Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/545/2025 du 22.05.2025 ( LCI ) , ADMIS
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 22 mai 2025
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Eric MAUGUE, avocat, avec élection de domicile
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
1. Monsieur A______ est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de B______, située au ______ [GE]
2. C______ Sàrl est une société à responsabilité limitée inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève le ______ 2001, ayant pour but l’exploitation d’un atelier d’architecture, la participation à des promotions immobilières à l’exception des opérations soumises à la loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger du 16 décembre 1983 (LFAIE - RS 211.412.41).
3. Monsieur D______, architecte, exerce son activité au sein d’C______ Sàrl.
Il est inscrit au tableau des mandataires professionnellement qualifiés (ci-après : MPQ) de Genève comme architecte indépendant (MPQF/2______).
4. Le 29 mars 2021, C______ Sàrl, par l’intermédiaire de M. D______, a déposé pour le compte de M. A______ une demande d’autorisation de construire portant sur une transformation, la réfection d'une toiture, ainsi que l'installation de pompe à chaleur (PAC) et d'aménagements extérieurs sur la parcelle précitée. Le montant des travaux était estimé à CHF 600'000.-.
M. D______ était désigné comme MPQ pour ce projet.
5. Le ______ 2021, le département du territoire (ci-après: le département) a délivré l’autorisation de construire sollicitée (APA 3______).
6. Un avis d'ouverture du chantier (ci-après : AOC) du 27 juillet 2021, désignant M. A______ comme "responsable de chantier" a été adressé au département avec indication que les travaux débuteraient le 16 août 2021 et prendraient fin le 1er février 2022. Cet AOC mentionnait M. D______, C______ Sàrl, comme "mandataire".
S’en sont suivis huit AOC successifs prolongeant la date de fin de travaux, respectivement, au 31 mai 2022 (AOC du 1er février 2022), au 30 septembre 2022 (AOC du 8 mars 2022), au 31 décembre 2022 (AOC du 20 juin 2022), au 30 juin 2023 (AOC du 30 août 2022), au 30 novembre 2023 (AOC du 20 février 2023), au 29 février 2024 (AOC du 29 ocotbre 2023), au 31 mai 2024 (AOC du 11 mars 2024) et au 21 juillet 2024 (AOC du 6 mai 2024).
7. Le 8 mai 2023, M. A______ a accepté un devis de M. E______, chauffagiste travaillant dans sa propre entreprise sous la raison sociale F______.
8. Le 10 janvier 2024, un accident impliquant M. E______ est survenu sur le chantier.
9. M. E______ a été transporté aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), où il est décédé quelques jours plus tard.
10. Le 10 janvier 2024, un inspecteur des chantiers s'est rendu sur place.
Celui-ci a constaté que l'escalier en bois permettant l'accès à la mezzanine du séjour à l'étage n'était pas muni d'un garde-corps ni d'une main-courante, engendrant un risque de chute supérieur de 2 mètres. De plus, l'escalier n'était pas assuré de manière à ne pas glisser. Ainsi, le chantier ne se déroulait pas dans le respect de certaines prescriptions du règlement sur les chantiers du 30 juillet 1958 (RChant - L 5 05.03).
Un rapport d'enquête avec photographies a été établi le 30 janvier 2024.
11. Le département a ouvert un dossier d’infraction I 4______.
12. Par courrier du 7 février 2024, le département a imparti à M. A______ un délai de dix jours pour lui communiquer ses observations.
13. Par courrier du 16 février 2024, M. A______ a fait valoir ses observations.
Il prenait bonne note de l’absence de garde-corps sur l’escalier d’accès à la mezzanine, tout en précisant que cet escalier faisait partie de la maison depuis l'ouverture du chantier, en juillet 2021, et qu’il était installé à cet endroit, dans la même position, depuis environ une année. M. D______, qui venait en moyenne tous les deux mois sur le chantier, n'avait jamais émis de commentaire à ce sujet et l’avait même utilisé pour monter sur la mezzanine.
Il avait lui-même indiqué à feu M. E______ qu'il y avait deux échelles disponibles, si besoin, dans la maison. Ce dernier, mandaté comme chauffagiste, avait posé l'isolation. Pour ce faire, il avait déplacé l'escalier puis l’avait remis en position initiale, dans des circonstances et conditions inconnues.
14. Par courrier du 2 mai 2024 adressé au département, M. D______ a sollicité pour le compte de M. A______, désigné comme responsable de chantier, une ultime prolongation de date de fin de chantier au 21 juillet 2024, qui a abouti à l’AOC du 6 mai 2024 précité.
15. Par décision du ______ 2024, le département a infligé à M. A______ une amende de CHF 2’000.- « en qualité de Maître d’ouvrage ».
