Skip to main content

Décisions | Tribunal pénal

1 resultats
P/947/2020

JTCO/140/2023 du 21.12.2023 ( PENAL ) , JUGE

Normes : CP.191
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL CORRECTIONNEL

 

Chambre 5


21 décembre 2023

 

MINISTÈRE PUBLIC

Mme A______, partie plaignante, assistée de Me Robert ASSAEL

contre

M. X______, né le ______1974, domicilié ______, Portugal, prévenu, assisté de Me T______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public s'en rapporte à justice sur la culpabilité du prévenu. Subsidiairement, si un verdict de culpabilité devait être prononcé, il conclut au prononcé d'une peine privative de liberté de 3 ans avec sursis partiel, la partie ferme de la peine étant fixée à 6 mois et la partie assortie du sursis à 30 mois, le délai d'épreuve devant être fixé à 3 ans. S'agissant du sort des objets saisis, il se réfère aux propositions contenues dans l'acte d'accusation.

Me Robert ASSAEL, conseil de A______, conclut au prononcé d'un verdict de culpabilité du chef d'actes d'ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance. Il conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions civiles de sa cliente.

Me T______ et Me S______, conseils de X______, concluent à l'acquittement de leur client du chef d'actes d'ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance. Ils concluent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions en indemnisation de leur client, selon l'état de frais produit ce jour. Ils concluent au rejet des conclusions civiles déposées par la plaignante.

* * *

EN FAIT

A. Par acte d'accusation du 15 février 2023, il est reproché à X______ d'avoir, à Genève, dans la nuit du 13 au 14 décembre 2019, entre 23h00 et 02h00, au domicile de A______, sis ______, après avoir passé la soirée en compagnie de celle-ci au café ______, profité du fait qu'elle était endormie et alcoolisée, soit en état d'incapacité temporaire de discernement et dans l'impossibilité d'opposer toute résistance, pour lui lécher, à tout le moins à deux reprises, les parties génitales (cunnilingus) et entretenir un ou plusieurs rapports sexuels et actes d'ordre sexuels en la pénétrant vaginalement avec son sexe et de s'être ainsi rendu coupable d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de résistance au sens de l'art. 191 CP.

B. Il ressort du dossier les éléments pertinents suivants :

Plainte pénale et déclarations de A______

a.a. Entendue par la police le 30 décembre 2019, A______ a déposé plainte pénale à l'encontre de X______. Elle a expliqué que, le 13 décembre 2019, elle s'était rendue au café ______ vers 18h26 afin de rejoindre X______. Sur place, ils avaient discuté avec le responsable du restaurant, prénommé C______, ainsi qu'avec un homme d'origine catalane. Au cours de la soirée, ils avaient consommé de l'alcool ainsi que de la nourriture. Alors qu'elle s'entretenait avec l'homme d'origine catalane, X______ lui avait envoyé des messages sur son téléphone. Son dernier souvenir remontait à l'addition, vers 23h00. Le patron leur avait également offert un pichet de vin blanc de 3 dl. Après cela, elle n'avait plus de souvenir. Jusqu'à ce moment-là, elle pensait avoir consommé entre quatre et cinq verres de vin blanc, étant précisé qu'ils avaient partagé une bouteille de vin à deux ainsi que le pichet à trois. L'homme catalan avait peut-être également commandé une bouteille qu'ils avaient partagée. En tout état, elle n'avait "pas bu à se rendre ivre". Elle se rappelait s'être réveillée vers 02h00 chez elle, dans son lit, nue, avec X______ à ses côtés. Ne comprenant pas ce qu'il s'était passé, elle avait fait une crise d'angoisse, pleurait et se sentait "comme shootée". Elle avait alors demandé à X______ ce qu'il s'était passé ainsi que d'appeler son père, ce que l'intéressé n'avait finalement pas fait. En revanche, X______ avait appelé B______, une amie en commun qu'elle connaissait depuis vingt ans, à laquelle il avait raconté que la soirée s'était bien passée et qu'ils avaient couché ensemble sans qu'il n'arrive à "bander". Elle ne se rappelait plus s'il avait dit cela à B______ sur le moment ou le lendemain. Avant 02h15, X______ était parti. Avec B______, elles avaient ensuite échangé des messages et son amie était arrivée chez elle vers 03h00. Elle avait relaté à son amie que, selon elle, X______ avait abusé d'elle. Elle-même s'était posée de nombreuses questions, se disant qu'elle avait peut-être trop bu. Cependant, elle ne s'était jamais retrouvée dans un tel état par le passé et n'avait jamais couché avec un garçon avec qui elle ne le voulait pas. B______ était ensuite partie et elle s'était endormie.

A son réveil, A______ s'était rendue aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) pour dire qu'on lui avait administré du GHB, sans toutefois mentionner le volet sexuel. Il lui avait été répondu que le temps écoulé était trop long pour pouvoir détecter la substance, raison pour laquelle elle était repartie. Après avoir contacté sa famille, elle était retournée en Valais. Le même jour, elle avait appelé X______, lequel avait "une voix très légère, tranquille et dans la séduction" et ne semblait pas inquiet. Il lui avait raconté qu'ils avaient bu du vin blanc jusqu'à 01h00 au restaurant, sur la terrasse notamment, en présence d'autres personnes. Il avait ajouté qu'elle l'avait allumé, qu'ils s'étaient embrassés dans le restaurant et qu'elle lui avait proposé de venir chez elle. Il avait encore précisé que sur le chemin pour se rendre à l'appartement, ils s'étaient embrassés à plusieurs reprises. Selon les explications de X______, une fois à l'appartement, ils avaient essayé de coucher ensemble, sans préservatif et sans y parvenir, même s'il l'avait pénétrée. Enfin, il avait précisé n'être resté qu'entre vingt et trente minutes chez elle, ce qu'il avait répété à B______. X______ avait également mentionné qu'il ne savait pas si quelqu'un avait mis du GHB dans son verre. A la fin de la conversation, elle lui avait demandé si elle était consentante, ce à quoi il avait répondu "bien sûr". Après cet entretien, elle avait bloqué l'intéressé sur WhatsApp, Instagram et Facebook. A cette période, elle venait de se mettre en couple avec un homme.

Essayant de se souvenir des événements, elle avait consulté sur son téléphone le nombre de pas qu'elle avait faits. Le 13 décembre 2019, entre 23h03 et 23h21, elle avait fait un déplacement de 795 pas, étant précisé qu'en se rendant au restaurant depuis son domicile, elle avait marché 624 pas. Dès 23h21 et jusqu'à 2h15, aucun pas n'était signalé, ce qui laissait penser qu'elle était alors à la maison. Voyant cela, elle s'était dit que quelque chose clochait, qu'il lui avait menti au sujet de la durée de sa présence chez elle ainsi que sur le déroulement de la soirée, vu le décalage de deux heures.

Le 15 décembre 2019, elle s'était rendue à l'Hôpital de Sion pour des examens. Le 16 décembre 2019, X______ lui avait adressé un courriel, auquel elle n'avait pas répondu, en lien avec un projet qu'elle avait dans l'immobilier. Depuis lors, elle n'avait plus eu de contact avec lui.

Elle n'aurait jamais couché avec X______ de manière consentie, étant précisé qu'il ne l'attirait pas du tout, qu'il s'agissait d'un "pote", qu'il était marié et âgé de 46 ans. Elle l'avait rencontré au cours d'une soirée privée, un an auparavant. Depuis lors, ils se voyaient pour des apéritifs, soit quelque fois jusqu'au 13 décembre 2019. X______ se comportait comme un "gentleman", savait mettre les femmes à l'aise, tout en étant "un peu lourd et insistant". Cela faisait des mois qu'il lui "courait après pour coucher" avec elle, ce qu'elle n'avait jamais voulu. Elle lui avait d'ailleurs fait comprendre qu'elle ne changerait jamais d'avis à ce sujet, mais il revenait tout le temps à la charge. Il "ne lâchait jamais le morceau", même s'il savait qu'il n'obtiendrait rien d'elle. A une reprise, au cours d'un apéritif, il avait cherché le contact physique avec elle. X______ était une personne légère, rigolant beaucoup, qui n'était "pas comme un mec lourd qu'on envoie balader". Il faisait la même chose avec son amie, B______.

Depuis les évènements, elle ne voulait plus retourner dans son appartement à Genève, étant précisé qu'elle s'y était rendue avec son frère le 23 décembre 2019 dans le but de récupérer ses affaires. Elle n'allait pas bien et s'était rendue auprès de la LAVI où elle avait rencontré une psychologue d'urgence. Celle-ci lui avait conseillé la prise d'un antidépresseur. A Noël, elle avait "pété un plomb" et avait été hospitalisée à Sion. Elle avait également perdu du poids et prenait un traitement contre le VIH dès le 15 décembre 2019. C'était horrible, car elle voyait bien qu'il y avait des choses qui clochaient et qu'X______ lui avait menti, mais malheureusement, elle ne se souvenait de rien. Elle avait peur de ce qu'il s'était passé durant la période où elle n'avait plus de souvenirs.

a.b. Entendue par-devant le Ministère public le 17 septembre 2020, A______ a confirmé ses déclarations faites à la police et a ajouté que le 13 décembre 2019, elle était peut-être à l'initiative du rendez-vous, étant précisé qu'elle avait également convié B______ ainsi qu'un autre ami. A son arrivée au restaurant ______ à 18h26, X______ se trouvait au fond du restaurant, vers le bar, soit un endroit caché et discret. Pendant qu'elle parlait avec un homme d'origine catalane, X______ lui avait envoyé à intervalles réguliers des messages qu'elle n'avait alors pas regardés. Son dernier souvenir remontait à 23h00 avec l'addition, ce dont elle se rappelait, car elle devait rejoindre son amie B______ à une fête. Au cours de la soirée, elle avait bu quatre ou cinq verres de vin. Elle s'était réveillée chez elle, nue dans son lit et "ce monsieur" (X______) était nu à ses côtés. Elle avait eu un "électrochoc" et avait commencé à hurler et pleurer en disant "qu'est-ce que tu m'as fait?", "qu'est-ce qui s'est passé". Elle se sentait complètement angoissée avec un mélange de tristesse et d'incompréhension. X______ avait alors décidé d'appeler B______ pour lui dire qu'il l'avait pénétrée sans préservatif et qu'elle était consentante. Selon A______, cela était pour justifier son comportement. Alors qu'elle était en pleine crise d'angoisse, il était parti. Certes, il lui était déjà arrivé d'éprouver de l'anxiété par le passé (examens, voyages en avion, etc.), mais jamais de vivre une crise comme celle-ci. Il s'agissait de la première fois qu'elle subissait un black-out. Elle avait rapidement écarté l'hypothèse selon laquelle elle avait trop bu, car son état ne correspondait pas avec le nombre de verres ingérés. De plus, elle se sentait comme "shootée", état qu'elle n'avait jamais ressenti par le passé.

Le samedi 14 décembre 2019, elle avait appelé X______ dans le but d'obtenir sa version des faits. Ce dernier n'avait l'air ni soucieux ni inquiet, mais était, au contraire, "content, enjoué, excité", ce qui l'avait déstabilisée et désemparée. Selon lui, elle avait bu jusqu'à 01h30, ils avaient passé une partie de la soirée sur la terrasse du restaurant et étaient ensuite restés vingt minutes chez elle sur sa proposition. Elle souhaitait qu'il prenne conscience de son absence de consentement et l'admette. Toutefois, X______ se justifiait en soutenant qu'elle était consentante. Une fois l'appel terminé, elle l'avait bloqué sur tous les réseaux sociaux.

S'agissant de sa relation avec X______, elle a expliqué que celui-ci l'avait contactée sur Instagram après leur rencontre et ils s'étaient revus par la suite, la plupart du temps en présence d'autres personnes. Les invitations pouvaient émaner de X______, d'elle-même ou encore d'autres personnes. X______ lui avait fait des avances, à plusieurs reprises, par messages WhatsApp. Cependant, elle ne souhaitait pas avoir de relation avec lui dès lors qu'il ne l'attirait pas et qu'elle était en couple. D'ailleurs, alors qu'il lui avait envoyé des messages lui faisant part de son intérêt, elle avait répondu "non", "stop", la dernière fois étant le 5 décembre 2019. L'intéressé l'avait relancée et elle avait dit qu'elle ne changerait jamais d'avis. Pour elle, elle avait été extrêmement claire mais "il ne voulait pas lâcher l'affaire". Si elle allait boire un verre en sa compagnie, c'était parce qu'elle s'entendait bien avec lui et qu'elle devait discuter du projet d'évènement, étant précisé qu'X______ était "un pote comme un autre".

