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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/7994/2018

AARP/190/2022 du 16.06.2022 sur JTDP/1277/2021 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : LÉSION CORPORELLE SIMPLE;VOIES DE FAIT;INJURE;ENLÈVEMENT(INFRACTION);LÉGITIME DÉFENSE;EXCÈS;ÉTAT DE NÉCESSITÉ
Normes : CP.123; CP.126; CP.109; CP.177.al1; CP.183.ch1; CP.15; CP.16; CP.17
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7994/2018 AARP/190/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 16 juin 2022

 

Entre

A______, domicilié ______[GE], comparant par Me B______, avocat, ______, Genève,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1277/2021 rendu le 13 octobre 2021 par le Tribunal de police,

 

et

D______, partie plaignante, comparant par Me E______, avocate, ______, Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 13 octobre 2021, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 du Code pénal [CP]), d'injure (art. 177 al. 1 CP) et de séquestration (art. 183 ch. 1 CP) et condamné à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 75.- l'unité, avec sursis (délai d'épreuve de trois ans), ainsi qu'au versement à D______ de CHF 2'000.-, avec intérêts à 5% dès le 3 mars 2018, à titre de réparation du tort moral et de CHF 7'500.- à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure.

Le TP a également acquitté D______ de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 CP) et d'injure (art. 177 al. 1 CP) et condamné A______ aux deux tiers des frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'694.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement et à ce que D______ soit reconnue coupable d'injure et de lésions corporelles simples, avec suite de frais et dépens.

b.a. Selon l'acte d'accusation du 4 mars 2021, il est reproché ce qui suit à A______ :

Le 3 mars 2018, entre 6h30 et 9h20, à Genève, alors qu'il circulait notamment sur l'autoroute en direction de Lausanne, il a refusé que D______, sa passagère, sorte de son véhicule, en la menaçant, en instaurant un climat de terreur, en faisant des détours et en refusant de s'arrêter pour lui permettre de quitter son véhicule, empruntant notamment l'autoroute en direction de Lausanne, au lieu de la conduire à son lieu de travail sis à la rue 2______, à Genève.

Dans les circonstances précitées, il a également donné un coup au visage de D______ avec sa main, lui a empoigné le visage avec ses doigts et lui a violemment tiré les cheveux, lui provoquant de la sorte diverses lésions, et l'a traitée de "salope".

b.b. Il était également reproché ce qui suit à D______ :

Dans les circonstances précitées, D______ a griffé le bras de A______, mordu son pouce gauche et l'a traité de "fils de pute" et de "connard".

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le soir du 3 mars 2018, D______ s'est rendue à la police afin de porter plainte contre A______ pour menaces, séquestration, voies de fait, lésions corporelles simples et injure.

Le matin même, vers 6h30, alors qu'elle sortait de chez elle au chemin 1______, à G______[GE], et se dirigeait vers l'arrêt de bus pour se rendre à son travail, situé à la rue 2______, A______, avec lequel elle avait entretenu une relation extraconjugale qui avait pris fin environ six mois plus tôt, se trouvait en bas de son immeuble et lui avait proposé de l'emmener en voiture. Elle avait accepté, était montée dans le véhicule mais A______ avait pris la direction opposée à sa destination en s'engageant sur l'autoroute. Durant le trajet, il avait menacé à plusieurs reprises de la tuer, lui avait donné un coup avec sa main, sur sa joue droite, la blessant à la lèvre, et lui avait empoigné le visage. Bien qu'elle l'ait supplié à plusieurs reprises de l'amener à son travail, il ne l'avait pas écoutée et avait continué à rouler. Elle avait alors tenté d'appeler son mari avec son téléphone portable, mais son ex-amant lui avait violemment tiré les cheveux et dit « tu vas voir salope, ce qui va t'arriver, je vais te tuer », ce qui l'avait tellement effrayée qu'elle avait ouvert la portière de la voiture pour sortir mais avait été retenue par la ceinture de sécurité. Elle était finalement parvenue à appeler son mari et lui avait demandé d'appeler les secours avant que A______ ne s'empare du téléphone et raccroche. Comme il la tenait toujours par les cheveux, elle l'avait mordu à la main jusqu'au sang jusqu'à ce qu'il lâche prise. Elle avait fini par « rentrer dans son jeu » et il avait accepté de la ramener. Le trajet en voiture avait duré jusqu'à 9h20 environ. Il avait arrêté la voiture à proximité de la gare de Cornavin (ndr : rue 2______) et elle en avait profité pour « prendre la fuite ».

b. Devant le Ministère public (MP), D______ a expliqué avoir mis un terme à leur relation entre janvier et février 2018, au motif qu'elle refusait de lui être soumise et non en raison de la grossesse de l'épouse de son compagnon. A______ n'avait pas supporté cette rupture, raison pour laquelle il avait menacé de la tuer. Dans la voiture, voyant qu'elle cherchait son téléphone, il l'avait saisie par les cheveux. Elle avait alors essayé de sauter de la voiture en ouvrant la portière, préférant mourir de cette manière plutôt qu'il ne la tue. Elle reconnaissait lui avoir dit « connard, pourquoi tu me fais ça ? ».

c.a. Selon un constat médical établi par les Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) le jour des faits, D______ présentait une pommette droite douloureuse avec discrète tuméfaction, des petites ecchymoses au niveau de la branche mandibulaire droite, ainsi qu'à l'intérieur des lèvres inférieure et supérieure. Elle présentait encore des griffures sous le menton et montrait des douleurs diffuses à la palpation para-cervicale. Sur le plan psychique, elle présentait des symptômes liés au stress et à la peur.

c.b. Sont visibles sur les photos versées à la procédure une très légère griffure située sur le cou de l'intimée ainsi qu'une petite rougeur à l'intérieur de la lèvre.