Cette amende lui était infligée au titre de personne physique employant des travailleurs ou mandatant une entreprise avec des travailleurs, exécutant des travaux se rapportant à l’activité du bâtiment ou du génie civil au sens de l’art. 1 al. 2 du règlement sur les chantiers du 30 juillet 1958 (RChant - L 5 05.03).
Conformément aux constatations effectuées sur place par les autorités suite à l’accident de feu M. E______, M. A______ avait contrevenu aux art. 1, 3 al. 1, 7 al. 1, 35 al. 1, 49 al. 5, 99 RChant ainsi qu’aux art. 11e, 13, 20 al. 2 et 23 al. 1 de l’ordonnance sur la sécurité et la protection de la santé des travailleurs dans les travaux de construction du 29 juin 2005 (Ordonnance sur les travaux de construction, OTConst - RS 832.311.141).
Le montant de l’amende tenait compte de la gravité objective et subjective du comportement tenu.
16. Par décision du ______ 2024, le département a également infligé à M. D______ une amende de CHF 4'000.-, au titre de personne physique chargée de la surveillance des travaux au sens de l’art. 1 al. 2 RChant.
Un recours contre cette décision a donné lieu à l'ouverture de la procédure n° A/3207/2024) devant le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal).
17. Par acte du 23 septembre 2024, sous la plume de son conseil, M. A______ a interjeté recours auprès du tribunal contre la décision du département du ______ 2024, concluant principalement, sous suite de frais et dépens, à son annulation ; subsidiairement, il a conclu au renvoi de la cause à l’autorité intimée pour nouvelle décision. A titre préalable, il a sollicité son audition, ainsi que celles de M. D______, et de Messieurs G______ et H______, sans autres précisions.
Selon devis accepté le 8 mai 2023, il avait confié à M. E______ la tâche d'installer le système de chauffage dans les locaux en travaux. Après l’accident, il s’était avéré que ce dernier avait posé un revêtement isolant au premier étage. Pour ce faire, il avait déplacé l'escalier puis réinstallé ce dernier sur une plaque de type XPS, laquelle reposait sur ladite isolation. Il était ensuite monté sur l’escalier qui avait glissé, entrainant sa chute mortelle.
La décision querellée violait l’art. 1 al. 2 RChant dans la mesure où le champ d’application de cette disposition ne concernait pas un propriétaire qui mandatait une entreprise. Cette norme visait en effet à protéger les travailleurs et donc à sanctionner les employeurs qui ne respecteraient pas leurs obligations à ce titre. Dans la mesure où il n’était pas l’employeur de feu M. E______, il n’existait aucun rapport de subordination entre eux. De plus, il n’était pas en charge de la surveillance des travaux et, par conséquent, n’était pas soumis aux prescriptions du RChant.
Si le tribunal devait retenir le contraire, il ne pouvait lui être reproché d’avoir violé les art. 13, 20 al. 2 OTConst., ni l’art. 49 al. 5 Chant. En effet, M. E______, chauffagiste professionnel, avait décidé de son propre chef de déplacer l’escalier pour poser l’isolation. Il avait ensuite lui-même pris la décision de replacer cet escalier sur une plaque de type XPS interposée entre ce dernier et le sol. Ce dispositif avait rendu le sol extrêmement glissant, l’isolation et cette plaque étant elles-mêmes très glissantes.
Il ne pouvait s’attendre à ce que M. E______ agisse de la sorte. De plus, il ne lui appartenait pas de lui donner des instructions dans l’accomplissement de son travail. Il n’avait donc commis aucune faute, ni même aucune négligence. Partant, il ne pouvait lui être reproché d’avoir contrevenu aux dispositions légales précitées.
18. Le département s’est déterminé sur le recours le 26 novembre 2024, concluant à son rejet, sous suite de frais et dépens. Il a produit son dossier.
Les actes d’instruction demandés ne lui paraissaient pas utiles, étant relevé que le recourant n’avait pas expliqué pourquoi il les estimait nécessaires. Concernant en particulier l’audition de M. G______, il n’avait pas précisé quel rôle celui-ci avait joué sur le chantier ni démontré que son intervention apporterait des éléments nécessaires à la résolution du litige.
Sur le fond, l’autorité intimée a conclu au rejet du recours. Le recourant, propriétaire de la parcelle où avaient eu lieu les travaux, lui avait transmis neuf AOC pour l'APA 3______ où il s'était lui-même désigné en tant que « responsable de chantier ». Les deux derniers AOC transmis les 11 mars et 6 mai 2024 mentionnaient expressément que, par la soumission du formulaire, la direction des travaux prenait la responsabilité du chantier dans sa globalité. En outre, dans une dernière demande du 2 mai 2024 de prolongation de date de fin de chantier (au 21 juillet 2024) formulée par le MPQ, celui-ci avait expressément indiqué que le recourant était responsable du chantier.