Depuis le 13 décembre 2019, elle avait cessé tout contact avec les personnes se trouvant à Genève, avait tout quitté et s'était rendue en Valais chez ses parents.

Déclarations de X______

b.a. Entendu par la police le 10 janvier 2020, X______ a indiqué connaître A______ depuis environ neuf mois. Il l'avait revue à plusieurs reprises, avec d'autres personnes, à l'occasion d'apéritifs. La meilleure amie de A______, B______, avait travaillé pendant cinq ans pour son associé, sans qu'elle ne travaille pour lui. Avec A______, ils s'entendaient bien et il y avait une attirance mutuelle. Elle lui avait dit qu'il lui plaisait et l'appelait pour sortir. Une fois, elle avait passé une soirée avec son frère [à lui, X______, lequel lui avait rapporté qu'elle n'avait eu de cesse de parler de lui et qu'elle était "folle" de lui. Elle l'avait sollicité pour qu'il l'aide en relation avec un événement qu'elle organisait et lui avait demandé de la mettre en contact avec une personne active dans l'immobilier dans la perspective d'un futur événement, ce qu'il avait fait avec plaisir. Il était vrai qu'il courait après A______ depuis quelques mois, mais c'était mutuel et c'était elle qui l'avait appelé pour sortir ces derniers temps. Il lui avait effectivement proposé de coucher avec elle, mais il n'avait pas été insistant. Ils se plaisaient. Si elle disait "arrête", c'était sur un ton léger et sans refus abrupt. Elle n'avait, en tout cas, jamais été outrée par ses propositions et l'avait rappelé plusieurs fois par la suite.

S'agissant de la soirée du 13 au 14 décembre 2019, il lui semblait que c'était A______ qui lui avait proposé de sortir. B______ devait les rejoindre, mais elle n'était finalement pas venue. Ils s'étaient retrouvés, avec A______, au café ______ vers 19h00-19h30 et avaient bu deux bouteilles de vin blanc, étant précisé que celles-ci avaient également été partagées avec un habitué de l'établissement. Ce soir-là, le patron du café, C______, avait également passé beaucoup de temps avec eux. Ils avaient aussi mangé une assiette valaisanne ainsi que des röstis avec des boulettes de viande. Vers 22h30 environ, X______ avait demandé l'addition, car il devait rentrer, étant précisé qu'il avait une soirée prévue le lendemain et qu'il n'avait pas forcément envie de sortir et de rentrer tard le soir en question. L'homme qui était avec eux avait proposé de leur offrir un verre, ce qu'X______ avait initialement refusé, alors que A______ avait accepté et lui avait rétorqué qu'il n'était pas drôle. Devant l'insistance des personnes présentes, il avait fini par accepter de rester. A______ l'avait embrassé à l'intérieur du café, alors qu'il y avait du monde autour, notamment les serveurs, puis elle lui avait dit qu'il était un "mec génial". Ensuite, A______ et l'habitué avaient voulu fumer à l'extérieur, lieu où X______ et elle avaient bu un verre de champagne en présence de C_______, l'habitué ainsi qu'un serveur prénommé U_______.

Vers 23h30, il avait raccompagné A______ chez elle. Ils avaient emprunté la rue ______, puis étaient passés devant le Consulat ______ avant de bifurquer sur la rue ______ pour finalement atteindre la rue ______. Au cours du trajet, ils s'étaient embrassés à plusieurs reprises dans la rue. Ils marchaient sans se tenir la main. A______ marchait très bien toute seule et ne présentait aucun signe laissant penser qu'elle n'aurait pas été dans son état normal. Ils étaient montés chez elle, étant précisé qu'elle avait dit à plusieurs reprises que c'était petit chez elle et qu'il lui avait répondu que ce n'était pas un problème. Chacun s'était déshabillé, puis ils s'étaient à nouveau embrassés. A______ lui avait demandé de lui prodiguer un cunnilingus, ce qu'il avait fait. A cet instant, A______ était allongée sur le dos dans le lit et il avait la tête entre ses jambes. L'acte avait duré environ quinze minutes. A______ semblait apprécier, ce qu'elle exprimait par des gémissements. Elle lui demandait de continuer. Ensuite, il l'avait pénétrée vaginalement avec son pénis et sans protection, tout se faisant de manière naturelle, étant précisé qu'il entretenait des relations non protégées uniquement avec son épouse. A______ était alors couchée sur le dos et il se trouvait sur elle. Ils avaient ensuite changé de position pour se mettre en levrette, mais cela n'avait pas duré longtemps dès lors qu'il n'était plus en érection. Après quoi, A______ s'était couchée sur le dos et il s'était masturbé jusqu'à éjaculer sur le ventre de celle-ci. Elle n'avait pas particulièrement réagi à cet acte, puis lui avait demandé un nouveau cunnilingus. A son retour de la salle de bain où il s'était rendu environ deux minutes, A______, qui était sur le lit, lui avait demandé ce qu'ils avaient fait, ce qui l'avait surpris vu l'activité sexuelle à laquelle ils s'adonnaient encore trois minutes auparavant. Elle lui avait dit ne se souvenir de rien depuis l'intérieur du restaurant. Il lui avait alors rappelé qu'elle lui avait fait une déclaration d'amour, qu'elle l'avait embrassé et qu'ils étaient sorti boire un verre de champagne avec les autres, mais elle avait répondu ne se souvenir rien. Elle lui avait alors demandé d'appeler B______, ce qu'il avait fait alors qu'il était 00h30 ou 01h00. L'intéressée lui avait dit qu'elle allait arriver et lui avait demandé ce qu'ils avaient fait. Il avait répondu à B______ que A______ et lui-même avaient couché ensemble. B______ avait également parlé à A______. Ensuite, il avait quitté le domicile de cette dernière. Par la suite, B______ lui avait écrit pour l'informer qu'elle se trouvait chez A______, que tout allait bien et que la précitée avait eu un trou de mémoire.

Le lendemain, il avait tenté d'appeler A______ pour voir si tout allait bien, mais elle ne lui avait pas répondu. Par la suite, il avait contacté B______ qui l'avait informé que A______ partait en Valais chez ses parents. Le soir, A______ l'avait appelé pour comprendre ce qu'il s'était passé. Il lui avait raconté qu'ils avaient couché ensemble. S'il lui avait dit qu'il ne savait pas si quelqu'un avait mis du GHB dans son verre, c'était parce qu'il ne comprenait pas comment elle pouvait dire qu'elle ne se rappelait pas de ce qu'ils avaient fait alors qu'elle semblait être "totalement dans son état normal". Selon lui, il était impossible qu'une personne ait mis quelque chose dans son verre. A______ était "totalement lucide tout au long de la soirée". Il était choqué qu'elle puisse imaginer qu'il ait procédé à des actes sans son consentement, d'autant plus qu'ils se connaissaient et s'étaient fréquentés de manière amicale. Il n'avait jamais eu l'impression qu'elle n'était pas consentante ou même pas dans son état normal. A______ l'avait remercié pour ses explications. Il n'avait plus eu de nouvelles de sa part, à l'exception d'un courriel professionnel qu'elle lui avait adressé et auquel il avait répondu. Vu son statut marital, il avait effacé de son téléphone la conversation avec A______.

b.b. Entendu par-devant le Ministère public le 17 septembre 2020, X______ a confirmé ses déclarations faites à la police et a ajouté qu'il était choqué des accusations à son égard. Il était incapable de faire ce qu'on lui reprochait.

Le but du rendez-vous avec A______ au café ______ était de prendre un apéro et il n'était pas prévu de parler d'aspects professionnels. Ils s'étaient installés à une table haute, en face du bar, et avaient partagé plusieurs plats. L'homme d'origine espagnole s'était installé au bar et avait discuté avec eux. Vers 22h30, X______ avait demandé l'addition et C_______ avait apporté une bouteille de champagne de la part de l'homme d'origine espagnole. A cet instant, il avait expliqué qu'il devait partir. A______ lui avait rétorqué qu'il n'était pas drôle et lui avait dit, en insistant, qu'il devait rester, ce qu'il avait fini par faire. Elle lui avait également fait une déclaration en clamant qu'il était tout ce qu'elle aimait chez un homme. Sur la terrasse, ils avaient bu un autre verre de champagne et avaient tous discuté ensemble.

Il était ensuite parti avec A______ en direction du domicile de celle-ci, étant précisé qu'ils s'étaient embrassés dans le restaurant et que cela s'était fait naturellement. Il l'aurait de toute façon raccompagnée, car cela se faisait de "raccompagner une dame". C'était elle qui l'avait embrassé à plusieurs reprises, devant des témoins. Elle était dans un état tout à fait normal, elle parlait avec tout le monde, même hors du restaurant, lorsqu'ils avaient bu le deuxième verre de champagne, et elle était cohérente dans ses propos. Elle n'était pas ivre et ne titubait pas du tout. De son côté, il avait dû boire six verres de vin et deux de champagne. Il était guilleret, mais pas ivre. S'il avait eu un doute sur l'état de A______, il ne l'aurait jamais raccompagnée dans son appartement.

Sur le trajet, ils avaient parlé, elle lui avait dit que c'était tout petit chez elle, comme si elle était gênée, et ils s'étaient embrassés sur la bouche. Une fois à l'appartement, les actes sexuels avaient duré environ trente minutes. Elle lui avait demandé de lui prodiguer un cunnilingus, puis ils avaient fait l'amour. Il y avait eu une pénétration vaginale, mais sans éjaculation lors de celle-ci. Il pensait qu'il y avait eu deux cunnilingus. Il ne pensait pas lui avoir maintenu le bras gauche. Au moment de partir, elle avait commencé à lui demander ce qu'ils avaient fait, ce qu'il s'était passé. Elle ne criait pas, pleurait possiblement et avait l'air fâchée, un peu décontenancée. La réaction de A______ l'avait choqué, car durant l'acte sexuel, elle avait l'air normale. Ne comprenant pas, il lui avait alors raconté, mais elle insistait en soutenant qu'elle ne comprenait pas et ne savait pas où elle était. Comme il était inquiet pour elle et qu'il devait partir, il avait décidé d'appeler B______, à laquelle il avait expliqué que A______ ne se souvenait de rien et qu'il ne comprenait pas pourquoi elle disait cela. Il avait également demandé à B______ de venir. En partant vers 01h00-01h15, A______ était dans son état normal. Par la suite, il avait continué à prendre de ses nouvelles via B______. Le lendemain, il avait tenté d'appeler A______, à plusieurs reprises, afin de prendre de ses nouvelles. Elle l'avait finalement rappelé pour lui demander des explications sur le déroulement de la soirée, ce qu'il avait fait. En aucun cas, il ne l'avait droguée.

S'il avait ressenti une attirance mutuelle, c'était du fait de l'attitude de A______. En effet, ils avaient été boire des verres, ils s'entendaient bien et elle l'appelait parfois. Elle était au courant qu'elle lui plaisait, dès lors qu'il lui avait envoyé des messages à ce sujet. Cependant, il n'y avait pas eu d'avances "physiques". Il n'avait pas reçu de messages de A______ lui faisant des avances.

Il n'avait aucune idée de la raison pour laquelle elle aurait déposé plainte pénale contre lui si les choses ne s'étaient pas passées de la manière dont elle le disait. Il s'interrogeait lui-même à ce sujet. Elle mentait lorsqu'elle déclarait qu'il avait abusé d'elle, sachant qu'il n'aurait jamais fait ça de sa vie.

Déclarations d'autres protagonistes

Déclarations de B______

c.a. Entendue par-devant le Ministère public le 18 mars 2021, B______ a expliqué qu'X______ était son ancien employeur et A______ une amie d'enfance. Elle n'avait cependant plus de contact avec cette dernière depuis décembre 2019 ou janvier 2020.

