Décisions | Tribunal pénal
JTDP/606/2024 du 21.05.2024 sur OPMP/2995/2022,OPMP/2999/2022 ( OPOP ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |
pouvoir judiciaire | ||
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE POLICE Chambre 11
|
MINISTÈRE PUBLIC
contre
Madame X______, née le ______ 1987, domiciliée ______[GE], prévenue, assistée de Me Y______,
Monsieur Z______, né le ______ 1972, domicilié ______[GE], prévenu.
CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :
Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité pour les faits visés dans ses ordonnances pénales. Il conclut :
- s'agissant de X______, à ce qu'elle soit condamnée à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 50.- le jour, avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans, à une amende de CHF 1'800.- à titre de sanction immédiate. Il renonce à requérir l'expulsion judiciaire de X______. Il conclut à sa condamnation au paiement des frais de la procédure;
- s'agissant de Z______, à ce qu'il soit condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 50.- le jour, avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans, à une amende de CHF 1'800.- à titre de sanction immédiate et à sa condamnation au paiement des frais de la procédure.
X______, par la voix de son Conseil, conclut à son acquittement et persiste dans ses conclusions en indemnisation.
Z______ conclut à son acquittement.
*****
Vu les oppositions formées le 29 avril 2022 par X______ et le 4 mai 2022 par Z______ aux ordonnances pénales rendues par le Ministère public le 12 avril 2022 ;
Vu les décisions de maintien des ordonnances pénales du Ministère public des 3 et 10 mai 2022 ;
Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition ;
Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP ;
A. Par ordonnance pénale du 12 avril 2022, valant acte d'accusation, il est reproché à Z______ et à X______ d'avoir, à Genève, du 1er avril 2018 au 31 janvier 2019, induit l'Hospice général en erreur afin de percevoir indûment des prestations de CHF 38'949.60 au total, en ayant notamment dissimulé le fait qu'ils percevaient des revenus relatifs à la sous-location de leur appartement, sis ______[GE], et qu'ils vivaient régulièrement en France, puis trompé l'Hospice général par des affirmations invérifiables – soit en cochant expressément la case "non" à la question de savoir si leur situation financière avait changé sur la demande de réévaluation du 5 novembre 2018 – et en violation de leur engagement de "donner immédiatement et spontanément à l'Hospice général tout renseignement et toute pièce nécessaire à l'établissement de [leur] situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu'à l'étranger, en particulier toute information sur toute forme de revenu ou de fortune", étant précisé que si l'Hospice général avait eu connaissance de la vérité, il aurait refusé ou, à tout le moins, réduit les prestations en faveur de Z______ et X______ ; faits qualifiés d'escroquerie au sens de l'art. 146 al. 1 CP.
B. Il ressort de la procédure les faits pertinents suivants :
a. Le 1er juillet 2020, l'Hospice général a dénoncé Z______ et X______ d'avoir perçu indûment l'aide sociale à hauteur de CHF 51'139.30 au total, après avoir pris connaissance d'une procédure P/16957/2019 qu'ils percevaient des revenus locatifs non déclarés.
Procédure P/16957/2019
b. Selon le rapport de renseignements du 12 août 2019, le 29 mars 2019, A______ a demandé l'intervention d'une patrouille à ______[GE], car elle ne pouvait plus pénétrer dans l'appartement qu'elle sous-louait en raison d'un changement de serrure. X______ et Z______, locataires officiels, ont indiqué à la police habiter à cette adresse de façon permanente et souhaiter qu'A______ parte. Le 30 mars 2019, A______ a récupéré ses affaires.
c.a. Auditionnée par la police le 26 mai 2019, A______ a déposé plainte pénale contre B______ pour calomnie. Elle avait été "colocataire" d'une chambre louée à X______ et Z______ à ______[GE], du 31 mars 2018 au 30 mars 2019, pour CHF 800.- mensuels. Le règlement des loyers, tous honorés, s'effectuait en espèces. Le couple, qui était bénéficiaire d'une rente de l'Hospice général qui prenait en charge le loyer, habitait au ______[FR] et passait une à deux fois par semaine à l'appartement afin de récupérer le courrier. Ils avaient convenu qu'ils s'occuperaient de ses chats en cas d'absence. Du 26 janvier 2019 à fin mars 2019, elle avait dû se rendre à Paris pour le travail. Elle avait trouvé une personne, B______, qui avait accepté d'occuper sa chambre et de prendre soin de ses animaux en son absence. B______ avait payé le loyer à sa place pendant ces deux mois directement au couple. X______ et Z______ s'étaient cependant plaints de ne pas avoir été avertis de son absence prolongée, de sorte qu'ils avaient remis en question leur accord, notamment sur l'utilisation du mobilier commun. Le 25 mars 2019, B______ lui avait envoyé un message selon lequel elle avait jusqu'à la fin de la semaine pour récupérer ses chats car elle allait reprendre la location de sa chambre, ce sans son accord. Le 28 mars 2019, B______ l'avait informée que la SPA avait récupéré ses chats. Le 29 mars 2019, en revenant de Paris, elle avait constaté que la serrure de l'appartement avait changé, raison pour laquelle elle avait contacté la police. Les 30 mars et 10 avril 2019, elle avait finalement récupéré ses affaires dans l'appartement litigieux, ainsi que ses chats à la SPA. Elle habitait entre Paris et Genève et n'avait officiellement pas annoncé de changement d'adresse [ndlr. au contrôle de l'habitant genevois] car elle ne savait pas si elle allait s'établir à Genève.
c.b. Auditionné par la police le 6 août 2019, Z______ a déclaré habiter à ______, à Genève. Le loyer mensuel était de CHF 1'230.- charges comprises. L'Hospice général lui versait une aide en complément du revenu de son épouse, X______.
Une de ses amies lui avait demandé s'il pouvait héberger A______ temporairement. En définitive, A______ avait habité dans son salon du mois d'avril 2018 à janvier 2019. Elle était dans la précarité mais avait contribué aux frais qu'elle occasionnait, soit de nourriture et des dégâts provoqués par ses chats, sans donner de loyer. Il n'avait donc pas déclaré qu'elle habitait chez lui car il pensait qu'elle allait retrouver un appartement rapidement. A______ ne lui avait pas versé un loyer de CHF 800.- mensuels pour l'hébergement. Il ne se souvenait pas d'un message échangé avec cette dernière selon lequel il était fait mention d'un versement de CHF 600.- au lieu de CHF 800.-.
En janvier 2019, A______ était partie à Paris. Il avait été convenu avec cette dernière qu'elle quitte l'appartement à son retour, soit dans les 2 ou 3 mois suivants. Pendant son absence, à la demande d'A______, B______ s'était occupée des chats une fois par jour. Pour sa part, il s'en était également occupé, mais très rarement. B______ avait dormi à quelques reprises sur le canapé convertible du salon, soit la place d'A______, sans donner d'argent pour ce service.
Sa famille et lui se rendaient occasionnellement chez son père, C______, lequel était domicilié ______[FR].
c.c. Auditionnée par la police le 6 août 2019, X______ a déclaré habiter – en permanence – avec son époux Z______ et leur enfant à ______[GE], à Genève. Z______ n'avait pas de travail et était arrivé au terme de ses prestations de chômage. De ce fait, l'Hospice général leur versait une aide qui leur permettait de payer le loyer, l'assurance-maladie et d'assurer leur minimum vital.
A______ leur avait indiqué qu'elle avait besoin d'un hébergement et qu'elle n'avait pas d'autre endroit où aller. Ils avaient hébergé cette dernière dans l'urgence du mois d'avril 2018 à janvier 2019. Or, elle pensait qu'elle resterait temporairement, soit pendant 3 mois maximum. En réalité, A______ avait vécu pendant la période précitée dans leur salon et leur avait occasionnellement donné une participation – elle ne connaissait pas le montant exact – aux frais qu'elle générait. A______ s'était absentée de l'appartement entre janvier et mars 2019. Lors de son absence, cette dernière avait trouvé un arrangement avec B______ pour s'occuper des chats. A la demande spécifique d'A______, son époux et elle s'étaient également occupés des chats.