d. Selon une attestation de suivi établie le 17 mai 2018 par l'Unité interdisciplinaire de médecine et de prévention de la violence (UIMPV), D______, qui était suivie depuis le 26 avril 2018 à raison de deux fois par mois, avait indiqué avoir subi des violences pendant plus d'une année de la part du même individu. Elle présentait un tableau clinique évoquant un syndrome de stress post-traumatique avec une thymie généralement triste, un état d'angoisse constant, des ruminations anxieuses, des troubles du sommeil avec cauchemars, une hyper vigilance, des troubles de la concentration, une asthénie et une diminution de l'estime de soi. Un anxiolytique ainsi qu'un antidépresseur lui avaient été prescrits.

e. D'après un rapport médical rédigé le 27 mars 2019, D______ souffrait depuis le mois d'avril 2018 d'un stress post-traumatique et d'une dépression de « niveau médium ».

f. À la police, A______ a indiqué que D______ avait toujours souhaité qu'il divorce afin de se remarier avec elle. Le 3 mars 2018, il était allé la chercher en voiture à son domicile, à G______[GE], afin de l'amener à son travail et mettre définitivement un terme à leur relation. Dès qu'elle avait appris, dans la voiture, qu'il souhaitait rompre, elle avait « pété les plombs », s'était mise à crier et avait ouvert la portière du véhicule en marche. Il l'avait tirée par les cheveux afin de l'empêcher de sauter et l'avait frappée au visage, sans le faire exprès, d'un revers de la main droite. Il s'était arrêté sur la bande d'arrêt d'urgence et, alors qu'il fermait la portière, elle lui avait griffé la main droite et mordu le pouce gauche. Elle avait ensuite téléphoné à son mari et lui avait tendu le combiné. Il en avait profité pour dire à celui-ci que D______ faisait une crise. Il reconnaissait avoir dit à cette dernière : « tu te comportes comme une salope », ce à quoi elle avait répondu : « si moi je suis une salope, toi t'es un connard » et l'avait également traité de « fils de pute ». Elle s'était finalement calmée et il l'avait déposée à son travail.

Il a déposé plainte à son tour contre D______ pour lésions corporelles simples, calomnie et injure.

g. Devant le MP, A______ a expliqué que D______ était devenue "dingue" lorsqu'elle avait appris, quelques semaines plus tôt, que son épouse était enceinte et le harcelait en lui envoyant des messages insultants. Après qu'il lui eut dit que leur liaison était terminée, son visage avait changé et elle s'était mise à crier « comme une malade » et à le traiter de « fils de pute ». Il reconnaissait l'avoir traitée de « salope », mais n'avait jamais menacé de la tuer. Alors qu'ils circulaient à 100 km/h, elle avait saisi le volant et il était parvenu à la repousser avec sa main droite avant qu'elle n'ouvre la portière et tente de sauter hors du véhicule. Il avait été obligé de lui tirer les cheveux, pour la retenir, sinon elle serait morte.

h. Dans un courrier daté du 1er juin 2018, H______ a indiqué avoir reçu, le jour des faits, un appel de sa femme depuis la voiture de A______, le suppliant d'appeler la police et de venir la chercher car elle craignait pour sa vie. Il avait entendu sa femme recevoir des coups, puis la conversation avait été interrompue. Il avait essayé à plusieurs reprises de la rappeler, en vain, jusqu'à ce que A______ décroche et lui dise d'arrêter d'appeler car « ça ne sert à rien, de toute façon laisse-nous tranquille dès que j'en aurai fini avec elle je te la laisse devant son travail ».

i. Devant le MP, H______ a précisé avoir entendu A______ dire au téléphone : « regarde ce que tu es en train de provoquer espèce de salope »,
« je t'ai dit de ne pas toucher ton téléphone » et son épouse répondre : « lâche-moi, lâche-moi ».

j.a. Devant le premier juge, D______ a indiqué qu'elle était suivie psychologiquement à raison de deux fois par mois, prenait encore des médicaments et faisait régulièrement des crises de panique.

j.b. A______ avait été très impacté par la procédure sur le plan personnel et ressentait un sentiment de culpabilité envers sa femme et ses enfants à cause de sa relation extraconjugale avec D______.

C. a.a. Devant la Chambre pénale d'appel et de révision (ci-après : CPAR), A______ a déclaré avoir informé D______ au début du mois de février 2018 que son épouse était enceinte. Il lui avait expliqué qu'ils devaient mettre un terme à leur relation, mais elle avait mal réagi. Le jour des faits, il avait souhaité lui parler afin d'en finir et de "mettre un point final à cette histoire", craignant que son épouse apprenne qu'il l'avait trompée.

Pendant leur relation, il déposait régulièrement D______ à son travail en faisant un détour par l'autoroute afin de passer du temps ensemble. Lorsqu'il lui avait reproché de "foutre sa vie en l'air", D______ lui avait répondu qu'il était à elle et à personne d'autre. La situation avait dégénéré et elle avait voulu ouvrir la portière de la voiture alors qu'ils se trouvaient sur l'autoroute. Dans la précipitation, il l'avait attrapée par les cheveux afin d'éviter qu'elle ne tombe. Il avait été terrorisé dès qu'il avait réalisé qu'il pourrait être rendu responsable s'il arrivait quelque chose à l'intimée.

Il avait ensuite arrêté son véhicule sur la bande d'arrêt d'urgence afin de refermer la portière et D______ l'avait mordu à la main gauche, qu'il avait retirée en touchant son visage au passage. Il se trouvait alors entre Versoix et Coppet, car il avait, dans le feu de la discussion, raté la bretelle de Versoix.

a.b. Par l'entremise de son avocat, A______ a nié toute emprise sur son ex-compagne. D______ lui mettait en revanche la pression pour qu'il quitte son épouse. Il n'avait pas pu la menacer de tout révéler à sa belle-famille, dès lors qu'il craignait que son épouse n'apprenne qu'il l'avait trompée. La dispute avait certes mal tourné, mais en l'absence de privation de liberté, il ne pouvait y avoir eu séquestration, ce d'autant que D______ était montée dans la voiture de son propre gré. Le trajet n'avait rien d'insolite, dès lors qu'ils l'avaient déjà emprunté par le passé, étant précisé que le détour par Coppet n'était imputable qu'à l'inattention du conducteur. Les lésions constatées constituant des voies de fait uniquement, les faits étaient prescrits. A______ devait également être acquitté du chef d'injure, dès lors qu'il s'était contenté de riposter aux insultes proférées à son encontre par son ex-maîtresse. Il était un honnête homme, un bon père de famille et n'avait jamais eu à faire à la justice auparavant.