Le projet avait en outre été déposé en autorisation de construire en procédure accélérée. Dès lors, la direction des travaux ne devait pas forcément être assurée par un MPQ (art. 6 al. 1 in fine de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988 LCI — L 5 05). Par conséquent, en tant que responsable de chantier, le recourant assumait la direction des travaux. Il devait ainsi s'assurer du respect des règles de sécurité et veiller au bon déroulement du chantier.
Dans le cadre du chantier de l’APA 5______, le recourant avait engagé feu M. E______ pour installer le système de chauffage. Ainsi, le recourant ne pouvait être suivi lorsqu’il affirmait n’avoir pas employé de travailleur. Au contraire, il remplissait à ce titre les conditions de l'art. 1 al. 2 RChant.
Concernant le bien-fondé de la sanction administrative prononcée, le recourant, dans le cadre de la direction des travaux, avait participé à l'acte de construire, au sens de l'art. 1 al. 2 RChant. En cette qualité, il était tenu de se conformer aux prescriptions légales sur la prévention des accidents sur les chantiers. Or, le reportage photographique qui figurait au dossier ainsi que le constat du représentant du département - auquel la jurisprudence accordait une valeur probante - permettaient de constater que plusieurs prescriptions du RChant et de l’OTConst n’avaient pas été respectées in casu. En effet, l'absence de garde-corps était flagrante le long de la mezzanine. Quant à l'escalier, il n'était pas assuré ni fixé et ne comportait pas de garde-corps, ni main courante. Celui-ci était d'ailleurs disposé à même le sol sur les photographies. De surcroît, la chute de M. E______ concrétisait à elle seule la dangerosité des installations et démontrait que les normes prévues par le RChant et l’OTConst n'avaient pas été respectées. Dès lors, la violation des prescriptions légales en question était incontestablement avérée. Au surplus, le montant de l’amende, au demeurant non contesté, se situait dans le bas de la fourchette, étant relevé que l’amende infligée était la plus faible dans cette affaire, reflétant la « responsabilité secondaire » du recourant par rapport au MPQ dont la passivité avait justifié une amende plus élevée.
L’amende était donc justifiée tant dans son principe que sa quotité.
19. Le recourant a répliqué le 31 janvier 2025, sous la plume de son conseil.
Concernant les mesures d’instruction sollicitées, il lui paraissait important de définir les circonstances dans lesquelles s'était déroulé l'accident du 10 janvier 2024. L'audition de M. G______, maçon mandaté par ses soins et présent sur le chantier le 10 janvier 2024, permettrait notamment d'établir que feu M. E______ avait lui-même procédé à la pose du revêtement isolant, déplacé l'escalier et réinstallé ce dernier sur une plaque de type XPS. L'audition de M. H______, inspecteur des chantiers responsable du dossier, permettrait également de comprendre la disposition de l'escalier au moment de son intervention. Ce dernier pourrait par ailleurs témoigner de l'envergure du chantier, lequel ne pouvait en aucun cas être considéré comme une construction de peu d'importance. Par ailleurs, sa propre audition permettrait de comprendre le but des travaux et la fréquence des visites du MPQ sur le chantier. Enfin, il renonçait à l'audition de M. D______.
Sur le fond, le fait que le projet avait été déposé en procédure accélérée ne signifiait pas qu’il avait assuré la direction des travaux. Le projet prévu sur sa parcelle consistait en la transformation d'un ancien commerce en logements. Conformément à la demande d'autorisation de construire, il s'agissait donc d'un changement d'affectation, avec « transformation/ rénovation/ assainissement ». Cela ressortait également de l'autorisation de construire et des AOC. Les travaux entrepris portaient plus précisément sur la transformation d'une pharmacie en deux appartements superposés. Cela incluait la réfection de la toiture, l'isolation, la réfection de fenêtres, la réfection du système de chauffage, avec le démantèlement du système de chauffage à gaz et l'installation d'une pompe à chaleur eau/eau sur sondes géothermiques. Il avait en outre été procédé à plusieurs modifications des éléments porteurs (remplacement de poutres de la toiture, des poutres du rez-de-chaussée et pose d'une poutre interne au premier étage). A l'appui de la première demande d'autorisation de construire déposée le 29 mars 2021, M. D______, avait d’ailleurs détaillé toutes les étapes du projet.
Au vu de ces éléments, l’ouvrage était destiné à l'habitation et ne constituait pas une construction de peu d'importance au sens de l'art. 3 al. 1 let. a RCI. Il ne constituait pas non plus une modification intérieure d'une construction ou d'une installation, sans changement de la destination des locaux ni modification des façades ou des éléments porteurs (art. IA al. 1 let. f RCI). Ce projet n'était en outre comparable à aucune des autres hypothèses mentionnées à l'art. 1A al. 1 RCI.
