Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/730/2025 du 24.06.2025 ( LDTR ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 30 juin 2025
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dans la cause
A______, représentée par Régie Moser Vernet & Cie SA, avec élection de domicile
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
1. A______ (ci-après : A______) a pour but la gestion des avoirs de prévoyance des retraités des caisses de pensions qui lui sont affiliées.
Elle détient plusieurs immeubles en Suisse. Elle est en particulier propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de B______, section C______, qui est sise en deuxième zone de construction et sur laquelle est notamment érigé un immeuble d’habitation à plusieurs logements avec rez-de-chaussée commercial, sis à l’adresse rue de D______ 2______ (ci-après : le bâtiment).
2. Le 21 octobre 2024, A______ a déposé une autorisation de construire en procédure accélérée auprès du département du territoire (ci-après : le département) pour rénover un appartement au 1er étage du bâtiment (ci-après : l’appartement).
Plusieurs documents étaient joints, notamment :
- une lettre d’accompagnement indiquant que puisque le loyer versé par l’ancien locataire ne couvrait pas les coûts de la propriétaire, il convenait d’appliquer l’art. 11 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l’emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) pour déterminer le loyer admissible avant travaux et celui après travaux ;
- le formulaire D12, à teneur duquel l’appartement était inoccupé depuis le 30 novembre 2024, date du départ de l’ancien locataire, et le montant des travaux de rafraîchissement s’élevait à CHF 68’756.-. Ce formulaire indiquait aussi la hausse de loyer découlant des travaux (CHF 3’670.- par an), le loyer avant travaux (CHF 12’072.- par an) et le loyer après travaux (CHF 14’112.- par an). Ce dernier montant étant le plafond admis par le formulaire qui ne permettait pas d’intégrer le calcul de rendement, il avait par conséquent été rajouté en rouge le loyer avant travaux permettant de couvrir les coûts selon le calcul de rendement nécessaire pour couvrir tous les frais, soit CHF 21’418.- par an (CHF 5'355.- par pièce par an) et le loyer après travaux, soit CHF 25’088.- par an (CHF 6’272.- par pièce par an), montant incluant une hausse de loyer de CHF 3’670.- par an pour rentabiliser les travaux.
3. Lors de l’instruction de cette demande, enregistrée sous la référence APA 3______, les préavis usuels ont été requis et émis.
En particulier, l’office cantonal du logement et de la planification foncière - section LDTR (ci-après : OCLPF) a émis le 23 octobre 2024 un préavis favorable, sous trois conditions : « Les dispositions de la LDTR seront respectées (art. 9 LDTR) » (condition n° 1) ; « Le loyer de l’appartement de quatre pièces (RGL) situé au 1er étage n’excédera pas après travaux son niveau actuel, soit 14’112 francs par an, soit 3’528 francs la pièce par an. Ce loyer sera appliqué pour une durée de 3 ans à dater de la remise en location après la fin des travaux (art. 10 al. 1, art. 11 et 12 LDTR) » (condition n° 2) et « Toute modification devra faire l’objet d’une demande complémentaire » (condition n° 3). Sous « Remarques », il était notamment indiqué que « (…) pour fixer le loyer LDTR après travaux (art. 10 al. 1 et 11 LDTR), le Département a tenu compte du dernier loyer appliqué avant travaux, soit 12’072 francs et non pas du loyer mentionné en rouge dans le formulaire D12 (…) ».
Les autres instances consultées se sont toutes prononcées favorablement, avec ou sans réserve.
4. Par décision du ______ 2024, publiée le même jour dans la Feuille d’avis officielle, le département a délivré l’autorisation de construire sollicitée trois jours auparavant.
En son chiffre 7, cette décision stipulait que les conditions figurant notamment dans le préavis de l’OCLPF du 23 octobre 2024 devaient être respectées et faisaient partie intégrante de l’autorisation.
5. Par acte du 19 novembre 2024, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à l’admission de son recours et à la modification de la décision attaquée, en ce sens que le loyer après travaux devait être fixé à CHF 25’088.- par an pendant les trois ans de contrôle, sous suite de frais et dépens. Elle a requis, préalablement, au retrait de l’effet suspensif au recours, à ce qu’elle soit autorisée à commencer sans attendre les travaux autorisés et à la suspension de la présente procédure jusqu’à droit jugé définitivement dans deux procédures similaires actuellement pendantes.
L’art. 11 LDTR prévoyait, en son al. 1, comment déterminer le loyer avant travaux et comment calculer la hausse de loyer après travaux sur la base des couts de ceux-ci et posait, en son al. 2, comme principe, que si le loyer avant travaux répondait aux besoins prépondérants de la population (ci-après : BPP), il devait y répondre encore après.
De nombreuses exceptions à ce principe permettaient toutefois de fixer le loyer d’un appartement dont le loyer avant travaux répondait aux BPP. En premier lieu, la détermination du loyer avant travaux, dont le calcul pouvait aboutir à un montant supérieur au plafond BPP (art. 11 al. 1 let. d LDTR se référant aux autres facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération selon les art. 269 ss de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO - RS 220)). En second lieu, une fois ce montant de loyer avant travaux déterminé (à un montant inférieur ou supérieur au plafond BPP) et s’agissant alors de la détermination du loyer après travaux, le loyer avant travaux pouvait encore être augmenté pour couvrir les coûts des travaux (art. 9 al. 5 et 6, art. 11 al. 1 let. d et al. 3 LDTR). En effet, lorsque plusieurs motifs justifiaient de fixer le loyer après travaux au-delà du plafond LDTR, les hausses de loyer calculées selon chaque motif s’additionnaient.
S’agissant de la première étape de la détermination du loyer avant travaux, l’art. 11 al. 1 let. d LDTR se référait aux trois méthodes prévues par le CO, soit : la méthode absolue du calcul de rendement (art. 269 CO), généralement utilisée pour fixer le loyer d’un nouveau bail avec un nouveau locataire, mais aussi parfois en cours de bail (par exemple lorsque le loyer identique depuis des années ne couvrait pas/plus les coûts ou lorsque l’immeuble changeait de propriétaire) ; l’autre méthode absolue des loyers usuels du quartier (art. 269a CO), également utilisée pour les loyers des nouveaux baux pour de nouveaux locataires, mais parfois aussi en cours de baux et la méthode relative visant à faire évoluer le loyer en cours de bail lorsque les facteurs relatifs suivants avaient évolué entre deux moments : le taux hypothécaire de référence (art. 269a let. b CO), les charges d’exploitation de l’immeuble et le renchérissement, soit l’évolution de l’indice suisse des prix à la consommation (art. 269a let. e CO).
En cas de travaux portant sur plusieurs appartements en même temps, l’OCLPF avait parfaitement compris l’art. 11 al. 1 let. d LDTR puisque, dans son formulaire D13 intitulé « État locatif avant/après travaux » figurait une colonne « Loyer annuel net actualisé à la pièce ». Cette colonne devait toutefois être utilisée non pas seulement pour les immeubles faisant l’objet de travaux avec des locataires en place (méthode relative généralement applicable sauf exceptions) mais aussi pour des immeubles faisant l’objet de travaux sans locataires avec remises en location à d’autres locataires à la fin des travaux. Lorsque les travaux portaient sur un appartement isolé, ce qui était le cas d’espèce, le formulaire D12 à utiliser mentionnait également que le loyer avant travaux devait être réactualisé s’agissant des baux en cours. Cette réactualisation était toutefois également nécessaire lorsque le loyer avant travaux ne couvrait pas les coûts (conformément à l’art. 269 CO). Quant à la méthode du calcul de rendement, elle était à utiliser lorsque le loyer avant travaux ne permettait pas de couvrir les coûts actuels de l’immeuble ramenés à cet appartement. Il s’agissait alors de faire ce calcul de rendement visant à déterminer le loyer minimal avant travaux permettant au propriétaire de payer ses factures en-dehors de tous travaux pour ce logement.
En l’occurrence, le loyer avant travaux de CHF 12’072.- par an (soit CHF 3’018.- par pièce par an) que payait l’ancien locataire ayant occupé l’appartement depuis la mi-mai 1993 ne couvrait pas les coûts de la propriétaire. Le calcul de rendement produit dans le cadre de la demande d’autorisation de construire, établi en réunissant tous les éléments nécessaires en application de l’art. 269 CO, montrait que le loyer avant travaux devait être de CHF 21’418.- par an.
Quant à la détermination du loyer après travaux, il convenait d’appliquer l’art. 11 al. 1 let. a à c LDTR (méthode Fracheboud-LDTR) qui expliquait comment calculer la hausse du loyer pour rentabiliser les coûts des travaux de l’appartement. Si le loyer avant travaux répondait au BPP quant à son montant et à son nombre de pièces, ce qui était le cas ici, le loyer après travaux devait en principe répondre aux BPP, c’est-à-dire être augmenté jusqu’au plafond actuel de CHF 3’528.- par pièce par an. Cela étant dit, plusieurs exceptions permettant d’augmenter les loyers au-dessus du plafond LDTR étaient ici invocables. En effet, le but de la LDTR était de fixer des règles sur les loyers, tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires. Ainsi, l’art. 9 al. 4 à 6 LDTR prévoyait plusieurs circonstances particulières justifiant de dépasser le plafond LDTR, qui n’étaient pas exhaustives, de sorte que le département disposait d’une importante latitude de jugement. Le législateur avait souhaité que l’OCLPF applique le principe de proportionnalité et la loi de manière raisonnable afin d’éviter que la LDTR ne devienne si contraignante que les propriétaires n’entretiennent plus leurs immeubles ni ne les valorisent en raison des coûts trop importants à investir. De même, en cas de travaux importants induisant des coûts considérables, il convenait d’appliquer intégralement la hausse des loyers calculée en application de l’art. 11 al. 1 let. a à c LDTR.
Lorsque plusieurs motifs justifiaient de fixer le loyer après travaux au-delà du plafond LDTR, les hausses de loyer calculées selon chaque motif devaient s’additionner, conformément à la jurisprudence. En outre, comme c’était le cas ici, le loyer répondant aux BPP avant travaux devait être supérieur aux BPP après travaux lorsque le propriétaire ne pouvait pas supporter les coûts sans majoration de loyer (art. 9 al. 5 LDTR, à propos duquel l’art. 11 al. 3 LDTR s’appliquait par analogie avec l’art. 5 al. 4 du règlement d’application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation du 29 avril 1996 (RDTR - L 5 20.01)). Ceci ressortait de l’ATA/4______ du ______ 2006 (consid. 6-7) qui portait, comme in casu, sur un loyer avant travaux inférieur au plafond LDTR, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) ayant alors indiqué que le propriétaire n’avait pas produit, au cours de l’instruction, le calcul de rendement permettant de fixer le loyer au-dessus du plafond, malgré les invitations expresses du département qui se devait d’appliquer dans son appréciation tous les facteurs de fixation du loyer des art. 269 et 269a CO.
Ainsi, lorsque le loyer auquel aboutissaient les calculs de hausse mentionnés supra ne permettait pas de couvrir les coûts de l’appartement comme in casu, il convenait de faire un calcul de rendement comme prescrit à l’art. 11 al. 1 let. d LDTR, qui renvoyait à l’art. 269 CO. Or, c’était exactement ce qu’elle avait fait dans le présent cas en procédant à un calcul de rendement de son bâtiment, qui montrait que « pour tourner financièrement » avant travaux, l’appartement devait avoir un loyer de CHF 25’088.- par an (= loyer avant travaux permettant de couvrir les coûts avant travaux de CHF 21’418.- par an + hausse de CHF 3’670.- par an du formulaire D12 pour rentabiliser les travaux). Dans le cas où le loyer avant travaux ne suffisait pas à couvrir les coûts d’exploitation du bien à rénover et que celui après travaux ne couvrait pas non plus les coûts, il fallait effectuer ce calcul de rendement avec ces deux étapes, qui ne s’appliquait pas uniquement lorsque les loyers avant travaux étaient supérieurs au plafond LDTR, mais également lorsqu’ils étaient inférieurs à celui-ci.
En effet, s’il était exact que l’art. 11 al. 3 LDTR permettait de faire un calcul de rendement en vue d’augmenter le loyer après travaux lorsque celui-ci dépassait avant rénovation le niveau des loyers répondant aux BPP, il ne fallait pas s’en tenir à cette interprétation littérale qui laissait penser qu’un tel calcul de rendement ne serait inversement pas possible lorsque le loyer avant travaux était inférieur au plafond LDTR. Si le législateur avait accepté d’être souple avec un propriétaire qui percevait un loyer déjà plus élevé que CHF 3’528.- par pièce par an avant travaux, le département devait être d’autant plus souple avec le propriétaire qui touchait un loyer inférieur à ce plafond avant travaux lui permettant encore moins de couvrir ses frais de travaux, selon le principe « qui peut le plus peut le moins ». Ce principe avait parfaitement été appliqué dans l’ATA/4______ du ______ 2006, lequel avait trait, comme ici, à un loyer avant travaux inférieur au plafond LDTR, se référant au calcul de rendement à effectuer lorsque le propriétaire ne pouvait pas supporter les coûts sans majoration de loyer. Le législateur avait en outre rappelé à plusieurs reprises qu’il s’agissait d’appliquer la loi de manière souple en tenant compte du principe de proportionnalité et de toutes les circonstances, notamment la réalité des coûts, afin d’éviter que les immeubles ne se dégradent.
En l’occurrence, le calcul de rendement effectué par ses soins permettait d’obtenir l’état locatif minimal nécessaire pour payer tous les coûts de son bâtiment. L’objectif était qu’elle puisse être à même de payer ses charges d’exploitation, en obtenant le rendement admissible selon la loi permettant de payer encore les rendements sur les avoirs de prévoyance de ses assurés cotisants encore actifs, les rentes de ses pensionnés, les impôts, les coûts ne pouvant pas être pris en compte dans les charges d’exploitation lors du calcul de rendement en application de la jurisprudence fédérale, comme les frais de contentieux, les loyers perdus des locaux vacants, les frais de publicité pour trouver des locataires, etc. Dès lors, le loyer fixé après travaux pour l’appartement litigieux à CHF 14’112.- par an par l’OCLPF portait atteinte aux art. 1, 10 al. 2, 11 al. 1 let. a à d et 11 al. 3 LDTR.
En outre, une violation du droit de la propriété au sens de l’art. 26 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) était à déplorer, au vu du droit du propriétaire à pouvoir toucher des loyers lui permettant au moins de payer les factures relatives à son immeuble. De ce fait, sa liberté économique avait également été violée. Dans ce contexte, l’OCLPF avait aussi violé la primauté du droit fédéral, à savoir le droit du bail s’agissant du calcul de rendement de l’art. 269 CO, qui donnait au bailleur la garantie d’obtenir un loyer couvrant ses coûts, cette disposition étant une illustration de la protection de la garantie de la propriété.
Plusieurs documents étaient joints.
6. Par décision du 5 décembre 2024 (DITAI/606/2024), le tribunal a admis la demande de retrait de l’effet suspensif sollicitée par la recourante.
Il lui a donné acte qu’elle consentait, par avance, à ce que les coûts relatifs aux travaux de rénovation autorisés ne puissent par hypothèse être rentabilisés, en cas de location de l’appartement durant les trois ans suivant la fin des travaux, qu’à hauteur du loyer maximum autorisé, au cas où le chiffre 7 de la décision querellée serait confirmé au terme de la procédure.
7. Dans ses observations du 22 juillet 2024, le département, qui a produit son dossier, a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, sous suite de frais, s’en rapportant à justice s’agissant de sa recevabilité.
L’appartement faisait partie de la catégorie d’appartements où sévissait une pénurie et le loyer avant travaux à prendre en compte était de CHF 3’018.- la pièce par an. La fixation du loyer dans le préavis du 23 octobre 2024 était ainsi justifiée.
Le loyer avant travaux ne pouvait être fixé selon la méthode absolue du calcul du rendement.
Selon la jurisprudence, les critères de calcul retenus à l’art. 11 LDTR s’inspiraient déjà des règles de droit fédéral contenues à l’art. 269a CO en matière de fixation des loyers, dans la mesure où ils faisaient intervenir des éléments liés au rendement des fonds investis dans les travaux par le propriétaire. La finalité de l’art. 11 LDTR était cependant différente, cet article s’intégrant dans un dispositif légal mis en place pour assurer le maintien, en faveur de toutes les catégories de la population, d’un parc de logements dont les caractéristiques et les loyers correspondaient à leurs besoins. Le renvoi de l’art. 11 al. 1 let. d LDTR aux art. 269 ss CO visait les cas où les calculs de loyer selon les lettres a à c de cette disposition conduiraient à un loyer qui serait encore abusif (ATA/5______ [recte : ATA/6______] du ______ 2008 consid. 7b). La chambre administrative avait retenu que seuls les facteurs de l’art. 11 al. 1 let. a à c LDTR pouvaient être appliqués pour justifier une hausse de loyer avant travaux (méthode relative du calcul de loyer). La méthode alternative, basée sur la comparaison avec les loyers du quartier (art. 11 al. 1 let. d LDTR renvoyant à l’art. 269a CO) ne pouvait être appliquée que subsidiairement, si la méthode des coûts de l’art. 11 al. 1 let. a à c LDTR avait conduit à un loyer abusif. Ainsi, pour effectuer le calcul de répercussion du coût des travaux sur les loyers, il fallait en premier lieu réactualiser les loyers avant travaux en appliquant la méthode relative, soit en utilisant les autres facteurs de hausse et de baisse du loyer selon le droit du bail (art. 11 al. 1 let. d LDTR). Cependant, cette réactualisation devait être faite uniquement en cas de maintien des locataires dans leurs appartements, conformément à la doctrine.
Or, l’appartement étant vide d’occupants, une réactualisation du loyer n’était pas possible et il convenait de prendre en compte le dernier loyer appliqué avant travaux dans le cadre du calcul selon l’art. 11 LDTR. Il n’y avait pas lieu de retenir le loyer fictif présenté par la recourante. La thèse qu’elle défendait avait pour seul but de pouvoir prendre comme base un loyer initial plus élevé et ainsi pouvoir se départir des cautèles mises en place par la LDTR spécifiquement pour éviter des abus de la part des propriétaires.
La recourante n’amenait aucune preuve que le montant de ce loyer, qui respectait les limites légales prévues pour préserver des intérêts prépondérants, ne lui permettrait pas de couvrir ses coûts. De plus, les travaux ne portaient que sur un seul appartement et le bâtiment ne bénéficiait d’aucune mesure de protection patrimoniale pouvant justifier des coûts de travaux plus élevés que d’ordinaire. En tout état, même en droit privé, les mécanismes de calcul du rendement au sens de l’art. 269 CO développés par la pratique du droit du bail n’étaient pas destinés à assurer un rendement minimal au propriétaire, de sorte que la recourante pouvait d’autant moins se prévaloir de cette disposition en lien avec la fixation des loyers prévus par la LDTR, dont le but était de préserver l’habitat et les conditions de vie existants.
S’agissant de la fixation du loyer après travaux, la recourante tentait de défendre, par un raisonnement confus, que le loyer après travaux devait, lui aussi, faire l’objet d’un calcul du rendement et être rehaussé, tout en citant les exceptions prévues à l’art. 9 al. 4 à 6 LDTR permettant de dépasser le plafond prévu par la LDTR en cas de circonstances particulières.
Or, la recourante se limitait à mentionner la jurisprudence et la doctrine y relatives, sans démontrer les éléments de son dossier qui lui permettraient de retenir concrètement qu’une des circonstances particulières citées lui serait applicable. L’OCLPF avait pris en compte le calcul du rendement produit par la recourante, mais avait retenu, au terme de son analyse, que l’élément invoqué, soit le calcul du rendement de l’immeuble, ne constituait pas une circonstance particulière suffisante pour dépasser la fourchette des BPP. Il avait augmenté le loyer de CHF 3’018.- à CHF 3’528.- la pièce par an ; ce maintien dans les limites des BPP tenait aussi compte des principes de l’art. 11 al. 3 LDTR. En tout état, même en admettant la présence de circonstances particulières, l’art. 9 al. 5 LDTR offrait la possibilité au département de dépasser la fourchette des loyers LDTR, mais ne donnait aucun droit à un tel dépassement.
La recourante se prévalait de l’art. 11 al. 3 LDTR permettant de faire un calcul du rendement en vue d’augmenter le loyer après travaux à son cas et soutenait que cette disposition ne devrait pas être interprétée de manière littérale, mais devrait aussi pouvoir s’appliquer lorsque le loyer avant travaux était inférieur au plafond LDTR. À son sens, il conviendrait d’être souple avec les propriétaires et d’appliquer le calcul prévu à l’art. 11 al. 3 LDTR lorsqu’ils démontraient que le loyer ne leur permettrait pas de couvrir leurs coûts. En l’occurrence, au vu du fait notamment que le loyer avant travaux était inférieur au plafond LDTR, l’hypothèse explicitement prévue à l’art. 11 al. 2 LDTR s’appliquait. Ainsi, l’art. 11 al. 3 LDTR, quelle que soit son interprétation, ne s’appliquait pas. De plus, selon la jurisprudence, l’application de l’art. 11 al. 3 LDTR était limitée aux logements loués à un prix qui apparaissait, avant travaux, comme abusivement élevé et qui correspondait déjà à ce qui serait admissible après transformation, une telle interprétation étant en accord avec le texte légal et les travaux préparatoires (Mémorial du Grand Conseil 1999, pp. 1087-1088). Ainsi, comprise de façon restrictive, cette disposition légale était susceptible d’une interprétation conforme à la Cst ; elle n’allait pas au-delà de la protection contre les loyers procurant un rendement abusif et répondait à un objectif de politique sociale. Par ailleurs, la réserve selon laquelle le blocage des loyers devait être économiquement supportable permettait à l’autorité de respecter le principe de proportionnalité lors de l’application de cette disposition.
Enfin, aucune violation du principe de la primauté du droit fédéral n’était à déplorer. Dans un cas vaudois portant sur la fixation de loyer après transformation (arrêt 1C_7______ du ______ 2018 consid. 4.1.2 et 4.2.2), le Tribunal fédéral, après avoir procédé à une analyse détaillée de toutes les conditions permettant une restriction des droits fondamentaux, avait retenu que la fixation du loyer et, partant, l’intérêt public à la préservation d’un parc locatif répondant aux besoins de la population, était légitime et justifiait l’atteinte aux garanties constitutionnelles de la propriété et de la liberté économique des propriétaires.
En l’espèce, l’atteinte à la garantie de la propriété de la recourante se fondait sur une base légale suffisante, répondait à un intérêt public important et s’avérait pleinement proportionnée dans la mesure où le département avait effectué une pesée des intérêts en présence, étant souligné que les intérêts publics importants poursuivis par la LDTR devaient l’emporter sur l’intérêt privé purement économique de la recourante. L’atteinte à la garantie de la propriété de la recourante devait être qualifiée de peu grave. Elle n’apparaissait pas disproportionnée dans la mesure où le loyer fixé atteignait la limite maximale de la fourchette prévue par la loi. Le blocage du loyer n’était prévu que pour une durée de trois ans, période très courte à l’échelle d’un investissement immobilier.
8. Par réplique du 10 février 2025, la recourante a persisté dans ses conclusions.
Le département se référait à l’art. 269a CO et à un article de doctrine qui concernait cette même disposition légale. Or, celle-ci traitait des facteurs relatifs de hausse de loyer « Fracheboud-LDTR » à appliquer après travaux, notamment les fonds propres investis pour lesdits travaux. Ces éléments étaient à distinguer des éléments financiers à prendre en compte pour fixer le loyer minimal permettant de couvrir les coûts avant travaux visés par l’art. 11 al. 1 let. d LDTR (l’art. 269 CO concernant la méthode de calcul de rendement), que l’auteur ne traitait pas dans sa contribution doctrinale car il se référait à des jurisprudences rendues sous l’empire de l’ancienne LDTR de 1989 qui ne réglait pas ce sujet, lequel était en revanche réglé par l’art. 11 al. 1 let. d LDTR dans sa version actuelle, entrée en vigueur le 23 mars 1996.
L’ATA/5______ mentionné par le département, en réalité l’ATA/6______, renvoyait à la contribution doctrinale précitée et concernait l’art. 269a CO, de sorte qu’il n’était pas pertinent pour le présent cas. En ce sens, le consid. 7b de cet arrêt (qui se référait à la méthode relative) était illogique et non pertinent dès lors qu’il portait sur la méthode des loyers usuels du quartier. Au consid. 7d de cet arrêt, la chambre administrative avait expliqué que la méthode des loyers du quartier de l’art. 269a let. a CO ne s’appliquerait pas lorsque le loyer obtenu avec le calcul LDTR aboutirait à un loyer qui serait encore abusif. Cette instance n’avait donc pas exclu l’application de la méthode des loyers du quartier, mais semblait avoir uniquement retenu que cette méthode absolue ne pourrait pas être appliquée si le loyer était déjà abusif en application de l’autre méthode absolue du calcul de rendement de l’art. 269 CO. Or, dans le présent cas, il s’agissait précisément d’appliquer la méthode absolue du rendement pour calculer le socle minimal de loyer non abusif en application de l’art. 269 CO permettant à la recourante de couvrir ses frais.
La doctrine à laquelle le département se référait pour retenir que la réactualisation des loyers avant travaux devait se faire uniquement en cas de maintien des locataires dans leur appartement, soit Emmanuelle GAIDE/Valérie DEFAGO GAUDIN, La LDTR, Démolition, transformation, rénovation, changement d’affectation et aliénation, Immeubles de logements et appartements, 2014, p. 282-283, n’indiquait en réalité rien de tel. C’étaient les pages 284 et 285 de cet ouvrage qui traitaient de la réactualisation des loyers, fondée sur la méthode relative lorsque des travaux avaient lieu en cours de bail. Ce chapitre 10.4.2.1-10.4.2.2 traitait uniquement de la méthode relative, en rappelant qu’elle ne s’appliquait qu’en cours de bail, mais ne disait pas qu’une réactualisation ne pouvait avoir lieu qu’en cours de bail. La LDTR n’excluait pas que le loyer puisse être réactualisé entre deux locations sur la base de la méthode absolue du rendement afin que la propriétaire puisse couvrir les coûts de l’appartement concerné avant travaux en application de l’art. 269 CO, auquel renvoyait l’art. 11 al. 1 let. d LDTR.
Elle avait prouvé que le loyer fixé ne lui permettrait pas de couvrir ses coûts, dès lors qu’elle avait produit, avec sa requête d’autorisation, un calcul de rendement complet avec justificatifs démontrant que, pour couvrir ses coûts, il lui faudrait précisément le loyer avant puis après travaux calculé à CHF 25’088.- par an. Ce loyer n’était pas abusif puisque justement calculé selon la méthode du rendement aboutissant au loyer minimal nécessaires pour couvrir tous les frais, auquel s’ajoutait l’augmentation de loyer induite par les travaux.
Quant à la référence à l’arrêt 1C_7______ du ______ 2018 rendu dans une affaire relative à la LDTR vaudoise dont le système de calcul différait de celui de la LDTR genevoise, le Tribunal fédéral avait retenu, selon sa compréhension, que l’art. 269 CO permettait au bailleur d’obtenir un loyer maximal qui pourrait donc être inférieur, et non un loyer minimal. Toutefois, cette jurisprudence était dépassée par la jurisprudence plus récente de la Cour de droit civil fédérale. En effet, le Tribunal fédéral (4A_8______ du ______ 2019) avait expliqué comment un bailleur devait procéder pour établir un calcul de rendement de son bien en vue d’obtenir un loyer plus élevé suffisant, mais non abusif, en l’occurrence, dans cette affaire, comment démontrer que son congé économique était valide, en produisant les documents nécessaires en vue du calcul de rendement à effectuer (documents précisément non produits, ce qui avait conduit à l’annulation de son congé). Or, il s’agissait exactement du calcul de rendement qu’elle avait elle-même effectué dans le présent cas. Par ailleurs, la Cour de droit public fédérale semblait oublier que le montant du rendement sur fonds propres (qui était l’un des postes du calcul de rendement) était considérablement, voire pleinement, utilisé pour payer les impôts et, s’agissant de propriétaires institutionnels comme ici, pour verser les rentes aux pensionnés et assurer les rendements minimaux des montants épargnés par les assurés actifs, mais aussi toutes les autres charges non prises en compte dans les charges d’exploitation des immeubles alors qu’elles existaient pourtant.
Il était donc erroné de soutenir que le loyer calculé selon l’art. 269 CO serait un loyer maximal. Le Tribunal fédéral en avait pris conscience après 2018, puisqu’en automne 2020, il avait effectué un important changement de jurisprudence, en retenant que, tant que le taux hypothécaire de référence était inférieur ou égal à 2%, il convenait d’ajouter à ce taux, un taux de 2% pour obtenir le taux de rendement admissible sur fonds propres (et non plus seulement 0,5% comme prévu par la jurisprudence depuis 1986 et jusqu’alors). Partant, il était faux de soutenir que le montant du loyer bloqué ne violait pas la garantie de sa propriété.
Le département ne motivait pas son allégation selon laquelle l’art. 9 al. 4 et 5 LDTR ne s’appliquait pas au présent cas. Il se fondait sur deux arrêts n’ayant rien à voir avec la présente affaire puisqu’ils concernaient la fixation du loyer de nouveaux logements créés dans des immeubles existants (dans les combles ou en surélévation) et sur deux jugements non entrés en force.
Le département soutenait que l’art. 11 al. 3 LDTR ne s’appliquerait pas au présent cas car le loyer avant travaux était inférieur au plafond BPP. Le texte et l’historique de cette disposition permettaient de comprendre que tous les cas de loyer avant travaux inférieurs aux BPP, comme ici, étaient réglés par l’art. 11 al. 1 let. d LDTR qui se référait expressément à l’art. 269 CO. Quant à l’argument selon lequel l’art. 11 al. 3 LDTR ne s’appliquerait pas davantage, depuis le Mémorial de 1999 cité, les coûts d’entretien, de rénovation et d’exploitation avaient augmenté. Par ailleurs, les loyers contrôlés LGL et LGZD fondés sur les coûts étaient supérieurs à ce plafond de CHF 3’528.- par pièce par an, de sorte que ledit plafond pouvait parfois, comme ici, être économiquement insoutenable.
9. Par duplique du 28 février 2025, le département a persisté dans ses conclusions.
Le loyer de référence était le dernier loyer brut avant travaux. Selon la jurisprudence et la doctrine, le rendement, et donc une réactualisation du loyer, pouvait être pris en compte dans le loyer avant travaux uniquement lorsque le locataire restait le même après les travaux.
De manière surprenante, la recourante avançait que la doctrine qu’il avait citée n’indiquerait pas que la réactualisation ne pourrait avoir lieu qu’en cours de bail. Or, il ressortait clairement du texte de l’ouvrage cité (p. 285) que « la réactualisation avant travaux doit être effectuée uniquement pour les locataires demeurant dans leur logement pendant les travaux. Cette réactualisation des loyers ne doit pas intervenir lorsque les logements sont loués à des nouveaux locataires après travaux, par exemple en cas de démolition-reconstruction ou lorsque les appartements concernés sont vacants avant travaux. En effet, la méthode relative appelée pour réactualiser les loyers ne s’applique pas pour calculer les nouveaux baux ».
En dépit des insistances de la recourante pour affirmer le contraire, dès lors que le loyer avant travaux était inférieur ou égal au BPP, comme en l’espèce, il fallait appliquer l’art. 11 al. 2 LDTR. En partant du postulat que le rendement devait être intégré au calcul, la recourante critiquait la position du département, mais ses arguments étaient dénués de pertinence dès lors que cet élément ne devait pas entrer en considération dans le calcul du loyer avant travaux. En outre, il n’y avait aucune raison, ressortant tant de la LDTR que de la jurisprudence, d’appliquer l’art. 11 al. 3 LDTR au cas d’espèce.
S’agissant de l’application de l’art. 9 al. 5 LDTR, on ne pouvait suivre la recourante qui se limitait à avancer que la jurisprudence citée par le département ne serait pas applicable en l’espèce. Même si les arrêts cités traitaient d’une question de fixation de loyers dans de nouveaux logements, il n’en demeurait pas moins que les principes relatifs à la latitude de jugement dont disposait le département dans l’interprétation de la notion de « circonstances particulières » visée à l’art. 9 al. 5 LDTR était transposable mutatis mutandis, ce d’autant plus que c’était la recourante qui avait allégué l’existence de ces circonstances dans son recours pour justifier la fixation du loyer.
Les allégations de la recourante au sujet du droit privé pour justifier une application du rendement dans le calcul du loyer ne lui étaient d’aucune aide même si elles devaient s’appliquer au présent cas. En effet, le Tribunal fédéral avait retenu que les principes applicables en matière de contrôle des loyers selon le droit public et de fixation des loyers selon le droit privé étaient différents et ne prenaient pas en compte les mêmes intérêts. Si, en règle générale, les loyers fixés par l’autorité publique ne devaient pas dépasser trop largement les loyers déterminés au terme d’un calcul de rendement selon l’art. 269 CO pour le marché libre, l’inverse ne s’appliquait pas ; c’était au contraire l’essence des loyers contrôlés que d’être moins chers que les loyers libres.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation du 25 janvier 1996 et de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05, art. 143 et 145 al. 1 LCI ; art. 45 al. 1 LDTR).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_99/2024 du 6 mai 2024 consid. 3.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).
4. Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/53/2025 du 14 janvier 2025 consid. 4).
5. Le litige porte sur le montant du loyer LDTR fixé dans l’autorisation de construire APA 3______, soit CHF 14’112.- par an (ou CHF 3’528.- la pièce par an), pour une durée de trois ans à dater de la remise en location après la fin des travaux.
6. La LDTR a pour but de préserver l’habitat et les conditions de vie existants, ainsi que le caractère actuel de l’habitat dans les zones prévues (art. 1 al. 1 et 2 LDTR). À cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d’appartements, elle prévoit notamment l’encouragement à des travaux d’entretien et de rénovation raisonnables et proportionnés des maisons d’habitation (art. 1 al. 2 let. b LDTR).
Plus spécifiquement, la LDTR vise plusieurs objectifs : notamment d’améliorer la protection des locataires (MGC 1997 64/X 10562) et de conserver sur le marché certains types de logements qui répondent à un besoin en raison de leur prix et de leur conception (ATF 116 Ia 401 consid. 9c). Sont ainsi notamment visés ; les travaux de rénovation qui ont pour conséquence de faire basculer des catégories de logements conçues pour des familles modestes et nombreuses dans des catégories de logements destinées à des personnes aisées et sans enfant, ou des catégories d’immeubles à loyers bas ou modérés vers des loyers d’appartements de luxe (ATA/859/2010 du 7 décembre 2010 consid. 6b et la référence citée).
7. Une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation. L’autorisation est accordée notamment pour les travaux de rénovation au sens de l’art. 3 al. 1 let. d LDTR (art. 9 al. 1 let. e LDTR).
8. Le département accorde l’autorisation si les logements transformés répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux BPP (art. 9 al. 2 LDTR). Il s’agit d’hypothèses alternatives (Emmanuelle GAIDE/Valérie DÉFAGO GAUDIN, op.cit., p. 133).
Par BPP, il faut entendre les loyers accessibles à la majorité de la population (art. 9 al. 3 LDTR). Un logement correspond en principe par son genre ou par son loyer aux BPP lorsque son loyer est compris entre CHF 2’627.- et CHF 3’528.- la pièce par année (arrêté du Conseil d’État du 12 janvier 2022 relatif à la révision des loyers répondant aux BPP - ArRLoyers - L 5 20.05), ou lorsque ce logement entre dans la catégorie des appartements dans lesquels règne la pénurie au sens de l’art. 25 LDTR. Selon l’arrêté déterminant au moment des faits, comme selon celui actuellement en vigueur (arrêté du Conseil d’État déterminant les catégories d’appartements où sévit la pénurie en vue de l’application des art. 25 à 39 LDTR - ArAppart - L 5 20.03, modifié régulièrement), il y a pénurie dans toutes les catégories d’appartements d’une à sept pièces inclusivement.
9. En l’espèce, l’appartement visé par la décision querellée est un quatre pièces, dont le loyer avant travaux était inférieur au plafond LDTR. Il s’agit donc d’un logement répondant aux BPP et les travaux de rénovation projetés sont soumis à la LDTR, ce que la recourante ne conteste au demeurant pas.
L’objet du litige est circonscrit à la question de la fixation du montant du loyer LDTR dans l’APA 3______.
10. Selon l’art. 10 LDTR, le département fixe, comme condition de l’autorisation de construire, le montant maximum des loyers des logements après travaux. Il tient compte des critères énumérés à l’art. 11 LDTR.
11. À teneur de l’art. 11 al. 1 LDTR, le département prend en considération l’ensemble des travaux à effectuer, sous déduction des subventions éventuellement octroyées et fixe le montant des loyers ou des prix de vente maximaux, en tenant compte du rendement équitable des capitaux investis pour les travaux, calculé, en règle générale, sur les 70% au maximum de leur coût et renté à un taux de 0,5 point au‑dessus de l’intérêt hypothécaire de premier rang pratiqué par la Banque cantonale de Genève, le taux de rendement étant fonction de l’incidence dégressive des amortissements (let. a) ; de l’amortissement calculé en fonction de la durée de vie des installations, en règle générale dans une fourchette de 18 à 20 ans, soit de 5,55% à 5% (let. b) ; des frais d’entretien rentés en règle générale à 1,5% des travaux pris en considération (let. c) ; des autres facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération selon les art. 269 et ss CO (let. d).
12. L’art. 11 al. 2 LDTR précise que lorsque les logements répondent aux BPP quant à leur genre, leur typologie, leur qualité, leur prix de revient, le nombre de pièces ou leur surface, le loyer après transformation doit répondre aux BPP.
13. Selon l’art. 11 al. 3 LDTR, si le loyer avant transformation ou rénovation dépasse le niveau des loyers répondant aux BPP, il est maintenu par le département au même niveau lorsqu’il apparaît qu’il permet économiquement au propriétaire de supporter le coût des travaux sans majoration de loyer.
Dans ce cas, il appartient au propriétaire de démontrer, par toutes pièces utiles, qu’il n’est pas en mesure de supporter économiquement le coût des travaux sans majoration de loyer. Par pièces utiles, le département fait prioritairement référence à un calcul de rendement de l’immeuble. Subsidiairement, il peut être recouru à une étude comparative entre les loyers de l’immeuble et ceux résultant des statistiques publiées chaque année par le canton, étant précisé, qu’à année de construction égale, la limite au-delà de laquelle le propriétaire est présumé pouvoir supporter économiquement le coût des travaux sans majoration de loyer est fixée, sauf exception, au 3ème quartile. Le département tient compte, dans son appréciation, des autres facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération au sens des art. 269 ss CO (art. 5 al. 4 RDTR ; ATA/253/2011 du 19 avril 2011 consid. 8 ; Emmanuelle GAIDE/ Valérie DEFAGO GAUDIN, op. cit., p. 315).
Si le propriétaire ne produit pas les pièces permettant d’effectuer un calcul de rendement, voire d’appliquer la méthode des loyers du quartier ou la méthode relative, le département doit refuser sa demande de validation de hausse de loyer. Cette hausse devrait aussi être refusée s’il apparaît, au vu du dossier, que les loyers avant travaux sont surfaits (Mémorial du Grand Conseil 1999, p. 1087-1088).
14. L’art. 11 al. 3 LDTR a été introduit avec l’adoption du PL 7’752 le 25 mars 1999. À teneur des travaux préparatoires, il vise à permettre la rénovation d’immeubles dont les loyers dépassent déjà, avant travaux, le niveau des loyers répondant aux BPP, en autorisant une augmentation desdits loyers, pour autant toutefois que ces derniers aient été précédemment équitablement fixés (MGC 1999 9/II 1070, p. 1086 ss ; ATA/9______ du 4 juin 2024 consid. 4.1).
Dans ce cas, il appartient au requérant de démontrer, par toutes pièces utiles, que le propriétaire n’est pas en mesure de supporter économiquement le coût des travaux sans majoration de loyer. Par pièces utiles, le département fait prioritairement référence à un calcul de rendement de l’immeuble. Subsidiairement, il peut être recouru à une étude comparative entre les loyers de l’immeuble et ceux résultant des statistiques publiées chaque année par le canton. Le département tient compte, dans son appréciation, des autres facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération au sens des art. 269 ss CO (ATA/9______ du ______ 2024 consid. 4.1 ; Emmanuelle GAIDE/Valérie DÉFAGO GAUDIN, op. cit., p. 315).
15. L’application de l’art. 11 al. 3 LDTR est limitée aux cas des logements qui, sans être des logements de luxe, sont loués à un prix qui apparaît, avant les travaux, comme abusivement élevé et qui correspond déjà à ce qui serait admissible après transformation. La réserve selon laquelle le blocage des loyers doit être économiquement supportable permettra à l’autorité de respecter le principe de la proportionnalité lors de l’application de cette disposition (cf. MGC 1999 9/II 1070, p. 1087-1088; arrêt du Tribunal fédéral 1P.664/1999 du 1er septembre 2000 consid. 6; Alain MAUNOIR, La LDTR genevoise: les principes et quelques applications, in RDAF 2002 I p. 21). Dans l’arrêt précité, le Tribunal fédéral a confirmé que cette interprétation était en accord avec le texte légal, relevant qu’elle correspondait d’ailleurs aux travaux préparatoires. Ainsi, comprise de façon restrictive, la disposition attaquée est susceptible d’une interprétation conforme à la Cst. Elle ne va pas au-delà de la protection contre les loyers procurant un rendement abusif et répond à un objectif de politique sociale.
L’historique de cette disposition montre notamment que le législateur entendait l’appliquer de façon limitée aux seuls cas où les loyers étaient abusivement élevés, supérieurs à la fourchette des loyers BPP avant travaux, mais ne concernaient pas des logements de luxe. Le Tribunal fédéral a jugé que cette interprétation restrictive était en accord avec le texte légal et correspondait aux travaux préparatoires. Ce texte n’allait pas au-delà de la protection contre les loyers abusifs et répondait à un objectif de politique sociale. Par ailleurs, la réserve selon laquelle le blocage des loyers devait être économiquement supportable, permettait à l’autorité de respecter le principe de la proportionnalité lors de l’application de cette disposition (arrêt du Tribunal fédéral 1P.664/1999 précité consid. 6 c).
16. Ce blocage au niveau du loyer avant travaux au-dessus du plafond LDTR a deux conséquences pour le département. Celui-ci peut s’abstenir de faire le calcul de hausse de loyer fondé sur les coûts de l’art. 11 al. 1 LDTR. En revanche, il ne peut pas réduire le loyer après travaux au plafond LDTR : tout au plus, peut-il le bloquer au montant du loyer avant travaux. Du point de vue du propriétaire, ce blocage du loyer empêche tout rendement sur travaux, voire implique un rendement négatif sur travaux (Emmanuelle GAIDE/Valérie DEFAGO GAUDIN, op. cit., p. 308).
17. L’art. 12 LDTR précise que la durée de contrôle est de trois ans pour les immeubles rénovés ou transformés. Elle peut être portée à cinq ans en cas de transformation lourde.
La conformité de cette disposition avec le droit fédéral a été admise par le Tribunal fédéral (arrêt 2C_184/2013 du 8 janvier 2014), qui a confirmé que les règles de contrôle temporaire des loyers prévues par la LDTR respectaient le principe de primauté du droit fédéral (arrêt 1P.20/2005 du 18 mars 2005), tout en précisant que cette intervention étatique était limitée dans le temps, les parties demeurant libres de modifier le contrat de bail à l’issue de la période de contrôle. La LDTR ne permet ainsi pas au département d’intervenir sur le loyer postérieur à la période de contrôle en imposant aux parties la conclusion d’un nouveau bail qui tiendrait compte du loyer fixé dans l’autorisation de rénover en application de la LDTR (arrêt du Tribunal fédéral 1C_250/2010 du 26 août 2010 consid. 3.3).
18. En l’espèce, le loyer avant travaux de l’appartement se monte à CHF 12’072.- l’an, soit CHF 3’018.- la pièce l’an, avec dès lors un loyer avant travaux inférieur à la fourchette LDTR de CHF 3’528.-.
Le loyer de l’appartement avant travaux est inférieur au maximum de la fourchette légale correspondant aux BPP. Partant, l’art. 11 al. 3 LDTR, dont le texte, parfaitement clair, et la portée ont été confirmés par la chambre administrative (ATA/9______ et ATA/10_____ du ______ 2024, faisant actuellement l’objet de recours au Tribunal fédéral [1C_11_____ et 1C_12_____]) et le Tribunal fédéral, ne trouve pas application dans le cas d’espèce.
Dans ces conditions, il n’y a pas d’espace pour l’interprétation extensive que la recourante souhaite donner à cette disposition. Par conséquent, en application de l’art. 11 al. 2 LDTR et comme rappelé dans la jurisprudence citée ci-dessus, c’est ce loyer avant travaux qui doit être pris en compte pour la fixation du loyer après travaux. Ainsi, c’est à bon droit que le département a bloqué ledit loyer, après travaux autorisés, pour une durée de trois ans.
Par conséquent, mal fondé, le grief sera écarté.
19. La recourante estime que le loyer avant travaux à prendre en considération dans le cadre de la fixation du loyer après travaux n’est pas celui que payait effectivement l’ancien locataire dans la mesure où celui-ci ne couvrait pas ses coûts, mais un loyer supérieur calculé en tenant compte du rendement de l’appartement, en application des art. 11 al. 1 let. d LDTR et 269 CO.
20. La jurisprudence et la doctrine ont eu l’occasion de préciser que les critères de calcul retenu à l’art. 11 LDTR s’inspiraient déjà des règles de droit fédéral contenues à l’art. 269a CO en matière de fixation de loyer dans la mesure où ils font intervenir des éléments liés au rendement des fonds investis dans les travaux par le propriétaire (Alain MAUNOIR, La nouvelle LDTR au regard de la jurisprudence, in RDAF 1996 p. 327). La finalité de l’art. 11 LDTR est cependant différente : il s’intègre dans un dispositif légal mis en place pour assurer le maintien en faveur de toutes les catégories de la population d’un parc de logements dont les caractéristiques et les loyers correspondent à leur besoin. La loi impose un contrôle des loyers pour une durée limitée, dont l’objectif est de contenir l’augmentation des loyers des logements les plus fortement recherchés en période de pénurie pour qu’il en subsiste sur le marché (ATA/6______ du ______ 2008 consid. 7b).
S’agissant plus précisément de l’art. 11 al. 1 let. d LDTR, la jurisprudence a déjà exposé que le renvoi fait par cette disposition aux art. 269 et ss CO visait les cas où les calculs de loyer selon les lettres a à c de l’art. 11 al. 1 LDTR s’avéreraient conduire à un loyer qui serait encore abusif (ATA/6______ du ______ 2008 consid. 7d).
21. Une réactualisation des loyers avant travaux n’est acceptée par la jurisprudence et la doctrine qu’en cas de maintien des locataires dans leurs appartements et non lorsque les logements sont loués à de nouveaux locataires après les travaux. En effet, la méthode relative appliquée pour réactualiser les loyers, soit en déterminant l’évolution des facteurs de hausse et de baisse de loyer selon les règles du droit du bail, ne s’applique pas pour calculer les loyers de nouveaux baux (Emmanuelle GAIDE/Valérie DÉFAGO GAUDIN, op. cit., p. 282 ch. 4.1.1 et 285 ch. 4.2.2).
22. L’application des jurisprudences et doctrine précitées a été confirmée par la chambre administrative dans les ATA/9______ et ATA/10_____ du ______ 2024, puis dans l’ATA/495/2025 du 6 mai 2025.
23. En l’espèce, l’appartement étant vide d’occupants à teneur du formulaire D12, depuis le 30 novembre 2024, une réactualisation du loyer avant travaux en vue de louer, après travaux, le logement concerné à un nouveau locataire, n’entre pas en ligne de compte, conformément à la doctrine et à la jurisprudence exposées supra.
Au demeurant, l’argumentation de la recourante tombe à faux puisqu’elle invoque le rendement insuffisant que lui aurait procuré l’ancien loyer pour justifier l’application de l’art. 11 al. 1 let. d LDTR au loyer d’un logement vacant, dans le but d’obtenir un résultat différent du calcul du loyer après travaux, dont il a été démontré ci-dessus qu’il est pour le reste conforme à l’art. 11 LDTR.
Eu égard à ce qui précède, c’est à bon droit que le département a pris en compte le dernier loyer effectif de l’appartement en cause dans le cadre de la fixation du loyer après travaux.
Infondé, le grief y relatif sera donc écarté.
24. La recourante se prévaut de l’existence d’une situation justifiant le dépassement de la fourchette des loyers LDTR, invoquant notamment l’art. 9 al. 4 à 6 LDTR, et en particulier l’al. 5.
25. Selon l’art. 9 al. 4 LDTR, la fourchette des loyers peut exceptionnellement être dépassée si la surface brute locative des pièces est importante.
Elle peut également l’être si des circonstances particulières le justifient, soit si la protection du patrimoine génère des coûts supplémentaires, selon l’art. 9 al. 5 LDTR.
L’art. 9 al. 6 LDTR prévoit des mesures, en lien avec la consommation d’énergie, qui peuvent également être répercutées sur les loyers à certaines conditions.
26. Contrairement à la surface brute, dont la loi précise qu’elle ne peut qu’« exception-nellement » justifier un dépassement de loyer (art. 9 al. 4 LDTR ; MGC 2001-2002/ VII D/36 1938 ss), la notion de « circonstances particulières » de l’art. 9 al. 5 LDTR ne contient pas de mention semblable. Bien que l’usage du mot « soit » à l’art. 9 al. 5 LDTR plaide en général en faveur de l’exhaustivité des motifs énumérés à sa suite, cette disposition doit être interprétée comme ne visant pas exclusivement les coûts générés par la protection du patrimoine, sous peine de conduire à des restrictions trop sévères à la garantie de la propriété et à la liberté économique des propriétaires (ATA/391/2013 du 25 juin 2013 consid. 11).
Le département dispose corrélativement d’une importante latitude de jugement dans l’interprétation de la notion des « circonstances particulières » visées à l’art. 9 al. 5 LDTR pouvant justifier un dépassement de la fourchette fixée par l’ArRLoyers (ATA/391/2013 du 25 juin 2013 consid. 13).
27. Dans sa jurisprudence, la chambre administrative a admis la conformité à l’art. 9 LDTR du loyer de logements à transformer répondant aux BPP lorsque le calcul du loyer effectué par le département apparaissait conforme à l’art. 11 LDTR.
Si elle a pu admettre, comme répondant aux BPP, un loyer de CHF 9’666.- par pièce l’an (CHF 57’996.- par an, soit CHF 4’833.- par mois) pour des appartements de 6 pièces de 112 m2 et de 126 m2, dont la création impliquait une surélévation de l’immeuble (ATA/313/2012 du 22 mai 2012), respectivement un loyer de CHF 11’549.- par pièce l’an (CHF 69’298.- par an, soit CHF 5’774.80 par mois) pour un logement de 6 pièces d’une surface de 106 m2 (ATA/66/2013 du 6 février 2013 consid. 6), sa jurisprudence s’est depuis durcie, la chambre administrative considérant que les derniers loyers autorisés s’écartaient trop de la fourchette des montants figurant dans l’arrêté du Conseil d’Etat, faisant perdre peu à peu leur substance à dit arrêté et à l’art. 9 al. 3 LDTR (ATA/391/2013 du 25 juin 2013 ; ATA/824/2013 du 17 décembre 2023). Elle a en particulier souligné que, pour respecter la lettre de la loi et les buts poursuivis par la LDTR en cette période de grave pénurie sur le marché locatif, il convenait de revenir à des loyers plus proches de cette fourchette, en priant les propriétaires ; soit de justifier leur loyer par l’un ou plusieurs des motifs figurant à l’art. 9 al. 4, 5 et 6 LDTR, soit de procéder à des travaux moins coûteux (lorsque le calcul opéré en vertu de l’art. 11 LDTR ne permettait pas de parvenir à des loyers accessibles à la majorité de la population), soit encore de réduire leurs exigences de rendement (ATA/865/2022 du 30 août 2022 consid. 6f ; ATA/391/2013 du 25 juin 2013 consid. 13).
Ces dernières jurisprudences, qui concernent des nouveaux logements créés dans les combles, sont critiquées par la doctrine qui relève qu’elles vont à l’encontre de la volonté du législateur, du texte de loi et de la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 116 Ia 401 consid. 11a), mais également de sa jurisprudence constante en la matière, considérant pour le surplus irréaliste, eu égard notamment à la très forte pénurie de logements que connait le canton, d’estimer, tout en admettant que les coûts de construction sont très élevés à Genève, que les propriétaires doivent effectuer des travaux moins coûteux ou qu’il leur soit demandé de réduire leur exigence de rendement alors que le taux hypothécaire de référence est déjà particulièrement bas (GAIDE/DEFAGO GAUDIN, op. cit., p. 321ss n° 5.6.2 « Exemples de loyers de logements créés dans les combles ou dans des surélévations »).
28. Selon une jurisprudence bien établie, les autorités de recours observent une certaine retenue pour éviter de substituer leur propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’est pas écarté, sans motif prépondérant et dûment établi, du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 29 mars 2015 consid. 8.2 ; ATA/1265/ 2024 du 29 octobre 2024 consid. 5.3).
29. Lorsque les preuves font défaut ou s’il ne peut être raisonnablement exigé de l’autorité qu’elle les recueille pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_280/2022 du 15 mars 2024 consid. 3.2). Il appartient ainsi à l’administré d’établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l’administration de démontrer l’existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/139/2025 du 4 février 2025 consid. 7.6 et les références citées).
30. En l’espèce, il ne ressort pas des éléments au dossier que la recourante pourrait se prévaloir de circonstances particulières au sens de l’art. 9 al. 5 LDTR, étant rappelé que, conformément à la jurisprudence citée supra, elle supporte le fardeau de la preuve. Pour le surplus, même dans l’hypothèse, non réalisée in casu, où la présence de circonstances particulières au sens de la disposition légale précitée aurait été prouvée, il sera rappelé que l’art. 9 al. 5 LDTR offre la possibilité au département de dépasser la fourchette des loyers LDTR dans le cadre du pouvoir d’appréciation qui est le sien. Partant, la recourante ne peut, en tout état, se prévaloir d’un droit à un dépassement de la fourchette des loyers sur cette base.
À toutes fins utiles, il sera encore relevé que les conditions d’un dépassement dudit plafond sur la base des hypothèses prévues aux al. 4 et 6 de l’art. 9 LDTR ne sont pas remplies dans le présent cas.
Dans ces conditions, le département n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en ne retenant pas l’existence de circonstances particulières permettant l’application des exceptions de l’art. 9 al. 4 à 6 LDTR.
Mal fondé, ce grief sera aussi écarté.
31. Dans un dernier grief, la recourante se prévaut d’une atteinte à son droit à la propriété ainsi qu’à sa liberté économique, dans la mesure où le loyer fixé par le département ne lui permettrait pas de couvrir le montant des factures liées à son immeuble. La primauté du droit fédéral aurait également été violée dans ce contexte.
32. Comme tout droit fondamental, la garantie de la propriété et la liberté économique, ancrées aux art. 26 al. 1 et 27 al. 1 Cst., ne sont pas absolues et, elles peuvent être restreintes aux conditions fixées à l’art. 36 Cst. La restriction doit être fondée sur une base légale, les restrictions graves devant être prévues par une loi. Les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés. L’al. 2 de cette norme dispose que toute restriction d’un droit fondamental doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui. En outre, toute restriction d’un droit fondamental doit être proportionnée au but visé (art. 36 al. 3 Cst.), l’essence des droits fondamentaux étant inviolable (art. 36 al. 4 Cst. ; ATF 141 I 20 consid. 6.2.1).
33. Le Tribunal fédéral a déjà jugé que la LDTR, y compris dans la mesure où elle prévoit un contrôle des loyers après transformations, était conforme à la garantie de la propriété et à la liberté économique (ATF 116 Ia 401 consid. 9c ; 111 Ia 401 consid. 9 ; arrêts 1C_195/2021 du 28 octobre 2021 consid. 5.1.3 ; 1C_7______ du ______ 2018 consid. 4.1.2 et 4.2 ; ATA/495/2025 du 6 mai 2025 consid. 4.2).
34. En l’espèce, il ressort des jurisprudences précitées que l’atteinte à la garantie de la propriété et à la liberté économique de la recourante se fonde sur une base légale suffisante et répond à un intérêt public prépondérant. Elle s’avère également proportionnée, dans la mesure où le département a effectué une pesée des intérêts en présence et évalué l’importance des motifs fondant les mesures prononcées, à savoir la préservation du parc locatif genevois, au regard des intérêts, de la recourante, qui sont essentiellement économiques. Les intérêts publics défendus par la LDTR doivent ainsi l’emporter sur les intérêts privés, purement économiques, de cette dernière à pouvoir louer son appartement avec le rendement qu’elle souhaite. L’atteinte aux droits constitutionnels de la recourante n’apparait également pas disproportionnée dans la mesure où le département a fixé le loyer à la limite maximale de la fourchette prévue par la loi. La durée du contrôle, de trois ans, n’est enfin pas contestée en soi et ne saurait, en tout état, être qualifiée de restriction grave, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral.
Enfin, l’argument de la recourante selon lequel l’arrêt 1C_7______ du ______ 2018 serait « dépassé » par une jurisprudence civile plus récente, en l’occurrence l’arrêt 4A_8______ rendu par la Cour de droit civil du Tribunal fédéral, ne saurait emporter conviction, étant rappelé que le présent recours porte sur une question de droit public administratif, dont l’application est de la compétence du tribunal, et non de droit civil.
Partant, infondés, les griefs de la recourante sont écartés.
35. En conclusion, eu égard aux développements qui précèdent, entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.
36. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.
Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 19 novembre 2024 par A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge de la recourante un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant : Laetitia MEIER DROZ, présidente, Manuel BARTHASSAT, Nadia CLERIGO CORREIA, Thierry ESTOPPEY et Diane SCHASCA, juges assesseurs
Au nom du Tribunal :
La présidente
Laetitia MEIER DROZ
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
| Genève, le |
| La greffière |