Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/54/2023

ATA/1052/2023 du 26.09.2023 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/54/2023-AIDSO ATA/1052/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 septembre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé



EN FAIT

A. a. A______ est né le ______ 1971.

b. Il a bénéficié de prestations allouées par l’Hospice général (ci-après : l’hospice) du 1er mai 2006 au 31 octobre 2007 ainsi que depuis le 1er janvier 2017.

B. a. Dans ce cadre, il a signé les 5 janvier et 6 novembre 2017, 17 septembre 2018, 30 octobre 2019, 26 octobre 2020 et 18 octobre 2021, le document « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » (ci-après : « mon engagement »), par lequel il a pris acte de la subsidiarité des prestations d’aide financière versées par l’hospice à toute autre ressource provenant du travail, de la famille, de la fortune et de prestations sociales. Il s’est notamment engagé à respecter la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et son règlement d’exécution et en particulier à informer immédiatement et spontanément l’hospice de tout fait nouveau de nature à entrainer la modification du montant de ses prestations d’aide financière, notamment de toute modification de sa situation personnelle, familiale et économique, tant en Suisse qu’à l’étranger.

b. Dans le document d’aide financière qu’il a sollicitée en décembre 2016, il a indiqué vivre au ______, cours B______, dans l’appartement dont le bail était encore au nom de sa mère, qui l’avait occupé pendant 38 ans avec son père.

Il n’avait pu obtenir du bailleur un contrat à son nom et le nouveau propriétaire avait résilié le bail en 2018, ce qu’il avait contesté par le biais de l’ASLOCA.

Son évacuation a finalement été prévue pour janvier 2020.

c. Dès le 31 juillet 2018, son assistante sociale l’a invité à déposer un dossier auprès du Secrétariat des Fondations Immobilières de Droit Public (SFIDP) et de la Gérance Immobilière Municipale (GIM), en lui rappelant qu’aucune solution de logement ne lui serait fournie par l’hospice. Malgré ses engagements et affirmations de dépôt de dossier en septembre et octobre 2018, janvier, février et avril 2019, le bénéficiaire n’a jamais remis ni copie ni numéros des dossiers de demande. Sur les formulaires que l’assistante sociale s’est chargée d’envoyer en juillet 2019, il a indiqué des critères réduisant ses chances de succès, malgré l’avis de l’assistante et l’imminence de son évacuation. Il a été invité à plusieurs reprises à s’adresser à la permanence logement de l’hospice et a décliné la proposition d’hébergement d’urgence faite par son assistante sociale en janvier 2020.

d. En mars 2020, le bénéficiaire a indiqué à son assistante sociale avoir été évacué et vivre dans un atelier au ______route C______, jusqu’au mois de juin 2020 contre le versement de CHF 1'000.- par mois. Il s’est engagé à fournir le contrat de sous-location et la preuve des versements, ce qui lui a été rappelé les 19 mars, 6 juillet, 3 août et 26 octobre 2020 s’agissant du contrat, les preuves de versements ayant été déposées.

e. Selon le « Contrôle terrain » effectué de manière impromptue le 27 octobre 2020 au domicile déclaré cours B______, le nom de l’intéressé ne figurait sur aucune boite aux lettres et le bâtiment ne concentrait que des entreprises. Le logement effectif du bénéficiaire ne pouvait être trouvé.

f. Le 31 mai 2021, il a rappelé vivre dans un atelier d’art, dont il disait avoir envoyé le contrat de sous-location au CAS, qui ne l’avait toutefois jamais reçu.

g. Selon l’« Enquête complète » effectuée le 9 juin 2021 tant au______ route C______ qu’à la précédente adresse connue du bénéficiaire, soit le ______, cours B______, son nom n’apparaissait sur aucune des boites aux lettres et personne n’avait répondu aux portes des ateliers du ______, route C______. L’intéressé ne s’était ni présenté ni excusé à l’audition prévue le 23 juin 2021 et les courriers avaient été retournés à l’hospice, de même que la lettre d’avertissement du même jour. Le rapport constate l’absentéisme répété du bénéficiaire et l’impossibilité de constater un lieu de vie effectif sur le territoire du canton de Genève.