Dès lors, le chantier dont il était le maître d'ouvrage ne représentait pas une construction de peu d'importance au sens de l'art. 6 al. 1 in fine LCI. La direction des travaux devait donc impérativement être assurée par un MPQ. Conformément à l'art. 6 al. 1 à 3 LCI, il appartenait au département de vérifier que tel était le cas et, cas échéant, de l'exiger.
L'autorité intimée ne pouvait donc pas, in casu, octroyer une autorisation de construire sans que la direction des travaux ne fût assurée par un MPQ disposant des capacités professionnelles nécessaires, en l’occurrence M. D______. Ce dernier figurait d’ailleurs comme « mandataire » tant dans l'autorisation de construire que dans l'AOC. Il était également mentionné comme MPQ dans le rapport d'enquête du 30 janvier 2024. Il avait en outre été amendé en qualité de « personne physique chargée de la surveillance des travaux » et l’autorité intimée avait indiqué dans ses observations que sa responsabilité du propriétaire était « secondaire » par rapport à celle du MPQ.
Par ailleurs, comme déjà exposé dans le recours, en sa qualité de Maître d’ouvrage, il n’était pas soumis au RChant ni à l’OTCons. Il ne pouvait en outre être exigé de lui, gestionnaire de fortune, de prendre toutes les précautions « commandées par les usages de la profession », étant précisé qu'il n'avait fait que mandater une entreprise de chauffagiste, en sa qualité de maître d'ouvrage, et non dans le cadre de la « direction des travaux ». Par ailleurs, il n'était aucunement l'employeur de feu M. E______, de sorte qu'il ne lui appartenait pas de prendre des mesures en cette qualité non plus. Enfin, comme déjà dit, il ne pouvait revêtir la qualité de responsable du chantier et ne portait donc pas la responsabilité de la sécurité de celui-ci.
Pour le surplus, aucune violation des art.13, 20 al. 2 OTConst et 49 al. 5 RChant ne pouvait lui être reprochée. Il n’était pas responsable de la configuration dangereuse dans laquelle M. E______ avait placé l’escalier. En conséquence, aucune faute ni même négligence ne pouvait lui être reprochée à cet égard.
20. Le département a dupliqué le 25 février 2025.
La question de savoir si la direction des travaux devait impérativement ou non être assurée par un MPQ pouvait rester ouverte. Seul était déterminant le fait que, pour l'exécution des travaux, le recourant avait pris le parti de se désigner comme responsable de chantier sur les neufs AOC. Cela avait également été confirmé par la demande de prolongation du 2 mai 2024 faite par le MPQ. Ainsi, le recourant avait pris la décision d'assurer la responsabilité du chantier et il ne pouvait se départir de celle-ci sous le prétexte qu'il n'avait pas à l'assurer en raison des modalités de la procédure accélérée.
Le fait que la demande avait été déposée par un MPQ n’était pas non plus de nature à exonérer le recourant de sa responsabilité en tant que direction des travaux, celui ayant dans les faits assuré la responsabilité du chantier.
Le fait qu'un autre intervenant soit sanctionné n'enlevait rien à la responsabilité du recourant qui, lui aussi, avait commis une faute distincte, comme évoqué précédemment. Tel était précisément le cas puisque M. D______ avait également été mis en cause en lien avec l'accident.
Quant à l'applicabilité du RChant au recourant, ce dernier avait lui-même pris et assumé la charge de responsable de chantier. Il devait dès lors s'attendre à ce que la surveillance des personnes qu'il avait mandatées pour le chantier lui incombe. S'il avait estimé ne pas être en mesure d'assurer cette charge, il aurait dû laisser son MPQ gérer l'intégralité des travaux.
Pour le surplus, il renvoyait le tribunal à ses déterminations du 26 novembre 2024 et persistait intégralement dans ses développements et conclusions.
21. Par écritures spontanées du 13 mars 2025, faisant usage de son droit à la réplique inconditionnel, le recourant a encore fait valoir que la question de savoir si la direction des travaux devait ou non être assurée par un MPQ était primordiale. En effet, si tel était le cas, il ne pouvait - même en s’étant désigné « responsable de chantier » - avoir valablement pris des responsabilités qui ne lui incombaient pas. C’était au département de vérifier sur les conditions pour l’ouverture du chantier étaient remplies. Or, in casu, comme il ne s’agissait pas d’une construction de peu d’importance, la direction des travaux ne pouvait être assurée que par un MPQ.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. A titre préalable, se fondant sur son droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le recourant sollicite son audition afin de préciser la finalité des travaux et la fréquence des visites du MPQ sur le chantier. Il demande également l’audition de M. G______, maçon, pour établir les actes de M. E______ ayant conduit à sa chute, ainsi que celle de M. H______, inspecteur des chantiers, pour comprendre la disposition de l’escalier impliqué dans l’accident.