Lors de la soirée du 13 décembre 2019, elle se trouvait au restaurant ______, étant précisé qu'elle avait été conviée à participer à un apéritif avec A______ et X______, mais qu'elle avait finalement annulé sa venue en dernière minute. Elle avait reçu plusieurs appels de X______, sans répondre. Cela l'ayant un peu alarmée, elle avait fini par le rappeler et il lui avait dit être très inquiet, car A______ ne se sentait pas très bien et était agitée. Il lui avait alors demandé de le rejoindre au domicile de son amie, ce qu'elle avait fait dans les dix minutes. Arrivée au domicile de A______ entre minuit et 02h00, l'intéressée était seule. B______ avait constaté que son amie était tout à fait normale, totalement consciente lorsqu'elle lui parlait, tout en ayant l'air "un peu paniquée". A______ s'était mise à pleurer en disant "je ne me rappelle pas de ce qui s'est passé". Elle lui avait aussi confié qu'elle se sentait sale, puis lui avait raconté qu'elle était allée dans un bar ______ vers 19h00 avec X______ et d'autres personnes, qu'ils avaient changé de bar, mais qu'elle ne se rappelait pas comment elle était rentrée chez elle. B______ lui avait fait remarquer ce qui suit: "tu m'as l'air lucide, tu m'as raconté tout ce qui s'est passé dans la soirée et tu n'arrives pas à m'expliquer comment tu es rentrée chez toi". Tout en parlant avec A______, elle échangeait des messages avec X______, qui était inquiet, afin de lui confirmer que son amie était en bonne santé. X______ lui avait indiqué que A______ et lui étaient rentrés à pied ensemble jusqu'à son domicile et qu'il ne s'était rien passé, étant précisé qu'elle n'avait pas posé de questions trop intimes à X______. A______ avait affirmé qu'elle ne se souvenait pas de ce moment, qu'elle avait eu un black-out, puis elle avait demandé à B______ pourquoi X______ était venu chez elle. B______ lui avait répondu qu'elle avait passé la soirée avec lui, en précisant qu'il ne pouvait pas connaître son adresse si elle-même ne la lui avait pas indiquée, puisqu'il n'était jamais venu à son domicile. A______ avait exprimé sa conviction selon laquelle quelqu'un lui avait mis quelque chose dans son verre. B______ lui avait alors conseillé de se rendre à l'hôpital pour effectuer des tests, mais elle avait refusé à trois reprises. Elle avait également demandé à A______ s'il s'était passé quelque chose entre elle et X______. Toutefois, son amie n'avait pas su lui répondre. B______ était restée auprès d'elle jusqu'à ce qu'elle s'endorme, puis était repartie.

Le lendemain, étant inquiète, elle avait eu de nombreux échanges avec A______. Son amie lui avait annoncé qu'elle allait rentrer en Valais, car elle ne se sentait pas bien et regrettait la soirée de la veille. A______ avait recommencé à faire des suppositions sur le fait qu'un médicament avait pu être glissé dans son verre et elle s'était énervée contre B______ qui lui avait dit qu'elle ne pourrait jamais imaginer X______ faire cela, soit lui mettre un médicament ou autre chose dans son verre. B______ avait conseillé à A______ de se rendre dans les bars où elle était allée la veille pour se renseigner, ce que l'intéressée avait fait. Tout le monde lui avait confirmé qu'elle allait très bien et qu'elle avait énormément bu tout en faisant des mélanges d'alcool. B______ lui avait alors expliqué qu'elle n'avait pas supporté l'alcool en lui disant : "tu bois énormément et tu ne sais pas t'arrêter, tu as peut-être fait un black-out à cause de l'alcool". Durant l'après-midi du 13 décembre 2019, avant la soirée en cause, A______ lui avait dit que la semaine qui précédait, alors qu'elle était à Verbier, elle avait bu énormément toute la semaine et qu'elle avait mal à la tête. Le samedi, X______ avait repris contact avec B______ pour savoir si elle avait eu des nouvelles par rapport aux faits de la veille. Elle l'avait informé que A______ ne se sentait pas bien et rentrait en Valais.

Par le passé, elle avait pris part à plusieurs apéritifs avec X______ et A______. Avec X______, ils parlaient également beaucoup de travail. Au cours de ces soirées, elle n'avait pas constaté d'attirance entre X______ et A______. D'ailleurs, si tel avait été le cas, A______ lui en aurait parlé. A______ et elle étaient des personnes amicales, ouvertes et sociables qui formaient rapidement des liens amicaux. A______ avait eu un très bon "feeling" avec X______, elle l'adorait.

Si B______ avait mis en doute la parole de A______, c'était parce qu'elle ne comprenait pas comment celle-ci pouvait lui écrire des messages WhatsApp et dire qu'elle était si mal. Elle connaissait A______ depuis plus de vingt ans et savait combien de verres celle-ci pouvait boire. A chaque fois qu'elles sortaient ensemble, A______ buvait énormément et cela finissait toujours mal, c'est-à-dire en pleurs. A______ pouvait courir dans la rue et B______ devait alors aller la chercher dans la nuit, situation qui était arrivée plein de fois. Elle avait informé la sœur de A______, le 26 décembre 2019, qu'elle ne voulait plus entendre parler de celle-ci. En effet, toutes ces années, B______ avait dû gérer ces situations compliquées et, à présent, elle transmettait le relai à sa famille.

c.b. Entendue une nouvelle fois par-devant le Ministère public le 23 septembre 2021, B______ a expliqué qu'elle n'avait pas directement posé la question, ni à X______, ni à A______, de savoir si quelque chose s'était passé entre eux. Lors de l'appel d X______, ce dernier et A______ lui avaient demandé de venir à l'appartement et elle-même avait compris que cela signifiait que rien ne s'était passé sur le plan intime. Elle croyait entièrement X______, qu'elle connaissait depuis 2009 et à l'égard duquel elle éprouvait "un instinct de confiance".

En relation avec le message de A______ disant "je me sens tellement sale et comme si j'avais perdu mon corps, je vais demander de l'aide à Dieu", B______ a expliqué que ce genre de discussion avait lieu toutes les deux semaines, que A______ était "up" et "down", une "dramaqueen", à savoir toujours entourée de drame. Les choses prenaient toujours de l'ampleur "avec la police, avocat et psy".

Déclarations de C______

d. Entendu par-devant le Ministère public le 18 mars 2021, C______ a déclaré connaître X______ depuis près de vingt ans et A______ depuis un ou deux ans. Il se souvenait d'une soirée au cours de laquelle X______, A______ et un ami espagnol étaient présents. A______ et X______ avaient bu sans qu'il ne puisse indiquer le nombre de verres consommés. Entre A______ et X______, "cela s'emboîtait bien comme cela peut se faire entre un garçon et une fille. Il y avait un rapprochement". X______ avait payé l'addition, touchait un peu A______ et lui avait mis son manteau. Ils étaient proches. Juste avant la fermeture de son établissement, ces deux personnes étaient parties ensemble et il s'était dit "qu'ils allaient probablement passer un bon moment". Il ne pouvait pas affirmer que ces deux personnes s'étaient embrassées. Après cette soirée, il n'avait plus revu A______.

Déclarations de D______

e. Entendue par-devant le Ministère public le 18 octobre 2021, D______ a expliqué suivre A______ depuis le mois de décembre 2019 après avoir été mandatée par le centre LAVI. Lors du premier rendez-vous, A______ était très nerveuse et ne se sentait pas bien, dès lors qu'il lui était très difficile de parler des faits. Pendant dix à quinze minutes, cela avait été difficile, mais elle avait ensuite commencé à être moins nerveuse et à parler, dans un ordre confus, présentant une perception très perturbée de ce qu'elle avait vécu. Sa patiente lui avait relaté avoir eu un rendez-vous pour un apéritif avec un homme qu'elle connaissait, qui pouvait l'aider avec ses projets professionnels et qu'elle trouvait sympathique. Elle lui avait également dit qu'elle avait discuté avec un autre homme en espagnol, moment pendant lequel l'autre homme lui avait envoyé des messages pour lui dire qu'elle était belle et sexy, étant précisé qu'elle avait déjà indiqué à cet homme qu'elle n'était pas intéressée par autre chose que des relations professionnelles ou amicales. A______ avait ajouté qu'elle avait, ce soir-là, prévu de rejoindre une amie en commun. Au cours de la soirée, elle avait mangé et bu quelques verres. Dès 23h00, elle n'avait plus de souvenirs, puis elle s'était réveillée à 01h00 ou 02h00, chez elle, nue, avec l'homme à côté d'elle. Cela avait représenté un choc pour elle. Elle avait commencé à pleurer et crier, tout en demandant ce qu'il s'était passé. L'homme lui avait répondu qu'ils étaient ensemble, mais elle avait dit que c'était impossible. Ensuite, l'homme était parti et elle avait appelé son amie pour lui raconter les faits ainsi que lui demander de l'aide. Elle avait expliqué à son amie avoir été agressée sexuellement. Cette amie était arrivée vers 02h00-03h00. Le lendemain, sa patiente s'était rendue à l'hôpital. En effet, selon celle-ci, ce n'était pas l'alcool qui était en cause, mais la drogue. Elle était "très très mal, contrariée, enragée, frustrée". Elle avait décidé de rentrer en Valais auprès de sa famille. Au cours de plusieurs séances, elle avait exprimé le fait qu'elle n'avait jamais été intéressée par cet homme.

D______ avait suivi A______ de décembre 2019 jusqu'au mois de mai 2021, à raison d'une fois par mois, au minimum. Durant les six premiers mois, elle la rencontrait deux à trois fois par mois. A______ l'avait recontactée en septembre 2021 afin de reprendre les séances, car elle avait besoin de travailler l'aspect relationnel homme-femme. En effet, elle présentait des difficultés dans les relations de couple depuis les évènements, avec des difficultés à faire confiance. En outre, elle avait perdu en estime d'elle-même. Elle était en état de syndrome post-traumatique. Dans le cas de A______, les symptômes étaient l'insomnie, les cauchemars, les flash-back de la scène de l'évènement traumatique, le fait d'être effrayée en cas de confrontation avec une situation rappelant l'évènement traumatique, le manque d'estime de soi, un sentiment de tristesse permanent, un manque d'élan et d'énergie constant. Sa patiente avait subi une perte de cheveux importante ainsi qu'un amaigrissement. Elle présentait également un symptôme de culpabilité, car elle se demandait ce qu'elle avait fait pour se retrouver dans une telle situation et ce, alors qu'elle avait tout fait pour refuser. Il s'agissait d'un symptôme important des victimes d'agression sexuelle. En mai 2021, sa patiente présentait toujours de la labilité émotionnelle qui se manifestait par un sentiment de vulnérabilité, des difficultés à faire confiance ainsi que beaucoup de sensibilité.

A______ lui avait expliqué qu'auparavant, elle avait des amis, sortait, travaillait et débordait de projets, sans avoir rencontré de difficultés importantes. Elle lui avait aussi confié être une personne inquiète et perfectionniste en lien avec son activité professionnelle, sans qu'il ne s'agisse d'anxiété. En revanche, elle ne lui avait jamais parlé de problèmes d'alcool. Avant décembre 2019, A______ avait suivi une thérapie psychologique, en lien avec un manque de confiance, une difficulté de s'affirmer, une insécurité en tant que femme et dans sa féminité ainsi que dans ses relations affectives par rapport à la confiance et à l'estime de soi. Une personne qui présentait une insécurité comme A______ et qui subissait, selon elle, un évènement traumatique, pouvait voir émerger et renforcer ce sentiment d'insécurité et d'estime de soi. Cependant, sa patiente lui avait indiqué ne jamais avoir vécu d'agression sexuelle avant décembre 2019.

D______ trouvait A______ authentique et très cohérente dans ses réponses, dès lors que celle-ci avait gardé le même récit durant une année et demi.