h. Le 14 juillet 2021, A______ a expliqué à son assistante sociale qu’il s’était constitué une adresse postale chez un ami vivant au ______, rue E______, à la suite de déprédations des boites aux lettres du ______, route C______, ce qui expliquait que les courriers soient retournés par la poste. Il pensait que ces courriers avaient automatiquement suivi et n’en avait pas informé l’hospice. Il s’est engagé à poster les nouvelles demandes de logements remplies avec son assistante sociale.

i. Selon attestation de D______ du 16 juillet 2021, le bénéficiaire louait un local au ______, route C______ depuis le mois de février 2020.

j. Par courrier électronique du 13 avril 2022, il a été invité à transmettre son adresse exacte, ses relevés bancaires étant adressés à la rue E______, la quittance de loyer cours B______ alors qu’il avait déclaré loger dans un local à la route C______.

k. Selon le « Contrôle terrain » effectué le 12 mai 2022, après une première convocation le 3 mai 2022 qui avait été retournée à l’hospice par la Poste avec la mention « le destinataire est introuvable à l’adresse indiquée », le bénéficiaire s’était présenté à la convocation du 11 mai 2022 (toutefois retournée avec la même mention) et avait indiqué loger au ______, route C______ depuis deux ans dans un local commercial. Son nom apparaissait sur une boite aux lettres du complexe commercial. Dans la pièce unique dans laquelle il avait mené les contrôleurs, ces derniers avaient constaté un nécessaire de peinture, des tableaux, un canapé en cuir deux places, des cartons de déménagement, deux cartons d’habits, une valise ainsi que des documents administratifs. Le local était dépourvu de sanitaires et de coin à cuisiner. Aucun déchet de nourriture ni de nécessaire de literie n’avait été constaté et l’usager était bien plus grand que le canapé, sur lequel il avait dit bien dormir. Pour ses repas et sa toilette, il avait indiqué aller chez des amis ou manger froid.

La visite domiciliaire ne corroborait pas les déclarations de l’usager et aucune domiciliation effective ne pouvait être attestée.

l. Par courrier électronique du 3 juin 2022, l’hospice a invité le bénéficiaire à lui transmettre dans les meilleurs délais une attestation de l’OCPM, à effectuer les changements d’adresse auprès de cet office et au niveau administratif afin d’avoir une adresse de correspondance et de lui transmettre les confirmations de renouvellement de ses demandes de logement depuis juillet 2021.

m. Selon le rapport du 10 août 2022 de la Cellule infrastructure logistique et enquêtes de l’OCPM, le bénéficiaire avait deux adresses de distribution pour la poste, au 20, cours B______ et au ______, route C______. Le rapport concluait à ce que la mention « adresse non actualisée – sans domicile connu » soit enregistrée dans la base de données Calvin, ce qui fut fait dès le 22 août 2022.

n. Par décision du 16 août 2022, l’hospice a constaté la non collaboration du bénéficiaire, laquelle, si elle se reproduisait, entrainerait soit une réduction soit une cessation du versement des prestations d’aide financière.

À la mi-avril 2022, les documents remis à l’hospice mentionnaient trois adresses différentes, les courriers de l’OCAS leur revenaient en retour et l’enquête terrain effectuée au ______, route C______ – où il avait déclaré habiter – n’avait pas permis de corroborer ses dires. Il n’avait pas envoyé l’attestation de résidence de l’OCPM qui lui avait été demandée le 2 juin 2022, pas plus que les copies des demandes de renouvellement de logement effectuées. Un dernier délai pour fournir l’attestation ainsi que le bail à loyer du locataire principal et le contrat de sous-location lui était octroyé au 24 août 2022, avec rappel de ses engagements et de son devoir de collaboration, sans quoi l’aide financière prendrait fin.

o. Le 2 septembre 2022, le bénéficiaire a indiqué à son assistante sociale que l’OCPM refusait d’enregistrer l’adresse d’un local commercial comme adresse légale et qu’il ne pouvait pas annoncer d’autre adresse qui soit conforme à la réalité. Il assurait avoir transmis les autres documents demandés, sans pouvoir en fournir de copie.

p. Par décision du 6 septembre 2022, l’hospice a mis un terme aux prestations d’aide financière en faveur du bénéficiaire à partir du 1er septembre 2022, au motif qu’il n’avait pas fourni toutes les informations et pièces demandées, malgré l’avertissement et le délai accordé.

q. Le 15 septembre 2022, A______ a fait opposition à cette décision.