4. En l'occurrence, vu l'issue du litige, les auditions sollicitées par le recourant n'apparaissent pas nécessaires, de sorte qu'il ne sera pas procédé aux actes d'instruction sollicités.
5. Sur le fond, le recourant conteste l’amende dans son principe. Il estime que la responsabilité de la direction des travaux - et donc de la gestion de la sécurité du chantier - ne lui incombait pas, un MPQ ayant été mandaté à cette fin.
6. Selon l'art. 151 let. d LCI, le Conseil d'État fixe par règlement les dispositions relatives à la sécurité et à la prévention des accidents sur les chantiers.
Sur cette base, le Conseil d'État a adopté le RChant, dont la version du 30 juillet 1958 a été abrogée et remplacée par un nouveau règlement, adopté le 15 janvier 2025 et entré en vigueur le 22 janvier 2025.
Conformément aux principes généraux du droit intertemporel, lorsqu’un changement de droit intervient au cours d’une procédure administrative contentieuse ou non contentieuse, la question de savoir si le cas doit être tranché sous l’angle du nouveau ou de l’ancien droit se pose. En l'absence de dispositions transitoires, la règle générale selon laquelle s'appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où lesdits faits se sont produits (ATA/1420/2019 du 24 septembre 2019 consid. 4 ; ATA/847/2018 du 21 août 2018 consid. 3c et les références citées), prévaut.
En l’espèce, les faits ayant conduit au prononcé de l’amende s’étant produits en 2024, c’est l’ancienne version du RChant (ci-après : aRChant) qui reste applicable.
7. Selon l'art. 1 al. 1 aRChant, la prévention des accidents sur les chantiers et les mesures à prendre pour assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs, ainsi que la sécurité du public, des ouvrages et de leurs abords sont réglées par les dispositions du aRChant.
Sont tenus de s'y conformer tous les participants à l'acte de construire, démolir, transformer, entretenir, c'est-à-dire toutes les personnes exécutant des travaux se rapportant à l'activité du bâtiment ou du génie civil ainsi que les personnes physiques ou morales employant des travailleurs à cet effet. Il en est de même des personnes chargées de la surveillance des travaux, notamment pour le compte des bureaux d'ingénieurs, d'architectes, des entreprises générales et des coordonnateurs de sécurité et de santé (art. 1 al. 2 aRChant).
Selon l’art. 2 aRChant, en tant qu’elles ne sont pas déjà incorporées dans son texte, les ordonnances du Conseil fédéral sur la prévention des accidents, au nombre desquelles figure notamment l'OTConst (cf. art. 1 OTConst), font partie intégrante du présent règlement dans le domaine de la prévention des accidents (al. 2).
L'art. 3 al. 1 aRChant prévoit que le travail doit s'exécuter en prenant, en plus des mesures ordonnées par le présent règlement, toutes les précautions commandées par les circonstances et par les usages de la profession.
8. De façon générale, sur un chantier, les installations et autres aménagements doivent être étudiés de manière à permettre l'application de toutes les mesures de sécurité et de protection de la santé (art. 7 al. 1 RChant).
9. Les dispositions précitées du aRChant n'ont subi aucune modification entre l'état de ce règlement au moment de l'AOC du 27 juillet 2021, désignant le recourant comme « responsable de chantier », et son état au moment où a été prise la décision litigieuse, le ______ 2024. Dans le même laps de temps, aucune disposition du RChant ne faisait état de la notion de « responsable de chantier ». La notion de « responsabilité » n'était abordée qu'à l'art. 331 aRChant, lequel prévoyait que « les contrôles de l'administration ne libèrent pas les intéressés de leurs obligations et de leur responsabilité ».
10. Quant au RChant du 15 janvier 2025, entré en vigueur le 22 janvier 2025, son art. 1 prévoit que la prévention des accidents sur les chantiers et les mesures à prendre pour assurer la sécurité des personnes, des ouvrages et de leurs abords sont réglées par les dispositions du présent règlement (al. 1). Sont tenus de s'y conformer tous les participantes et participants aux actes de construire, de démolir, de transformer, d’entretenir, c'est-à-dire toutes les personnes exécutant des travaux se rapportant à l'activité du bâtiment ou du génie civil ainsi que les personnes physiques ou morales employant des travailleuses et travailleurs à cet effet. Il en est de même des maîtres d'ouvrage, ainsi que des personnes chargées de la surveillance des travaux, notamment pour le compte de bureaux d'ingénieurs ou d'architectes, des entreprises générales et des coordinatrices et coordinateurs de sécurité et de santé (al. 2). Sont considérés comme un chantier tous les travaux de construction, de démolition, de transformation et d'entretien (al. 3).
