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Décisions | Tribunal pénal

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P/21213/2021

JTDP/1535/2022 du 12.12.2022 sur OPMP/1021/2022 ( OPOP ) , JUGE

Normes : LEI.115
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

 

Chambre 24


12 décembre 2022

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

Monsieur X______, né le ______1971, domicilié c/o A______, prévenu, assisté de Me B______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut au maintien de son ordonnance pénale, soit que le Tribunal déclare X______ coupable d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) et de tentative d'infraction à l'article 118 alinéa 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) (art. 22 al. 1 CP), le condamne à une peine pécuniaire de 110 jours-amende, sous déduction de 1 jour-amende correspondant à 1 jour de détention avant jugement, fixe le montant du jour-amende à CHF 70.-, le mette au bénéfice du sursis et fixe le délai d'épreuve à trois ans et condamne X______ aux frais de la procédure.

Me C______, conseil de X______, plaide et conclut à l'acquittement de son mandant s'agissant de l'infraction aux art. 22 CP et 118 LEI; s'agissant de l'infraction à l'art. 115 LEI, elle conclut à la réduction de la période pénale à partir du 26 septembre 2018 (date du dépôt de la demande papyrus). En conséquence, elle conclut à la réduction de la peine.

*****

Vu l'opposition formée le 11 février 2022 par X______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 7 février 2022;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 28 juillet 2022;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 7 février 2022 et l'opposition formée contre celle-ci par X______ le 11 février 2022.

et statuant à nouveau :

EN FAIT

A. a. Par ordonnance pénale du 7 février 2022, valant acte d'accusation, il est reproché à X______ d'avoir, entre le 7 février 2015 et le 7 février 2022, séjourné et travaillé en Suisse, alors qu'il était démuni des autorisations nécessaires,

faits qualifiés de séjour illégal et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation au sens des articles 115 al. 1 let. b et c LEI.

b. Il lui est également reproché une tentative d'infraction à l'art. 118 al. 1 LEI pour avoir, dans le cadre d'une demande d'autorisation de séjour « Papyrus », déposée le 26 septembre 2018 auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM), produit de fausses fiches de salaires de D______ Sàrl pour les années 2008 et 2009 et d'E______ SA pour les années 2010 à 2014, lesquelles présentaient de nombreuses irrégularités, dans le but d'obtenir une autorisation de séjour et de travail en Suisse.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Le 27 octobre 2021, l'OCPM a dénoncé au Ministère public X______, qui a déposé le 26 septembre 2018 une demande d'autorisation de séjour « Papyrus ». Les soupçons de l'OCPM se sont notamment fondés sur le fait que les décomptes de salaire établis au nom des sociétés D______ Sàrl et E______ SA présentaient des taux de cotisations sociales incorrects et que ces entreprises apparaissaient dans de nombreux dossiers relatifs à la procédure « Papyrus ».

a.b. A l'appui de sa dénonciation, l'OCPM a produit entre autres les documents suivants :

- un formulaire de demande de reconnaissance d'un cas individuel d'une extrême gravité dans le cadre de l'opération « Papyrus » daté et signé le 24 septembre 2018 par Me F______ pour le compte de X______ ;

- des décomptes de salaire, annexés à la demande « Papyrus » et établis au nom de D______ SA en faveur de X______ pour les mois d'avril à août 2008, d'octobre à novembre 2008, de février à mai 2009, de juillet à décembre 2009, étant précisé que ces décomptes comportent une erreur dans la raison sociale de la société, laquelle est constituée en Sàrl et non en SA, ainsi que des erreurs quant aux taux de cotisations appliqués pour l'assurance-vieillesse (5.125% au lieu de 5.05%), l'assurance maternité (0.041% au lieu de 0.020%) et l'assurance chômage (1.1% au lieu de 1%) ;