r. Par courrier du 1er octobre 2022, il a expliqué qu’il avait donné tous les documents nécessaires au CAS des Eaux-Vives et que « tout se passait bien depuis des années ». Il lui était impossible de fournir une attestation de résidence de l’OCPM dès lors qu’il avait sous-loué dans l’urgence un atelier qui n’avait pas vocation au logement, après avoir perdu l’appartement dans lequel sa famille d’abord puis lui seul résidait. Il ne pensait pas que cela lui causerait autant de soucis s’agissant des prestations dont il bénéficiait.

s. Par décision sur opposition du 22 novembre 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’hospice a rejeté l’opposition du 16 septembre 2022 et confirmé la décision du CAS des Bains du 6 septembre 2022. Ni son lieu de résidence effective ni la réalité de ses conditions de vie n’avaient pu être vérifiées, ce qui justifiait qu’il soit mis un terme à son droit à des prestations d’aide financière, avec effet au 31 août 2022. Il était également annoncé comme « sans domicile connu » par l’OCPM. Le contrôle effectué le 11 mai 2022 ne laissait pas de doute sur le fait qu’il ne résidait pas dans le local au ______, route C______. Il n’y avait ni sanitaires ni coin pour cuisiner et ses déclarations étaient à cet égard contradictoires. Il n’y avait pas non plus de literie et le canapé était trop petit pour lui. Il n’était pas crédible de vivre dans un tel environnement depuis plus de deux ans, ce d’autant qu’il n’avait pas réactivé de demandes de logement depuis l’été 2020, ni cherché une autre forme d’hébergement, ni s’était adressé à la permanence logement de l’hospice. Le contrôle du 11 mai 2022 faisait suite à deux autres constats infructueux des 2 novembre 2020 et 6 juillet 2021, dans un contexte où le bénéficiaire avait entretenu une confusion entre plusieurs adresses, utilisées au gré de ses besoins et interlocuteurs. Il n’avait jamais produit de contrat de sous-location et ses allégations sur son lieu de résidence devaient d’autant plus être prises avec circonspection qu’il avait affirmé à plusieurs reprises en 2018 et 2019 avoir envoyé des demandes de logement, à deux reprises en 2020 et 2022 avoir transmis copie du contrat de sous-location – qui n’avait en fait jamais existé – voire du contrat de bail principal et de ses demandes de logement, ce qui s’était avéré faux.

C. a. Par acte remis à la poste le 9 janvier 2023, A______ a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), persistant dans les termes de son opposition et joignant les témoignages écrits de deux amies. Il ne comprenait pas pour quel motif le CAS des Bains avait soudainement estimé qu’il n’habitait plus dans son studio à Genève alors que le CAS des Eaux-Vives l’avait admis durant deux ans.

b. L’hospice a conclu au rejet du recours.

c. A______ n’ayant pas répliqué dans le délai imparti à cet effet, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 52 LIASI).

2.             Est litigieux le bien-fondé de la décision de l’hospice mettant fin au versement des prestations d’aide sociale financière au 31 août 2022.

2.1 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA), sans être limité par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA).

2.2 Aux termes de l’art 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. L’art. 39 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst - GE - A 2 00) contient une garantie similaire.

En droit genevois, la LIASI et son règlement d’exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent ces dispositions constitutionnelles, en ayant pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Les prestations de l’aide sociale individuelle sont l’accompagnement social, des prestations financières et l’insertion professionnelle (art. 2 LIASI).

2.3 Selon l’art. 8 LIASI, la personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d'aide financière (al. 1). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 (al. 2).

À teneur de l'art. 11 al. 1 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière prévues par cette loi, les personnes qui : ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève (let. a) ; ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) ; répondent aux autres conditions de la loi (let. c).

Conformément à l’art. 28 LIASI, le droit aux prestations d'aide financière naît dès que les conditions de la loi sont remplies, mais au plus tôt le premier jour du mois du dépôt de la demande (al. 1). Il s’éteint à la fin du mois où l’une des conditions dont il dépend n’est plus remplie (al. 2).

2.4 Les conditions du domicile et de la résidence effective sur le territoire du canton de Genève sont cumulatives, de sorte que des prestations d’aide financière complète ne sont accordées qu’aux personnes autorisées à séjourner dans le canton de Genève, soit aux personnes d’origine genevoise, aux confédérés et aux étrangers bénéficiant d’un titre de séjour (ATA/1093/2022 du 1er novembre 2022 consid 3b ; ATA/1001/2022 du 4 octobre 2022 /consid. 3d).