Sa famille et elle se rendaient de temps en temps au ______[FR], soit au domicile de son beau-père, C______. Ils ne vivaient cependant pas à cet endroit.
c.d. Auditionnée par la police le 6 août 2019, B______ a déclaré qu'entre janvier et mars 2019, elle était étudiante au CMU et n'avait pas eu le courage de faire quotidiennement le trajet en train entre son domicile à Payerne et Genève. Elle avait trouvé une chambre par le biais des réseaux sociaux proposée par A______. Cette dernière travaillait à Paris et lui laissait occuper sa chambre 2 ou 3 fois par semaine en contrepartie des soins apportés aux chats de cette dernière. Elle n'avait pas payé de loyer ; A______ s'en chargeait. A______ lui avait présenté Z______ et X______ avec lesquels elle n'avait pas beaucoup échangé et qui étaient présents en début de semaine. Fin mars 2019, elle avait quitté l'appartement pour se rendre à Payerne. Elle avait donc appelé la SPA pour ne pas laisser les chats seuls. Elle n'aurait pas dû trouver des "combines" sur les réseaux sociaux avec des gens qu'elle ne connaissait pas.
Faits dénoncés par l'Hospice général
d.a. Il ressort des documents produits par l'Hospice général que Z______ et X______ ont signé :
- le 13 novembre 2017, une demande de prestations d'aide sociale financière dans laquelle ils ont notamment coché la case "non" à la question de savoir s'ils avaient des revenus de biens mobiliers ou immobiliers, tels que des loyers ;
- les 13 novembre 2017 et 3 septembre 2019, deux formulaires "mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général" dans lesquels ils s'engagent notamment à (1) "donner immédiatement et spontanément à l'Hospice général tout renseignement et toute pièce nécessaire à l'établissement de [leur] situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu'à l'étranger, en particulier toute information sur toute forme de revenu ou de fortune (y compris par exemple les provisions/acomptes de chauffage restituté-e-s par [leur] bailleur", (2) "[se] soumettre en tout temps et sur simple demande de l'Hospice général à une enquête du Service des enquêtes de l'Hospice général sur [leur] situation personnelle et économique (…) et en autorisant en tout temps un contrôle à [leur] domicile par le Service des enquêtes de l'Hospice général, avec ou sans préavis" ;
- le 5 novembre 2018, une demande de réévaluation dans laquelle ils ont notamment coché la case "non" à la question de savoir si leur situation financière avait été modifiée.
Selon une attestation d'aide financière de l'Hospice général, Z______ a perçu CHF 38'949.60 du 1er avril 2018 au 31 janvier 2019.
d.b. Le 4 septembre 2019 à 9h30, l'Hospice général a effectué un "contrôle terrain", soit une visite domiciliaire, sis ______[GE]. Le contrôleur a constaté que Z______ et X______ se trouvaient à cette adresse. Le logement était composé d'une salle d'eau, d'une cuisine/coin à manger, d'un salon, ainsi que d'une chambre. Les affaires des usagers se trouvaient dans le logement.
d.c. Le 27 novembre 2019, D______, inspecteur à l'Hospice général, a établi un rapport d'enquête.
Il en ressort que le 6 novembre 2019 à 13h30, l'inspecteur a procédé à l'audition de Z______ et X______ à leur domicile, après avoir constaté que leurs effets personnels s'y trouvaient, en leur indiquant qu'ils n'avaient "pas d'autres choix que de collaborer". X______ et Z______ ont déclaré avoir sous-loué une chambre à A______ du 1er avril 2018 au 31 janvier 2019 pour CHF 400.- mensuels car elle avait besoin d'un logement temporaire. Par ailleurs, à cette période, les travaux du ______ étaient très bruyants. Pour leur part, ils avaient séjourné – sans déterminer la fréquence – chez les parents de Z______ à ______[GE], respectivement au ______[FR].
Selon l'inspecteur, E______ avait été en colocation avec Z______ de 2015 à février 2018, pour CHF 600.- mensuels ; Z______ venait encaisser l'argent de temps en temps et restait quelques fois dormir une nuit. Ensuite, l'appartement ______[GE] avait été loué à A______, du 1er avril 2018 au 31 janvier 2019, pour un loyer mensuel de CHF 800.-, selon les justificatifs remis par cette dernière. Une enquête de voisinage avait révélé que le couple n'avait pas séjourné à ______[GE], entre décembre 2017 et janvier 2019. En revanche, ils avaient de temps en temps été aperçus à cette adresse lors de visites. Enfin, selon une annonce Anibis, provenant du numéro de téléphone de Z______, la sous-location d'une chambre à des étudiants ou des stagiaires était proposée.
e. A la demande du Ministère public, l'Hospice général a versé les justificatifs obtenus d'A______, ainsi que l'annonce Anibis évoqués dans le rapport d'enquête du 27 novembre 2019.
e.a. S'agissant des justificatifs d'A______, il s'agit des échanges de messages suivants :
- des échanges de courriers électroniques du 18 janvier 2018 au 12 mars 2018 entre Z______ et A______ :
o A______ le 18 janvier 2018 à 22h28 : "Bonsoir, Je suis l'amie de E______, votre actuelle sous-locataire. Je cherche un logement et votre appartement pourrait tout à fait me convenir (…)" ;
o Z______ le 19 janvier 2018 à 16h30 : "Bonjour, E______ m'a parlé de toi et de l'intérêt que tu portes à l'appartement (…). Durant les deux prochains mois (février-mars), nous allons reprendre l'appartement dans son entier. Par la suite, nous envisageons, parce que nous vivons essentiellement à la campagne, ne conserver qu'une des chambres (pour les moments passés à Genève) et de louer ainsi l'autre. Il s'agirait, probablement dès avril (mais il faut encore qu'on en discute avec ma compagne), de partager cet appartement en coloc et de n'y passer qu'occasionnellement et n'y dormir sans doute que très rarement à court terme au moins. A long terme, je ne peux encore rien dire (…) Est-ce compatible avec ce que tu recherches? (…)" ;
o A______ le 18 janvier 2018 à 22h28 : "Bonjour, j'habite seule mais avec deux chats (castrés/stérilisés). Donc à toi aussi de savoir si ça ne te/vous dérange pas de coloquer avec deux chats lors de vos passages à Genève. A priori la colocation épisodique ne me dérange pas. Il est en revanche essentiel pour moi de compter sur une sous-location à moyen terme au moins (…). Je loge dans un appartement dont le bail a été résilié pour fin mars – il y a peut-être une possibilité pour que je prolonge ce délai de 2 mois (soit jusqu'à fin mai) mais il faudrait pour cela que j'échange des courriers avec la régie et rien n'est gagné" ;
o Z______ le 31 janvier 2018 à 13h25 : "Nous sommes partant-e-s pour une colocation avec toi à partir du 1er avril ainsi qu'il en a été convenu. Tu pourrais emménager le 30 mars (ou même partiellement avant) si cela t'arrange. Est-ce que 800 mensuels te conviendrait, compte tenu du faible usage qu'on ferait de l'appartement ces prochains mois au moins (c'est ce que je demandais à E______ lorsqu'on était en colocation dans les mêmes termes, avant qu'elle ne reprenne totalement l'appartement)" ;
o A______ le 31 janvier 2018 à 13h25 : "Voilà une bonne nouvelle! Je suis très contente et partante moi aussi de cette prochaine colocation avec vous. Un loyer de CHF 800.- pour la grande chambre me convient (…) Je te tiendrai informé de la date à laquelle je devrai emménager et on fixera tous les aspects logistiques et formels nécessaires" ;
o Z______ le 12 mars 2018 à 11h04 : "Par rapport à la connexion internet, il serait souhaitable [que] l'on prenne un abonnement commun de manière à ce qu'on puisse également en profiter lors de nos « passages »".