- des décomptes de salaire, annexés à la demande « Papyrus » et établis au nom d'E______ SA, présentant un format quasiment identique aux décomptes de salaire de D______ Sàrl, en faveur de X______ pour les mois de janvier 2010, de mai à juillet 2010, de septembre 2010, de décembre 2010 à février 2011, de mai à juillet 2011, de septembre à juillet 2012, de septembre 2012, de novembre 2012, de janvier à mars 2013, de mai à juin 2013, d'août à décembre 2013, de février à mars 2014, de juin à août 2014, et d'octobre à novembre 2014, étant précisé que ces décomptes comportent des erreurs quant aux taux de cotisations appliqués pour l'assurance-vieillesse (5.125% au lieu de 5.05% en 2010, puis 5.125% au lieu de 5.15% de 2011 à 2014), l'assurance maternité (0.041% au lieu de 0.045% de 2010 à 2012, puis 0.041% au lieu de 0.042% en 2013) et l'assurance chômage (1.1% au lieu de 1% en 2010), et que le siège d'E______ SA entre le 1er février 2010 et le 27 janvier 2016 se situait à la route G______ 51 et non à la rue H______ 12 ;

- un extrait du compte individuel AVS de X______ délivré par la Caisse cantonale genevoise de compensation, montrant qu'entre avril 1999 et décembre 2019 le précité a cotisé en tant qu'employé auprès de I______ SA, de la J______, de K______ et de L______ Sàrl, aucune mention de D______ Sàrl et d'E______ SA n'y figurant ;

b. Le rapport d'arrestation du 7 février 2022 a confirmé que les décomptes de salaire présentaient également des erreurs quant aux taux de cotisations sociales retenus et qu'alors que les décomptes de salaire de D______ Sàrl et d'E______ SA mentionnaient le paiement des cotisations, l'extrait du compte individuel AVS de X______ ne mentionnait aucunement les cotisations en question. En effet, ce dernier avait travaillé pour des sociétés genevoises d'avril 1999 à août 2000, de juin 2015 à juillet 2017 et en 2019.

c.a. Entendu devant le Ministère public dans le cadre d'une autre procédure, dont le procès-verbal de l'audition a été versé à la présente procédure, M______, associé-gérant de D______ Sàrl et administrateur d'E______ SA, a notamment déclaré en lien avec la précitée que certains employés ne disposaient pas des autorisations pour travailler mais étaient déclarés aux assurances sociales. La société travaillait « au gris » et les employés étaient engagés sur la base d'un contrat oral et non écrit. Ces derniers étaient rémunérés à l'heure et non au mois. Cependant, il avait appris que N______, son ancien associé au sein d'E______ SA, était impliqué dans « beaucoup de magouilles » et qu'il pouvait confectionner de faux documents contre de l'argent.

c.b. Lors de son audition devant le Ministère public, M______ a expliqué qu'il ne connaissait pas O______ et que X______ n'avait jamais travaillé pour E______ SA.

Sur présentation des fiches de salaire établies au nom de D______ SA et d'E______ SA, il a indiqué qu'elles ne correspondaient pas à celles remises aux employés desdites sociétés.

d. Entendu à la police et devant le Ministère public, X______ a en substance reconnu avoir séjourné et travaillé sans les autorisations nécessaires. En revanche, il a contesté la tentative d'infraction à l'art. 118 LEI, dans la mesure où il ne savait pas qu'il s'agissait de fausses fiches de salaire qu'il avait remises à l'OCPM.

Le 26 septembre 2018, il avait déposé une demande d'autorisation de séjour dans le cadre de la procédure « Papyrus » par le biais de Me F______, à qui il avait remis les documents, et qui n'avait rien relevé de particulier au sujet des fiches de salaires. Il avait ensuite changé de Conseil pour s'occuper de la suite de la procédure.