b.a. Pour D______, sa rupture avec A______ remontait à plusieurs mois avant les faits. Elle avait mis un terme à leur relation car elle n'acceptait plus d'être "à [l]a merci" de son ex-compagnon qui l'avait menacée de dévoiler leur liaison à sa belle-famille si elle osait le quitter. Depuis lors, il lui adressait régulièrement des messages, auxquels elle n'avait pas donné suite. Elle avait été surprise de voir A______ en bas de son domicile le matin des faits. Comme elle avait raté son bus, elle avait accepté qu'il l'accompagnât au travail, mais une fois dans la voiture, il lui avait dit qu'elle n'avait pas le droit de couper les ponts, qu'il allait la tuer et que c'était son dernier jour sur terre, raison pour laquelle elle avait à tout prix cherché à sortir du véhicule. A______ lui avait dit : « regarde ce que tu es en train de provoquer salope » et lui avait tiré les cheveux, au moment où elle prenait son téléphone pour appeler à l'aide. Désespérée et essayant par tous les moyens de sauver sa vie, elle l'avait griffé et lui avait mordu la main avec laquelle il lui tenait les cheveux. A______ n'avait à aucun moment arrêté le véhicule durant le trajet jusqu'à son arrivée à son lieu de travail.

Elle souffrait toujours de dépression, de troubles du sommeil et d'angoisses. Elle prenait des médicaments, notamment des antidépresseurs, des anxiolytiques et des somnifères, et se rendait chez son psychologue à raison de deux fois par mois.

b.b. Par le biais de son avocate, elle a indiqué avoir été entravée dans sa liberté d'action dès qu'elle était montée dans la voiture et que l'appelant avait pris l'autoroute pour Versoix sans jamais s'arrêter par la suite. Elle avait eu très peur pour sa vie, raison pour laquelle elle n'avait pas hésité à ouvrir la portière du véhicule malgré la vitesse élevée à laquelle ils circulaient sur l'autoroute, ce qui prouvait à quel point elle était désespérée. A______ l'avait séquestrée et frappée, car il lui en voulait d'avoir précipité leur rupture. Il avait agi de manière intentionnelle ou à tout le moins par dol éventuel. Plus de quatre ans après les faits, elle demeurait particulièrement traumatisée et angoissée, comme en attestaient les certificats médicaux versés à la procédure.

b.c. D______ a fait valoir des prétentions en indemnité de CHF 7'500.- pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure de première instance et de CHF 7'030.30 pour la procédure d'appel.

c. I______ est l'épouse de A______ depuis 20 ans. Elle avait appris l'infidélité de son mari le soir des faits, de la bouche de ce dernier, qui lui avait indiqué avoir mis un terme le jour même à sa relation avec D______, laquelle s'était mise en colère et avait "pété un plomb".

E. MB______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel facturant, sous des libellés divers, 7h15 d'activité, dont une heure d'activité de stagiaire consacrée à la rédaction de la déclaration d'appel, hors débats d'appel, lesquels ont duré trois heures.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. L'art. 123 CP réprime, sur plainte, les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Cette disposition protège l'intégrité corporelle et la santé tant physique que psychique. Elle implique une atteinte importante aux biens juridiques ainsi protégés. À titre d'exemples, la jurisprudence cite notamment tout acte qui provoque un état maladif, l'aggrave ou en retarde la guérison, comme les blessures, les meurtrissures, les écorchures ou les griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (ATF 134 IV 189 consid. 1.1 p. 191 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1283/2018 du 14 février 2019 consid. 2.1).

2.1.2. Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé (ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 26 ; ATF 117 IV 14 consid. 2a p. 15 ss).

2.1.3. La distinction entre lésions corporelles et voies de fait peut s'avérer délicate. Une éraflure au nez avec contusion a été considérée comme une voie de fait ; de même, une meurtrissure au bras et une douleur à la mâchoire sans contusion
(ATF 134 IV 189 consid. 1.3 p. 191 ; ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 26). Ont également été qualifiés de voies de fait : une gifle, un coup de poing ou de pied, de fortes bourrades avec les mains ou les coudes (arrêt du Tribunal fédéral 6B_525/2011 du 7 février 2012 consid. 4.1), l'arrosage d'une personne au moyen d'un liquide ou le renversement d'un liquide ou solide (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1009/2014 du 2 avril 2015 consid. 4.4) ou encore la projection d'objets durs d'un certain poids (ATF 117 IV 14 consid. 2a/cc p. 17 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_163/2008 du 15 avril 2008 consid. 2). En revanche, des tuméfactions et rougeurs dans la région du sourcil et de l'oreille d'une grosseur d'environ 2 x 5 cm, et des douleurs à la palpation à la côte inférieure gauche ont été qualifiées de lésions corporelles simples (ATF 127 IV 59 = JdT 2003 IV 151), de même qu'une marque d'un coup de poing à l'œil et une contusion à la lèvre inférieure, des éraflures et des égratignures à l'avant-bras et à la main (ATF 103 IV 70 = JdT 1978 IV 66).

2.1.4. Dans les cas limites, il faut tenir compte de l'importance de la douleur provoquée, afin de déterminer s'il s'agit de lésions corporelles simples ou de voies de fait. Les contusions, meurtrissures, écorchures ou griffures constituent des lésions corporelles simples si le trouble qu'elles apportent, même passager, équivaut à un état maladif, notamment si viennent s'ajouter au trouble du bien-être de la victime un choc nerveux, des douleurs importantes, des difficultés respiratoires ou une perte de connaissance. Par contre, si les contusions, meurtrissures, écorchures ou griffures en cause ne portent qu'une atteinte inoffensive et passagère au bien-être du lésé, les coups, pressions ou heurts dont elles résultent ne constituent que des voies de fait (ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 26 ; 107 IV 40 consid. 5c p. 42 ; 103 IV 65 consid. II 2c p. 70 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 6S.474/2005 du 27 février 2006 consid. 7.1).