- une capture d'écran d'un échange de messages WhatsApp du 14 novembre 2018 avec X______ :
o A______ : "Salut, je pars ce soir et reviendrai vendredi. Est-ce que vous pouvez donner à manger aux chats? Vous restez dormir jeudi soir? [Ndlr. Image de mauvaise qualité avec un billet de CHF 200.-]. Les sous pour le loyer de novembre. Merci de me confirmer une fois que vous les aurez réceptionnés" ;
o X______ : "Oui nous viendrons jeudi dormir et ok pour les chats".
- des échanges de messages SMS entre Z______ et A______ de décembre [ndlr. 2018] :
o Z______ [ndlr. non daté] : "Salut, pas de soucis. Juste enlever nos draps. On viendra dormir mercredi ou jeudi soir. Bonne soirée. Ps. Peux-tu stp continuer à relever le courrier pour parer à une éventuelle convoc de l'hg? Merci. Ps2. Parviens-tu à nous donner le loyer cette semaine?" ;
o A______ le 9 décembre 2018 à 23h32 : "Salut, merci pour la chambre! Pour le loyer, je peux vous payer CHF 600.- cette semaine. Pour le restant, je devrai ma foi jongler finalement, car je n'ai toujours pas trouvé de boulot. Si c'est possible j'aimerais discuter avec vous d'un arrangement de paiement pour ces deux prochains mois" ;
o Z______ le 10 décembre 2018 à 13h55 : "Salut, qu'entends-tu par un arrangement? Nous avons vraiment besoin de ce loyer pour tourner. En plus avec les frais de fin d'année importants (tax hab, impôts + assur maison) s'il s'agit de différer on peut s'arranger. Mais pour le reste, ce n'est pas avec ce que ns procurent les soc. que l'on peut vivre. On sera de toute [façon] jeudi soir à Genève. Bonne journée" ;
o A______ le 10 décembre 2018 : "Je pense à la possibilité de vous payer deux fois 600.- au lieu de 800.- en décembre et janvier. Je vous devrai donc 400.- que j'espère pouvoir vous verser en février. Je comprends vos difficultés, je cherche juste à trouver une solution pour passer le mauvais cap que je traverse. Bien entendu, il faut que ça reste viable pour tout le monde" ;
o Z______ le 10 décembre 2018 : "Je comprends tes soucis. On a aussi des échéances fixes et je vois pas comment… on en parle jeudi?" ;
o A______ le 10 décembre 2018 : "Je ne serai pas à Genève jeudi, je profite du retour de mon amie pour faire le trajet à Paris avec elle. Je vous laisserai les 600fr dans l'appartement. On discutera de la faisabilité d'un arrangement soit la semaine prochaine soit par téléphone" ;
o Z______ le 10 décembre 2018 : "Tu nous place devant le fait accompli et charge à nous de nous débrouiller? Je ne trouve cela pas très correct. Une fois de plus je comprends bien que ce ne soit pas aisé pour toi mais nous n'y sommes pour rien" ;
o A______ le 10 décembre 2018 : "Je ne vous place pas devant le fait accompli. Je serai là la semaine prochaine pour discuter d'un éventuel arrangement. Mais je vous laisse les 600fr avant mon départ pour que vous ayez la quasi-totalité du loyer cette semaine. Vous pouvez bien entendu refuser. Je démarre cette conversation par SMS vu que nous nous voyons rarement. Donc je ne vous place en aucun cas devant un fait accompli. Merci de ne pas m'accuser à tort et à travers. Ce n'est pas de ma faute non plus si vous n'arrivez pas à tourner d'ailleurs" ;
o Z______ le 10 décembre 2018 : "Je propose que l'on ne s'énerve pas ni ti ni moi et qu'on en parle la semaine prochaine. Le sms n'est pas je crois le média approprié".
e.b. L'annonce Anibis, au nom de G______, inscrite le 17 mai 2013, dont le dernier login est le 15 juillet 2016, propose la sous-location d'une chambre à des étudiants et stagiaires pour les mois de juillet-août suivants.
f.a. Le 30 août 2021, le Ministère public a auditionnée E______ et B______ en qualité de témoin.
f.a.a. E______, costumière de profession, a déclaré avoir vécu en colocation avec Z______, dans l'appartement sis à ______[GE], entre mai 2013 et octobre 2016. Z______ avait fait la connaissance de X______ en 2016, de sorte qu'elle avait également partagé le domicile avec cette dernière.
Le loyer mensuel était de CHF 500.- à CHF 700.- qu'elle versait en espèces à Z______. Lors de ses absences, intervenues à deux ou trois reprises pendant 4 semaines, elle n'avait pas versé de loyer.
A partir de 2016, elle était beaucoup à Fribourg et venait de temps en temps dormir dans l'appartement de Z______. Dès février 2018, elle avait pris un bail à Fribourg. Pendant cette période, son permis de séjour était en cours de renouvellement. Elle avait un statut "intermittent du spectacle" assimilé à une situation de chômage et rattaché au canton de Genève. De ce fait, elle ne pouvait pas officiellement changer de canton.
Elle avait déclaré à la personne qui l'avait contactée de l'Hospice général, contrairement à la vérité, avoir sous-loué la plus grande chambre de l'appartement jusqu'en février 2018 pour un loyer mensuel de CHF 600.- car elle s'était sentie mise en cause. L'inspecteur lui avait indiqué qu'elle avait intérêt à répondre "oui" à son interrogatoire car son permis de séjour était en cours de renouvellement et de ce fait, sa situation en lien avec son permis pouvait être remis en cause si elle ne coopérait pas.
f.a.b. B______ a déclaré que durant sa première année d'apprentissage, entre décembre 2018 ou janvier 2019, elle avait deux fois par semaine des cours qui commençaient tôt à Genève. Vu qu'elle devait dormir sur place, sa mère lui avait présenté X______ qui l'avait laissée dormir chez elle pendant deux mois, à raison de deux à trois fois par semaine. Elle n'y avait pas habité, ni n'avait laissé des affaires ou payé de loyer. Elle s'y rendait sans affaires personnelles pour repartir le lendemain. Elle était apprentie et n'avait pas d'argent. Des fois, elle faisait les courses. Lorsqu'elle dormait dans l'appartement, le couple était présent.
Elle n'avait jamais vu A______. De ce fait, elle n'avait pas non plus vu cette dernière remettre de l'argent aux prévenus. Z______, X______, A______ et elle avaient un groupe WhatsApp pour s'occuper des chats d'A______. A______, qui avait eu son numéro via ce groupe WhatsApp, l'avait contactée via Facebook. Cette dernière lui avait dit qu'elle habitait chez X______ qui "était sur France pour son travail et [qui] revenait en Suisse tous les x temps". De son côté, X______ lui avait expliqué avoir hébergé A______ qui avait des difficultés financières.
Au départ, A______ était gentille. Plus tard, elle avait commencé à "descendre" X______, ce qu'elle avait trouvé bizarre vu que cette dernière l'hébergeait. Ensuite, A______ lui avait "mis la pression" et l'avait manipulée en lui demandant d'envoyer des messages de confirmation de paiement dans le groupe WhatsApp qu'ils avaient tous ensemble. Il s'agissait d'un modèle de message dans lequel il était dit qu'elle confirmait, contrairement à la réalité, avoir versé une somme à X______, en raison du fait qu'elle dormait là-bas, alors qu'elle n'y habitait pas. Or, elle n'avait rien versé à X______.
Ensuite, Z______ et X______ lui avaient dit qu'A______ "squattait" chez eux et qu'elle ne voulait pas partir. A______ avait traumatisé X______ à tel point que cette dernière avait changé les serrures.
Pour sa part, elle avait appelé la SPA parce qu'A______ avait laissé ses chats dans l'appartement et personne ne pouvait s'en occuper.
f.b. Bien que convoquée à deux reprises par le Ministère public les 30 août 2021 et 3 décembre 2021, A______ ne s'est pas présentée aux audiences d'instruction, sans faire valoir de motifs.
S'agissant en particulier de la convocation du 3 décembre 2021, elle a été expédiée à l'adresse communiquée par elle lors de son audition à la police du 26 mai 2019, soit c/o F______, ______[FR] ; laquelle est revenue en retour avec la mention "destinataire inconnu à l'adresse".
g. Entendus par la police le 2 mars 2021, puis par le Ministère public les 3 mai 2021 et 25 février 2022, tant Z______ que X______ ont fait valoir leur droit au silence. Ils ont néanmoins tous deux déclaré habiter dans l'appartement ______[GE].
h.a. Par courrier au Ministère public du 7 avril 2022, X______ n'a pas formulé de réquisitions de preuve. Elle a néanmoins observé qu'elle n'avait pas été confrontée à A______.
h.b. Par devant le Tribunal de céans, les prévenus n'ont pas fait valoir de réquisitions de preuve.
C.a.a. A l'audience de jugement, Z______ a contesté les faits reprochés. Il avait travaillé à l'université pendant une dizaine d'années sur un projet de recherche intitulé "______", avant de se retrouver au chômage. Au terme des prestations du chômage, il avait fait une demande financière auprès de l'Hospice général en attendant que son projet prenne corps.
Il avait signé automatiquement et pris connaissance des formulaires "Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice Général" datés respectivement du 13 novembre 2017 et 3 septembre 2019. Il ne s'était pas posé la question, en signant ces formulaires, qu'il s'engageait à donner immédiatement et spontanément à l'Hospice général tout renseignement et toute pièce nécessaire à l'établissement de sa situation personnelle, familiale et économique en Suisse et à l'étranger. Ce n'était pas du tout à l'ordre du jour. Il devait bénéficier de l'aide de l'Hospice général pour une courte durée et en sortir au plus vite, mais cela ne s'était pas passé comme prévu.
Il contestait la réévaluation effectuée par l'Hospice général du 5 novembre 2018. Il n'avait ni sous-loué son logement, ni perçu des loyers de sous-location de la part d'A______. Fin 2017, E______, une amie, leur avait demandé s'ils pouvaient héberger A______ qui se trouvait dans une situation d'urgence. Il lui avait indiqué avoir la possibilité d'héberger cette dernière dès le mois de mai 2018 car il se trouverait entre Genève et Lausanne dans le cadre d'un projet aux ______ de Lausanne. Toutefois, il lui avait précisé qu'il ne devait plus bénéficier de l'aide de l'Hospice général pour l'héberger.
En définitive, ils avaient hébergé A______ d'avril 2018 à janvier 2019 dans des circonstances particulières. Vu qu'il n'avait pas pu mener à bien son projet, son épouse et lui n'étaient pas allés à Lausanne. Ils s'étaient donc retrouvés avec la présence de cette personne dans leur logement, en étant en porte à faux avec l'Hospice général. Pour cette raison, ils lui avaient demandé de partir avec sauf erreur un préavis de 2 mois, sans paiement de loyer. Ils avaient eu un litige avec cette dernière qui ne voulait pas partir. Ils avaient ensuite vécu une situation cauchemardesque durant 2 mois, soit jusqu'à ce qu'elle parte.
Il ne se rappelait pas de son message à A______ selon lequel "nous avons vraiment besoin de ce loyer pour tourner. En plus avec [ ... ] les frais de fin d'année importants (tax hab, impôts + assur maison)". Il ne tenait pas à se prononcer sur les pièces transmises spontanément par A______ à l'Hospice général par désir de "vengeance".
En novembre 2019, ils n'avaient pas pu donner suite à la convocation de l'Hospice général car son épouse avait subi une intervention chirurgicale. L'inspecteur D______ s'était alors rendu à leur domicile. Il l'avait trouvé incorrect. Ce dernier avait dit qu'ils avaient intérêt à parler et à dire la vérité car il savait qu'ils habitaient en France. Ils avaient nié les propos de ce dernier, contrairement à ce qui figurait dans le rapport. En particulier, il n'avait jamais affirmé qu'ils habitaient, respectivement qu'ils séjournaient en France, au ______[FR], soit dans la maison de ses parents. Il lui avait en revanche dit qu'ils allaient ponctuellement chez ses parents.
D______ s'était également comporté de manière grossière, en faisant des blagues racistes, des allusions à la vie sexuelle de son père qu'il ne connaissait pas, et en allant fouiller dans les affaires de sa femme, dans ses sous-vêtements, pour être sûr qu'ils logeaient dans l'appartement. Le passage de ce dernier les avait choqués.
a.b. Z______ a produit des pièces concernant son projet universitaire de 2018 évoqué dans la procédure.
b.a. X______ a contesté les faits reprochés. Son conjoint avait sollicité l'aide financière de l'Hospice général, de sorte qu'elle avait ensuite signé les documents y relatifs à son domicile. Elle avait rencontré une assistante sociale à une seule reprise lors d'une rencontre de routine.
L'annonce sur Anibis comportant son numéro de téléphone, proposant la sous-location d'une chambre à des étudiants ou stagiaires, datait de "2013". A cette date, elle n'avait pas de logement à son nom, ni n'avait pu proposer la sous-location d'une chambre.
La capture d'écran d'un échange de messages avec A______ du 14 novembre 2018 "nous passerons jeudi… pourrais-tu stp nous dire d'ici là s'il y a un courrier de l'HG?" ne lui disait rien. Ils n'avaient jamais réceptionné d'argent pour le loyer du mois de novembre 2018 et elle ignorait la raison pour laquelle A______ affirmait avoir payé.
L'inspecteur de l'Hospice général s'était comporté de manière grossière. Il ne leur avait pas laissé la possibilité de parler. Il leur avait dit qu'il avait des preuves qu'il avait posées sur la table en leur disant qu'il savait qu'ils avaient perçu de l'argent et qu'ils n'habitaient pas dans l'appartement. Il avait eu des propos racistes en lui demandant si elle connaissait un coiffeur africain exerçant à Genève. Il voulait absolument ouvrir son tiroir contenant ses sous-vêtements.
A l'heure actuelle, la procédure d'opposition auprès de l'Hospice général était toujours en cours.
b.b. X______, par la voix de son Conseil, a déposé des conclusions écrites visant au paiement de CHF 21'251.20 à titre d'indemnités pour ses frais de défense (art. 429 al. 1 CPP).
D.a. Z______ est né le ______ 1972 à Chêne-Bougeries. Il est de nationalités suisse et française. Il est marié à X______ avec laquelle il a un enfant de 7 ans. Il perçoit une rente invalidité de CHF 2'205.- mensuels. S'agissant de ses charges mensuelles, il honore un loyer de CHF 1'293.- ainsi que les primes de l'assurance maladie en CHF 290.-. Il n'a pas de dettes, ni de fortune.
b. X______ est née le ______ 1987 à Yaounde, au Cameroun. Elle a la nationalité camerounaise ainsi que française et est au bénéfice d'un permis C. Elle est enseignante au ______ et ______ à un taux de 29.20 %, pour un salaire mensuel net de CHF 1'913.45.-. S'agissant de ses charges, elle honore un loyer de CHF 1'293.- ainsi que les primes de l'assurance maladie en CHF 240.-. Elle n'a pas de dettes, ni de fortune.
c. Z______ et X______ n'ont pas d'antécédents inscrits dans l'extrait de leur casier judiciaire suisse.