Entre 2008 et 2014, par l'intermédiaire d'un albanais, nommé O______, qu'il avait connu par le biais de son père, il avait travaillé dans le bâtiment pour plusieurs sociétés, dont il ne se rappelait plus le nom. Deux de ces sociétés pouvaient être E______ SA et D______ Sàrl. Il n'avait jamais vu le responsable de cette dernière et ignorait où se trouvait son siège. Son seul interlocuteur était O______ qui, à la fin de chaque mois, lui remettait son salaire et les fiches de salaire, notamment celles annexées à sa demande d'autorisation de séjour, concédant par la suite devant le Ministère public avoir reçu lesdites fiches en 2014. Il ignorait pour quelle raison celles-ci comportaient des taux de cotisations erronés. A l'époque, il avait besoin de travail et ne s'était pas renseigné sur ces entreprises. De plus, il faisait confiance à O______, de sorte qu'il n'avait pas contrôlé ces documents qu'il considérait comme étant des originaux. Il n'avait pas les coordonnées de l'intéressé avec qui il n'était plus en contact depuis 2014.

Lorsqu'il avait demandé son extrait AVS, il avait été très surpris de voir qu'il était vierge.

C. Lors de l'audience de jugement, X______ a en substance confirmé ses précédentes déclarations, reconnaissant avoir séjourné et travaillé en Suisse sans autorisation et contestant la tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités.

Il avait bel et bien travaillé pour les entreprises concernées entre 2008 et 2014. Il s'était fait avoir par O______ en qui il avait confiance. En 2014, ce dernier lui avait remis, toutes en même temps, les fiches de salaires concernant D______ Sàrl et E______ SA qu'il avait conservées mais qu'il n'avait pas pris la peine de lire, de sorte qu'il n'avait pas pu constater d'erreur, notamment d'adresse ou de raison sociale sur ces documents. C'était également le précité qui lui remettait son salaire. Même si O______ était présent sur les chantiers en faisant des va-et-vient et qu'il travaillait pour lui, il ignorait si ce dernier était un représentant de D______ Sàrl, étant précisé qu'il n'avait pas rencontré M______ avant son audition devant le Ministère public.

Par la suite, il n'avait plus revu O______ qui ne lui avait pas payé les deux ou trois derniers mois de salaire.

D. X______, né le ______ 1971, est ressortissant kosovar. Il est marié et père de deux enfants. Son épouse et ses enfants vivent en France. Il a quatre frères qui vivent en Suisse.

Il est venu en Suisse pour la première fois en 1998 jusqu'en 2000, puis, il est revenu en 2008 en Suisse où il a travaillé pour diverses entreprises dans le bâtiment.

Actuellement, il travaille en tant que peintre en bâtiment pour Q______.

Il perçoit un revenu mensuel d'environ CHF 5'000.-.

A teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, il n'a pas d'antécédents.

 

EN DROIT

Classement et culpabilité

1.             1.1. Selon l'art. 329 al. 1 CPP, la direction de la procédure examine s'il existe des empêchements de procéder (let. c). Les alinéas 4 et 5 de cette disposition prévoient en outre que, lorsqu'un jugement ne peut définitivement pas être rendu, le tribunal classe la procédure, après avoir accordé le droit d'être entendu aux parties ainsi qu'aux tiers touchés par la décision de classement. Si la procédure ne doit être classée que sur certains points de l'accusation, l'ordonnance de classement peut être rendue en même temps que le jugement.

1.2. Selon l'art. 97 al. 1 let. d CP, l'action pénale se prescrit par sept ans si la peine maximale encourue est une autre peine que les peines privatives de liberté de trois ans, et plus, décrites aux let. a à c de cette disposition.

2.      Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par l'art. 32 al. 1 Cst., concerne tant le fardeau de la preuve, qui incombe à l'accusation, que l'appréciation des preuves. Comme règle de l'appréciation des preuves, ce principe interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent certes pas à exclure une condamnation. La présomption d'innocence n'est invoquée avec succès que si le recourant démontre qu'à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur sa culpabilité (ATF 124 IV 86 consid. 2a).

Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 127 I 38 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_827/2007 du 11 mars 2008 consid. 5.1). Le juge peut fonder sa condamnation sur les seules déclarations de la victime, ce d'autant plus si celles-ci sont corroborées par d'autres éléments (arrêt du Tribunal fédéral 6B_626/2010 du 25 novembre 2010 consid. 2.2).