Eléments médicaux concernant A______

f.a. Il ressort de l'attestation médicale provisoire établie par la Dre E______, gynécologue, et la Dre F______, médecin-légiste (______) que l'examen pratiqué sur A______ le 15 décembre 2019 à 14h45 avait mis en évidence des ecchymoses jaunes à composante brune sur la face externe de la cuisse droite, sur la face externe de la jambe droite et sur la fesse gauche, une ecchymose bleu-vert sur la face interne du bras gauche ainsi que des ecchymoses sur les seins.

f.b. Lors d'un contact téléphonique du 3 janvier 2020, la police a appris de la Dre F______ que celle-ci n'avait constaté aucune lésion vaginale compatible avec une agression sexuelle. Par ailleurs, elle avait effectué un frotti vaginal, avait analysé l'échantillon et n'avait trouvé aucune trace de spermatozoïde. D'autres prélèvements pratiqués sur A______ demeuraient disponibles pour analyse.

f.c. Dans le constat d'agression sexuelle établi le 6 janvier 2020 par les médecins précédemment cités figurent des informations livrées par A______ lors de la consultation du 15 décembre 2019, soit notamment qu'elle était en couple depuis une semaine, qu'elle avait eu un dernier rapport sexuel protégé avec son conjoint dans la nuit du 12 décembre 2019, qu'elle consommait de l'alcool plutôt en fin de semaine, lors de soirées, que sa consommation pouvait varier de quelques verres à "un peu plus" et que lors des occasions où elle avait consommé davantage d'alcool, elle avait toujours des bribes de souvenirs, sans avoir vécu de "black-out" comme c'était le cas s'agissant des faits en cause. En relation avec lesdits faits, elle a indiqué que, le 13 décembre 2019, elle avait rendez-vous avec un ami dans un restaurant à Genève pour le dîner. Elle s'entendait bien avec lui, mais il tentait régulièrement de la séduire et lui avait déjà proposé de coucher ensemble. A cela, elle avait répondu par la négative à plusieurs reprises, ce d'autant plus qu'il était marié et avait des enfants. Lors de soirées, il avait essayé de la toucher, mais elle mettait immédiatement de la distance entre eux. Au cours de la soirée du 13 décembre 2019, ils avaient partagé, entre 19h00 et 23h00, une bouteille de vin (75 cl) et elle avait consommé, au total, entre quatre et cinq verres. Son ami lui avait indiqué, a posteriori, qu'ils avaient également bu du champagne, ce dont elle ne se souvenait pas. Vers 23h00, ils avaient reçu l'addition, puis elle avait un black-out complet. Elle s'était "réveillée" à 02h00 dans son lit, nue, avec l'homme à côté d'elle, vêtu de sous- vêtements, selon ce qui lui semblait. Elle lui avait alors demandé ce qu'il s'était passé tout en criant, car elle se trouvait en état de choc. L'homme lui avait rapporté que lorsqu'il l'avait entendue crier, il lui avait infligé deux gifles afin qu'elle se réveille et se calme, ce dont elle ne se souvenait pas. L'homme lui avait expliqué qu'ils avaient eu un rapport sexuel consenti. A sa demande, il avait appelé une amie qu'ils avaient en commun afin que celle-ci vienne chez elle. L'homme était parti, puis cette amie était venue à son domicile. Le 14 décembre 2019, à 08h00, elle s'était rendue aux urgences des HUG où elle avait indiqué avoir possiblement été droguée par du GHB, mais il lui avait été dit qu'il était trop tard pour un contrôle. Elle était donc repartie, en pleurs et sans consulter. Toujours le 14 décembre 2019, l'homme l'avait "harcelée de messages" et dans l'après-midi, elle s'était décidée à l'appeler pour savoir ce qu'il s'était passé. Lors de cet appel, alors qu'elle était sous le choc, elle avait eu l'impression que l'homme était "en train de la draguer" et était "détendu". Il lui avait expliqué qu'elle l'avait invité à aller chez elle, que durant le trajet, ils s'étaient embrassés, qu'elle était consentante et qu'elle l'avait allumé. Il avait indiqué l'avoir pénétrée au niveau vaginal, sans préservatif, et ne pas avoir réussi à éjaculer. Il lui avait également prodigué un cunnilingus. Elle lui avait alors répété, à plusieurs reprises, qu'il n'était pas possible qu'elle l'ait invité chez elle, dès lors qu'il savait qu'elle aurait refusé de coucher avec lui, ce d'autant plus que cela faisait des mois qu'elle refusait ses avances. Aux médecins qui l'interrogeaient, A______ avait encore indiqué que, par le passé, elle avait déjà consommé une quantité de quatre à cinq verres d'alcool, sans vivre de black-out. Enfin, au moment de son réveil, à 02h00, elle n'avait pas ressenti de douleur, mais une "sensibilité" au niveau du vagin. Elle n'avait constaté ni pertes vaginales, ni écoulement de sang et pas non plus quelque chose de particulier sur les draps de son lit.

A titre de commentaires, il a été précisé que lorsque A______ revenait sur les faits et évoquait ce black-out, elle avait fondu en larmes à quelques reprises, disant ne pas savoir ce qu'il s'était passé et répétant qu'elle n'aurait jamais couché avec cet homme.

L'examen clinique réalisé le 15 décembre 2019 dès 15h30 avait notamment permis de mettre en évidence une ecchymose jaune sur le sein droit, une ecchymose jaune sur le sein gauche, une ecchymose jaune-brun sur la fesse gauche, une ecchymose bleu-vert sur le bras gauche, une sensibilité à la palpation sur la face interne de la cuisse droite, deux ecchymoses brun-jaune sur la face externe de la cuisse droite et une ecchymose jaune sur la face interne de la jambe droite. A______ ignorait l'origine de ces lésions. L'examen de la sphère ano-génitale avait permis de constater que tout était sans particularité. En particulier, la vulve et le vagin étaient dépourvus de lésions. L'intéressée s'était vue prescrire divers traitements, parmi lesquels une contraception d'urgence et une prophylaxie VIH.

f.d. Dans leur courrier du 3 février 2020 destiné au Ministère public, la Dre F______ et le Prof. G______ ont indiqué que les ecchymoses constatées sur A______ étaient la conséquence d'un traumatisme contondant provoqué par un ou des objet(s) contondant ayant heurté le corps ou contre lequel/lesquels le corps s'est heurté, voire par une pression local ferme, étant précisé que A______ ignorait le mécanisme à l'origine des ecchymoses observées. Ce tableau lésionnel était aspécifique et ne permettait pas d'affirmer ou d'infirmer les dires de l'expertisée. Toutefois, considérant l'aspect des ecchymoses, il était possible de retenir que si celle mise en évidence sur le bras gauche pouvait dater des faits, les autres paraissaient en revanche antérieures à ceux-ci. Au niveau de la sphère ano-génitale, il n'avait pas été constaté de lésion, mais cet élément ne permettait ni d'exclure l'existence d'une pénétration vaginale ni de se déterminer quant au caractère consenti ou non d'un éventuel acte sexuel. Enfin, les délais de détection du GHB étant courts (six heures dans le sang et douze heures dans l'urine), il était relevé que les prélèvements biologiques effectués chez l'expertisée dépassaient largement ces seuils. Quant à une éventuelle analyse capillaire à la recherche de GHB, il s'avérait que la possibilité de détection de cette substance dans une mèche de cheveux, après une prise unique, était quasiment nulle.

f.e. A teneur du rapport du 4 février 2020 de l'Hôpital du Valais, le prélèvement effectué le 15 décembre 2019 à 16h45 avait révélé un taux d'éthanolémie inférieur à 0.10 g/kg.

f.f. Selon le rapport d'expertise toxicologique du 1er mai 2020 de l'Hôpital du Valais, à partir de la prise de sang et de la prise d'urine effectuées le 15 décembre 2019, respectivement à 16h45 et à 14h30, il avait été constaté que le GHB n'avait pas été mis en évidence ni dans l'urine ni dans le sang.

f.g. Dans son attestation du 12 mai 2020, la Dre H______ a mentionné que A______ souffrait, actuellement et depuis le début de l'année, de plusieurs symptômes (perte de cheveux inexpliquée, perte de poids, hypotension artérielle symptomatique, état de fatigue chronique, fortes tensions musculaires du rachis cervico-dorsal, douleurs thoraciques) qui étaient probablement liés au traumatisme physique et psychologique subi en décembre 2019

f.h. Selon le certificat du 20 mai 2020 de la Dre I______ et de la psychologue D______, A______ était suivie depuis décembre 2019, dans le cadre d'un traitement psychothérapeutique intégré. L'agression sexuelle qu'elle avait subie le 13 décembre 2019 avait eu un impact considérable sur son quotidien. Depuis les faits, elle présentait un trouble dépressif majeur avec une personnalité émotionnellement labile et un syndrome douloureux associé à des facteurs psychologiques (céphalées, troubles du sommeil, culpabilité, perte d'appétit, perte d'élan vital, manque d'estime de soi, trouble de l'anxiété, sentiment d'impuissance et de révolte, baisse de motivation très importante, hypervigilance). Le diagnostic de trouble de stress post-traumatique était posé. Dans un certificat du 1er mars 2021, D______ a confirmé l'existence de plusieurs éléments catégorisant un trouble de stress post-traumatique chez A______, qui éprouvait de la détresse psychique lorsqu'elle était exposée à des éléments évoquant l'évènement traumatique. Malgré des stratégies d'évitement, elle avait des réminiscences de l'évènement, sous forme de flashback ou de cauchemars. Plus d'une année après les faits, il était constaté qu'elle rencontrait beaucoup de difficultés pour avancer sur le plan affectif, avec une perte de l'estime de soi ainsi qu'une perte d'attirance et de confiance envers les hommes. Depuis l'audience de septembre 2020 ainsi que la réception de la copie du dossier en décembre 2020, son état émotionnel s'était dégradé de manière significative. Ces facteurs augmentaient son état de détresse, sa capacité de résilience ainsi que sa projection du futur.

f.i. Aux termes du certificat médical établi le 4 mars 2021 par la Dre J______, A______ nécessitait un traitement antidépresseur et anxiolytique, ainsi qu'une prise en charge psychothérapeutique régulière suite à l'agression subie le 13 décembre 2019.

f.j. Dans un témoignage écrit daté du 9 mars 2021, K______, logeuse de A______ dans la période entre mars 2020 et fin juin 2020, a fait état de l'évolution de l'intéressée, qui avait peu à peu réussi à partager les raisons de sa tristesse et de sa douleur. La période de pandémie lui avait permis de poursuivre au mieux sa reconstruction, avec une planification de son temps, notamment consacré à des entretiens d'aide à distance et des rendez-vous médicaux.

Eléments issus de la téléphonie

g.a. Lors de son audition à la police, A______ a produit les échanges de messages WhatsApp intervenus les 13 et 14 décembre 2019 avec X______ :

13 décembre 2019

20h39 : T trop sexy (X______)

21h22 : E trop belle (X______)

21h23 : En plus du reste (X______)

21h57 : On va chez toi? (X______)

21h58 : Je sais (X______)

21h58 : Mais bon tu me plais (X______)

22h23 : Embrasse moi (X______)

22h37 : Ce soir jw t embrasse (X______)

22h43 : Embrasse moi (X______)

 

14 décembre 2019

02h13 : Chou j espère que tu dors bien (X______)

02h14 : Texte moi qd tu te reveillespour me dire que t ok! (X______)

02h14 : J ai call B______ elle te call demain matin (X______)

02h14 : Bisous (X______)

02h36 : Qu'est ce qu'il s'est passé ? (A______)

02h36 : B______ arrive chez moi (A______)

04h54 : Ok (X______)

04h57 : Ca va mieuy.?! (X______)

04h57 : Je m inquiète (X______)

04h59 : On a bu que du blanc ? Enfin moi suis passé au rouge mais bon (X______)

05h07 : On se voit demain pour discuter (X______)

05h07 : Bisous (X______)

08h38 : Ca va ??! (X______)

10h37 : ? (X______)

12h38 : Tu vas bien?? (X______)

12h38 : Call me (X______)

12h38 : Je me suis inquiété toute la nuit (X______)

12h39 : Pas dormi (X______)

12h46 : Appel vocal manqué de X______

13h08 : Dis moi au moins si tu vas bien (X______)

13h48 : Café ? (X______)

15h26 : On s'appelle maintenant ? (A______)

15h31: Ok (X______)

15h31: 5 mns?? (X______)

15h32: Ok (A______)

16h02 : Te promet sur la tête de mes enfants que t t concentete chou vraiment (X______)

16h02 : J aurais jamais osé !!!!! (X______)

16h03 : Mais jamais de la vie (X______)

16h03 : Demande à B______ (X______)

g.b. Elle a également produit les messages échangés avec B______ le 14 décembre 2019 :

02h13 : Ca va ma chérie ? (B______)

02h13 : X______ vient de m'appeler (B______)

02h15 : B______ je ne me souviens de ne plus rien (A______)

02h16 : ??? (B______)

02h16 : Qu'est ce qu'il s'est passé ? (A______)

02h16 : Je comprends rien (B______)

02h16 : Comment tu vas ? (B______)

02h17 : Tu te sens comment ? (B______)

02h20 : J'ai tout oublié (A______)

02h20 : Et je suis seule (A______)

02h21: Qu'est-ce qu'il s'est passé (A______)

02h21 : T'étais où ? (B______)

02h21 : Chez moi (A______)

02h21 : Tu veux que je vienne ? (B______)

02h21 : En début de soirée t'étais où ? Tu te souviens ? (B______)

02h22 : Dis moi si tu veux que je vienne (B______)

02h22 : Je ne me souviens de rien (A______)

02h22 : Et je suis seule chez moi (A______)

02h23 : Il m'a dit que vous étiez chez C______ (B______)

02h23 : Je ne sais pas où c'est (B______)

02h23 : Il m'a dit qu'on avait couché ensemble (A______)

02h23 : Tu te souviens quX______ était Ac toi ? (B______)

02h23 : Il t'a dit ça? (B______)

02h23 : Je ne me souviens de rien (A______)

02h26 : Tu te souviens qu'il était là? (B______)

02h26 : Jétait trop trop bourrée (A______)

02h26 : Comment profite ? (B______)

02h26 : Non (A______)

02h26 : J'ai pleuré (A______)

02h26 : Tu t souviens pas l'avoir vu ? (B______)

02h27 : Je ne me souviens de rien (A______)

02h27 : Je vais arriver (B______)

02h27: Ok ? (B______)

02h27: Qu'est ce qui m'arrive (A______)

02h27 : Ils ont profité de moi (A______)

02h27 : Ils ont ? Mais qui ils ? (B______)

02h27 : Ils étaient plusieurs ? (B______)

02h28 : Je ne me souviens de rien (A______)

02h29: Dis moi si je viens (B______)

02h30 : Ils sont partis (A______)

02h30 : Ils sont ? (B______)

02h30 : Mais je ne me souviens de rien (A______)

02h30 : Mais X______ m'a dit qu'il était seul Ac toi (B______)

[...]