Remarque liminaire
1. Dans sa plaidoirie au fond, la prévenue conteste l'enquête de l'Hospice général du 27 novembre 2019. Elle semble ainsi se prévaloir du caractère inexploitable de cette preuve.
1.1.1. La procédure pénale contient des dispositions sur les méthodes d'administration des preuves interdites (art. 140 du Code de procédure pénale du 5 octobre 2007 [CPP ; 312.0]) et sur l'exploitation des moyens de preuves obtenus illégalement (art. 141 CPP).
Ainsi, selon l’art. 140 CPP, les moyens de contrainte, le recours à la force, les menaces, les promesses, la tromperie et les moyens susceptibles de restreindre les facultés intellectuelles ou le libre arbitre sont interdits dans l'administration des preuves (al. 1). Ces méthodes sont interdites même si la personne concernée a consenti à leur mise en œuvre (al. 2).
Aux termes de l'art. 141 CPP, les preuves administrées en violation de l'art. 140 CPP ne sont en aucun cas exploitables. Il en va de même lorsque le code dispose qu'une preuve n'est pas exploitable (al. 1). Les preuves qui ont été administrées d'une manière illicite ou en violation de règles de validité par les autorités pénales ne sont pas exploitables, à moins que leur exploitation soit indispensable pour élucider des infractions graves (al. 2). Les preuves qui ont été administrées en violation de prescriptions d'ordre sont exploitables (al. 3). Si un moyen de preuve est recueilli grâce à une preuve non exploitable au sens de l'al. 2, il n'est pas exploitable lorsqu'il n'aurait pas pu être recueilli sans l'administration de la première preuve (al. 4). Les pièces relatives aux moyens de preuves non exploitables doivent être retirées du dossier pénal, conservées à part jusqu'à la clôture définitive de la procédure, puis détruites (al. 5).
1.1.2. Le prévenu n'a pas l'obligation de déposer contre lui-même. Il a notamment le droit de refuser de déposer et de refuser de collaborer à la procédure (art.113 al. 1 CPP). La procédure est poursuivie même si le prévenu refuse de collaborer (art. 113 al. 2 CPP).
L'art. 113 CPP traduit le principe de non-incrimination "nemo tenetur se ipsum accusare", lequel englobe le droit de se taire et est déduit de la présomption d'innocence. Ces garanties sont consacrées à l'art. 14 ch. 3 let. g du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II ; RS 0.103.2) et à l'art. 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH ; RS 0.101) (ATF 142 IV 207 consid. 8.3 ; ATF 138 IV 47 consid. 2.6.1).
D'après ce principe "nemo tenetur se ipsum accusare", nul ne peut être tenu de témoigner contre lui-même dans le cadre d'une procédure pénale. En d'autres termes, il bénéficie du droit de ne pas participer activement à sa propre incrimination. Son silence ne peut être considéré comme un indice de culpabilité (ATF 138 IV 47 consid. 2.6.1 ; ATF 131 IV 36 consid. 3.1 ; ATF 130 I 126 consid. 2.1).
1.1.3. L'audition – même avec une obligation de collaborer – est un moyen de preuve valable en procédure administrative. Il ne s'agit ainsi pas d'une méthode d'administration des preuves interdite (art. 140 CPP), dont le résultat est toujours inexploitable (art. 141 al. 1 CPP) (Stéphane GRODECKI, Les interactions entre les procédures administratives, civiles et pénales, in Mélanges à la mémoire de Bernard Corboz, Grégory BOVEY/Benoît CHAPPUIS/Laurent HIRSCH [éd.], 2019, p. 367).
Se pose la question de l'exploitabilité dans une procédure pénale des déclarations issues d'une procédure administrative lors de laquelle une personne, tenue de collaborer, ne s'est pas vu rappeler son droit de ne pas s'auto-incriminer.
D'après la doctrine et la jurisprudence, les preuves récoltées par une autorité administrative peuvent être utilisées par les autorités pénales pour élucider une infraction grave si l'administré a été obligé de déposer en application du principe de collaboration. En revanche, si l'obligation de collaborer a été assortie de la menace d'une sanction pénale, ou, à tout le moins, d'une sanction d'une gravité comparable, les preuves sont inexploitables (Stéphane GRODECKI, op. cit., p. 366 ; Katia VILLARD/Fabio BURGENER, Les preuves illicites en droit pénal : exploitabilité et voies de droit, Bâle, 2023, p. 173 ; ATF 142 IV 207 = JdT 2017 IV 51 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_59/2020 du 19 juin 2020 consid. 7.2).
1.1.4. La notion d'infractions graves, au sens de l'art. 141 al. 2 CPP, implique une pesée des intérêts. Plus l'infraction à juger est grave, plus l'intérêt public à la découverte de la vérité l'emporte sur l'intérêt privé du prévenu à ce que la preuve en question reste inexploitée. Les infractions graves au sens de la loi sont avant tout des crimes. Il ne faut pas prendre en compte de manière générale certains éléments constitutifs de l'infraction et les peines abstraites qu'ils entraînent, mais l'ensemble des circonstances du cas concret. Il est possible de se baser sur des critères tels que le bien juridique protégé, l'ampleur de sa mise en danger ou de sa violation, le mode opératoire et l'énergie criminelle de l'auteur ou le motif de l'infraction (ATF 149 IV 352).
1.1.5. Aux termes de l'art. 32 al. 3 de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI ; RS/GE J 4 04), le demandeur doit se soumettre à une enquête de l'Hospice général lorsque celui-ci le demande. Selon l'art. 54 al. 1 LIASI, l'Hospice général procède, par sondage ou au besoin, à des enquêtes sur la situation financière du demandeur et des membres du groupe familial qui demandent ou obtiennent des prestations d'aide financière.
La LIASI impose ainsi un devoir de collaboration et de renseignement (ATA/1241/2023 consid. 2.6), sous peine d'abus de droit. Si le bénéficiaire n'agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu'il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps (ATA/1052/2023 consid. 2.6).
1.2. En l'espèce, il existe une base légale autorisant l'Hospice général à effectuer une enquête interne sur les prestataires de l'aide sociale (32 al. 3 et 54 al. 1 LIASI). Les prévenus en ont eu connaissance dans le formulaire "mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général" qu'ils ont signé les 13 novembre 2017 et 3 septembre 2019.
Par ailleurs, ladite enquête interne remplit les conditions d'exploitabilité prévues par l'art. 141 al. 2 CPP. L'escroquerie reprochée aux prévenus constitue une infraction qui, s'agissant d'un crime (art. 10 al. 2 CP cum art. 146 CP), doit être qualifiée de grave au sens de la disposition précitée. L'enquête litigieuse n'était ni systématique, ni constante. Elle s'est limitée à une enquête de voisinage, l'audition de deux témoins et une audition des prévenus le 6 novembre 2019 lors de laquelle l'inspecteur a attiré leur attention sur leur devoir de collaboration à teneur de la LIASI. Il ne ressort pas de la procédure qu'ils auraient été menacés d'une sanction pénale ou d'une sanction d'une gravité comparable ; les prévenus s'étant contentés de qualifier l'inspecteur de "grossier" et d'"incorrect", "faisant des blagues racistes". De surcroît, l'intérêt public à ce que les faits soient élucidés est prépondérant par rapport à l'intérêt des prévenus à ce que ce moyen de preuve soit écarté de la procédure. Au demeurant, si les prévenus ont contesté l'enquête interne menée par l'Hospice général, ils n'ont pas sollicité qu'elle soit retranchée du dossier pénal, au motif qu'ils avaient fait valoir leur droit au silence lors de la procédure préliminaire.
Partant, l'enquête interne de l'Hospice général du 27 novembre 2019 est une preuve exploitable.
Culpabilité
2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 § 2 CEDH et, sur le plan interne, par l'art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. ; RS 101), ainsi que par l'art. 10 al. 3 CPP concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence, mais aussi lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a ; ATF 120 Ia 31 consid. 2c et d). Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a ; ATF 124 IV 86 consid. 2a ; ATF 120 Ia 31 consid. 2c).
2.2. Le juge dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Les preuves doivent être examinées dans leur ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1 et 6B_1183/2016 du 24 août 2017 consid. 1.1).
2.3. L'art. 6 par. 3 let. d CEDH garantit à tout accusé le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins. Cette disposition exclut qu'un jugement pénal soit fondé sur les déclarations de témoins sans qu'une occasion appropriée et suffisante soit au moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoignages en doute et d'interroger les témoins, à quelque stade de la procédure que ce soit. Sont considérées comme des déclarations de témoins toutes celles portées à la connaissance du tribunal et utilisées par lui, y compris lorsqu'elles ont été recueillies lors de l'enquête préliminaire. En tant qu'elle concrétise le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), cette exigence est également garantie par l'art. 32 al. 2 Cst. Ce droit est absolu lorsque la déposition du témoin en cause est d'une importance décisive, notamment lorsqu'il est le seul témoin, ou que sa déposition est une preuve essentielle (ATF 131 I 476 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1310/2016 du 13 décembre 2017 consid. 2.1).
Cependant, dans certains cas, la déclaration d'un témoin auquel le prévenu n'a pas été confronté peut être exploitée, pour autant que la déposition soit soumise à un examen attentif, que l'accusé puisse prendre position à son sujet et que le verdict de culpabilité ne soit pas fondé sur cette seule preuve (ATF 131 I 476 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1310/2016 du 13 décembre 2017 consid. 2.1). Des démarches doivent ainsi être entreprises afin de garantir l'équité de la procédure. Sont des éléments susceptibles de rétablir l'équilibre du procès le fait que les juridictions se soient penchées avec prudence sur les déclarations non vérifiées d'un témoin absent, qu'elles aient montré avoir été conscientes de la valeur réduite de ces déclarations, ou qu'elles aient exposé en détail pourquoi elles considéraient que ces déclarations étaient fiables, tout en tenant compte des autres éléments de preuve disponibles. La défense doit se voir offrir la possibilité de donner sa propre version des faits et de mettre en doute la crédibilité du témoin absent en soulignant toute incohérence ; qu'elle connaisse l'identité du témoin constitue un élément supplémentaire susceptible d'améliorer sa situation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_947/2015 du 29 juin 2017 consid. 10.2.2.6.4).
S'agissant en particulier des auditions de témoins d'une procédure administrative, elles sont pleinement exploitables en procédure pénale, même lorsque le droit de participation du prévenu n'a pas été respecté, car cette règle ne peut s'imposer à la procédure administrative (ACPR/758/2018). Une audition de témoin valable en procédure administrative peut donc être utilisée dans la procédure pénale, à condition que le prévenu ait eu l'occasion, dans la procédure pénale, de l'interroger lors d’une nouvelle audition (Stéphane GRODECKI, op. cit., p. 369).
Le prévenu peut néanmoins valablement renoncer à son droit à la confrontation, même de manière tacite, pour autant que la renonciation ne contredise pas un intérêt général important, qu'elle soit établie de manière exempte d'équivoque et qu'elle soit entourée d'un minimum de garanties correspondant à sa gravité (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 p. 49 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1074/2018 du 24 janvier 2019 consid. 1.1 ; 6B_956/2016 du 19 juillet 2017 consid. 2.3.1 et les références citées).
En particulier, le fait d'avoir sollicité – en vain – la confrontation devant le Ministère public puis de ne pas avoir réitéré sa requête devant l'autorité de jugement vaut renonciation (AARP/172/2021 du 31 mai 2021 consid. 2.3 in fine).
3.1.1. Aux termes de l'art. 146 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP ; RS 311.0), quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
On distingue la dissimulation d'un fait vrai par commission de celle par omission, laquelle ne peut constituer une tromperie qu'à la condition qu'une obligation juridique qualifiée d'agir incombe à l'auteur. Les devoirs légaux et contractuels de l'assuré de communiquer toute circonstance déterminante pour l'octroi d'une prestation ou toutes modifications de sa situation personnelle susceptibles d'influencer la rente relèvent du principe de la bonne foi entre administration et administré et ne génèrent pas une position de garant. L'assuré qui ne respecte pas cette obligation et continue à percevoir les prestations allouées initialement à juste titre, n'adopte pas un comportement actif et cela ne saurait être interprété comme la manifestation positive, par acte concluant, du caractère inchangé de la situation. Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser que le fait de ne pas donner suite à une lettre d'information standard rappelant, parmi d'autres renseignements, l'obligation de communiquer tout changement de circonstances ne saurait être interprété comme une tromperie par commission, et partant une escroquerie au sens de l'art. 146 al. 1 CP, dans la mesure où un tel document ne revêt pas le caractère d'une invitation explicite à faire état de sa situation patrimoniale. Cette violation du devoir légal de communiquer (comportement par omission) est en revanche réprimée par les dispositions pénales spéciales des lois d'assurances sociales. Il convient en revanche d'analyser de façon différente la situation lorsque la perception de prestations est accompagnée d'autres actions permettant objectivement d'interpréter le comportement de l'assuré comme étant l'expression du caractère inchangé de la situation. Tel sera le cas lorsque l'assuré ne répond pas ou pas de manière conforme à la vérité aux questions explicites de l'assureur destinées à établir l'existence de modifications de la situation personnelle, médicale ou économique ; il n'est en effet plus question d'une escroquerie par omission mais d'une tromperie active. Une escroquerie par acte concluant a été retenue dans le cas d'un bénéficiaire de prestations d'assurance exclusivement accordées aux indigents, qui se borne à donner suite à la requête de l'autorité compétente tendant, en vue de réexaminer sa situation économique, à la production d'un extrait de compte déterminé, alors qu'il possède une fortune non négligeable sur un autre compte, jamais déclaré ou dans le cas d'une personne qui dans sa demande de prestations complémentaires tait un mois de rente et plusieurs actifs et crée par les informations fournies l'impression que celles-ci correspondent à sa situation réelle (ATF 140 IV 206 consid. 6.4 ; ATF 140 IV 11 in JdT 2014 IV 217 consid. 2.4.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1015/2019 du 4 décembre 2019 consid. 4 ; 9C_117/2014 du 17 septembre 2014 et 6B_1115/2014 du 28 août 2015 consid. 2.1.1).
Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit pas; il faut qu'elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 143 IV 302 consid. 1.3; 142 IV 153 consid. 2.2.2; 135 IV 76 consid. 5.2). L'astuce n'est pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que si elle n'a pas procédé aux vérifications élémentaires que l'on pouvait attendre d'elle au vu des circonstances. Une coresponsabilité de la dupe n'exclut toutefois l'astuce que dans des cas exceptionnels (ATF 143 IV 302 consid. 1.4; 142 IV 153 consid. 2.2.2; 135 IV 76 consid. 5.2). Enfin, pour que le crime d'escroquerie soit consommé, l'erreur dans laquelle la tromperie astucieuse a mis ou conforté la dupe doit avoir déterminé celle-ci à accomplir un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers. L'escroquerie ne sera consommée que s'il y a un dommage (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1141/2017 du 7 juin 2018 consid. 1.2.1).