Selon l’art. 23 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l’intention de s’y établir ; le séjour dans une institution de formation ou le placement dans un établissement d’éducation, un home, un hôpital ou une maison de détention ne constitue en soi pas le domicile (al. 1). Nul ne peut avoir en même temps plusieurs domiciles
(al. 2).

L’art. 24 CC prévoit que toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu’elle ne s’en est pas créé un nouveau (al. 1). Le lieu où elle réside est considéré comme son domicile, lorsque l’existence d’un domicile antérieur ne peut être établie ou lorsqu’elle a quitté son domicile à l’étranger et n’en a pas acquis un nouveau en Suisse (al. 2).

La notion de domicile contient deux éléments : d'une part, la résidence, soit un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d'autre part, l'intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances. Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de la personne intéressée (ATF 141 V 530 consid. 5.2 ; ATF 136 II 405 consid. 4.3). Ce n'est pas la durée du séjour à cet endroit qui est décisive, mais bien la perspective d'une telle durée (arrêts du Tribunal fédéral 5A.398/2007 du 28 avril 2008 consid. 3.2 et 5A.34/2004 du
22 avril 2005 consid. 3.2). Du point de vue subjectif, ce n'est pas la volonté interne de la personne concernée qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire qu'elle a cette volonté (ATF 137 II 122
consid. 3.6, in JdT 2011 IV 372 ; ATF 133 V 309 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A.398/2007 précité consid. 3.2).

Pour déterminer si une personne réside dans un lieu déterminé avec l'intention de s'y établir durablement (élément subjectif du domicile), la jurisprudence ne se fonde pas sur la volonté interne de l'intéressé ; seules sont décisives les circonstances objectives, reconnaissables pour les tiers, permettant de déduire une telle intention (ATF 127 V 237 consid. 1 ; ATF 120 III 7 consid. 2b ; ATF 119 II 64 consid. 2b/bb). Pour qu'une personne soit domiciliée à un endroit donné, il faut donc que des circonstances de fait objectives manifestent de manière reconnaissable pour les tiers que cette personne a fait de cet endroit, ou qu'elle a l'intention d'en faire, le centre de ses intérêts personnels, sociaux et professionnels (ATF 119 II 64 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 5C.163/2005 du 25 août 2005 consid. 4.1 et les références citées). Même un séjour d'emblée temporaire peut constituer un domicile, lorsqu'il est d'une certaine durée et que le centre des intérêts de la personne y est transféré (Daniel STÄHELIN in Basler Kommentar zum ZGB, 6ème éd. 2018, n. 7 ad art. 23 CC et les références). L’intention de quitter un lieu plus tard n’empêche pas d’y constituer un domicile (ATF 127 V 237 consid. 2c).

En l'absence d'un domicile volontaire et légal, l'art. 24 CC établit des règles subsidiaires qui permettent de définir un domicile fictif (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2008 du 23 septembre 2008 consid. 3.4).

2.5 Selon l’art. 32 al. 1 LIASI, le demandeur ou son représentant légal doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière.

L’art. 33 al. 1 LIASI prévoit en outre que le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression.

Le document intitulé « mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu’il donne immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l’établissement de sa situation économique (ATA/195/2021 du 12 juillet 2022 consid. 4a ; ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a).

La chambre de céans a eu l’occasion de relever que l’engagement écrit du bénéficiaire de l’aide sociale comprenait l’obligation de signaler tout départ, absence de Genève ou voyage à l’étranger (ATA/1090/2022 du 1er novembre 2022 consid. 3 ; ATA/437/2022 du 26 avril 2022 consid. 2d).

De jurisprudence constante, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_728/2013 du 16 janvier 2014 consid. 4.1.2 ; ATA/174/2022 du 17 février 2022 consid. 3f).

 

2.6 L'art. 35 al. 1 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées. Tel est notamment le cas lorsque la personne bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la loi (let. a) ou lorsqu'elle ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 (let. c) ou qu'elle refuse de donner les informations requises au sens des art. 7 et 32, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (let. d). Conformément à l’art. 35 al. 2 LIASI, l’hospice rend alors une décision écrite et motivée, avec les voies de droit (al. 2).