3.             3.1.1. Selon l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI, est puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque séjourne illégalement en Suisse, notamment après l'expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé (let. b) et exerce une activité lucrative sans autorisation (let. c).

Le séjour illégal est un délit continu. L'infraction est achevée au moment où le séjour prend fin (arrêt du Tribunal fédéral du 24 janvier 2013, 6B_196/2012, consid. 1.2).

En cas de travail par intermittence auprès de différents employeurs, les interruptions de travail et la pluralité d'employeurs empêchent la qualification de délit continu. Un tel comportement constitue une succession de différents actes délictueux (arrêt du Tribunal fédéral du 24 janvier 2013, 6B_196/2012, consid. 1.5).

3.2. En l'espèce, il est établi à teneur des éléments figurant au dossier et des déclarations du prévenu qu'entre le 13 décembre 2015, période non couverte par la prescription, et le 7 février 2022, ce dernier a séjourné et exercé une activité lucrative en Suisse, alors qu'il était dépourvu des autorisations nécessaires. En effet, le Tribunal relève que ces faits sont prescrits pour la période du 7 février 2015 au 12 décembre 2015.

Ainsi, X______ sera reconnu coupable de séjour illégal et d'activité lucrative sans autorisation au sens de l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI pour la période du 13 décembre 2015 au 7 février 2022. En revanche, la procédure sera classée pour la période du 7 février 2015 au 12 décembre 2015.

4.             4.1.1. Selon l'art. 118 al. 1 LEI, quiconque induit en erreur les autorités chargées de l'application de la présente loi en leur donnant de fausses indications ou en dissimulant des faits essentiels et, de ce fait, obtient frauduleusement une autorisation pour lui ou pour un tiers ou évite le retrait d'une autorisation est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

4.1.2. L'auteur doit avoir un comportement frauduleux qui induit l'autorité en erreur, ce qui l'amène à accorder ou renouveler une autorisation. L'erreur doit avoir comme objet les faits. La tromperie peut avoir lieu par des paroles, des écrits, des actes concluants ou un silence qualifié. La tromperie n'a pas à être astucieuse. Sont notamment considérées comme trompeuses des indications fallacieuses sur les raisons de l'entrée en Suisse. Il peut s'agir notamment de fausses indications sur le degré de parenté, de la remise d'actes incorrects à l'état civil, de faire passer les enfants d'un tiers pour ses propres enfants (regroupement familial) ou encore de remettre des fausses indications sur les conditions de travail et de rémunération (autorisation de séjour avec activité lucrative) (art. 22 LEtr). Le comportement frauduleux peut aussi consister à dissimuler des faits en taisant des circonstances essentielles de la procédure d'autorisation, tel que c'est le cas concernant le mariage de complaisance puisqu'il n'y a pas de volonté de s'unir (G. SAUTHIER, Code annoté de droit des migrations, Vol II, éd. 2017, n°7 ad. art. 118, p.1328-1329).

Pour que le comportement soit puni, il faut qu'il existe un lien de causalité adéquate entre la tromperie et l'octroi de l'autorisation de séjour, en ce sens que le comportement frauduleux doit avoir été décisif dans la réglementation du séjour. Ce qui est donc déterminant, c'est que si l'autorité avait eu connaissance de la vérité, elle n'aurait pas délivré d'autorisation de séjour (G. SAUTHIER, Code annoté de droit des migrations, Vol II, éd. 2017, n°9 ad. art. 118, p. 1329 ; AARP/327/2021 du 19 octobre 2021 consid. 2.2.1; AARP/254/2021 du 27 juillet 2021, consid. 3.1.3).

Le résultat de l'infraction se produit lorsque l'autorisation de séjour est accordée. À défaut, il s'agit d'une tentative (art. 22 al. 1 CP; G. SAUTHIER, Code annoté de droit des migrations, Vol II, éd. 2017, n°10 ad. art. 118, p. 1329 ; AARP/327/2021 du 19 octobre 2021 consid. 2.2.1; AARP/254/2021 du 27 juillet 2021, consid. 3.1.3).