02h33 : J ne me souviens de plus rien (A______)

02h33 : X______ ma dit que c'est moi qui avait envie (A______)

02h33 : Mais j'ai un trou noir (A______)

02h34 : Et quand j'étais avec lui j'ai angoissée (A______)

02h34 : Et il s'est tiré (A______)

02h34 : Quest ce qu'il s'est passé ?? (A______)

02h35 : Je vais arriver (B______)

02h35 : Envoie moi ton code d'entrée (B______)

02h36 : Car je l'ai plus (B______)

02h36 : A______ (B______)

02h37 : Tu te souviens de ton code ? (B______)

02h37 : 8162b (A______)

02h37 : Ok (B______)

02h45 : Est ce qu'il a profité de Moi ? (A______)

02h46 : Non je pense pas (B______)

02h46 : J'arrive suis en chemin (B______)

02h46 : Il est parti (A______)

02h46 : J'arrive (B______)

02h46 : Oui il est parti (B______)

02h47 : Il a flippé (A______)

02h47 : B______ (A______)

[message vocal]

02h47 : Il s'est passé qqch (A______)

02h48 : Il a profité de moi ? (A______)

[message vocal]

03h05 : Il était seul ? (A______)

03h05 : Suis en bas je monte (B______)

[envoi d'un lien vers un site consacré au black-out alcoolique]

08h25 : Je crois que je vais aller à l'hôpital (A______)

08h58 : B______ je vais à l'hôpital faire des tests (A______)

09h30 : Apparemment c'est trop tard (A______)

09h35 : Je vais appeler ma mère (A______)

10h32 : Appelle moi stp quand tu seras réveillée (A______)

11h58 : Stp n'en parle à personne de ce qu'il s'est passé hier (A______)

[...]

17h35 : Je me sens tellement sale et comme si j'avais perdu mon corps. Je vais demander de l'aide à Dieu. (A______)

g.c. A______ a également produit le courriel que lui a adressé X______ le 16 décembre 2019, en rapport avec un projet. X______ débute son message de la façon suivante: " Hello, j'espère que tu vas mieux... J'ai eu le temps de lire le document que maintenant désolé (...)". Il termine par ces mots: "A ta disposition. X______".

g.d. Selon les données collectées par le téléphone de A______ en relation avec le nombre de pas effectués, il appert que, le 13 décembre 2019 à 18h26, elle a marché 624 pas, puis 15 pas à 22h39, 245 pas à 23h13 et 550 pas entre 23h13 et 23h21.

Eléments issus du réseau social Facebook

h. X______ a produit des extraits du contenu du profil de A______ sur le réseau social Facebook, étant précisé que ledit profil était manifestement en accès public. Sur une publication figure la date du jeudi 26 août, ce qui correspond au jeudi 26 août 2021. Lesdits extraits montrent que A______ était le 20 août à Verbier, que le 26 août, elle avait pris part à un événement de réseautage à Genève ("Valais meets Geneva"), que le 5 septembre, elle se trouvait en Espagne ("A______ se sent relax à Espagne"), que dès le 22 septembre, elle préparait le Bal ______, lequel avait eu lieu le ______ 2021, et que le 7 octobre, elle était à la foire du Valais. Plusieurs clichés montrent A______ souriante et/ou avec un verre à la main.

Images de vidéosurveillance

i.a. Dans son rapport de renseignements du 10 janvier 2020, la police a considéré que les caméras du Consulat ______, situé au ______ n'étaient pas exploitables, au vu de la qualité des images, sans compter la présence d'échafaudages liés aux travaux sur le bâtiment. En conséquence, aucune image n'avait pu être utilisée dans le cadre des investigations. Les images en questions étaient toutefois disponibles sur un DVD.

i.b. Le visionnage de ces images issues de la vidéosurveillance du Consulat _______ fait apparaître, à partir de 10:20, un homme et une femme qui paraissent correspondre à X______ et A______. La femme est coiffée d'un chapeau foncé, chaussée de hauts talons et porte un sac dans sa main droite. Les intéressés arrivent en provenance de la rue ______, marchent côte à côte et semblent discuter. Ensuite, afin de traverser le ______ et passer entre les voitures garées, la femme se met à devancer l'homme. Elle semble marcher sans aucune difficulté, étant notamment observé qu'il n'y a pas de contact physique entre l'homme et elle, de sorte qu'elle n'est pas soutenue ou tenue par la main. Les deux personnes sortent du champ de vision de la caméra dès la minute 10:37.

i.c. Lors de l'audience du 18 octobre 2021 au Ministère public – audience à laquelle A______ s'était faite excuser - il a été procédé au visionnage des images évoquées précédemment. X______ a indiqué qu'il se reconnaissait sur les images. Il a souligné que cela démontrait ce qu'il avait déclaré, à savoir que A______ était tout à fait normale lorsqu'ils avaient quitté le café ______.

Phases de la procédure

j.a. Par ordonnance du 16 juin 2022, le Ministère public a ordonné le classement de la procédure P/947/2020 à l'égard de X______. A l'appui de cette décision, il a en substance été considéré que les versions de A______ et de X______ étaient contradictoires, qu'aucun élément du dossier ne permettait d'établir avec certitude si X______ avait contraint A______ à subir l'acte sexuel et d'autres actes d'ordre sexuels, que rien n'était à même d'établir que A______ aurait absorbé un produit stupéfiant, tel que du GHB, qui aurait altéré sa conscience et sa volonté, que A______ avait elle-même indiqué que la quantité d'alcool absorbée n'aurait pas été suffisante pour l'étourdir, que les images de vidéosurveillance ne montraient chez elle aucun signe d'ébriété ou d'inconscience, que le comportement adopté par X______ après les faits ne correspondait pas à celui d'un abuseur, que les photographies publiées sur le profil Facebook de A______ contrastaient avec le contenu des certificats médicaux produits et que rien dans le dossier ne démontrait la culpabilité de X______.

j.b. A______ a formé recours contre l'ordonnance de classement précitée. Dans son arrêt ACPR/862/2022 du 9 décembre 2022, la Chambre pénale de recours a partiellement admis le recours, annulé l'ordonnance de classement en tant qu'elle portait sur l'infraction à l'art. 191 CP et renvoyé la cause au Ministère public pour nouvelle décision au sens des considérants, à savoir pour porter l'accusation devant le juge du fond, en lien avec l'art. 191 CP, après avoir, le cas échéant, procédé aux actes d'instruction jugés nécessaires. La Chambre pénale de recours a considéré que c'était à bon droit que le Ministère public avait retenu l’absence de prévention pénale suffisante s’agissant d’un viol, que les faits dénoncés relevaient de l’infraction prévue à l’art. 191 CP, que, s'agissant d'une infraction commise "entre quatre yeux", pour laquelle il n’existait aucune preuve objective des faits directs, la jurisprudence imposait la mise en accusation du prévenu, sauf si les déclarations de la partie plaignante étaient contradictoires au point de les rendre moins crédibles, qu'en l'espèce, les déclarations de la plaignante n'étaient pas moins crédibles que celles du prévenu et que la procédure ne pouvait être classée sous l'angle de l'art. 191 CP, en l'absence d'élément objectif clair autorisant le Ministère public à renoncer à une mise en accusation du prévenu.

j.c. Le Ministère public a saisi le Tribunal de police d'un acte d'accusation, le 15 février 2023. Par ordonnance du 20 juillet 2023, le Tribunal de police a ordonné la transmission de la présente procédure au Tribunal correctionnel.

C. Audience de jugement

a. A l'ouverture des débats, le Tribunal a tranché l'intégralité des questions préjudicielles soulevées par le Conseil de A______ et le Ministère public, tel que cela ressort du procès-verbal du 20 décembre 2023. En particulier, le Tribunal a retenu qu'un dispositif pouvait être mis en place afin de permettre à A______ de déposer sans se trouver dans la même salle qu'X______ et a admis la question préjudicielle à ce sujet. S'agissant de la question préjudicielle soulevée par le Ministère public, portant sur le retrait de la procédure du document intitulé "récapitulatif annexe" produit par le Conseil de A______, celle-ci a été rejetée, le Tribunal considérant que ce document ne correspondait pas à une plaidoirie, mais ressemblait plus à un résumé des pièces produites. Enfin, sur demande, le huis clos partiel a été ordonné dans la mesure où les intérêts de A______ l'exigeaient.

b. Interrogé sur les faits reprochés, X______ les a contestés. Les accusations de A______ étaient totalement fausses. Avant la nuit du 13 au 14 décembre 2019, elle et lui s'entendaient bien, il n'y avait aucun conflit ou sujet de discorde entre eux. Il n'avait aucune idée des avantages qu'elle aurait retirés ou retirerait encore par le fait de le dénoncer faussement de l'avoir agressée sexuellement.

Interrogé sur le point de savoir comment il gérait la situation consistant à convoiter une femme avec laquelle les choses ne se concrétisaient pas, X______ a relevé que A______ répondait toujours à ses messages, sans mettre un terme à leurs conversations qui avaient une base de flirt. Il estimait qu'elle était un peu gênée, car il était marié. En tout état, il n'était aucunement déçu qu'elle ne donne pas suite à ses avances. Il ne se souvenait pas qu'elle lui ait dit expressément qu'elle ne voulait pas de relation avec lui. Elle lui avait demandé, à une reprise, de sponsoriser un de ses évènements en fournissant une montre. Une autre fois, elle lui avait demandé s'il pouvait la mettre en contact avec L______. En se rendant à l'apéritif prévu le soir du 13 décembre 2019, il n'avait pas pour but de se rapprocher de A______ sur un plan sexuel et/ou sentimental, il n'avait pas de but précis et ne visait pas à conclure avec elle. B______ devait également se joindre à eux. En outre, il ne voulait pas rentrer tard, car il organisait une soirée le lendemain chez lui en présence de nombreuses personnes.

Lors de leurs rencontres ayant précédé la soirée du 13 décembre 2019, il n'avait rien constaté de spécial au sujet de la consommation d'alcool de A______. Elle appréciait de prendre des apéritifs. Il estimait qu'elle buvait raisonnablement. La consommation d'alcool avancée par A______ le soir des faits lui semblait plausible. Le patron du café leur avait offert un verre de champagne à chacun d'entre eux et A______, lui semblait-il, l'avait bu. S'agissant de l'état de A______, il maintenait ses déclarations faites à la procédure selon lesquelles elle n'était pas ivre, mais totalement dans son état normal et lucide tout au long de la soirée. Il ne pensait pas que son propre niveau d'alcoolisation aurait pu fausser sa perception de l'état de A______, dans la mesure où ils n'avaient pas bu tant que cela et où il n'était pas fracassé. Il avait bu moins que d'habitude. A aucun moment, A______ n'avait été inconsciente. S'agissant des messages envoyés à A______ au cours de la soirée, il ne savait pas si celle-ci les avait vus et lus.

Quand ils avaient quitté le café ______, ils n'avaient pas de programme précis. Pour sa part, il n'avait pas de but précis. Ils étaient naturellement partis ensemble. Il ne se souvenait pas qui avait proposé de se rendre chez elle. Sur le chemin, ils parlaient, rigolaient et s'étaient embrassés comme un couple. Ils étaient passés sous une arche, puis s'étaient arrêtés près d'une fontaine, sur la gauche, où ils s'étaient embrassés. Ensuite, ils étaient passés devant le Consulat _______ avant d'arriver devant chez A______. Elle lui avait alors dit que chez elle, c'était petit. Il s'agissait de la première fois qu'il se rendait à son domicile. Pour entrer dans l'immeuble, il lui semblait qu'il fallait taper un code qu'il ne connaissait pas et il imaginait que c'était elle qui l'avait composé. Il n'avait pas le souvenir d'avoir consommé de l'alcool une fois chez elle.

S'agissant des cunnilingus, ce n'était pas une pratique sexuelle qu'il aurait spontanément exécutée. Pour les positions sexuelles pratiquées, soit le missionnaire et la levrette, cela s'était fait naturellement. Cette relation avait été très douce et très naturelle, avec des bisous et des câlins ainsi que des mots échangés. Il ne se souvenait pas s'il avait demandé à A______ s'il pouvait ne pas mettre de préservatif, tout s'étant déroulé naturellement. Il ne lui semblait pas que A______ se soit endormie à un moment donné. Il n'aurait jamais pu avoir des relations sexuelles avec une femme endormie, cela ne lui viendrait jamais à l'esprit et était contre sa nature, considérant qu'il s'agissait d'un échange. Il s'était demandé pourquoi A______ était agitée après leur rapport sexuel. D'une minute à l'autre, la situation avait changé et elle demandait ce qu'ils avaient fait. Pour sa part, il n'avait rien compris du tout et était sous le choc. Il ne se souvenait pas qui avait eu l'idée d'appeler B______, étant précisé qu'il était en compagnie de A______ lors de cet appel. Au Tribunal qui lui faisait remarquer le caractère atypique d'un tel appel si les relations sexuelles s'étaient déroulées de manière normale et consensuelle, X______ a partagé cette appréciation. Pour cette raison, il pensait que c'était A______ qui avait eu l'idée. Il estimait avoir dit à B______ ce qu'il s'était passé, sans rien cacher. Ne voulant pas que A______ se retrouve seule et comme B______ lui avait dit qu'elle arrivait, il était parti sans attendre l'arrivée de cette dernière, vu l'heure et son statut marital. Après son départ, il avait envoyé des messages à A______, car il était inquiet pour elle. Il était choqué du fait que deux minutes après qu'ils se soient embrassés, elle ne se souvenait pas de ce qu'ils avaient fait. Lors de la discussion téléphonique du lendemain avec A______, il avait évoqué le GHB, car il ne comprenait pas cette absence de souvenirs et, alors qu'il réfléchissait à voix haute, il avait émis l'hypothèse du GHB. L'absence de souvenirs de A______ n'était pas plausible, selon lui. Elle avait été normale toute la nuit.

A la question de savoir comment il vivait, depuis fin 2019, le fait d'être accusé d'avoir abusé sexuellement d'une personne incapable de discernement ou de résistance, X______ s'est exprimé en ces termes: "Je le vis très mal. C'est quelque chose d'horrible pour moi. Je ne sais pas pourquoi je suis là. Je n'aurais jamais fait de mal à quelqu'un. Mon épouse n'est pas au courant. Cela a eu un impact sur mon travail, sur ma vie. C'est comme un cauchemar éveillé. Je n'ai pas eu besoin d'un soutien thérapeutique ou médicamenteux". Au terme de l'audience, il a encore ajouté ceci: "J'espère que A______ retrouvera la mémoire, car c'est une personne que j'appréciais beaucoup. Tout cela est un cauchemar absolu depuis quatre ans".

c. A______ a confirmé toutes les déclarations faites au cours de la procédure. Elle avait toujours l'impression que la douleur était intacte, violente, traumatisante et répétitive et ce, quatre ans après les faits. Comme elle tentait de ne plus y repenser, elle évitait certains lieux et avait déménagé dans un autre canton. Revenir au café ______ pour l'audience était difficile. Depuis les faits, elle essayait de se reconstruire, tant dans sa vie personnelle, entourée de son compagnon et de sa fille, que dans le domaine professionnel. Dès qu'elle se retrouvait confrontée à cet évènement, elle avait l'impression de se trouver au bord du précipice, ayant la sensation qu'on lui avait volé une partie de sa dignité, de son corps et de son esprit. Elle se sentait faible et misérable avec "l'impression d'être attirée vers l'enfer". C'était une torture continue et incessante. Elle n'était pas consentante et la position adoptée par X______ au cours de la procédure la révoltait. Depuis quatre ans, elle souffrait et sa non-reconnaissance comme victime était une injustice "d'une violence inexplicable". En sus, il y avait eu des conséquences tant physiques que psychiques (spasmes, perte de cheveux, prise d'antidépresseurs, perte d'appétit et de poids, etc.). Elle avait passé des années à tenter de se reconstruire. Auparavant, elle menait une vie normale tout en étant heureuse et sociable, avec des amis et des projets. Depuis les faits, elle était traumatisée. Dès lors, quand elle sortait pour aller prendre un verre, elle s'accompagnait toujours d'une personne de confiance. En outre, les faits avaient eu un impact sur sa relation sentimentale actuelle, car elle était toujours dans un état émotionnel très fort et très chargé. Quand l'évènement traumatique refaisait surface, elle n'avait pas envie qu'on la touche. Les faits étaient ressortis lors d'un rendez-vous chez le gynécologue et elle avait dû être suivie par un psychothérapeute lors des trois premiers mois de sa grossesse.

Elle n'avait aucun intérêt à accuser faussement X______, ayant au contraire tout perdu et abandonné. En effet, elle avait quitté le canton de Genève et son appartement.

Sa relation avec X______ avait une composante professionnelle, celui-ci ayant accepté de donner un lot pour un évènement caritatif et lui ayant remis le numéro d'une personne active dans le domaine immobilier pour un évènement. Quand elle proposait des apéritifs, elle n'était pas dans une dynamique de flirt, "cet individu" ne l'intéressant pas. Elle avait d'ailleurs toujours été claire à ce sujet.

En relation avec les faits, elle a indiqué n'avoir pas proposé à X______ de se rendre chez elle, étant rappelé que ses souvenirs s'étaient arrêtés à 23h00 au moment de l'addition. A ce moment-là, elle devait rejoindre une amie. Qui plus est, elle avait, à plusieurs reprises, repoussé par messages les avances de X______. Au moment des faits, elle venait de débuter une nouvelle relation de couple et ne pouvait pas concevoir d'histoire parallèle, ce même pour une nuit. Le cunnilingus n'était pas une pratique sexuelle qu'elle sollicitait, cela ne correspondant pas à qui elle était. Elle n'avait pas regardé les images de vidéosurveillance figurant à la procédure. X______ connaissait son adresse, car elle lui avait envoyé des photographies d'un appartement s'étant libéré en face de chez elle. Pour accéder à son immeuble, il fallait entrer un code, mais il arrivait que la porte soit ouverte, sans nécessité de taper le code. En outre, son nom se trouvait sur la boîte aux lettres. A son "réveil", elle était "shootée", étant précisé qu'il s'agissait de la première fois qu'elle ressentait cela. Quand X______ avait appelé B______, il avait dit "on a couché ensemble sans capote et elle était consentante", ce qui l'avait elle-même étonnée. Elle n'avait pas le souvenir d'avoir refusé de se rendre à l'hôpital dans la nuit, mais s'était rendue aux HUG à son réveil vers 07h00-08h00. A la réception de l'hôpital, elle avait évoqué le GHB, ce à quoi il lui avait été répondu qu'il était trop tard. Cela l'avait découragée et elle était rentrée chez elle. Elle avait appelé X______ pour entendre sa version des faits et il lui avait dit que si une personne avait mis du GHB dans son verre, il n'était pas au courant. Le lendemain, elle s'était rendue à l'hôpital de Sion.

Elle souhaitait que son statut de victime soit reconnu. Si la souffrance ne partirait jamais, ce serait une reconnaissance de la souffrance vécue.

d. Entendu en qualité de témoin, M______, compagnon de A______ depuis 2021 et père de sa fille, a déclaré qu'il n'avait jamais rencontré X______. Il avait été rapidement mis au courant des évènements vécus par sa compagne en 2019, sans beaucoup de détails, le sujet étant tabou. Elle était une femme assez positive, joyeuse et facile. Lorsqu'elle recevait des convocations en lien avec cette procédure ou quand un article de presse concernait un cas similaire au sien, elle subissait des retours du traumatisme et des situations assez difficiles. Durant ces périodes, elle déprimait, ne dormait plus, pleurait, perdait du poids ainsi que ses cheveux et éprouvait une importante anxiété. Elle sortait alors moins. De manière générale, sa compagne ne sortait plus sans une personne de confiance, étant précisé qu'il y avait cinq personnes qu'elle considérait comme telle. Lorsqu'elle n'était pas bien, elle avait des blocages au niveau intime et il était impossible de la toucher.

e. A l'occasion de l'audience, les parties ont déposé des pièces :

e.a. X______ a déposé un chargé de pièces parmi lesquelles deux articles de presse en lien avec le black-out alcoolique et un courrier de la Commandante de la police du 28 novembre 2023 faisant état du fait que le dossier de police le concernant ne contenait qu'un seul document, soit le rapport de renseignements du 10 janvier 2020 établi dans le cadre de la procédure P/947/2020.

e.b. A______ a déposé plusieurs pièces, parmi lesquelles un certificat médical de la Dre N______, médecin généraliste, daté du 19 décembre 2023, et un certificat médical du Dr O______, gynécologue, du 13 décembre 2023. Il en ressort en substance que A______ demeurait psychologiquement fragile et qu'il était médicalement contre-indiqué qu'elle se retrouve dans la même salle qu'X______, étant précisé que l'instauration des traitements relaxants ne permettait pas de soulager sa détresse actuelle. En outre, la grossesse de A______ avait entraîné une résurgence explosive de l'agression sexuelle. Grâce au suivi psychiatrique et psychologique, la grossesse s'était bien déroulée du point de vue somatique et psychique. Des photographies ont également été produites, en lien avec la perte de cheveux subie par A______. A teneur d'une attestation du 19 décembre 2023 d'P______, intervenante LAVI, la qualité de victime au sens de la LAVI avait été attribuée à A______, suite à une évaluation et au vu des éléments disponibles.

e.c.A______ a également déposé les copies d'écran de différents messages échangés entre X______ et elle.

Les messages échangés entre eux sur la messagerie d'Instagram dans la période comprise entre le 23 mars 2019 et 6 décembre 2019 et qui revêtent une certaine pertinence sont les suivants :

25 août 2019 à 22h47 :

Trop cool de te voir! Rentres pas trop tard (X______) [message "liké" par A______]

 

26 août 2019 à 12h30 :

Oui trop sympaaa (A______)

Mais nooon, jamais trop tard ;-) (A______)

26 août 2019 à 23h05 :

Haha viens boire un dernier verre ? (X______)

[emoji qui rigole (A______)]

Quelle équipe ! (A______)

;) viens! On boit seulement ;) (X______)

27 août 2019 à 01h17 :

[emoji qui rigole (A______)]

Mercredi on passe prendre l'apéro à l'aviator avec B______ (A______)

3 septembre 2019 à 17:04 :

Des news ? :) (A______)

Ca avait l'air sympa votre petit week-end escapade voitures (A______)

3 septembre 2019 à 20h44 :

Hello pas eu le temps d en discuter yet (X______)

T top (X______) [message "liké" par A______]

C t top (X______) [message "liké" par A______]

 

4 septembre 2019 à 19h26 :

Tu viens à la clem sans me dire ?! (X______) [message "liké" par A______]

5 octobre 2019 à 18h51 :

Belle (X______) [message "liké" par A______]

 

9 octobre 2019 à 21h56 :

Parait que le sex ca fait maigrir (X______)

Apparemment ça dépend pour qui je pense [emoji qui rigole (A______)]

Non là c'est fini les conneries (A______)

Haha (X______)

Apéro demain alors (X______) [message "liké" par A______]

A fond (A______)

La fille qui n'a aucune volonté [deux émojis qui rigolent (A______)]

Qui est accro à l'apéro (A______)

10 octobre 2019 à 17h06 :

Maison Balki (A______)

Qd ? Déjà ? (X______)

Non un peu plus tard [emoji qui rigole (A______)]

Vers 19 h ? ou 20 h (A______)

Moi j y serais à 18h40 (X______)

30 (X______)

Même avant [emoji qui rigole (X______)]

Ok je te rejoins à 18h30 (A______)

11 octobre 2019 à 16h15 :

Salope! Ca a été hier ? (X______)

[emoji qui rigole (A______)]

J'ai des remords avec tout ce qu'on a mangé hier je ne vais pas réussir à rentrer dans ma robe (A______)

Viens je suis à la clémence (A______)

[...]

J ai un rendez-vous fais chiez j avais oublié (X______)

Fuck (X______)

Quand ? (A______)

A 1730 (X______)

BORING (A______)

J allais me la cooler douce (X______)

Et ma secrétaire m a vite clamer (X______)

Calmer (X______)

Mais pourquoi tu mets un rdv à 17h30 un vendredi (A______)

Je sais (X______)

C'est horrible (A______)

Mais c t la seule solution (X______)

Dis que tu es malade (A______)

Haha je peux pas (X______)

On s'en fout (A______)

Tu inventes un connerie (A______)

[emoji qui rigole (A______)]

12 octobre à 23h54 :

Tu veux venir ? (A______)

Je peux pas (X______)

15 octobre 2019 à 15h47 :

A quand le prochain apéro ? (A______)

15 octobre 2019 à 22h30 :

Passe home now ;) (X______)

[emoji qui rigole (A______)]

Sacré X_______ (A______)

[...]

Viens (X______)

I sleep (A______)

Bnuit chou (X______)

J aurais bien aimé te voir (X______)

17 octobre 2019 à 12h12 :

Tu fais la tête ? Tu veux pas me voir (X______)

17 octobre 2019 à 09h37 :

Apéro ce week-end !! Tu es par là ? Ce soir j'ai l'opéra (A______)

18 octobre 2019 à 16h22 :

Vers quelle h? (X______)

[..]

Vers 18h30? (A______)

Ok C______? Clem? (X______)

Comme tu veux (A______)

Il pleut je crois (A______)

C______? (X______)

Ok (A______)

28 octobre 2019 à 08h06 :

T as disparu? (X______)

28 octobre 2019 à 09h50 :

On se voit bientôt (X______)

28 octobre 2019 à 11h12 :

[...] Mais oui apéro quand je rentre ! (A______)

31 octobre 2019 à 14h38 :

Tous à l'apéro aux eaux vives afterwork (A______)

31 octobre 2019 à 16h03 :

Qd ? (X______)

[...]

19h aux eaux vives (X______)

31 octobre 2019 à 19h10 :

Viens prendre l'apéro (A______)

31 octobre 2019 à 20h56 :

Suis dead (X______)

Demain peut-être (X______) [message "liké" par A______]

17 novembre 2019 à 20h08 :

On va dîner avec B______ au Giorgio (A______)

Viens si tu veux (A______)

J ai mangé :( pensais que r t à Fribourg (X______)

22 novembre 2019 à 21h04 :

Tu m'aimes plus :( - Bnuit (X______)

A______ a également remis au Tribunal les messages échangés entre X______ et elle via WhatsApp, entre le 24 septembre 2019 et 14 décembre 2019, dont les plus pertinents sont les suivants :

1er octobre 2019 :

18h04 : Tu passes chez C______ – Y a une soirée (X______)

18h04 : Quand v (A______)

18h04 : ? (A______)

18h05 : Ce soir (X______)

18h07 : Je suis encore en Valais sinon je serais venue avec plaisir (A______)

4 octobre 2019 :

15h44 : Afterwork (A______)

15h47 : Hello ou? Et qd (X______)

[...]

21h34 : Je suis chez moi et ne peux plus bouger, crevée de la fête hier (A______)

21h35 : Mais on se refait un petit apéro bientôt (A______)

6 octobre 2019 :

20h35 : Pas de drinks ? Chez toi ? Chez moi ? (X______)

[...]

21h25 : Non stop [2 emojis qui rigolent (A______)]

21h26 : Mais entre potes (X______)

21h26 : ! (X______)

21h26 : Tu me plais pas anyways ;) (X______)

21h26 : [deux emojis qui rigolent] j'adore ! (A______)

21h27 : En vrai je me suis couchée à 5h30 du mat (A______)

[...]

21h27 : Repose toi chou (X______)

21h28 : On se voit pour un apéro si tu veux – Bisous (X______)

21h28 : Toi aussi repose-toi bien – Avec plaisir ! (A______)

6 novembre 2019 :

19h11 : Viens – Miss u (X______)

19h29 : Aperoooooooooooioo (X______)

19h30 : T es ou ? – On a bientôt fini (A______)

19h30 : Balki (X______)

19h43 : J'arrive – Mais vous restez jusqu'à quelle h? (A______)

19h47 : Comme tu veux - :) – Je reste avec toi [emoji coeur – LOL (X______)]

20h17 : Bon tu viens pas en fait (X______)

20h18 : Si je suis sur le chemin (A______)

20h18 : Ouais puais – Suis bourré (X______)

20h18 : Tu vas rentrer ? (A______)

20h19 : Avec toi chez toi (X______)

20h19 : Genre [emoji qui rigole (A______)]

20h19 : T as pas envie? - Moi oui (X______)

20h20 : C'est du non stop (A______)

20h22 : Bah je te dis juste (X______)

7 novembre 2019 :

00h28 : T chiante (X______)

00h29 : J avais envi de t embrasser (X______)

14h38 : Bien rentrée ? Dur today (X______)

14h42 : [deux emojis qui rigolent] Oui top – C'était très sympa le Why not (A______)

22 novembre 2019 :

15h53 : Ca va ? – Ramène ton cul (X______)

15h55 : t ou – T ou t ou t ou t ou t ou (X______)

16h33 : [deux emojis qui rigolent] Je suis au café des voisins – Et toi (A______)

[...]

16h42 : Drinks ? (X______)

[...]

16h51 : Ok à la clémence ? Ou Aviator ? (A______)

16h51 : Vais aux o vives (X______)

17h57 : Je viens un peu plus tard :-) (A______)

17h57 : 19 je dois partir (X______)

22h46 : On est à la maison balki avec B______ et ton frère viens (A______)

26 novembre 2019 :

15h42 : Ca va ? – T ou (X______)

15h50 : C'est reparti [emoji qui rigole (A______)]

29 novembre 2019 :

00h19 : Tu rentres qd? Apero qd?? (X______)

15h41 : Ce week-end – Là j'ai un meeting important à Sion – Après je rentre (A______)

30 novembre 2019 :

14h44 : Apéro ce soir ? Avec B______ aussi (A______)

14h49 : Hello j ai un diner dommage (X______)

15h15 : Trois emojis qui pleurent [emoji qui rigole (A______)]

15h43 : Mais now je suis libre - ;) (X______)

15h44 : Je passe chez toi? Hihi (X______)

15h52 : Du NON STOP [emoji qui rigole – emoji panneau STOP (A______)]

15h54 : T as pas envie :( (X______)

16h13 : T ou – Je vais en ville (X______)

16h14 : Je suis chez moi je bosse un peu (A______)

16h14 : Tu veux que je passe t aider ;) (X______)

16h14 : Mais ce n'est pas possible [emoji qui rigole (A______)]

16h15 : STOP – Tu vas où ? (A______)

[...]

16h44 : On se prend une bière à la clémence ? (A______)

16h45 : Ou tisane si tu préfères [emoji qui rigole (A______)] [...]

16h48 : J ai un rendez-vous la aux aviateurs – Passes (X______)

16h57 : Ok je passe dans 20 (A______)

5 décembre 2019 :

12h15 : Bon j ai compris tu veux pas de moi – Dommage - ;) (X______)

12h16 : Suis sur que ca aurait été bien (X______)

12h16 : On dirait qu'il y a des appart qui se libèrent à la rue ______, en face de chez moi, je vais aller voir (A______)

12h16 : [trois emojis qui rigolent (A______)]

12h17 : Du non stop cet X______ – Tu dois être fort dans le business [emoji qui rigole (A______)]

[...]

12h19 : Envoi photographie d'un bâtiment (A______)

12h19 : Ben je pense que t a aussi envie mais t oses pas ? (X______)

[...]

12h20 : Tu connais très bien mon point de vue qui ne changera pas, alors arrête [deux emojis qui rigolent (A______)]

12h21 : Pfff (X______)

13 décembre 2019 :

10h20 : Préfère toi - ;) (X______)

10h21 : Mais bon vu que tu veux pas (X______)

10h21 : J'espère [emoji qui rigole (A______)]

[...]

10h31 : Ah je croyais que c t toi nu – Lol – Magnifique (X______)

10h32 : STOP [emoji qui rigole (A______)]

[...]

11h52 : Apéro ? (A______)

13h18 : Tot alors – Après ma femme me rejoint ;) (X______)

Enfin, les messages échangés entre A______ et Q______, le 13 décembre 2019, ont été produits :

22h35 : Pas loin lol (Q______)

22h36 : Je veux pas parler par téléphone (Q______)

22h40 : Pourquoi tu m'appelles ? (Q______)

22h40 : [envoi par A______ de sa géolocalisation]

22h40 : Te rejoins après (Q______)

22h41 : Rejoins nous (A______)

22h41 : T'es avec qui? (Q______)

22h42 : Avec des amis viens (A______)

23h05: Quel bar ? (Q______)

23h19: Bonne soirée j'ai pas la tête à ça (Q______)

 

D. Situation personnelle

a. X______, de nationalités suisse et britannique, est né le ______ 1974. Il est marié et père de deux enfants âgés de neuf et sept ans. Il détient deux sociétés immobilières et est également associé, à parts égales avec deux autres associés, dans une entreprise d'horlogerie. Il vit à ______ au Portugal. Ses revenus annuels sont de l'ordre de CHF 300'000.- nets. Sa prime d'assurance-maladie annuelle, pour toute la famille, s'élève à CHF 15'000.-. Il paie des impôts en Suisse sur ses biens et les transactions immobilières. Sa fortune s'élève à CHF 4 ou 5 millions et ses dettes, de nature hypothécaire, se chiffrent à CHF 860'000.-, en relation avec un appartement dont il est propriétaire en Suisse.

b. A teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, en l'état au 18 décembre 2023, il n'a pas d'antécédent.

EN DROIT

Culpabilité

1.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH ; RS 0.101) et, sur le plan interne, par l'art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. ; RS 101), concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence.

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a).

1.1.2. A teneur de l'art. 191 CP, celui qui, sachant qu'une personne est incapable de discernement ou de résistance, en aura profité pour commettre sur elle l'acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d'ordre sexuel, sera puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine-pécuniaire.

Selon la jurisprudence, est incapable de résistance la personne qui n'est pas apte à s'opposer à des contacts sexuels non désirés. Cette disposition protège les personnes qui ne sont pas en mesure de former, exprimer ou exercer efficacement une volonté de s'opposer à des atteintes sexuelles. L'incapacité de résistance peut être durable ou momentanée, chronique ou due aux circonstances. Elle peut être la conséquence d'un état mental gravement anormal, d'une sévère intoxication due à l'alcool ou à la drogue, ou encore d'entraves matérielles. Il faut cependant que la victime soit totalement incapable de se défendre. Si l'inaptitude n'est que partielle - par exemple en raison d'un état d'ivresse - la victime n'est pas incapable de résistance (ATF 133 IV 49 consid. 7.2 et les références citées; arrêt 6B_238/2019 du 16 avril 2019 consid. 2.1). L'exigence jurisprudentielle d'une incapacité de résistance ou de discernement "totale" ne recouvre pas exclusivement des états de perte de conscience complète mais délimite les situations visées par l'art. 191 CP de celles dans lesquelles, par exemple en raison de l'alcoolisation de la victime, celle-ci est simplement désinhibée (Herabsetzung der Hemmschwelle; ATF 133 IV 49 consid. 7.2; 119 IV 230 consid. 3a; arrêts 6B_586/2019 du 3 juillet 2019 consid. 1.4.1; 6B_60/2015 du 25 janvier 2016 consid. 1.1.3). Une incapacité de résistance peut être retenue lorsqu'une personne, sous l'effet de l'alcool et de fatigue ne peut pas ou que faiblement s'opposer aux actes entrepris (arrêts 6B_586/2019 précité consid. 1.4.1; 6B_232/2016 du 21 décembre 2016 consid. 2.2).

L'art. 191 CP exige en outre que l'auteur ait profité de l'incapacité de discernement ou de résistance de la victime, autrement dit qu'il ait exploité l'état ou la situation d'impuissance de la victime pour commettre l'acte d'ordre sexuel (arrêt du Tribunal fédéral 6B_10/2014 du 1er mai 2014 consid. 4.1.1; DUPUIS & al., Petit commentaire du Code pénal, 2ème éd., Bâle, 2017, n° 16 ad art. 191 CP; CORBOZ, Les infractions en droit suisse, Volume I, 3e éd., 2010 n° 11 ad art. 191 CP). Cela ne signifie pas que tous les actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance sont punissables (arrêt du Tribunal fédéral 6B_10/2014 du 1er mai 2014 consid. 4.1.1).

Sur le plan subjectif, l'art. 191 CP définit une infraction intentionnelle. L'auteur doit avoir conscience de l'état d'incapacité de discernement ou de résistance de la victime, étant précisé que le dol éventuel suffit. Agit donc intentionnellement celui qui s'accommode de l'éventualité que la victime ne puisse pas être, en raison de son état physique ou psychique, en situation de s'opposer à une sollicitation d'ordre sexuel, mais lui fait subir malgré tout un acte d'ordre sexuel (arrêt du Tribunal fédéral 6B_60/2015 du 25 janvier 2016, consid. 1.2.1).