La suppression ou la réduction des prestations d'assistance doit être conforme au principe de la proportionnalité, imposant une pesée de l'ensemble des circonstances. Il faut alors prendre en considération la personnalité et la conduite du bénéficiaire des prestations, la gravité des fautes qui lui sont reprochées, les circonstances de la suppression des prestations ainsi que l'ensemble de la situation de la personne concernée (ATF 122 II 193 consid. 3b, in JdT 1998 I 562 ; ATA/1662/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7).

Le bénéficiaire des prestations d'assistance est tenu de se conformer au principe de la bonne foi dans ses relations avec l'administration, notamment en ce qui concerne l'obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d'abus de droit. Si le bénéficiaire n'agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu'il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps (ATA/1237/2018 précité consid. 2e ; ATA/265/2017 du 7 mars 2017 consid. 15b).

2.7 En procédure administrative genevoise, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

2.8 En l'espèce, il convient d’examiner si les conditions permettant le maintien du versement d’une aide financière étaient réalisées au-delà du 31 août 2022, le recourant soutenant avoir une résidence effective à Genève.

À cet égard, l’intimé s’est fondé sur les constats du service du contrôle, qui a procédé à deux « contrôles terrain » et une enquête complète, impliquant des visites de contrôle aux domiciles que le recourant avait annoncé comme étant les siens, au ______, route C______ et 20, cours B______.

Le recourant soutient, qu’à défaut de trouver un logement stable et dans l’urgence, il avait été contraint de sous-louer un local non destiné au logement.

À titre liminaire, il sera constaté qu’alors même qu’une procédure d’évacuation de l’appartement au 20 cours B______ était en cours et que son évacuation effective était imminente, le recourant s’est montré très peu empressé à effectuer les démarches conseillées par son assistante sociale pour obtenir un logement, puis à les relancer les années suivantes, alors même qu’il y a été invité régulièrement, voire a prétendu à des critères de logement diminuant drastiquement ses chances d’en obtenir un.

Par ailleurs, le local, où il dit avoir emménagé peu avant le premier confinement lié à la pandémie de la Covid, en février 2020, n’est ni équipé de sanitaires, ni de quoi cuisiner. C’est de manière contradictoire qu’il a expliqué utiliser ces installations chez des amis mais manger froid. À cela s’ajoute qu’il a indiqué dormir sur un canapé manifestement trop petit pour l’accueillir.

Si certes la présence d’effets personnels a été constatée dans ce local, ses allégations sont d’autant moins crédibles qu’elles impliquent qu’il aurait vécu dans de telles conditions durant plus de deux ans.

En outre, aucune conserve de nourriture ni aucun reste ou déchet n’a été trouvé, ce qui paraît également peu compatible avec une vie quotidienne dans ce local.

Il n’a jamais fourni non plus le contrat de sous-location du local du ______, route C______, bien que son devoir de le faire lui ait été à plusieurs reprises rappelé, l’attestation écrite de son prétendu bailleur (et locataire du bien) n’étant pas suffisante. Son nom ne figurait pas sur la boite aux lettres au cours des deux premiers contrôles effectués et les courriers qui lui étaient envoyés à cette adresse, tout comme aux autres adresses qu’il avait fournies à d’autres services de l’État, étaient renvoyés à l’expéditeur.

L'ensemble de ces éléments constitue un faisceau d'indices penchant clairement dans le sens d'une absence de domicile effectif et continu du recourant dans le canton de Genève. En tout état, il échoue à démontrer, contrairement à ce qui est exigé légalement de lui, que tel fût le cas.

Ainsi, comme justement retenu par l'hospice, il ne remplissait plus la condition exigée par l'art. 11 al. 1 let. a LIASI pour pouvoir prétendre à cette aide.

2.9 À défaut de pouvoir démontrer qu’il vivait de manière effective aux domiciles annoncés à son assistante sociale, ce que les contrôles inopinés ou annoncés ont infirmé, il convient de retenir que le recourant n’a donc pas spontanément renseigné l’intimé sur son lieu de résidence effective et ne lui a pas transmis toutes les informations pertinentes. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que le recourant a violé son devoir de renseigner.

2.10 Au vu de ce qui précède, l’hospice a, à juste titre, mis fin à ses prestations d’aide financière au 31 août 2022. Le recours est donc mal fondé.

3.             Vu la nature et l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 janvier 2023 par A______ contre la décision de l’HOSPICE GÉNÉRAL du 22 novembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :