbaux d'audiences d'instruction préliminaire, A______ s'est énervé lors de la déposition d'un gendarme et après celle d'un policier ou encore a refusé de retourner en audience après une interruption.

C. a.a. Lors des débats d'appel, A______ a indiqué qu'il avait été transféré durant une semaine à K______ avant de retourner, à sa demande, à B______, pour y reprendre son activité à l'entretien de l'étage. Il vivait mal sa détention et souhaitait être renvoyé en France, au bénéficie de l'art 66a du code pénal suisse (CP), mais ses contacts avec les autres détenus étaient bon. Il avait été l'objet de deux ou trois sanctions, notamment dans un contexte de bagarre et ne se souvenait pas des autres motifs. Il voyait le psychologue de la prison tous les 15 jours, discutant musique avec lui et parlant un peu ; ce n'était pas un suivi psychiatrique. Il contestait avec ardeur les diagnostics de schizophrénie ou de psychose non organique. Il se battait depuis plusieurs années contre le diagnostic qui lui avait été imposé impunément et s'était même adressé au Président L______. À son retour, il serait entouré de sa grande famille et de ses nombreux amis, étant précisé qu'il n'avait pas de médecin traitant mais un psychologue qu'il voyait régulièrement. Le Zyprexa lui convenait. Il le prenait notamment lors des faits. En revanche, il refusait d'être mis sous Risperdal.

À l'issue de la plaidoirie de son défenseur, qui avait contesté la solidité de l'expertise réalisée sur la base des seuls éléments du dossier, A______ a été interrogé sur sa disponibilité à collaborer à un éventuel complément d'expertise. Il a déclaré qu'il ne souhaitait pas rencontrer les experts, se considérant victime d'un "acharnement médiatique et thérapeutique".

a.b. Après avoir requis et obtenu une dispense d'avoir à comparaître personnellement, D______ a néanmoins assisté aux débats d'appel, tout en indiquant qu'elle ne souhaitait pas s'exprimer.

b.a. Par la voix de son conseil, l'appelant modifie ses conclusions, en ce sens qu'il conteste la réalisation objective de l'infraction de dommages à la propriété et retire l'appel en ce qui concerne la mesure d'expulsion.

Ladite infraction était contestée car D______ n'avait pas déposé plainte pénale de ce chef et il n'était pas établi que l'ordinateur, ainsi que son clavier, cassés par l'appelant, appartenaient à celle-là.

Le traitement institutionnel ne pouvait être ordonné au regard des incertitudes du dossier et les premiers juges ne s'étaient pas interrogés sur l'adéquation d'une mesure moins incisive, alors que les explications données aux experts par l'assistante sociale qui suivait le prévenu permettaient de retenir qu'il entretenait de bonnes relations avec elle et qu'elle n'avait pas connaissance de son trouble. Autrement dit, ledit trouble n'était pas aisé à catégoriser et l'intéressé était capable d'interagir avec les personnes en qui il avait confiance. Les experts ne pouvaient se fonder sur le rapport de leurs homologues français dès lors qu'ils ignoraient quelle avait été l'évolution de l'intéressé depuis 2016. Ils n'avaient fait qu'émettre des suppositions, s'exprimant au conditionnel. Le prévenu n'était pas opposé à un traitement puisqu'il était d'accord de poursuivre la prise de Zyprexa et avait motivé son rejet du Risperdal par les lourds effets secondaires subis. Rien ne permettait de tenir pour hautement vraisemblable que la mesure institutionnelle permettrait, en cinq ans au plus, de réduire significativement le risque de récidive.

Le prévenu admettait les conclusions civiles dans leur principe et la défense n'entendait pas "revenir sur les montants évoqués".

b.b. Prenant acte de l'acquiescement à ses conclusions sur le principe, le conseil juridique de la partie plaignante persiste dans celles-ci.

Il pouvait à tout le moins être tenu pour établi que la victime avait subi une importante souffrance physique, vu les lésions causées et son hospitalisation. Au plan moral, elle avait failli mourir, ayant été admise au bloc en urgence extrême, puis aux soins intensifs. Elle présentait toujours des cicatrices, notamment au visage, avait dû réintégrer un logement portant encore les stigmates de son agression, qu'elle avait notamment dû nettoyer des traces de son propre sang, et avait dû être assistée d'une infirmière à domicile. Certes, elle présentait des troubles avant les faits, était vulnérable, marginalisée et plutôt incohérente, mais son incapacité à verbaliser sa souffrance ne saurait emporter que celle-ci dût être niée. L'attestation produite retenait qu'il était plausible que ladite agression avait péjoré son état psychologique et le fait qu'une mesure de curatelle avait ensuite dû être prononcée plaidait en faveur d'une telle aggravation.

D. A______, ressortissant français, est né le ______ 1979. Il est célibataire et a une fille qui vit avec sa mère en France. Il a également une sœur qui vit en Corse. Sa mère est décédée et il ne fréquente plus son père. Il a suivi sa scolarité à M______ [France] et a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle en ______. Il a également appris d'autres métiers, dont celui de ______. Il se dit musicien autodidacte. Sans travail, il s'est rendu en Suisse, où il n'a aucune attache, selon les versions, en décembre 2019, en janvier 2020 ou une dizaine de jours avant les faits, afin d'y trouver un emploi ou pour y donner une représentation musicale qui aurait tourné au "fiasco".

Il affirme posséder une maison à J______.

Le prévenu n'a pas d'antécédent judiciaire en Suisse. En revanche, il a été condamné à trois reprises en France, les 28 août 2008, 7 octobre 2008 et 4 janvier 2017, notamment pour menaces de mort, violation de domicile, voies de faits, circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance, rébellion, outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique et outrage à un agent d'un exploitant de réseau de transport public.

E. Les avocats des parties déposent des états de frais facturant, hors débats d'appel qui ont duré une heure et 11 minutes :

- 10 heures et 45 minutes (dont quatre visites en prison ou K______) au tarif de chef d'étude pour le défenseur d'office de l'appelant ;

- 1 heure et 45 minutes de "prise de connaissance du dossier et examen juridique & gestion du délai" ou "Examen du dossier" (la veille de l'audience) par le conseil juridique de la victime et 4 heures et 40 minutes d'activité de sa stagiaire.

En première instance, ils avaient chacun été taxé pour plus de 30 heures.

EN DROIT :

1. Les appels ont été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]). Dans cette mesure, ils sont recevables.

La juridiction d'appel limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), et prend note du retrait partiel de l'appel du prévenu.

2. La question de la recevabilité de la contestation de ce que l'appelant s'est rendu, objectivement si ce n'est subjectivement, l'auteur de dommages à la propriété alors que la déclaration d'appel, tout en précisant que le jugement est contesté dans son ensemble, semble limiter la portée de dite contestation aux mesures de traitement institutionnel et d'expulsion prononcées, souffre de demeurer ouverte.

Contrairement à ce que soutient la défense, la demande de mesure pour prévenu irresponsable reproche à l'appelant d'avoir porté atteinte non à la propriété de la victime mais à celle de l'époux de F______, détenteur du véhicule endommagé par les objets projetés par la fenêtre. Les faits sont reconnus et F______, en sa qualité de conjoint du détenteur et d'utilisatrice principale dudit véhicule, a valablement déposé plainte dans le délai légal. Les éléments constitutifs objectifs de l'infraction réprimée à l'art. 144 CP sont bien réalisés.

3. 3.1.1. Selon l'art. 56 al. 1 CP, une mesure doit être ordonnée si une peine seule ne peut écarter le danger que l'auteur commette d'autres infractions (let. a), si l'auteur a besoin d'un traitement ou que la sécurité publique l'exige (let. b) et si les conditions prévues aux art. 59 à 61, 63 ou 64 sont remplies (let. c). Le prononcé d'une mesure suppose en outre que l'atteinte aux droits de la personnalité qui en résulte pour l'auteur ne soit pas disproportionnée au regard de la vraisemblance qu'il commette de nouvelles infractions et de leur gravité (art. 56 al. 2 CP ; ATF 134 IV 121 consid. 3.4.4). Pour ordonner une des mesures prévues aux art. 59 à 61, 63 et 64 CP ou en cas de changement de sanction au sens de l'art. 65 CP, le juge se fonde sur une expertise. Celle-ci se détermine sur la nécessité et les chances de succès d'un traitement, sur la vraisemblance que l'auteur commette d'autres infractions et sur la nature de celles-ci ainsi que sur les possibilités de faire exécuter la mesure (art. 56 al. 3 let. a à c CP).

L'atteinte aux droits de la personnalité qui résulte pour l'auteur du prononcé de la mesure ne doit pas être disproportionnée au regard de la vraisemblance qu'il commette de nouvelles infractions et de leur gravité. Ce principe vaut tant pour le prononcé d'une mesure que pour sa prolongation (arrêts du Tribunal fédéral 6B_109/2013 du 19 juillet 2013 consid. 4.4.1 ; 6B_826/2013 du 12 décembre 2013 consid. 2.8.1). La pesée des intérêts doit s'effectuer entre, d'une part, le danger que la mesure veut prévenir et, d'autre part, la gravité de l'atteinte aux droits de la personne concernée. L'importance de l'intérêt public à la prévention d'infractions futures doit se déterminer d'après la vraisemblance que l'auteur commette de nouvelles infractions et la gravité des infractions en question. Plus les infractions que l'auteur pourrait commettre sont graves, plus le risque qui justifie le prononcé d'une mesure peut être faible, et inversement. Quant à l'atteinte aux droits de la personnalité de l'auteur, elle dépend non seulement de la durée de la mesure, mais également des modalités de l'exécution. Plus la durée de la mesure – et avec elle la privation de liberté de la personne concernée – est longue, plus strictes seront les exigences quant au respect du principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1167/2014 du 26 août 2015 consid. 3.1 ; 6B_109/2013 du 19 juillet 2013 consid. 4.4.4 ; 6B_826/2013 du 12 décembre 2013 consid. 2.8.1).

Par sa nature, une mesure thérapeutique ne dépend pas de la culpabilité de l'intéressé, et n'est pas limitée de façon absolue dans le temps. Sa durée dépend, en fin de compte, des effets de la mesure sur la diminution du risque de récidive, la privation éventuelle de liberté de l'intéressé ne pouvant excéder la durée justifiée par la dangerosité qu'il présente (ATF 142 IV 105 consid. 5.4).

3.1.2. Pour ordonner une des mesures prévues aux articles 59 à 61, 63 et 64 CP, le juge se fonde sur une expertise. Celle-ci se détermine sur la nécessité et les chances de succès d'un traitement, sur la vraisemblance que l'auteur commette d'autres infractions et sur la nature de celles-ci ainsi que sur les possibilités de faire exécuter la mesure (art. 56 al. 3 let. a à c CP).

L'expert se détermine ainsi sur l'ensemble des conditions de fait de la mesure, étant gardé à l'esprit qu'il incombe au juge de déterminer si une mesure doit être ordonnée et, cas échéant, laquelle. En effet, ce n'est pas à l'expert, mais bien au juge qu'il appartient de résoudre les questions juridiques qui se posent, dans le complexe de faits faisant l'objet de l'expertise (ATF 118 Ia 144 consid. 1c ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1403/2020 du 5 mai 2021 consid. 1.1 ; 6B_1160/2017 du 17 avril 2018 consid. 2.1).

3.2.1. Le prononcé d'une mesure thérapeutique institutionnelle selon l'art. 59 CP suppose un grave trouble mental au moment de l'infraction, lequel doit encore exister lors du jugement. Toute anomalie mentale du point de vue médical ne suffit pas. Seuls certains états psychopathologiques d'une certaine importance et seules certaines formes relativement lourdes de maladies mentales au sens médical peuvent être qualifiés d'anomalies mentales au sens juridique (arrêts du Tribunal fédéral 6B_31/2015 du 26 mai 2015, consid. 2.1 ; 6B_784/2010 du 2 décembre 2010 consid. 2.1). En d'autres termes, il faut que la structure mentale de l'intéressé s'écarte manifestement de la moyenne par rapport aux autres sujets de droit, mais plus encore par rapport aux autres criminels (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1167/2018 du 23 janvier 2019, consid. 4.1 ; 6B_31/2015 susmentionné consid. 2.1). La référence à la gravité du trouble mental ne correspond pas à une description quantitative du dérangement psychique, mais signifie uniquement que le trouble mental doit être significatif sur le plan psychiatrique comme sur le plan juridique (arrêt 6B_31/2015 susmentionné, consid. 2.1).

Outre l'exigence d'un grave trouble mental, le prononcé d'un traitement institutionnel selon l'art. 59 al. 1 CP suppose que l'auteur ait commis un crime ou un délit en relation avec ce trouble (let. a) et qu'il soit à prévoir que cette mesure le détournera de nouvelles infractions en relation avec ce dernier (let. b). Cette dernière condition est réalisée lorsque, au moment de la décision, il est suffisamment vraisemblable qu'un traitement institutionnel entraînera dans les cinq ans de sa durée normale une réduction nette du risque de récidive (ATF 140 IV 1 consid. 3.2.4 ; 137 IV 201 consid. 1.3 ; 134 IV 315 consid. 3.4.1).

Une mesure institutionnelle implique un minimum d'inclination du concerné à coopérer. Il ne faut cependant pas donner trop de poids à ce paramètre au moment du jugement. Il faut tenir compte de ce que la maladie psychique peut empêcher la personne atteinte de complètement réaliser la nécessité et la possibilité d'un traitement. Le premier but d'une thérapie consiste souvent à faire naître la volonté d'être soigné. Il est donc déterminant que soit reconnaissable une volonté minimale de suivre un traitement thérapeutique (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1088/2020 du 18 novembre 2020 consid. 1.3.2).

3.2.2. Selon la jurisprudence, les autorités d'exécution sont compétentes pour désigner le lieu d'exécution du traitement institutionnel, en tenant compte du risque de fuite ou de récidive (ATF 142 IV 1 consid. 2.5). Cela étant, si un placement en milieu fermé apparaît déjà nécessaire au moment du prononcé du jugement, le juge peut et doit l'indiquer dans les considérants en traitant des conditions de l'art. 59 al. 3 CP (ATF 142 IV 1 consid. 2.4.4 et consid. 2.5). Dans ces circonstances, il est souhaitable que le tribunal s'exprime dans les considérants de son jugement – mais non dans son dispositif – sur la nécessité d'exécuter la mesure en milieu fermé et recommande une telle modalité d'exécution, de manière non contraignante, à l'autorité d'exécution (ATF 142 IV 1 consid. 2.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_845/2016 du 29 juin 2017 consid. 3.1.4 ; 6B_371/2016 du 10 février 2017 consid. 2.1).

3.2.3. L'internement fondé sur l'art. 64 CP suppose que l'auteur ait commis l'une des infractions énumérées à l'al. 1 de cette disposition, dont fait partie le meurtre, et qu'il ait par-là porté ou voulu porter gravement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui. Il faut en outre que l'une des conditions alternatives posées à l'art. 64 al. 1 CP soit réalisée, à savoir que, en raison des caractéristiques de la personnalité de l'auteur, des circonstances dans lesquelles il a commis l'infraction et de son vécu, il soit sérieusement à craindre qu'il ne commette d'autres infractions du même genre (let. a) ou que, en raison d'un grave trouble mental chronique ou récurrent en relation avec l'infraction, il soit sérieusement à craindre que l'auteur ne commette d'autres infractions du même genre et que la mesure prévue à l'art. 59 CP, à savoir une mesure thérapeutique institutionnelle, apparaisse vouée à l'échec (let. b).

Par rapport aux autres mesures, l'internement n'intervient qu'en cas de danger qualifié. Il suppose un risque de récidive hautement vraisemblable. Pratiquement, le juge devra admettre un tel risque s'il ne peut guère s'imaginer que l'auteur ne commette pas de nouvelles infractions du même genre. Une supposition, une vague probabilité, une possibilité de récidive ou un danger latent ne suffisent pas. Le risque d'atteinte à la sécurité publique doit, au contraire, être sérieux. Il doit concerner des infractions du même genre que celles qui exposent le condamné à l'internement. En d'autres termes, le juge devra tenir compte, dans l'émission de son pronostic, uniquement du risque de commission d'infractions graves contre l'intégrité psychique, physique ou sexuelle (ATF 137 IV 59 consid. 6.3 et les arrêts cités). Le danger est également admis lorsque le risque de récidive est limité à un cercle relativement restreint de victimes potentielles. La dangerosité constitue la mise en péril de la sécurité publique. Il faut notamment tenir compte de l'imminence et de la gravité du danger mais également de la nature et de l'importance du bien juridique menacé. Ainsi, la prévention de la récidive mise en oeuvre par la mesure d'internement vise l'empêchement futur pour le condamné d'accomplir des actes du même genre que ceux commis jusqu'alors et plus généralement de tout acte pouvant porter gravement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'une éventuelle future victime (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021 n. 34ss ad art. 64 CP).

En présence d'un trouble psychiatrique, l'internement constitue, conformément au principe de proportionnalité consacré par l'art. 56 al. 2 CP, une mesure subsidiaire aux mesures institutionnelles prévues par l'art. 59 CP. En tant qu'ultima ratio, en raison de la gravité de l'atteinte à la liberté personnelle qu'il représente, l'internement n'entre pas en considération tant que la mesure institutionnelle apparaît utile. Ce n'est que lorsque cette dernière semble dénuée de chances de succès que l'internement peut être ordonné, s'il est nécessaire. Cette démarche doit permettre d'éviter qu'un auteur soit déclaré a priori "incurable" et interné dans un établissement d'exécution des peines (cf. ATF 134 IV 315 consid. 3.2). Le seul fait que l'intéressé soit désireux et apte à suivre un traitement institutionnel ne suffit toutefois pas à éviter l'internement ou son maintien. L'art. 59 al. 1 let. b CP subordonne en effet le prononcé d'un traitement institutionnel à la condition qu'il soit à prévoir que cette mesure détournera l'intéressé de nouvelles infractions en relation avec son trouble, condition réalisée, comme déjà rappelé, lorsque, au moment de la décision, il est suffisamment vraisemblable qu'un traitement institutionnel entraînera dans les cinq ans de sa durée normale une réduction nette du risque de récidive. L'exigence d'un tel pronostic ne signifie pas qu'un condamné souffrant de trouble mental ne pourra pas recevoir l'assistance nécessaire, mais seulement que la mesure préconisée par l'art. 59 CP n'est pas adéquate, tout au moins dans l'état des choses, au moment où la décision est rendue. La personne soumise à l'internement peut du reste bénéficier d'un traitement psychiatrique (art. 64 al. 4 CP). Plus généralement, même si elles ne visent pas prioritairement l'amélioration du pronostic, respectivement si elles ne sont pas aptes à l'améliorer nettement à cinq ans de vue, des possibilités thérapeutiques doivent être offertes, tout au moins dans la perspective, même éloignée, de la fin de l'internement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1348/2017 du 22 janvier 2018 consid. 1.1.2 ; 6B_954/2016 du 28 septembre 2017 consid. 1.1.2).

3.3.1. Il est évident que l'expertise judiciaire mise en œuvre par le MP souffre de limites, dans la mesure où les experts n'ont eu accès ni à l'appelant, ni à son dossier médical ou aux praticiens qui l'ont suivi. Les experts ont d'ailleurs eux-mêmes mis en avant ces difficultés, notamment en exposant qu'ils ne s'étaient sentis en mesure d'exécuter leur mission dans de telles conditions qu'au vu des éléments recueillis sur commission rogatoire, dont l'expertise française, en adoptant souvent le conditionnel, en posant un diagnostic potentiel et large de psychose non organique ou encore en ne se prononçant pas sur l'évolution de l'état de santé de l'expertisé et la durée du traitement préconisé.

Ces limites ne sont pas attribuables aux experts ou à leur méthode, mais au refus de collaborer de l'appelant, lequel, interpellé sur ce point, a encore indiqué, sans ambiguïté, lors des débats d'appel, qu'il persistait dans son refus d'adhérer à une telle mission. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise, confiée à d'autres, et que la mise en œuvre d'une expertise complémentaire ne permettrait pas d'obtenir un meilleur résultat. L'appelant ne le soutient du reste pas.

Par ailleurs, contrairement à ce que semble soutenir la défense, il n'est pas critiquable que les experts se soient sentis en mesure de procéder dès lors qu'ils disposaient du dossier français, notamment l'expertise judiciaire. De la sorte, à défaut de pouvoir examiner l'appelant, ils ont pu se fonder sur des éléments médicaux constatés par des médecins qui avaient procédé à un tel examen. Réalisée fin décembre 2016, l'expertise judiciaire française n'est pas si ancienne, et la commission des faits à l'origine de la présente procédure renseigne suffisamment sur l'évolution de l'état de santé mental de leur auteur, en ce sens que celui-ci ne s'est en tout cas pas amélioré. Au contraire : il y a une nette aggravation, tant au plan de l'atteinte aux facultés de l'appelant, lequel est passé de partiellement responsable à irresponsable, qu'à celui du risque présenté, ce dernier s'en étant désormais pris à la vie d'autrui, ce qu'il n'avait pas fait précédemment.

Sans ignorer les limites de ce support, il faut donc retenir que l'expertise diligentée par le MP suffit pour permettre l'examen des mesures prévues aux art. 56 et ss CP.

3.3.2. L'appelant est, objectivement, l'auteur d'une tentative de meurtre au sens des art. 22 et 111 CP. Il résulte du dossier qu'il est atteint d'un trouble mental. Selon ses propres dires, le diagnostic posé, il y a plusieurs années, serait celui de schizophrénie ce que semble confirmer l'évocation d'un traitement médicamenteux de Risperdal ou Zyprexa, tous deux des neuroleptiques indiqués pour le traitement de la schizophrénie notamment. L'expertise française, sans poser de diagnostic, retient une personnalité pathologique, structurée en référence à un registre de type état limite à composante psychotique, à l'origine de troubles du caractère, ainsi que des troubles psychiques et neuropsychiques présents au moment des faits reprochés. Celle réalisée dans le cadre de la présente procédure conclut que l'appelant semble souffrir d'une psychose non organique, tout en précisant dans le chapitre réservé à la discussion, que les signes cliniques résultant du dossier sont compatibles avec un diagnostic de schizophrénie, et expose que celui, plus large, de trouble psychotique non organique a été préféré car il n'était pas possible d'exclure d'autres diagnostics psychiatriques proches, tels un trouble délirant persistant ou un trouble schizoaffectif. Les auteurs du rapport ont réitéré cette explication lors de leur audition. Il n'y a ainsi pas de doute quant au fait que l'appelant est atteint d'un trouble mental psychotique, soit un trouble mental grave, lequel, toujours selon les conclusions des experts, est en relation avec ses actes, et que l'appelant présente, en raison de cette pathologie, un risque élevé de récidive d'infraction violente. Il y a d'autant moins de raison de s'écarter de cette conclusion que le rapport de fin 2016 mettait aussi en évidence un risque auto- et hetero-agressif, en situation de contrainte et de frustration générant une blessure narcissique, et que les faits graves commis au préjudice de la victime dans la présente cause constituent déjà un cas de récidive violente, de gravité nettement supérieure.

3.3.3. Il est ainsi acquis qu'une mesure doit être prononcée, aux fins de préserver la sécurité publique, tout en prodiguant autant que possible à l'intéressé les soins propres à réduire le risque de récidive.

3.4. Reste à déterminer quelle mesure.

3.4.1. Un traitement ambulatoire, est, du moins à ce stade, clairement exclu, ainsi que retenu par les experts, vu l'anosognosie de l'appelant et la situation de rupture de traitement thérapeutique dans laquelle il se trouve, selon ses propres dires.

Certes, il motive son refus de prendre du Risperdal par des effets secondaires sérieux. Ceux-ci ne sont cependant pas démontrés, faute d'accès à son dossier médical, pas plus qu'il n'est établi que le temps nécessaire à une mise en place adéquate du traitement a pu être pris ou une alternative étudiée. Par ailleurs, son intérêt personnel à éviter de tels effets ne prime pas sur l'intérêt public à contenir le risque de récidive d'infraction grave.

Certes aussi, il se dit en revanche ouvert à la prise de Zyprexa, sans que l'on sache si et quand cette médication lui a été prescrite, étant rappelé qu'il a aussi affirmé avoir entrepris avec son médecin traitant – dont il a par ailleurs dit qu'il ne le voyait plus – les démarches pour ne pas être médicalisé. Du reste, que l'appelant fut, lors des faits, sous Zyprexa, comme il affirme par moments, ou pas, comme semblent plutôt penser son conseil et le MP, qui ont tous deux souligné qu'aucune trace de ce médicament n'a été retrouvée dans ses effets, serait également inquiétant : dans la première hypothèse, cela signifierait que la médication ne permet pas de contenir le risque, dans la seconde que l'adhésion est défaillante.

Enfin, le fait que l'appelant soit en mesure d'interagir avec sa curatrice n'est pas pertinent. D'une part, les experts en étaient conscients, dès lors que ce sont eux qui ont recueilli et rapporté les propos de cette intervenante. D'autre part, une interaction adéquate avec une curatrice n'est en rien comparable à l'adhésion que suppose un traitement médical ambulatoire laquelle, en l'occurrence, fait clairement défaut.

3.4.2. Les experts préconisent un traitement institutionnel en milieu fermé, dans un établissement tel celui de K______. Cette conclusion rejoint celle de leurs prédécesseurs de J______, qui avaient tenu pour nécessaire une hospitalisation en milieu psychiatrique sous contrainte. Les experts mis en œuvre par le MP estiment qu'un tel traitement serait de nature à diminuer le risque de récidive mais précisent, en réponse à la question de la durée prévisible, qu'ils ne sont pas en mesure de se prononcer sur l'évolution de ce risque.

Ainsi, à teneur de l'expertise, concluante sur ces points, toutes les conditions au prononcé de la mesure contestée sont remplies, si ce n'est, peut-être, celle de la perspective d'une nette réduction du risque de récidive dans les cinq ans.

Toutefois, contrairement à ce qui a été plaidé, ce constat ne saurait conduire à la renonciation à toute mesure. Il poserait plutôt la question du prononcé d'un internement en lieu et place du traitement institutionnel, étant rappelé que la juridiction d'appel pourrait envisager de l'ordonner, sans contrevenir à l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 123 IV 1). Dès lors que les experts n'ont pas exclu la possibilité d'amélioration dans le délai précité, alors que la question leur était posée en des termes clairs, tout en disant ne pas pouvoir se prononcer sur un internement, que cette dernière mesure ne saurait être ordonnée qu'au titre d'ultima ratio et que la sécurité publique semble suffisamment sauvegardée par la possibilité de prolonger la mesure (art. 59 al. 4 CP), voire de la commuer en internement en cas d'échec (art. 65 al. 2 CP), il se justifie d'en rester au traitement institutionnel.

Le jugement est partant confirmé en ce qu'il ordonne dite mesure, étant précisé, à l'attention de l'autorité d'exécution, qu'à tout le moins dans un premier temps, celle-là devrait être effectuée en milieu fermé, au sens de l'art. 59 al. 3 CP, soit, à Genève, à K______.

4. Les motifs ayant conduit les premier juges à prononcer, par ordonnance séparée, le maintien de l'appelant, en détention pour des motifs de sûreté sont toujours d'actualité, ce que celui-ci ne conteste au demeurant pas, de sorte que la mesure sera reconduite mutatis mutandis (ATF 139 IV 277 consid. 2.2 à 2.3).

5. À raison, l'appelant a retiré son recours en ce qu'il visait l'expulsion, dont les conditions sont manifestement réalisées, alors qu'il ne se trouve tout aussi clairement pas dans un cas de rigueur (art. 66a CP).

6. 6.1. Selon l'art. 122 CPP, en sa qualité de partie plaignante, le lésé peut déposer des conclusions civiles déduites de l'infraction, par adhésion à l'action pénale.

En vertu de l'art. 126 al. 1 CPP, le tribunal statue sur les prétentions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu (let. a) ou lorsqu'il acquitte le prévenu et l'état de fait est suffisamment établi (let. b). Selon l''art. 126 al. 2 CPP, le juge renvoie la partie plaignante à agir par la voie civile lorsque celle-ci n'a pas chiffré ses conclusions de manière suffisamment précise ou ne les a pas suffisamment motivées (let. b) ou encore lorsque le prévenu est acquitté alors que l'état de fait n'a pas été suffisamment établi (let. d).

Bien que régi par les art. 122 ss CPP, le procès civil dans le procès pénal demeure soumis à la maxime des débats et à celle de disposition.

6.2.1. En vertu de l'art. 47 de la loi fédérale complétant le code civil suisse (CO), le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale. Conformément à l'art. 49 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques et psychiques consécutives à l'atteinte subie et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. Les prétentions en réparation du tort moral fondées sur les art. 47 et 49 CO peuvent s'additionner (LANDOLT, Obligationenrecht. Die Entstehung durch unerlaubte Handlungen, Zürich, 2007, n. 55 ad art. 47/49 CO).

Lorsque l'auteur du dommage était durablement (ou passagèrement mais sans sa faute) incapable de discernement, le juge le condamne à réparer tout ou partie du dommage si l'équité l'exige (art. 54 CO).

6.2.2. L'indemnité due à titre de réparation du tort moral consécutive à une lésion (art. 47 CO) est fixée selon une méthode s'articulant en deux phases. La première consiste à déterminer une indemnité de base, de nature abstraite. Le juge examine la gravité objective de l'atteinte. La seconde phase implique une adaptation de cette somme aux circonstances du cas d'espèce. Il s'agit de prendre en compte, vers le haut ou vers le bas, tous les éléments propres au cas d'espèce, de sorte que le montant finalement alloué tienne compte de la souffrance effectivement ressentie par le demandeur (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1218/2013 du 3 juin 2014 consid. 3.1.1). Dans cette seconde phase, le juge prend en compte avant tout l'importance des souffrances physiques. De ce fait les souffrances liées à l'invalidité donnent lieu aux montants les plus élevés. La pratique retient également la durée de l'atteinte, la longueur du séjour à l'hôpital, les circonstances de l'accident, les troubles psychiques tels que la dépression ou la peur de l'avenir. Il en va de même de la fatigabilité, d'une carrière brisée ou de troubles de la vie familiale (WERRO, La responsabilité civile, 2ème éd., 2011, p. 385 ; LANDOLT, op. cit., n. 21 ss ad art. 47 CO).

En ce qui concerne l'indemnité fondée sur l'art. 49 CO, la méthode en deux phases ne trouve pas application, et l'ampleur de la réparation morale est déterminée selon le pouvoir d'appréciation du juge. Elle dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques et psychiques consécutives à l'atteinte subie et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon les critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites ; l'indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 141 III 97 consid. 11.2 p. 98 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_267/2016 du 15 février 2017 consid. 8.1).

L'atteinte objectivement grave doit être ressentie par la victime comme une souffrance morale ; à défaut, aucune indemnisation ne peut lui être accordée. Pour apprécier cette souffrance, le juge se fondera sur la réaction de l'homme moyen dans un cas pareil, présentant les mêmes circonstances. Comme chaque être humain ne réagit pas de la même manière à une atteinte portée à son intégrité psychique, le juge doit se déterminer à l'aune de l'attitude d'une personne ni trop sensible, ni particulièrement résistante (ATF 128 IV 53 consid. 7a p. 71). Pour que le juge puisse se faire une image précise de l'origine et de l'effet de l'atteinte illicite, le lésé doit alléguer et prouver les circonstances objectives desquelles on peut inférer la grave souffrance subjective qu'il ressent, malgré la difficulté de la preuve dans le domaine des sentiments (ATF 125 III 70 consid. 3a ; 120 II 97 consid. 2b p. 98 ss). La gravité de l'atteinte à la personnalité suppose en tout cas une atteinte extraordinaire, dont l'intensité dépasse l'émoi ou le souci habituel, de telle sorte qu'elle peut fonder une prétention particulière contre son auteur, alors que la vie exige de chacun qu'il tolère de petites contrariétés. La fixation du tort moral procède d'une appréciation des circonstances et l'autorité compétente bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation en la matière (arrêts du Tribunal fédéral 6B_118/2016 du 20 mars 2017 consid. 6.1 ; 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 5.1, non publié in ATF 142 IV 163 ;
ATF 130 III 699 consid. 5.1 p. 705).

Statuant selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3 in limine).

6.2.3. La jurisprudence récente de la Chambre pénale d'appel et de révision a alloué une indemnité de :

- CHF 15'000.- à une jeune femme qui avait craint pour sa vie après un coup de couteau et conservé des séquelles douloureuses au niveau de la jambe et du visage (AARP/58/2011 du 29 juin 2011 consid. 5.1) ;

- CHF 15'000.- à une victime âgée de 20 ans qui avait subi, suite à des coups de couteau, une paralysie et une hypoesthésie [affaiblissement d'un type ou des différents types de sensibilité, selon la définition du Larousse] de l'ensemble du pied droit, y compris de la voûte plantaire, avec un déficit moteur de la jambe droite (AARP/254/2012 du 28 août 2012 consid. 5.2) ;

- CHF 20'000.- à un homme ayant reçu plusieurs coups de pied et de couteau sur le corps par plusieurs agresseurs, alors même qu'il se trouvait à terre. La victime avait subi des séquelles physiques, une paralysie complète des releveurs du pied gauche le contraignant à la pose d'une attelle pour se mouvoir, ainsi que de graves séquelles psychologiques (AARP/216/2013 du 13 mai 2013 consid. 2) ;

- CHF 40'000.- à un jeune homme de 23 ans agressé par des individus, lui causant de multiples fractures du massif facial (os frontal, sinus maxillaire bilatéral et spénoïdal, plancher de l'orbite avec atteinte du canal du nerf) et un enfoncement naso-éthmoïdal, ces nombreuses lésions ayant également causé un passage d'air dans le cerveau avec fuite de liquide céphalo-rachidien, ce qui avait nécessité de longues interventions chirurgicales, une hospitalisation d'environ cinq semaines, et avaient causé une modification permanente de la forme du nez, une perte totale de l'odorat et partielle du goût, ainsi que la pose de plaques de métal dans le visage (AARP/258/2016 du 1er février 2016 consid. 4.3.1) ;

- CHF 10'000.- à un jeune homme victime de coups à la tête ayant occasionné plusieurs lésions de la mâchoire (deux fractures mandibulaires, neuf dents fracturées ou touchées ainsi que de nombreux hématomes), avec gêne à l’ouverture de la bouche pendant plusieurs mois et présentant encore des angoisses pour lesquelles il prenait des médicaments (AARP/415/2018 du 21 décembre 2018 consid. 5.4) ;

- CHF 20'000.- à un homme qui avait reçu sept coups de couteau, subi une hospitalisation longue de sept semaines et huit opérations, sa vie ayant été concrètement mise en danger et qui conservait des séquelles, pour partie irréversibles, justifiant un arrêt de travail à 50% (AARP/2/2022 du 11 janvier 2022 consid. 5.2, recours pendant au Tribunal fédéral) ;

- CHF 15'000.- (montant inférieur à celui alloué en première instance) à une victime qui avait été frappée, sans raison et de façon violente et sauvage, de plusieurs coups de couteau chez elle, par un homme, auquel elle avait offert un toit. Outre les circonstances de l'agression, ce cas était proche du présent dans la mesure où la victime était vulnérable et précarisée, placée sous curatelle de gestion, et, à l’exception d’une hospitalisation d’une semaine, de cicatrices et de craintes persistantes, n'avait pas établi souffrir de séquelles durables, notamment handicapantes, en lien avec les faits de la cause (AARP/159/2022 du 31 mai 2022 consid. 6.5.2).

6.3.1. En l'espèce, l'intimé a acquiescé aux conclusions civiles de la victime dans leur principe, ce dont les premiers juges lui ont donné acte. Nonobstant la formulation ambiguë de sa déclaration d'appel (cf. supra point A.a et consid. 2), il ne paraît pas contester ce point du dispositif ; il a au contraire, par le truchement de son conseil, réitéré son acquiescement lors des débats de seconde instance, ajoutant qu'il n'entendait pas "revenir sur les montants évoqués". Il en découle qu'il ne conteste les prétentions de la partie plaignante ni dans leur principe ni dans leur quotité, ce qui suffirait pour y faire droit, en application de la maxime de disposition.

Mais il y a plus : s'il est vrai que la victime, en raison des troubles qu'elle présente elle-même, n'a pas été en mesure de s'exprimer sur les souffrances éprouvées lors des faits ou en lien avec leurs séquelles, il est en tout cas acquis qu'elle a subi des lésions, lesquelles ont nécessité une prise en charge d'urgence, une intubation durant plusieurs jours, des interventions chirurgicales, une hospitalisation aux soins intensifs puis en chirurgie viscérale de 15 jours. Dans cette mesure, elle a nécessairement vécu une souffrance physique importante, qui ne nécessite pas de description particulière, tout un chacun étant en mesure de l'imaginer.

Au plan psychique, elle ne semble avoir qu'un souvenir très partiel de l'agression et on ignore si elle a conscience de ce qu'elle a failli perdre la vie ; il peut néanmoins être retenu qu'elle a nécessairement ressenti des émotions négatives fortes de nature à la perturber vivement durant l'événement lui-même. Du reste, le fait qu'elle se concentre, dans sa description des faits, sur les dommages causés à ses biens plutôt qu'à sa personne, paraît évocateur d'un mécanisme de protection significatif de l'ampleur du traumatisme. Il peut même être supposé que son désarroi a été plus important du fait de sa vulnérabilité et de ses troubles. Nier cette souffrance, ou en exiger une plus ample instruction, en reportant sur cette victime particulièrement désemparée, la charge d'agir par la voie civile, n'est pas conforme à l'esprit de la loi. Cela reviendrait à dire, par exemple, qu'un tout petit enfant victime ne pourrait agir en réparation du tort moral dès lors qu'il ne peut décrire son ressenti et qu'on ignore quelles seront les conséquences sur son développement.

La victime a ensuite manifestement été marquée par son hospitalisation, puisqu'elle a relaté qu'elle s'était réveillée aux soins intensifs présentant des sutures et des plaies, de même que par les conditions de son retour à son domicile, endroit censé être protecteur, où elle avait été agressée, et qu'elle a trouvé en désordre, jonché de matériel médical et maculé des traces de son propre sang. Elle a dû bénéficier d'un accompagnement infirmier, y compris au plan psychologique, qui répondait à un besoin, puisqu'elle en était preneuse.

Ces éléments, conjugués à l'expérience générale de la vie et à la conscience de ce que la victime est, en raison de son état de santé mentale, dans l'impossibilité de s'exprimer avec cohérence, permettent de retenir qu'elle a bien subi une souffrance physique et psychologique justifiant l'octroi d'une indemnité pour tort moral.

6.3.2. Il est équitable de condamner l'intimé à l'indemniser, quand bien même il était incapable de discernement lors des faits. Du reste, comme déjà souligné, celui-ci, assisté d'un défenseur, ne s'y oppose pas.

6.3.3. Le montant requis de CHF 15'000.- se situe dans la fourchette basse des indemnités usuellement allouées dans des cas similaires, selon la casuistique rappelée plus haut. Il se révèle en cela adéquat, ex aequo et bono, eu égard aux particularités présentées par les deux protagonistes.

6.3.4. Aussi, les conclusions civiles de la partie plaignante doivent être admises, tant au regard de la maxime de disposition, que du droit de fond. Son appel est partant admis.

7. Les premiers juges ont laissé les frais de la procédure à la charge de l'État, vu l'irresponsabilité du prévenu et sa précarité. Celle-ci n'est pas établie, étant rappelé que l'appelant soutient être propriétaire d'une maison ; elle est néanmoins vraisemblable eu égard à sa situation. Il sera dès lors exceptionnellement fait de même en appel.

8. 8.1. L'état de frais du défenseur d'office du prévenu satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale.

Sa rémunération sera partant arrêtée à CHF 2'911.- pour 12 heures (arrondi ; débats d'appel compris) d'activité au tarif de CHF 200.- /heure, plus la majoration forfaitaire de 10 % (CHF 240.-) couvrant les activités diverses, la vacation à l'audience (CHF 100.-) et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 211.-.

8.2. L'activité déployée par la stagiaire du conseil juridique gratuit de la victime antérieurement à l'audience d'appel est également adéquate. En revanche, on ne voit pas à quelles opérations, non déjà couvertes par ledit forfait, correspondent les minutes facturées par son patron au titre de "prise de connaissance du dossier et examen juridique & gestion du délai", étant d'ailleurs observé que toutes les communications ont été signées par ladite stagiaire et que c'était déjà elle qui assistait la cliente devant les premiers juges. L'examen du dossier à la veille d'une audience à laquelle le maître de stage n'allait pas assister ne peut que relever de l'encadrement et la formation de sa disciple, laquelle est à la charge du patron, non de l'assistance juridique.

Aussi, la rémunération dudit conseil juridique gratuit sera taxée à CHF 851.90 pour 6 heures (arrondi ; débats d'appel compris) au tarif de CHF 110.- + le forfait de 10% (CHF 66.-) + le déplacement à l'audience (CHF 65.-) et la TVA (CHF 60.90).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit les appels appel formés par A______ et D______ contre le jugement rendu le 22 février 2022 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/5640/2020.

Rejette l'appel de A______ et admet celui de D______.

Annule ce jugement

Et statuant à nouveau :

Constate que A______ a commis en état d'irresponsabilité les faits décrits dans la demande de mesure pour prévenu irresponsable du 24 novembre 2021 (art. 19 CP et 375 al. 1 CPP).

Ordonne son placement sous mesure de traitement institutionnel (art. 59 al. 1 CP).

Ordonne la communication, du présent arrêt et du procès-verbal d'audience du 29 juin 2022, du jugement entrepris et du procès-verbal de l'audience de jugement, du rapport d'expertise psychiatrique du 6 août 2021 et du procès-verbal de l'audition de l'expert du 5 octobre 2021 au Service d'application des peines et mesures.

Ordonne l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de cinq ans (art. 66a al. 1 CP).

Dit que l'exécution de la mesure prime celle de l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).

Ordonne le maintien en détention pour des motifs de sûreté de A______ (art. 231 al. 1 CPP).

Lui donne acte de ce qu'il acquiesce sur le principe aux conclusions civiles de D______ et le condamne à payer à celle-ci la somme de CHF 15'000.- plus intérêts au taux de 5 % du 18 mars 2020 (art. 49 CO).

Ordonne la confiscation et la destruction du couteau figurant sous chiffre 323428 de l'inventaire n° 3______ du 18 mars 2020 (art. 69 CP).

Ordonne la restitution à A______ des objets figurant sous chiffres 323423 à 323427 de l'inventaire n° 4______ du 18 mars 2020 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Ordonne la restitution à D______ des objets figurant sous chiffres 323418 à 323422 de l'inventaire n° 5______ du 18 mars 2020 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 419 CPP).

Prend acte de ce que la rémunération de Me C______, défenseur d'office de A______, pour ses diligences durant la procédure préliminaire et de première instance a été arrêtée à CHF 13'626.75 par les premiers juges, et fixe à CHF 2'911.- celle pour la procédure d'appel (art. 135 CPP).

Prend acte de ce que la rémunération de Me E______, conseil juridique gratuit de D______, pour ses diligences durant la procédure préliminaire et de première instance a été arrêtée à CHF 5'767.50 par les premiers juges, et fixe à CHF 851.90 celle pour la procédure d'appel (art. 138 CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel, à la prison de B______, au Service d'application des peines et mesures et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Andreia GRAÇA BOUÇA

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).