Selon l'art. 3 RChant, intitulé « responsable de chantier », une ou un responsable de chantier doit être désigné avant que les travaux débutent. A défaut, la responsabilité du chantier incombe au seul maître d'ouvrage (al. 1). Si le chantier est lié à une autorisation de construire, l'article 6 LCI s'applique (al. 2).
11. La comparaison entre les dispositions précitées du aRChant et du RChant dans sa nouvelle teneur en vigueur depuis le 22 janvier 2025, montre tout d'abord qu'à teneur de sa lettre, le aRChant n'impliquait aucunement le maître d'ouvrage, c'est-à-dire le propriétaire de la construction faisant l'objet du chantier. En effet, selon l'art. 1 al. 1 aRChant, les « participants à l'acte de construire, démolir, transformer, entretenir », tenus de se conformer à ce règlement, étaient les personnes exécutant des travaux se rapportant à l'activité du bâtiment ou du génie civil ainsi que les personnes physiques ou morales employant des travailleurs à cet effet. Il en allait de même des personnes chargées de la surveillance des travaux, notamment pour le compte des bureaux d'ingénieurs, d'architectes, des entreprises générales et des coordinateurs de sécurité et de santé. L'art. 1 al. 2 RChant reprend mot pour mot le texte de l'art. 1 al. 1 aRChant, à la seule différence que sa deuxième phrase commence par les termes : « Il en est de même des maîtres d'ouvrage, ainsi que des personnes (…) ». Eu égard à cette différence entre l'ancien et le nouveau texte, la question pourrait se poser de savoir si les « participants à l'acte de construire, démolir (…) » au sens de l'art. 1 al. 1 aRChant, incluaient implicitement le maître d'ouvrage, dans l'hypothèse où ce dernier participait d'une manière ou d'une autre aux travaux. La lettre du nouvel art. 1 al. 2 RChant s'oppose néanmoins à une telle interprétation. En effet, s'il avait fallu simplement préciser que le maître d'ouvrage peut lui aussi être considéré comme un « participant à l'acte de construire », sa mention aurait normalement dû compléter la liste des personnes figurant précédemment à la première phrase de l'art. 1 al. 1 aRChant et désormais à la première phrase de l'art. 1 al. 2 RChant. Ainsi, au lieu de ne faire qu'allonger la liste exemplative de la première phrase, la mention du maître d'ouvrage au début de la deuxième phrase de l'art. 1 al. 2 RChant doit se lire comme une adjonction à la catégorie des autres personnes tenues de se conformer aux règles et mesures de sécurité. Selon cette interprétation, l'absence de mention du maître d'ouvrage dans l'ancien texte signifie que le propriétaire n'était tout simplement pas visé.
12. Cette lecture de l'art. 1 al. 1 aRChant est confortée par une autre nouveauté du RChant du 15 janvier 2025, à savoir la précision apportée par son art. 3 cité plus haut, consacré spécialement à la place qu'occupe la responsabilité du maître d'ouvrage dans le cadre d'un chantier. Il s'agit d'une disposition essentielle afin de départager cette responsabilité et celle que peut encourir un professionnel du bâtiment. Son absence dans le aRChant doit donc être considérée comme un élément supplémentaire indiquant que le maître d'ouvrage n'était quoi qu'il en soit pas impliqué.
13. Aux termes de l'art. 137 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à 150'000.- tout contrevenant aux règlements et arrêtés édictés conformément à l'art. 151 LCI, respectivement aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (art. 334 aRChant).
De façon générale, la police des constructions institue un système d'autorisation dans lequel les architectes mandataires jouent un rôle central. Ainsi prévoit-elle que toute demande d'autorisation doit être établie et signée par une personne inscrite au tableau des MPQ (art. 2 al. 3 LCI).
Selon l’art. 3 al. 7 LCI, le département peut traiter par procédure accélérée, les demandes d’autorisation relatives à des travaux soumis à l’art. 1, notamment s’ils portent sur des modifications intérieures d’un bâtiment existant ou ne modifient pas l’aspect exterieur de celui-ci (let. b) ou pour des constructions nouvelles de peu d’importance ou provisoires (let. c).
Aux termes de l’art. 6 LCI, la direction des travaux dont l’exécution est soumise à autorisation de construire doit être assurée par un mandataire inscrit au tableau des MPQ, dont les capacités professionnelles correspondent à la nature de l’ouvrage. Demeurent réservées les constructions ou installations d’importance secondaire, qui font l’objet de dispositions spéciales édictées par voie réglementaire (al. 1). Le mandataire commis à la direction des travaux en répond à l’égard de l’autorité jusqu’à réception de l’avis d’extinction de son mandat (al. 2). À défaut de mandataire annoncé ou en cas de cessation de mandat, le département peut interdire l’ouverture du chantier ou ordonner la suspension des travaux (al. 3).
L’art. 1A let. f du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01) précise que sont notamment réputés d’importance secondaire, au sens des articles 2 al. 2 et 6 al. 1 LCI, la modification intérieure d’une construction ou d’une installation, sans changement de la destination des locaux ni modification des façades ou des éléments porteurs. De même, sont réputées constructions de peu d'importance celles qui ne servent ni à l'habitation ni à l'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale (art. 3 al. 1 let. a RCI).
14. En vertu de l’art. 6 de la loi sur l'exercice des professions d'architecte et d'ingénieur du 17 décembre 1982 (L 5 40 – LPAI), le MPQ – reconnu par l’État (art. 1 al. 1 LPAI) – est tenu de faire définir clairement son mandat (al. 1). Il s’acquitte avec soin et diligence des tâches que lui confie son mandant dont il sert au mieux les intérêts légitimes tout en s’attachant à développer, dans l’intérêt général, des réalisations de bonne qualité au titre de la sécurité, de la salubrité, de l’esthétique et de l’environnement (al. 2).
À teneur de l'art. 1 al. 1 à 3 du règlement d’application de la loi sur l’exercice des professions d’architecte et d’ingénieur du 9 novembre 1983 (RPAI - L 5 40.01), le département dresse et tient à jour le tableau des MPQ. Le tableau distingue différentes catégories, dont les architectes. Seules les personnes inscrites sur le tableau sont autorisées à exercer l’une des professions mentionnées pour les travaux dont l’exécution est soumise à autorisation en vertu de la LCI. Les constructions et installations d’importance secondaire sont réservée.
Pour les architectes, la reconnaissance s’étend à la planification et à la direction des travaux de construction de tous ouvrages, à charge pour eux de veiller, au besoin, que les prestations spécifiques de génie civil, de génie électrique, de génie thermique ou relevant d’autres disciplines soient confiées à des spécialistes (art. 3 al. 2 RPAI).
Tout changement dans la personne ou le rôle du mandataire doit être annoncé sans délai et par écrit au département. À défaut, ce changement ne lui est pas opposable (art. 4 RPAI).
15. Il résulte de l'art. 6 LPAI cité plus haut que le respect du droit public est l’un des devoirs incombant à l’architecte (Blaise KNAPP, La profession d’architecte en droit public, in Le droit de l’architecte, 3ème éd., 1986, p. 487 ss n. 510).
En effet, tel que mentionné précédemment, lors de la création de la LPAI, le législateur avait à l’esprit que le respect du droit public et de la construction fasse partie de l’un des devoirs incombant à l’architecte. Ainsi, conformément à la loi, l’autorité intimée était en droit d’attendre de celui-ci qu’il s’assure, en tout temps, que les constructions ne comportent pas de risques pour les ouvriers et/ou le public, peu importe qui était à l’origine du manquement. Evidemment dans chaque chantier plusieurs entreprises interviennent et le MPQ n’est pas forcément en relation contractuelle avec celles-ci. Cela étant, lorsqu’il est chargé du suivi de l’exécution des travaux, son rôle consiste justement dans la supervision de toutes les entreprises intervenantes pour s’assurer du respect, par celles-ci, notamment des règles de sécurité. Admettre le contraire ouvrirait la porte à une dilution des responsabilités avec, pour corollaire, l’affaiblissement de la sécurité
Il s’ensuit que les manquements professionnels de l’architecte concernés par la LPAI peuvent aussi être trouvés dans les relations qu’entretient ce dernier avec les autorités administratives, respectivement dans l’exécution scrupuleuse des injonctions qu’elles formulent et, d’une manière générale, dans le respect des règles juridiques du droit de la construction justifiant l’existence même du tableau des architectes habilités (arrêt du Tribunal fédéral 2C_268/2010 du 18 juin 2010 consid. 6 ; ATA/19/2018 du 9 janvier 2018 consid. 4d). Dans un arrêt du 7 février 2023 (ATA/131/2023), la chambre administrative de la Cour de justice a rappelé qu'elle n’avait ainsi jamais annulé une amende fondée sur la LCI au motif qu’elle devait être infligée au propriétaire et non à l’architecte (ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/836/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/632/2007 du 11 décembre 2007).
16. En l’espèce, dès lors que le tribunal a retenu plus haut que le aRChant ne concernait pas le maître d'ouvrage, la décision litigieuse, qui attribue au recourant une responsabilité en tant que propriétaire, devra déjà pour cette seule raison être annulée. Le fait que l'AOC du 27 juillet 2021 le désignait comme « responsable de chantier » ne saurait à lui seul engager une responsabilité qui n'était pas instituée par le texte réglementaire, ce d'autant que, comme on l'a vu plus haut, même la notion de « responsable de chantier » n'existait pas dans le aRChant.