L'infraction est intentionnelle, la loi ne prévoyant pas la négligence (G. SAUTHIER, Code annoté de droit des migrations, Vol II, éd. 2017, n°10 ad. art. 118, p.1329).

4.2. En l'espèce, il est établi à teneur des éléments matériels figurant à la procédure et des déclarations du prévenu que ce dernier a produit, dans le cadre de sa demande d'autorisation de séjour « Papyrus » et par l'intermédiaire de son Conseil de l'époque, les décomptes de salaire, établis au nom des sociétés D______ Sàrl et E______ SA.

Le Tribunal a acquis la conviction que ces fiches de salaire ont été falsifiées, dans la mesure où, notamment, elles présentent de nombreuses erreurs et que les cotisations sociales prétendument prélevées ne figurent pas sur l'extrait de compte individuel AVS du prévenu.

En revanche, l'instruction menée par le Ministère public ne permet pas de déterminer si le prévenu a travaillé ou non pour les sociétés concernées durant les périodes visées par les fiches de salaires, de même que l'auteur et l'origine de ces faux documents. En effet, les déclarations de M______, selon lesquelles le prévenu n'avait jamais travaillé pour E______ SA et qu'il ne connaissait pas O______, ont une portée relative, dans la mesure où parallèlement l'intéressé a indiqué que ses sociétés travaillaient « au gris » et employaient oralement des personnes ne disposant pas des autorisations nécessaires. Il n'est ainsi pas invraisemblable que, parmi ces employés, puisse se trouver le prévenu.

A ces éléments s'ajoute que les déclarations du prévenu ont été constantes, lorsqu'il a expliqué avoir travaillé, aux périodes concernées par les fiches de salaires, pour deux entreprises par le biais d'un O______ qui lui avait remis ces documents qu'il pensait conformes à la réalité et qu'il n'avait pas vérifiés, dans la mesure où pour lui l'essentiel était d'avoir un travail.

Ses explications ne sont pas dénuées de sens, dès lors qu'il est compréhensible qu'un individu dans sa situation, en particulier sans autorisation de séjour et de travail, ne se préoccupe pas ou peu des aspects administratifs liés à son engagement professionnel et ne soit pas en mesure de comprendre tous les détails de ses fiches de salaire, écrites dans une langue qu'il ne maîtrise pas bien. Le prévenu avait également confiance en O______, dès lors que ce dernier lui avait été présenté par son père.

Enfin, afin de régulariser sa situation, le prévenu avait fait appel à un avocat qui avait reçu les fiches de salaire en question et les avait transmises à l'OCPM, sans relever aucun problème.

Ainsi, il n'est pas suffisamment établi, à teneur du dossier, faute d'autres éléments, tels que la localisation et l'audition d'O______ ou d'autres témoins, que le prévenu avait l'intention d'induire en erreur l'OCPM en produisant, en toute connaissance de cause, de fausses fiches de salaire.

Le doute devant profiter au prévenu, il sera acquitté de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités au sens des articles 22 al. 1 CP et 118 al. 1 LEI.

Peine

5.             Une partie des faits reprochés au prévenu s'est déroulée avant le 1er janvier 2018, date d'entrée en vigueur du nouveau droit des sanctions.

Selon l'art. 2 al. 1 CP, la loi pénale ne s'applique qu'aux faits commis après son entrée en vigueur (principe de la non-rétroactivité de la loi pénale). Cependant, en vertu de l'art. 2 al. 2 CP, une loi nouvelle s'applique aux faits qui lui sont antérieurs si, d'une part, l'auteur est mis en jugement après son entrée en vigueur et si, d'autre part, elle est plus favorable à l'auteur que l'ancienne (exception de la lex mitior). Il en découle que l'on applique en principe la loi en vigueur au moment où l'acte a été commis, à moins que la nouvelle loi ne soit plus favorable à l'auteur.

En matière de délit continu, la question du droit applicable se pose lorsque la loi change pendant l'exécution d'un tel délit. Si la nouvelle loi comporte uniquement une modification des sanctions, il n'est pas envisageable d'appliquer deux régimes de peine à un seul et même acte. Le délit continu constituant une unité, il n'est pas possible d'appliquer pour partie l'ancien et pour partie le nouveau droit. Le principe de la lex mitior ne permet en effet pas de combiner ancien et nouveau. Pour régler cette question, la doctrine largement majoritaire propose l'application du nouveau droit à l'ensemble du délit continu, soit également à la partie antérieure à l'entrée en vigueur de la nouvelle norme Dès lors qu'une norme abrogée ne peut être appliquée à un comportement postérieur à son abrogation et qu'il n'est pas possible d'appliquer pour partie l'ancien et pour partie le nouveau droit, la solution doctrinale se justifie. En cas d'aggravation de la sanction prévue par la loi, il convient toutefois, lors de la fixation de la peine, de tenir compte, dans un sens atténuant, du fait qu'une partie de l'infraction s'est déroulée pendant une période où la sanction était moins grave (arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2012 du 24 janvier 2013 consid. 1.3 et les références citées).

Le Tribunal fera dès lors application du nouveau droit des sanctions, dans sa teneur à partir du 1er janvier 2018.

6.             6.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

6.1.2. En vertu de l'art. 34 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). En règle générale, le jour-amende est de 30 francs au moins et de 3000 francs au plus. Il peut exceptionnellement, si la situation personnelle et économique de l'auteur l'exige, être réduit jusqu'à 10 francs. Le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).

6.1.3. Le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure. Un jour de détention correspond à un jour-amende (art. 51 CP).

6.1.4. Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP).

Si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).

6.1.5. Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis ou du sursis partiel, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 185 s. ; 134 IV 1 consid. 4.2.2 p. 5).

6.2. En l'espèce, la faute du prévenu n'est pas négligeable. Il a agi au mépris des règles en matière de migration durant une période pénale de plusieurs années.

Son mobile est égoïste. Il a agi par convenance personnelle.

La collaboration, de même que la prise de conscience du prévenu ont été sans particularité, dès lors qu'il a admis le séjour illégal et l'activité lucrative sans autorisation, faits qu'il pouvait difficilement contester.

L'absence d'antécédent a un effet neutre sur la fixation de la peine.

Compte tenu de ce qui précède, une peine pécuniaire sera prononcée, assortie du sursis, dont le prévenu remplit les conditions.

Ainsi, le prévenu sera condamné à 30 jours-amende à CHF 70.- l'unité, sous déduction d'un jour-amende, correspondant à un jour de détention avant jugement, peine assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de 3 ans.

Indemnité et frais

7.             7.1. A teneur de l'art. 426 al. 1 CP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné. Font exception les frais afférents à la défense d'office; l'art. 135 al. 4, est réservé.

Lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci (art. 426 al. 2 CP).

7.2. En l'espèce, le prévenu sera condamné aux frais de la procédure, arrêtés à CHF 600.-, dans la mesure où il a provoqué fautivement l'ouverture de la procédure et qu'il a été condamné en lien avec les infractions à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI, étant entre autres précisé que le classement prononcé faisait suite à la prescription de l'action pénale.

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Classe la procédure s'agissant des infractions à l'art. 115 al. 1 let. b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) pour la période du 7 février 2015 au 12 décembre 2015 (art. 329 al. 5 CPP).

Acquitte X______ de tentative d'infraction à l'art. 118 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) (art. 22 al. 1 CP)

Déclare X______ coupable d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI).

Condamne X______ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, sous déduction de 1 jour-amende, correspondant à 1 jour de détention avant jugement (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 70.-.

Met X______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit X______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne X______ aux frais de la procédure arrêtés à 600.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Secrétariat d'Etat aux migrations, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Juliette STALDER

La Présidente

Isabelle CUENDET

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

600.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

60.00

Frais postaux (convocation)

CHF

14.00

Emolument de jugement

CHF

300.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

7.00

Total

CHF

1031.00 arrêtés à 600.-

==========

 

Notification à X______, via son conseil
Notification au Ministère public
par voie postale