2.1.5. Le fait de tirer les cheveux d'une personne est qualifié de voies de fait (AARP/133/2019 du 15 avril 2019 consid. 2.6).

2.1.6. Récemment, le Tribunal fédéral a confirmé que quelques rougeurs au niveau du cuir chevelu, des ecchymoses au cou et aux bras ainsi que des dermabrasions au cou et au bras relevaient a priori de simples voies de fait. En l'occurrence, la lésée avait été saisie au cou durant quelques secondes, sans avoir été empêchée de respirer et avait pu se dégager d'elle-même. Elle avait également été saisie au bras mais n'avait ressenti qu'une brève douleur, également compatible avec une simple voie de fait (arrêt du Tribunal fédéral 1B_259/2021 du 19 août 2021 consid. 2.2).

2.1.7. Conformément à l'art. 109 CP, l'action pénale et la peine se prescrivent par trois ans pour les contraventions.

2.2.1. Se rend coupable d'injure celui qui aura, par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur (art. 177 al. 1 CP). Alors que la diffamation (art. 173 CP) ou la calomnie (art. 174 CP) supposent une allégation de fait, un jugement de valeur, adressé à des tiers ou à la victime, peut constituer une injure au sens de l'art. 177 CP. La notion de jugement de valeur doit être comprise dans un sens large ; il s'agit d'une manifestation directe de mésestime ou de mépris, au moyen de mots blessants, de gestes ou de voies de fait. L'honneur protégé correspond alors à un droit au respect formel, ce qui conduit à la répression des injures dites formelles, tels une expression outrageante, des termes de mépris ou des invectives (ATF 128 IV 53 consid. I/A/1/f/aa, p. 61 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_794/2007 du 14 avril 2008 consid. 3.1 et 6B_811/2007 du 25 février 2008 consid. 4.2). La marque de mépris doit revêtir une certaine gravité, excédant ce qui est acceptable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_229/2016 du
8 juin 2016 consid. 2.1.2 ; 6B_557/2013 du 12 septembre 2013 consid. 1.1 et les références, in SJ 2014 I 293).

2.2.2. Sont considérées comme des injures formelles les termes : "fils de pute" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_763/2014 du 6 janvier 2015 ; AARP/60/2018 du 6 février 2018 consid. 4.2), "salope" ou "connard" (AARP/79/2017 du 8 mars 2017 consid. 2.3).

2.2.3. L'art. 177 al. 2 CP permet au juge d'exempter le délinquant de toute peine si l'injurié a directement provoqué l'injure par une conduite répréhensible. Il s'agit d'une faculté, non d'une obligation (ATF 109 IV 39 consid. 4b in fine). Le juge peut aussi se limiter à atténuer la peine. Il dispose à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_640/2008 du 12 février 2009 consid. 2.1).

Cette faculté n'est donnée que si l'injure a consisté en une réaction immédiate à un comportement répréhensible de l'injurié, lequel peut consister en une provocation ou en tout autre comportement blâmable. La notion d'immédiateté doit être comprise comme une notion temporelle, en ce sens que l'auteur doit avoir agi sous le coup de l'émotion provoquée par la conduite répréhensible de l'injurié, sans avoir eu le temps de réfléchir (ATF 117 IV 270 consid. 2c ; 83 IV 151).

2.2.4. Si l'injurié a riposté immédiatement par une injure ou par des voies de fait, le juge pourra exempter de toute peine les deux délinquants ou l'un d'eux (art. 177 al. 3 CP).

2.3. Aux termes de l'art. 183 ch. 1 CP, celui qui, sans droit, aura arrêté une personne, l'aura retenue prisonnière, ou l'aura, de toute autre manière, privée de sa liberté (al. 1) ou qui, en usant de violence, de ruse ou de menace, aura enlevé une personne (al. 2) sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

La séquestration consiste à maintenir sans droit la personne au lieu où elle se trouve (ATF 119 IV 216 consid. 2.a). Le moyen utilisé pour atteindre le résultat, c'est-à-dire priver la personne de sa liberté, n'est pas décrit par la loi. La personne peut être empêchée de partir par la menace ou par la violence (ATF 104 IV 170 consid. 2). On peut aussi imaginer que l'auteur lui enlève les moyens de s'en aller ou la place dans des conditions telles qu'elle se sent dans l'impossibilité de s'en aller (arrêt du Tribunal fédéral 6B_637/2011 du 13 avril 2012 consid. 3.3.1 et la doctrine citée).

En outre, il n'est pas nécessaire que la privation de liberté dure longtemps, quelques minutes suffisent. Une entrave sera considérée comme suffisante dans le cas d'une épouse empêchée de quitter le domicile conjugal (arrêt du Tribunal fédéral 6B_139/2013 du 20 juin 2013 consid. 2), d'une personne retenue prisonnière dans un appartement pendant 20 à 30 minutes (arrêt du Tribunal fédéral 6B_400/2012 du 15 novembre 2012), ou encore d'une personne enfermée dans une voiture contre sa volonté sur un tronçon de 8 km (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1064/2013 du 10 mars 2014 consid. 1).

L'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI, Code Pénal, Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 36 ad art. 183 et les références citées).

2.4. Quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d'une attaque imminente a le droit de repousser l'attaque par des moyens proportionnés aux circonstances ; le même droit appartient aux tiers (art. 15 CP).

La légitime défense suppose une attaque, c'est-à-dire un comportement visant à porter atteinte à un bien juridiquement protégé, ou la menace d'une attaque, soit le risque que l'atteinte se réalise. Il doit s'agir d'une attaque actuelle ou à tout le moins imminente, ce qui implique que l'atteinte soit effective ou qu'elle menace de se produire incessamment (ATF 106 IV 12 consid. 2a p. 14 ; 104 IV 232 consid. c
p. 236 s. ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_600/2014 du 23 janvier 2015 consid. 5.1 non publié in ATF 141 IV 61 ; 6B_632/2011 du 19 mars 2012 consid. 2.1).