1.2. En l'espèce, à titre liminaire, le Tribunal relève que l'appréciation des déclarations respectives de A______ et de X______ permet de considérer qu'elles sont, pour l'essentiel, constantes et d'un niveau de crédibilité similaire, même si elles aboutissent à des positions antagonistes. En effet, pour X______, A______ était consentante et consciente durant leur relation sexuelle, tandis que A______ fait valoir un défaut de consentement ainsi qu'une absence de souvenirs depuis le moment de l'addition au restaurant, avec une reprise de sa conscience lors son réveil, dans son lit, aux côtés de X______.

Pour mener sa réflexion, le Tribunal s'est en premier lieu attelé à définir la nature des liens qui unissaient A______ et X______.

A teneur de leurs propres déclarations, des nombreux messages qu'ils se sont échangés pendant les mois ayant précédé cette nuit du 13 au 14 décembre 2019 ainsi que du témoignage de B______, il est établi que les deux protagonistes s'entendaient très bien, qu'ils s'appréciaient mutuellement et qu'ils étaient l'un et l'autre motivés à l'idée de se côtoyer. Leurs échanges écrits révèlent clairement un climat de flirt, avec une impulsion de la part de X______ et une attitude ambiguë de la part de A______, qui ne l'a pas nettement freiné dans son élan et n'a jamais décidé de couper les ponts avec lui.

En rapport avec la soirée du 13 décembre 2019, il apparaît qu'ils ne devaient initialement pas être seuls les deux, mais que la désertion des autres personnes ne les a pas affectés. Lorsque X______ a manifesté son souhait de quitter le café ______ pour rentrer chez lui, A______ l'a convaincu de rester, ce qui montre qu'elle n'était pas mal à l'aise en sa présence le soir en question.

L'échange WhatsApp entre A______ et Q______, entre 22h35 et 22h42, heure du dernier message envoyé par A______, est révélateur, puisqu'il témoigne de la capacité de la partie plaignante à entretenir une discussion, à envoyer sa localisation et à rédiger quelques messages, certes simples, mais cohérents et sans fautes d'orthographe. Cet échange permet aussi de penser qu'elle a probablement vu la plupart des messages explicites que lui a envoyés X______ entre 20h39 et 22h43 et que cette démarche audacieuse ne l'a pas conduite à le recadrer ou encore à abréger la soirée.

Sur la base du témoignage livré par le tenancier du café ______, le Tribunal retient qu'un rapprochement s'était opéré entre A______ et X______ le soir des faits.

La consommation d'alcool de A______, décrite par elle-même et dans une moindre mesure par X______, ne correspond pas à une forte alcoolisation, considérant le type et la quantité de boissons, sans compter la durée de sa présence au café du Bourg-de-Four qui avoisine les cinq heures. On rappellera aussi qu'elle a elle- même estimé n'avoir "pas bu à se rendre ivre".

Les images issues du système de vidéosurveillance du Consulat ______ permettent de valider cette absence d'ivresse, au vu de la démarche normale de A______, qui parvient sans souci à marcher sur ses hauts talons et à tenir son sac, sans compter qu'X______, qui est à ses côtés, n'intervient pas pour lui donner le bras, la soutenir ou même la porter. A cela s'ajoute qu'ils paraissent discuter, ce qui va dans le sens d'une situation sereine. A______ a réussi à rejoindre sans encombre son appartement de la rue ______, étant souligné que rien ne permet d'établir qu'X______ connaissait son adresse précise et que ce serait lui qui aurait favorisé l'accès à ce domicile. Le Tribunal relève également que A______ est parvenue à taper le code pour entrer dans l'immeuble. Le fait qu'elle communique ledit code quelques heures plus tard à son amie B______ démontre qu'il était nécessaire d'en faire usage la nuit en question.

L'activité de nature sexuelle qui est intervenue dans l'appartement de A______ ne repose que sur les propos de X______, qui a fait le choix de détailler les actes pratiqués, alors qu'il aurait pu chercher à les occulter ou à les minimiser. Il a même évoqué des aspects qui ne le présentent pas sous le meilleur jour, comme le fait de ne pas avoir fait usage d'un préservatif ou encore la perte de son érection, ce qui est de nature à renforcer la crédibilité de son récit.

Il convient également de tenir compte du fait qu'X______ a, de façon permanente, soutenu que A______ était "totalement lucide tout au long de la soirée" et qu'elle était "normale toute la nuit". Un éventuel endormissement de A______ n'est pas établi et le fait qu'X______ ait indiqué qu'il n'aurait jamais pu avoir des relations sexuelles avec une femme endormie doit être pris en compte. La survenance d'autres faits dans cet appartement ne serait que pure spéculation.

En définitive, le Tribunal retient qu'il n'y a pas d'éléments en faveur d'une sévère intoxication de A______ due à l'alcool ou à une autre substance, telle que du GHB, cette seconde hypothèse n'étant par ailleurs pas même visée par l'acte d'accusation. Même si cela avait été le cas, force aurait été d'admettre que l'administration de GHB était un scénario qui ne reposait sur aucun élément tangible de la procédure.

Dans ces circonstances, rien ne permet de retenir que A______ était endormie et alcoolisée et ainsi totalement incapable de discernement ou de résistance. Quand bien même le Tribunal serait arrivé à la conclusion inverse, il aurait encore fallu qu'X______ s'en rende compte et qu'il décide d'exploiter cette situation, ce qui n'est pas avéré au vu du dossier.

S'agissant de l'état confusionnel de A______, qui est décrit tant par elle- même que par X______, le Tribunal est bien en peine de l'attribuer à une cause et ne se hasardera pas à émettre des suppositions.

Le comportement ultérieur de X______ accrédite encore le fait qu'il n'a pas abusé de A______. L'appel à B______ soutient qu'il n'avait rien à se reprocher, tandis que les messages qu'il envoie à A______ dans les heures qui suivent et la conversation téléphonique qu'il a avec elle le lendemain témoignent d'une sincère préoccupation à son égard. Tout ceci ne correspond pas à l'attitude d'un agresseur.

Le fait que A______ lui demande si elle était consentante laisse penser que ce point n'était pas si évident que cela et qu'elle n'était pas fixée sur cet aspect. Le fait qu'elle n'avait a priori pas d'attirance pour X______ ne saurait suffire pour exclure un élan amoureux ou sexuel la nuit en question.

En rapport avec les différents éléments médicaux qui figurent au dossier, le Tribunal retient que, sur le plan physique, seule une ecchymose mise en évidence sur le bras gauche de A______ pourrait dater des faits examinés. Cela étant, cette lésion n'est pas suffisamment caractérisée pour en tirer une quelconque conséquence. Pour ce qui est des éléments d'ordre psychique, il est indéniable que A______ est en souffrance depuis cette nuit du 13 au 14 décembre 2019, étant observé qu'elle le dit elle-même, que les différents thérapeutes qu'elle a consultés l'attestent et que son compagnon a apporté un témoignage parlant. A cela s'ajoute que le Tribunal a perçu la tristesse de A______ lors des débats, tristesse qui paraît authentique et qu'il n'entend pas remettre en cause, mais, cela étant, il se voit confronté à l'impossibilité d'en attribuer la responsabilité à des actes commis par X______, étant aussi relevé que A______ avait manifestement une fragilité préexistante.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal a acquis la conviction que les éléments constitutifs de l'infraction d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance ne sont pas réalisés et que cette infraction ne peut ainsi pas être mise à la charge de X______.

Par conséquent, X______ sera acquitté du chef d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP).

Sort des biens séquestrés, indemnisation et frais

2.1. Conformément à l'art. 267 CPP, si le motif du séquestre disparaît, le ministère public ou le tribunal lève la mesure et restitue les objets et valeurs patrimoniales à l'ayant droit (al. 1). La restitution à l'ayant droit des objets et des valeurs patrimoniales séquestrés qui n'ont pas été libérés auparavant, leur utilisation pour couvrir les frais ou leur confiscation sont statuées dans la décision finale (al. 3).

2.2. Les objets figurant sous chiffres 1 à 5 de l'inventaire n° 24971220191230 du 30 décembre 2019 seront restitués à A______.

3.1. En vertu de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

C'est au prévenu acquitté totalement ou partiellement, qu'il appartient de prouver le bien-fondé de ses prétentions en indemnisation, conformément à la règle générale du droit de la responsabilité civile selon laquelle la preuve du dommage incombe au demandeur (ATF 146 IV 332 consid. 1.3 ; 142 IV 237 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_278/2021 du 2 novembre 2021 consid. 1.2.3).

Les démarches superflues, abusives ou excessives ne sont pas indemnisées (ATF 115 IV 156 consid. 2d). À la lumière de ces principes, il y a lieu de retenir que l'autorité pénale amenée à fixer une indemnité n'a pas à avaliser purement et simplement les notes d'honoraires d'avocats qui lui sont soumises. Elle doit, au contraire, examiner, tout d'abord, si l'assistance d'un conseil était nécessaire, puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire, et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conformes au tarif pratiqué à Genève, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

L'indemnité doit correspondre au tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule et englober la totalité des coûts de défense (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1183/2017 du 24 avril 2018 consid. 3.1 et 6B_47/2017 du 13 décembre 2017 consid. 1.1). La Cour de justice applique au chef d'étude un tarif horaire de CHF 450.- (arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 ; ACPR/279/2014 du 27 mai 2014) ou de CHF 400.- (ACPR/282/2014 du 30 mai 2014), notamment si l'avocat concerné a lui-même calculé sa prétention à ce taux-là (ACPR/377/2013 du 13 août 2013).

3.2. En l'espèce, vu l'acquittement prononcé, le prévenu a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure. Le montant de l'indemnité correspondra au montant de la note d'honoraires soumise par ses Conseils, sous déduction de 2h50 concernant un poste du 4 octobre 2023, puisqu'il paraît peu vraisemblable qu'un entretien téléphonique avec le greffe du Tribunal ait durée trois heures.

Partant, l'Etat de Genève versera à X______ la somme de CHF 55'505.90, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

4. Compte tenu de l'acquittement prononcé, la partie plaignante sera déboutée de ses conclusions civiles (art. 126 al. 1 let. b CPP) ainsi que de ses prétentions en indemnisation fondées sur l'art. 433 CPP.

5. Les frais de la procédure seront laissés à la charge de l'Etat s'agissant du prévenu (art. 423 al.1 CPP).

Vu l'annonce d'appel de A______ à l'origine du présent jugement motivé, celle-ci sera condamnée à un émolument complémentaire de jugement de CHF 600.- (art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

****

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL

statuant contradictoirement :

Acquitte X______ d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP).

Déboute A______ de ses conclusions civiles et de ses prétentions en indemnisation fondées sur l'art. 433 CPP.

Condamne l'Etat de Genève à verser à X______ CHF 55'505.90, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Ordonne la restitution à A______ des objets figurant sous chiffres 1 à 5 de l'inventaire n° 24971220191230 du 30 décembre 2019.

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 10 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Céline DELALOYE JAQUENOUD

La Présidente

Dania MAGHZAOUI

 

 

 

Vu le jugement du 21 décembre 2023;

Vu l'annonce d'appel faite par A______ le 22 décembre 2023 (art. 82 al. 2 lit. b CPP);

Considérant que selon l'art. 9 al. 2 RTFMP, l’émolument de jugement fixé est en principe triplé pour les parties privées en cas d'appel;

Qu'il se justifie, partant, de mettre à la charge de A______ un émolument complémentaire.

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.- .

Met cet émolument complémentaire à la charge de A______.

 

La Greffière

Céline DELALOYE JAQUENOUD

La Présidente

Dania MAGHZAOUI

 

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

2100.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

150.00

Frais postaux (convocation)

CHF

28.00

Emolument de jugement

CHF

1500.00

Etat de frais

CHF

50.00

Total

CHF

3828.00 à la charge de l'Etat

==========

Emolument de jugement complémentaire

CHF

==========

Total des frais

CHF

 

Restitution de valeurs patrimoniales et/ou d'objets

Lorsque le présent jugement sera devenu définitif et exécutoire, il appartiendra à l'ayant-droit de s'adresser aux Services financiers du pouvoir judiciaire (finances.palais@justice.ge.ch et +41 22 327 63 20) afin d'obtenir la restitution de valeurs patrimoniales ou le paiement de l'indemnité allouée, ainsi que, sur rendez-vous, au Greffe des pièces à conviction (gpc@justice.ge.ch et +41 22 327 60 75) pour la restitution d'objets.

 

Notification au prévenu, à la partie plaignante et au Ministère public.