La définition générale de l'astuce est également applicable à l'escroquerie en matière d'assurances et d'aide sociale. L'autorité agit de manière légère lorsqu'elle n'examine pas les pièces produites ou néglige de demander à celui qui requiert des prestations les documents nécessaires afin d'établir ses revenus et sa fortune, comme par exemple sa déclaration fiscale, une décision de taxation ou des extraits de ses comptes bancaires. En revanche, compte tenu du nombre de demandes d'aide sociale, une négligence ne peut être reprochée à l'autorité lorsque les pièces ne contiennent pas d'indice quant à des revenus ou à des éléments de fortune non déclarés ou qu'il est prévisible qu'elles n'en contiennent pas. En l'absence d'indice lui permettant de suspecter une modification du droit du bénéficiaire à bénéficier des prestations servies, l'autorité d'assistance n'a pas à procéder à des vérifications particulières (arrêt du Tribunal fédéral 6B_488/2020 du 9 septembre 2020 consid. 1.1 et les références citées).
Sur le plan subjectif, l'escroquerie est une infraction intentionnelle, l'intention devant porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction. L'auteur doit en outre agir dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (ATF 134 IV 210 consid. 5.3).
3.1.2. La LIASI régit notamment les prestations financières versées par l'Hospice général (art. 2 let. b et art. 3 al. 1 LIASI). Ont droit à de telles prestations les personnes qui ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire de la République et canton de Genève (art. 11 al. 1 let. a LIASI). Le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l'intention de s’y établir (art. 23 al. 1 du code civil suisse du 10 décembre 1907 [CC ; RS 210]). Les prestations d'aide financière sont accordées au demandeur et au groupe familial dont il fait partie. Le groupe familial est composé du demandeur, de son conjoint et de leurs enfants à charge (art. 13 al. 1 et 2 LIASI).
Selon l'art. 32 al. 1 LIASI, le demandeur doit fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière. Le bénéficiaire doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI). Le document intitulé "Mon engagement en demandant une aide financière à l'hospice" concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice général tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation économique (ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a). Les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées notamment lorsque le bénéficiaire refuse de donner les informations requises, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (art. 35 al. 1 let. d LIASI).
3.1.3. Est un coauteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes, à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux. Il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. La seule volonté quant à l'acte ne suffit pas. Il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il est déterminant que le coauteur se soit associé à la décision dont est issue l'infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal. Il doit avoir une certaine maîtrise des opérations et jouer un rôle plus ou moins indispensable (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.1, 130 IV 58 consid. 9.2.1 et 125 IV 134 consid. 3a).
3.2.1. En l'espèce, il est établi à teneur des éléments figurant au dossier de la procédure, notamment des décomptes de prestations, que Z______ a perçu, du 1er avril 2018 au 31 janvier 2019, pour son compte et celui de X______, une aide financière de l'Hospice général à hauteur de CHF 38'949.60 au total.
Ces prestations leur ont été octroyées sur la base des demandes de prestations qu'ils ont formulées en remplissant des formulaires, notamment intitulés "Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice Général" par lequel ils se sont tous deux engagés à informer immédiatement et spontanément l'Hospice général de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant de leurs prestations d'aide financière, notamment toute modification de leur situation économique. Ce formulaire leur a été remis et ils l'ont signé une seconde fois en septembre 2019. Par leurs signatures, les prévenus, tous deux au bénéficie de diplômes universitaires, ont confirmé être valablement informés de leurs obligations. Il convient dès lors de retenir que les prévenus étaient dûment informés des obligations auxquelles ils étaient tenus et des risques qu'ils encouraient s'ils ne les respectaient pas.
3.2.2. Les prévenus admettent avoir logé A______ du 1er avril 2018 au 31 janvier 2019 et de ne pas l'avoir annoncée à l'Hospice général. Ils contestent les déclarations de celle-ci, auxquelles ils n'ont pas été confrontés, à teneur desquelles ils auraient perçu des loyers mensuels de CHF 800.- pendant la période précitée.
Lors de ses déclarations spontanées à la police du 26 mai 2019, dans une procédure P/16957/2019 qui ne visait pas les prévenus, A______ a déclaré avoir versé un loyer mensuel en espèces de CHF 800.- du 31 mars 2018 au 26 janvier 2019 aux prévenus – ce qu'elle a ensuite confirmé à l'enquêteur de l'Hospice général – et qu'un litige entre eux était survenu dès janvier 2019. Dans la présente procédure, A______ n'a pas répondu aux convocations du Ministère public, puis n'a pas d'office été convoquée par le Tribunal de céans, étant précisé que les prévenus n'ont pas formulé de réquisition de preuve en ce sens. Ainsi, les prévenus, qui ont pu prendre position sur les déclarations de celle-ci, ont renoncé à la confrontation.
Quoi qu'il en soit, les déclarations crédibles d'A______, laquelle ne tire aucun bénéfice secondaire de cette procédure, sont corroborées par d'autres éléments au dossier.
Il ressort en particulier des messages figurant à la procédure, du 18 janvier 2018 au 12 mars 2018, que le prévenu a accepté de sous-louer une chambre à A______ à la demande de cette dernière, à tout le moins "à moyen terme", alors que le formulaire de demande de prestations d'aide sociale financière avait été signé plus d'un an auparavant, le 13 novembre 2017. Les prévenus ne sont pas crédibles quand ils expliquent avoir proposé la sous-location d'une chambre en début d'année 2018 en pensant ne plus bénéficier de l'aide sociale à l'arrivée d'A______ en avril 2018, ainsi qu'avoir hébergé A______ dans l'urgence, en pensant que cette dernière resterait temporairement, pendant 3 mois au maximum. Même à suivre les prévenus, si tel avait été le cas, ils n'auraient pas attendu janvier 2019, soit 10 mois, pour demander à A______ de partir avec un préavis de deux mois.
Par ailleurs, le Tribunal a acquis la conviction qu'un loyer a régulièrement été versé aux prévenus, à tout le moins jusqu'en novembre 2018. Les prévenus concèdent qu'A______ "avait contribué aux frais qu'elle occasionnait", respectivement qu'elle leur "avait donné une participation aux frais qu'elle générait", sans jamais donner de montants. Le 14 novembre 2018 encore, la prévenue recevait une confirmation du paiement des loyers avec une photographie d'un billet de CHF 200.- dont elle a opportunément aucun souvenir. Les 9 et 10 décembre 2018, soit un mois avant le départ d'A______, le prévenu quant à lui s'est opposé à ce que cette dernière leur verse un loyer de CHF 600.- au lieu des CHF 800.- initialement convenus, au motif qu'ils avaient "vraiment besoin de ce loyer pour tourner" car "ce n'[était] pas avec ce que ns procur[ai]ent les soc. [qu'il pouvaient] vivre" ; message dont il n'a, lui non plus, aucun souvenir. L'amnésie circonstancielle des prévenus sur les faits en lien avec les messages échangés avec A______ sont évocateurs. A cette période, les prévenus concèdent avoir eu un différend avec A______ ; ce que la témoin B______ confirme. Dès lors, le Tribunal a acquis la conviction que ce conflit se rapportait au non-paiement du loyer convenu, jusqu'alors perçu.
Pour le surplus, il ressort des "contrôles terrains" de l'Hospice général que les 4 septembre 2019 et 6 novembre 2019, les affaires des usagers se trouvaient dans le logement litigieux. Les prévenus ont de leur côté toujours soutenu vivre dans le logement litigieux et se rendre ponctuellement à ______[GE] afin de rendre visite au père du prévenu. Faute d'éléments contraires, il n'est pas établi à satisfaction de droit, que les prévenus vivaient régulièrement en France.
Au vu de ce qui précède, il est établi que les prévenus ont perçu des loyers d'A______ pendant la période pénale. Ils n'en ont jamais fait état, ni par écrit, ni par oral à l'Hospice général. Ils ne se sont pas contentés de ne pas mentionner l'existence de ces revenus, mais ils les ont dissimulés en cochant la case "non" sur le formulaire de réévaluation du 5 novembre 2018 à la question de savoir s'il y avait eu des changements dans leur situation personnelle et financière. La prévenue était au courant de la perception desdits loyers alors qu'elle bénéficiait de l'aide sociale aux côtés de son époux, s'agissant de prestations familiales requises conjointement. C'est en vain qu'elle tente de jeter la responsabilité sur son époux en indiquant qu'il était l'unique bénéficiaire des aides sociales, dès lors qu'elle n'était pas censée ignorer l'obligation de déclarer l'intégralité de ses revenus et de signaler toute modification de sa situation à l'Hospice général, ce d'autant plus que ces obligations étaient expressément mentionnées tant dans les demandes d'aide sociale, que dans les engagements signés par elle.
En dissimulant sciemment ces informations et en communiquant des informations erronées, les prévenus ont ainsi trompé l'Hospice général. Ce faisant, ils ont agi en co-activité dès lors qu'il ressort de leur comportement qu'ils ont agi de concert, chacun voulant les actes accomplis par l'autre comme si c'était sa propre action.
Il ne saurait être reproché à l'Hospice général de ne pas avoir contrôlé les informations contenues dans le formulaire précité, puisqu'aucun indice ne permettait de douter de la véracité des informations données par les prévenus. A______, qui effectuait les paiements des loyers en espèces, n'avait ni été annoncée à l'Hospice général, ni au contrôle de l'habitant genevois.
Partant, les prévenus se sont rendus coupables d'escroquerie au sens de l'art. 146 al. 1 CP.
Peine
4.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).
4.1.2. Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP). Si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de plus de six mois, il ne peut y avoir de sursis à l'exécution de la peine qu'en cas de circonstances particulièrement favorables (art. 42 al. 2 CP).
Le sursis est la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2). Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans l'émission du pronostic sur l'amendement de l'auteur visé par l'art. 42 CP. Ce dernier doit toutefois être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1406/2016 du 16 octobre 2017 consid. 1.1 à 1.3; 6B_430/2016 du 27 mars 2017 consid. 3.1).
4.1.3. Selon l'art. 34 CP, la peine pécuniaire ne peut excéder 180 jours-amende, le juge fixant leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). Un jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus (al. 2).
4.2. La faute des prévenus est importante. Ils ont sciemment trompé l'Hospice général, dont la mission est de venir en aide aux plus démunis, de façon à obtenir de l'institution des prestations indues. Ils ont agi sur une période pénale relativement longue, soit pendant 10 mois.
Leur collaboration à la procédure, de même que leur prise de conscience, sont inexistantes, de par le fait qu'ils persistent à contester le caractère pénal de leurs agissements.
Leur situation personnelle, certes précaire, ne saurait justifier leurs agissements, celle-ci étant similaire à tous les bénéficiaires de l'aide sociale.
Les prévenus n'ont aucun antécédent, ce qui constitue un facteur neutre dans la fixation de la peine.
Compte tenu de ce qui précède, une peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 40.- l'unité, sanctionne de manière appropriée la faute commise et tient compte de la situation financière des prévenus. Vu l'absence d'antécédents, le pronostic n'est pas défavorable. Le sursis sera accordé et le délai d'épreuve fixé à 2 ans (art. 42 et 44 CP).
Il apparait en outre opportun, pour des motifs de prévention spéciale, vu l'absence de prise de conscience, de prononcer une amende à titre de sanction immédiate, pour attirer l'attention des prévenus sur le sérieux de la situation (art. 42 al. 4 CP ; TF 6B_1231/2020 du 12 mai 2021, consid. 1.6.2). L'amende sera fixée à CHF 800.-.
Expulsion
5.1. Selon l'art. 66a al. 1 let. f CP, le juge expulse de Suisse l'étranger qui est condamné pour escroquerie, quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans.
Le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l’intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. À cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l'étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse (art. 66a al. 2 CP).
5.2. Les infractions retenues à la charge de la prévenue ouvrent la voie à une expulsion obligatoire au sens de l'art. 66a CP. L'intérêt public à éloigner la prévenue de Suisse ne suffit pas encore à fonder une expulsion, considérant en particulier le lien professionnel et familial de celle-ci avec la Suisse, ainsi que le permis dont elle dispose.
Le Ministère public ayant renoncé à solliciter l'expulsion, pourtant obligatoire, de la prévenue, le Tribunal fera application de la clause de rigueur.
Frais et indemnités
6.1. A teneur de l'art. 426 al. 1 CP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné.
6.2. En l'espèce, les prévenus seront condamnés à la totalité des frais de procédure, dans la mesure où ils succombent. Par conséquent, les frais de procédure, qui s'élèvent dans leur globalité à CHF 4'474.-, y compris un émolument de jugement de CHF 3'000.-, seront répartis par moitié entre les prévenus (art. 418 al. 1 CPP, 426 al. 1 CPP et art. 9 al. 1 let. d RTFMP).
7. Vu l'issue de la procédure, les conclusions en indemnisation de la prévenue seront rejetées (art. 429 CPP).
LE TRIBUNAL DE POLICE
statuant sur opposition :
Déclare valables les ordonnances pénales du 12 avril 2022 et les oppositions formées contre celles-ci par X______ le 29 avril 2022 et par Z______ le 4 mai 2022.
et statuant contradictoirement :
Déclare Z______ coupable d'escroquerie (art. 146 al. 1 CP).
Condamne Z______ à une peine pécuniaire de 100 jours-amende (art. 34 CP).
Fixe le montant du jour-amende à CHF 40.-.
Met Z______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 2 ans (art. 42 et 44 CP).
Avertit Z______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).
Condamne Z______ à une amende de CHF 800.- (art. 42 al. 4 CP).
Prononce une peine privative de liberté de substitution de 8 jours.
Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.
Condamne Z______ à la moitié des frais de la procédure, qui s'élèvent au total à CHF4'474.-, y compris un émolument de jugement de CHF 3'000.-, soit à CHF 2'237.- (art. 426 al. 1 CPP).
*°*°*
Déclare X______ coupable d'escroquerie (art. 146 al. 1 CP).
Condamne X______ à une peine pécuniaire de 100 jours-amende (art. 34 CP).
Fixe le montant du jour-amende à CHF 40.-.
Met X______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 2 ans (art. 42 et 44 CP).
Avertit X______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).
Condamne X______ à une amende de CHF 800.- (art. 42 al. 4 CP).
Prononce une peine privative de liberté de substitution de 8 jours.
Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.
Renonce à ordonner l'expulsion de Suisse de X______ (art. 66a CP).
Rejette les conclusions en indemnisation de X______ (art. 429 CPP).
Condamne X______ à la moitié des frais de la procédure, qui s'élèvent au total à CHF4'474.-, y compris un émolument de jugement de CHF 3'000.-, soit à CHF 2'237.- (art. 426 al. 1 CPP).
*°*°*
Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).
La Greffière | Le Président |
Voies de recours
Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.
Le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit peut également contester son indemnisation en usant du moyen de droit permettant d'attaquer la décision finale (art. 135 al. 3 et 138 al. 1 CPP).
L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).
Etat de frais
Frais de l'ordonnance pénale | CHF | 1'300.00 |
Convocations devant le Tribunal | CHF | 75.00 |
Frais postaux (convocation) | CHF | 28.00 |
Emolument de jugement | CHF | 3'000.00 |
Etat de frais | CHF | 50.00 |
Frais postaux (notification) | CHF | 21.00 |
Total | CHF | 4'474.00 |
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Notification au MINISTÈRE PUBLIC
Par voie postale
Notification à X______, soit pour elle son Conseil
Par voie postale
Notification à Z______
Par voie postale