La défense doit apparaître proportionnée au regard de l'ensemble des circonstances. À cet égard, on doit notamment examiner la gravité de l'attaque, les biens juridiques menacés par celle-ci et par les moyens de défense, la nature de ces derniers ainsi que l'usage concret qui en a été fait (ATF 136 IV 49 consid. 3.2 p. 51 ; 102 IV 65 consid. 2a p. 68 ; 101 IV 119 p. 120). La proportionnalité des moyens de défense se détermine d'après la situation de celui qui voulait repousser l'attaque au moment où il a agi (ATF 136 IV 49 consid. 3.2 p. 51). Il convient également de prendre en compte ses capacités individuelles. Le moyen de défense employé doit être le moins dommageable possible pour l'assaillant, tout en devant permettre d'écarter efficacement le danger (ATF 136 IV 49 consid. 4.2 p. 53 ; 107 IV 12 consid. 3b
p. 15). Doivent aussi être pris en considération les effets de l'acte de défense et l'état dans lequel se trouvait celui qui s'est défendu au moment des faits (ATF 99 IV 187
p. 189). Les autorités judiciaires ne doivent pas se livrer à des raisonnements a posteriori trop subtils pour déterminer si l'auteur des mesures de défense n'aurait pas pu ou dû se contenter d'avoir recours à des moyens différents, moins dommageables. Il est aussi indispensable de mettre en balance les biens juridiquement protégés qui sont menacés de part et d'autre. Encore faut-il que le résultat de cette pesée des dangers en présence soit reconnaissable sans peine par celui qui veut repousser l'attaque, l'expérience enseignant qu'il doit réagir rapidement (ATF 136 IV 49 consid. 3.2 p. 51 ; 107 IV 12 consid. 3 p. 15 ; 102 IV 65 consid. 2a p. 68 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_130/2017 du 27 février 2018 consid. 3.1 et les références = SJ 2018 I 385 ; 6B_6/2017 du 28 février 2018 consid. 4.1).

La loi précise que l'auteur doit être attaqué (ou menacé) de manière contraire au droit, ce qui présuppose qu'il n'a pas lui-même provoqué l'attaque. Si, par contre, l'auteur a provoqué l'agression par une (première) atteinte aux biens juridiques (dont, par exemple, son honneur), il ne peut pas légitimement se prévaloir d'un état de légitime défense, car il n'y a pas de légitime défense contre la légitime défense. En revanche, si la personne attaquée a répondu par une contre-attaque – en principe légitime en vertu de l'art. 15 CP – mais que cette dernière est excessive, l'auteur peut à nouveau se prévaloir de légitime défense contre la légitime défense dans la mesure où celle-ci est excessive et donc illégitime (M. KILLIAS et al., Précis de droit pénal général, 3ème éd., Lausanne/Neuchâtel/Zurich 2016, n. 716, p. 117).

2.5. Aux termes de l'art. 16 CP, si l'auteur, en repoussant une attaque, a excédé les limites de la légitime défense au sens de l'art. 15, le juge atténue la peine. (al. 1). Si cet excès provient d'un état excusable d'excitation ou de saisissement causé par l'attaque, l'auteur n'agit pas de manière coupable (al. 2).

2.6. Selon l'art. 17 CP, quiconque commet un acte punissable pour préserver d'un danger imminent et impossible à détourner autrement un bien juridique lui appartenant ou appartenant à un tiers agit de manière licite s'il sauvegarde ainsi des intérêts prépondérants.

Le danger est imminent lorsqu'il n'est ni passé ni futur, mais actuel et concret, soit lorsque le péril se concrétise à brève échéance, à savoir à tout le moins dans les heures suivant l'acte punissable commis par l'auteur (ATF 147 IV 297 consid. 2.3 ; 129 IV 6 consid. 3.2 p. 14 ; 122 IV 1 consid. 3a p. 5).

L'impossibilité que le danger puisse être détourné autrement implique une subsidiarité absolue (ATF 147 IV 297 consid. 2.1). Ainsi, celui qui est en mesure de s'adresser aux autorités pour parer au danger ne saurait se prévaloir de l'état de nécessité (ATF 125 IV 49 consid. 2c p. 55 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_622/2008 du 13 janvier 2009 consid. 3.1). En d'autres termes, l'acte incriminé doit correspondre à un moyen nécessaire et proportionné, à même d'atteindre le but visé, et peser manifestement moins lourd que les intérêts que l'auteur cherche à sauvegarder (ATF 129 IV 6 consid. 3.3 p. 15 et les arrêts cités).

Le contexte

2.6.1. À titre préliminaire, il sied de relever que les faits se sont produits dans un contexte particulièrement conflictuel et confusionnel entre les parties, celles-ci ayant entretenu une relation extraconjugale ayant pris fin peu de temps auparavant. Le fait que les parties divergent aussi bien sur la date que sur les causes de leur séparation est révélateur de l'existence de tensions entre elles. L'on notera à cet égard que les premières explications données par l'intimée tendant au fait qu'elle aurait unilatéralement décidé de quitter l'appelant six mois auparavant, au motif que ce dernier l'aurait menacée de tout révéler à sa belle-famille si elle le quittait, n'emportent pas conviction. En effet, un tel comportement de la part de l'appelant s'avérerait fort peu judicieux dans la mesure où son épouse n'était à l'époque pas au courant de l'existence de cette relation, ainsi que cela ressort du dossier et, en particulier, de son témoignage lors de l'audience d'appel. Il ne peut être fait abstraction non plus du fait que l'intimée a indiqué savoir que l'épouse de l'appelant était enceinte, information qui paraît propre à engendrer une rupture ou, à tout le moins, à générer une forte animosité envers son ex-amant.


De la crédibilité des parties

 

2.6.2. Bien que les déclarations des parties divergent sur de nombreux points, la Cour relève que les protagonistes ont livré des récits détaillés et n'ont que peu varié dans leurs déclarations. L'on notera également que l'un comme l'autre n'ont pas hésité à s'auto-incriminer, l'appelant, en admettant avoir insulté et saisi l'intimée par les cheveux, et cette dernière, en reconnaissant avoir mordu et insulté à son tour son ex-amant. Au vu de ce qui précède, les parties sont globalement crédibles, de sorte qu'il n'est pas possible, en l'état, de tenir une version des faits pour plus probable qu'une autre.

 

Du déroulement des faits

2.6.3. Il n'est pas contesté que l'intimée soit entrée de son plein gré dans la voiture de l'appelant et qu'une dispute a ensuite éclaté entre eux. Les récits concordent sur le fait que l'appelant a, au cours de cette dispute, tiré les cheveux de l'intimée et lui a asséné à tout le moins un coup au visage, avant que celle-ci ne lui inflige à son tour une morsure au niveau de la main. Il est enfin établi que l'appelant, qui est sorti de l'autoroute à Coppet, a finalement raccompagné l'intimée en voiture jusqu'à son travail, où elle est arrivée en retard, avant de rentrer chez elle et d'aller porter plainte au poste de police dans la soirée.

Des cheveux tirés et des coups portés au visage de l'intimée

2.6.4. Les versions des parties divergent sur la question de savoir si l'appelant a tiré les cheveux de l'intimée au moment où celle-ci saisissait son téléphone pour appeler à l'aide, ou bien s'il a agi de la sorte, comme il l'affirme, afin d'empêcher sa passagère de tomber de la voiture au moment où celle-ci a ouvert la portière. Rien dans le dossier ne permet de tenir une version pour plus probable qu'une autre.

Il n'est cependant pas nécessaire de trancher cette question, dans la mesure où un tel geste doit être qualifié de voies de fait, au vu de la jurisprudence précédemment citée et en l'absence de lésions spécifiques. Déjà frappées par la prescription au moment du jugement querellé, ces voies de fait feront l'objet d'un classement.

2.6.5. L'appelant est moins crédible lorsqu'il affirme avoir frappé l'intimée sans le faire exprès, avec le revers de la main, au moment où il refermait la portière. Une telle maladresse est en effet d'autant moins compréhensible que, selon ses explications, la voiture était à l'arrêt à ce moment-là et qu'il avait alors tout loisir de regarder ce qu'il faisait. Il paraît davantage probable que l'appelant ait délibérément asséné un coup à l'intimée, dans un geste d'agacement, la tension étant alors à son comble, après que sa passagère eut essayé de sortir du véhicule, l'appelant ayant d'ailleurs indiqué qu'un tel comportement l'avait "terrorisé".

Cela étant, il ressort du dossier, et en particulier des attestations et photos produites, que les lésions observées chez l'intimée étaient superficielles et paraissent ne lui avoir causé qu'un trouble passager, sur le plan physique à tout le moins. Il n'est au demeurant pas soutenable qu'un tel geste, qui s'apparente à une gifle, entraîne des conséquences sur le plan psychique du type d'un mal-être dont se prévaut l'intimée, au point de générer des effets sur le long terme et de se voir prescrire des médicaments tels que décrits sous let. b.a. in fine supra. À tout le moins, l'intimée ne met pas en avant de circonstances propres à démontrer un lien de causalité adéquat entre ce geste et les souffrances dénoncées. Autre est la question de la détresse ayant pu être causée par le fait d'être demeurée, pendant une période relativement longue, dans la voiture de l'appelant, comme développé ci-après (cf. consid. 4.2 infra).

Partant, dès lors que les blessures observées chez l'intimée ne franchissent manifestement pas le degré de gravité requis pour constituer des lésions corporelles simples, celles-ci doivent être considérées comme des voies de fait, lesquelles sont également frappées par la prescription.

Il y a par conséquent lieu d'acquitter l'appelant de lésions corporelles simples, de classer la procédure du chef de voies de fait et de réformer le jugement querellé sur ces points.

De la griffure et de la morsure infligées à l'appelant

2.6.6. La griffure ainsi que la morsure infligées à l'appelant sont peu compatibles avec une attaque primaire et unilatérale, comme l'a affirmé celui-ci, mais correspondent davantage à un geste de défense de la part de l'intimée, ce qui est d'ailleurs en phase avec la chronologie des faits retenue, les actes en question prenant place après les voies de fait infligées par l'appelant.

La Cour retiendra par conséquent que c'est uniquement pour se défendre que l'intimée a agi de la sorte, en utilisant un moyen proportionné, raison pour laquelle il n'y a pas lieu de la poursuivre en raison de ces faits, les conditions de la légitime défense étant réalisées.

Le jugement querellé sera confirmé sur ce point.

De la séquestration

2.6.7. S'il est vrai que l'intimée était objectivement empêchée de sortir du véhicule de l'appelant au moment où celui-ci roulait à vive allure sur l'autoroute, force est de constater qu'une telle situation ne peut en tant que telle être assimilée à une séquestration, en l'absence de tout élément propre à démontrer que l'intimée aurait été empêchée de sortir en raison d'une menace, de violence, d'une ruse ou de tout autre élément propre à entraver sa liberté, comme on le verra ci-après.

En effet, l'intimée a reconnu être montée volontairement dans le véhicule de l'appelant et rien dans le dossier ne permet de retenir qu'elle y aurait été enfermée sans possibilité aucune d'en sortir, comme le démontre le fait qu'elle soit parvenue à ouvrir la portière du véhicule à deux reprises, une première fois sur l'autoroute et une seconde fois à son arrivée à Genève, ce qui tend à démontrer qu'à aucun moment, l'appelant n'a verrouillé le véhicule. Il apparaît ainsi que l'intimée a renoncé à sortir de la voiture lorsque celle-ci était à l'arrêt sur la bande d'arrêt d'urgence, certes dans des conditions peu favorables, mais certainement moins dangereuses que quelques minutes auparavant alors qu'ils circulaient à pleine vitesse, ce qui tend à démontrer qu'elle n'y était pas retenue contre son gré.

Il sied par ailleurs de relever qu'entre la sortie d'autoroute et la rue 2______ où l'appelant s'est arrêté, il y a de nombreux feux de signalisation et de priorités à céder, constituant autant de possibilités pour l'intimée de prendre la fuite si elle était réellement retenue contre son gré, étant rappelé que les portières n'étaient pas verrouillées. La durée du trajet (trois heures), laquelle semble anormalement longue compte tenu de l'itinéraire emprunté, plaide en effet en faveur de plusieurs arrêts effectués par le véhicule. Or, l'intimée n'a saisi aucune de ces opportunités, attendant que l'appelant la dépose comme prévu à son travail, où elle s'est rendue, ne portant plainte que le soir en question.

Rien n'indique non plus qu'elle aurait été empêchée de s'échapper en raison d'une menace, un tel comportement ayant précisément été écarté par le premier juge, sans que cela ne soit contesté en appel. Quant aux indications données par le témoin H______ au sujet des termes menaçants utilisés par l'appelant au téléphone, celles-ci ne permettent pas d'aboutir à une autre conclusion, le mari de l'intimée ayant varié dans ses déclarations, qu'il a formulées une première fois par écrit plus de trois mois après les faits, avant d'être entendu par le MP, ce qui donne à son témoignage une force probante très limitée.

Si le choix peu judicieux de l'itinéraire pourrait constituer une ruse visant à retenir l'intimée prisonnière, force est de constater que l'appelant a déclaré qu'il n'était pas inhabituel, lorsqu'ils se fréquentaient, qu'il la dépose à son travail en prenant l'autoroute jusqu'à Versoix puis en revenant ensuite vers le centre-ville de Genève par la rue de Lausanne, afin de passer plus de temps ensemble à l'abri des regards. Une telle explication ne paraît pas dénuée de pertinence, vu la clandestinité de leur relation. Quant au fait d'être sorti de l'autoroute à Coppet et non à Versoix, rien dans le dossier ne permet de douter des explications de l'appelant tendant à dire qu'il s'agirait d'une erreur d'inattention de sa part en raison de sa dispute avec l'intimée.

L'usage de la violence est certes avéré (cf. consid. 2.6.4 et 2.6.5 supra) et il est compréhensible que l'intimée ait pu ressentir de l'insécurité dans le véhicule de l'appelant. Une tel sentiment, qui peut d'ailleurs également découler des circonstances difficiles d'une rupture, ne paraît cependant pas propre à avoir été de nature à priver l'intimée de ses moyens. La Cour retient ainsi que l'usage de la violence et le sentiment d'insécurité décrit par l'intimée s'inscrivent davantage dans le cadre d'une dispute de couple, lors de laquelle les deux protagonistes ont adopté un comportement agressif, que comme un moyen de terroriser l'intimée et de lui ôter ainsi toute liberté d'action.

Au vu du ce qui précède, il ne peut être établi avec suffisamment de certitude que l'intimée a été réellement et durablement privée de sa liberté, ni que l'appelant a eu l'intention de la séquestrer, fût-ce par dol éventuel, n'ayant jamais accepté un tel résultat. Le doute doit lui profiter et il y a lieu de l'acquitter du chef de séquestration.

Le jugement querellé sera par conséquent réformé sur ce point.

 

Des injures proférées par l'une et l'autre des parties

2.6.8. En l'espèce, bien que les parties aient admis qu'elles s'étaient mutuellement insultées, il n'est pas possible de déterminer avec exactitude lequel des deux protagonistes a commencé. Il transparaît cependant du dossier que les injures proférées par l'intimée l'ont manifestement été dans un état d'excitation excusable, compte tenu de l'agressivité de l'appelant à son égard. Partant, il sera renoncé à toute poursuite à son encontre pour ce chef d'infraction.

2.6.9. Dans le cas de l'appelant, il sera fait application de l'art. 177 al. 3 CP, dans la mesure où il est établi que des injures ont été proférées sur une base réciproque, dans un très court laps de temps, et qu'il ne peut être écarté que l'appelant ait simplement riposté.

Le jugement querellé sera donc confirmé s'agissant de l'intimée et réformé en faveur de l'appelant, qui sera exempté de peine.

3. 3.1. Dans le cadre de l'appel, les frais de la procédure sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé (art. 428 al. 1 CPP). Pour déterminer si une partie succombe ou obtient gain de cause, il faut examiner dans quelle mesure ses conclusions sont admises en deuxième instance (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1261/2017 du 25 avril 2018 consid. 2 et 6B_363/2017 du 1er septembre 2017 consid. 4.1).

3.2.1. Aux termes de l'art. 428 al. 3 CPP, si l'autorité de recours rend elle-même une nouvelle décision, elle se prononce également sur les frais fixés par l'autorité inférieure.

3.2.2. Selon l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.

3.3. Les frais de la procédure de première instance demeureront à la charge de l'appelant à raison d'une moitié, celui-ci ayant fautivement provoqué l'ouverture de la procédure pénale (art. 426 al. 2 CPP) en infligeant des voies de fait à l'intimée, étant précisé qu'il n'a bénéficié d'un classement pour ce chef d'infraction qu'en raison de la prescription. Le solde de ces frais sera laissé à la charge de l'Etat.

3.4. L'appelant, qui succombe s'agissant de ses conclusions tendant à ce qu'un verdict de culpabilité soit rendu à l'encontre de l'intimée, supportera la moitié des frais de la procédure d'appel, comprenant un émolument de jugement de CHF 2'000.-. Le solde de ces frais sera laissé à la charge de l'Etat.

4. 4.1.1. En qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale (art. 122 al. 1 CPP). Conformément à l'art. 126 al. 1 CPP, le Tribunal statue sur les conclusions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu (let. a) et lorsqu'il acquitte le prévenu et que l'état de fait est suffisamment établi (let. b).

4.1.2. Aux termes de l'art. 126 al. 2 let. a CPP, lorsque la procédure pénale est classée, la partie plaignante est renvoyée à agir par la voie civile. Le classement de la procédure par le tribunal est notamment régi par l'art. 329 al. 4 CPP, à teneur duquel lorsqu'un jugement ne peut définitivement pas être rendu, le tribunal classe la procédure, après avoir accordé le droit d'être entendu aux parties ainsi qu'au tiers touchés par la décision de classement.

4.2. La Cour retient que l'accumulation d'éléments délétères tels qu'une séparation, une dispute houleuse, des injures et des voies de fait ont pu conduire l'intimée à se sentir véritablement prise au piège dans le véhicule de l'appelant et provoquer chez elle un traumatisme similaire à celui d'une victime de séquestration. C'est d'ailleurs ce qui expliquerait les séquelles observées chez l'intimée sur le plan psychologique, attestées médicalement et dont il n'y a aucune raison de douter.

Cela étant, au vu des acquittements et classements prononcés, l'intimée sera renvoyée à agir par la voie civile s'agissant de son tort moral.

5. 5.1. L'art. 433 al. 1 CPP permet à la partie plaignante de demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu'elle obtient gain de cause (let. a) ou lorsque le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 CPP (let. b). L'al. 2 prévoit que la partie plaignante adresse ses prétentions à l'autorité pénale ; elle doit les chiffrer et les justifier. Si elle ne s'acquitte pas de cette obligation, l'autorité pénale n'entre pas en matière sur la demande.

5.2. La CPAR applique au chef d'étude un tarif horaire de CHF 450.- (arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 ; ACPR/279/2014 du 27 mai 2014) ou de CHF 400.- (ACPR/282/2014 du 30 mai 2014), notamment si l'avocat concerné avait lui-même calculé sa prétention à ce taux-là (ACPR/377/2013 du 13 août 2013). Elle retient un taux horaire de CHF 350.- pour les collaborateurs (AARP/65/2017 du 23 février 2017) et de CHF 150.- pour les avocats stagiaires (ACPR/89/2017 du 23 février 2017). En cas d'assujettissement, l'équivalent de la TVA est versé en sus.

5.3.1. Conformément à l'art. 433 al. 1 let. b CPP, il se justifie d'entrer en matière sur une indemnisation de l'intimée pour la procédure de première instance, dès lors que A______ a été condamné au paiement d'une partie des frais de ladite procédure, au sens de l'art. 426 al. 2 CPP.

5.3.2. En première instance, l'intimée a requis le versement d'une indemnité totale de CHF 7'500.- correspondant aux honoraires de son avocate.

A______ ayant été condamné à supporter la moitié des frais de la procédure de première instance, il convient de réduire l'indemnité allouée à la partie plaignante pour les dépenses liées aux honoraires dans la même proportion. Dite indemnité sera en définitive fixée à CHF 3'750.- et mise à la charge de A______ (art. 433 al. 1 let. b CPP).

5.3.3. Vu l'issue de l'appel, le jugement querellé ayant été confirmé s'agissant des faits reprochés à l'intimée, mais celle-ci ayant été renvoyée à agir par la voie civile pour son tort moral, il se justifie de lui allouer la moitié de l'indemnité requise, soit CHF 3'515.15, laquelle sera mise à la charge de A______ (art. 433 al. 1 let. b CPP).

6. 6.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit (cf. art. 138 al. 1 CPP) est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

6.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3). Des exceptions demeurent possibles, charge à l'avocat de justifier l'ampleur d'opérations dont la couverture ne serait pas assurée par le forfait.

6.3. Le temps de déplacement de l'avocat est considéré comme nécessaire pour la défense d'office au sens de l'art. 135 CPP (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.33 du 28 juillet 2015 consid. 4.3 et les références). La rémunération forfaitaire de la vacation aller/retour au et du Palais de justice est arrêtée à CHF 100.- pour les chefs d'étude, dite rémunération étant allouée d'office par la juridiction d'appel pour les débats devant elle.

6.4. En l'occurrence, l'état de frais déposé par Me B______ est conforme aux principes rappelés ci-dessus, à l'exception du temps consacré à la rédaction de la déclaration d'appel, activité couverte par le forfait, et de ladite majoration forfaitaire qui doit être ramenée à 10%.

Sa rémunération sera arrêtée à CHF 2'310.15 correspondant à 9h15 d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 1'850.-), plus une vacation à CHF 100.-, la majoration forfaitaire de 10% (CHF 195.-) et la TVA au taux de 7,7% (CHF 165.15).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1277/2021 rendu le 13 octobre 2021 par le Tribunal de police dans la procédure P/7994/2018.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte D______.

Acquitte A______ de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 CP), d'injure s'agissant des faits visés sous chiffres I.1.1.2. b et I.1.1.3.b de l'acte d'accusation (art. 177 al. 1 CP), de menaces (art. 180 al. 1 CP) et de séquestration (art. 183 ch. 1 CP).

Classe la procédure du chef de voies de fait (art. 126 CP) s'agissant des faits visés sous
chiffre I.1.1.1. de l'acte d'accusation.

Déclare A______ coupable d'injure (art. 177 al. 1 CP).

Exempte A______ de toute peine s'agissant de l'infraction d'injure
(art. 177 al. 3 CP).

Renvoie D______ à agir par la voie civile s'agissant de ses conclusions civiles en réparation du tort moral (art. 126 al. 2 CPP).

Condamne A______ à verser à D______ CHF 3'750.- à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure de première instance (art. 433 al. 1 CPP).

Condamne A______ à verser à D______ CHF 3'515.15 à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure d'appel (art. 433 al. 1 CPP).

Condamne A______ à la moitié des frais de la procédure de première instance, qui s'élèvent à CHF 1'694.-, comprenant un émolument de jugement de CHF 300.-, ainsi qu'à la moitié de l'émolument complémentaire en CHF 600.-, et des frais de notification du jugement motivé (art. 426 al. 1 CPP).

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'Etat pour le surplus (art. 423 al. 1 CPP).

Prend acte de ce que le premier juge a fixé à CHF 7'466.85 l'indemnité de procédure due à MB______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP).

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 2'495.-, qui comprennent un émolument de décision de CHF 2'000.-.

Met la moitié de ces frais, soit CHF 1'247.50, à la charge de A______.

Arrête à CHF 2'310.15, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de MB______, défenseur d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

 

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

2'322.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

280.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

140.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

2'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'495.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

4'817.00