17. A cela s'ajoutent les considérations suivantes. Quand bien même l'on voudrait considérer que le maître d'ouvrage était implicitement visé par le aRChant, ce règlement ne contenait quoi qu'il en soit aucune disposition permettant de départager son éventuelle responsabilité de celle d'un MPQ ou d'un autre professionnel intervenant sur l'ouvrage, au contraire de l'actuel art. 3 RChant. Pour rappel, cette dernière disposition prévoit qu'une ou un responsable de chantier doit être désigné avant que les travaux débutent. A défaut, la responsabilité du chantier incombe au seul maître d'ouvrage (al. 1). Si le chantier est lié à une autorisation de construire, l'article 6 LCI s'applique (al. 2). Cette norme envisage ainsi deux situations. La première correspond à elle dans laquelle un propriétaire entreprend des travaux sans prendre la précaution qu'un responsable de chantier soit désigné. Ce peut être le cas soit lorsque les travaux ne sont pas soumis à autorisation de construire (hypothèse résultant de l'al. 2 a contrario – p. ex. le remplacement de tuiles sur un toit), soit lorsque la requête d'autorisation de construire ne requiert pas le concours d'un MPQ (constructions ou installations d'importance secondaire au sens de l'art. 6 al. 1 LCI, cité plus haut), soit encore lorsque le maître d'ouvrage entreprend des travaux sans avoir sollicité l'autorisation nécessaire. La seconde situation correspond à celle dans laquelle le chantier résulte d'une autorisation de construire (art. 3 al. 2 RChant). Dans ce cas, il appartient à l'autorité intimée d'examiner si l'objet de la requête en autorisation nécessite ou non l'intervention d'un MPQ (art. 2 al. 3 LCI). Lorsque cette intervention s'impose au stade de l'autorisation de construire, les al. 1 et 2 de l'art. 6 LCI instituent une présomption que l'architecte mandaté pour l'obtention de l'autorisation dirige les travaux subséquents, sauf annonce par l'architecte de la fin de son mandat (ATA/824/2021 du 10 août 2021, consid. 6b ; cf. également ATA/19/2018 du 9 janvier 2018 consid. 8).
18. Il en résulte que lorsqu'un architecte intervient de manière obligatoire au stade de l'autorisation de construire, sa responsabilité est engagée durant la phase de chantier aussi longtemps qu'il n'a pas informé le département de la fin de son mandat, principe qui valait aussi bien sous l'empire du aRChant que sous celui du règlement actuel. Ainsi, pour en revenir à l'hypothèse selon laquelle il faudrait considérer que le maître d'ouvrage était implicitement visé par le aRChant, subsisterait néanmoins la question de savoir comment il faudrait alors départager son éventuelle responsabilité de celle de son architecte. À défaut pour le aRChant de traiter ce point, il s'imposerait sans doute de s'inspirer de la règle nouvellement instituée par l'art. 3 RChant. Or, comme cela résulte de la lettre claire de cette disposition légale, la responsabilité du maître d'ouvrage n'est instituée qu'à titre subsidiaire par rapport à celle de la personne désignée en tant que responsable du chantier (al. 1). Cette subsidiarité est renforcée dans le cas visé par l'art. 3 al. 2 RChant, c'est-à-dire lorsqu'un architecte se trouve obligatoirement impliqué dans le cadre de l'autorisation de construire, puis dans le cadre du chantier en tant que direction des travaux (art 6 al. 1 LCI), à défaut d'avoir résilié son mandat auprès du département, (art. 6 al. 2 LCI). Dans cette situation, c'est en effet au professionnel dont les qualifications sont requises pour l'objet concerné, qu'il appartient, précisément en raison de ses compétences, de veiller à la prévention des accidents et au respect de la sécurité sur le chantier (art. 1 al. 1 aRChant et art. 1 al. 1 RChant). Au-delà du sens qui résulte du texte même de l'art. 3 RChant, il s'agit également d'une question logique : lorsque l'intervention sur l'ouvrage atteint une ampleur qui nécessite l'intervention d'un MPQ, il paraît inconcevable de confier au maître d'ouvrage, dans la plupart des cas simple néophyte, la moindre responsabilité au sujet de la prévention des accidents et des mesures de sécurité, tant il s'agit d'un domaine complexe et où les enjeux peuvent s'avérer vitaux. Ainsi, dans le cas d'espèce, la décision litigieuse, au-delà de son caractère juridiquement erroné, signifie implicitement que l'autorité intimée prétendait pouvoir s'en remettre à la diligence du recourant pour la prévention des accidents sur le chantier, alors même qu'il n'était pas supposé en avoir les compétences. On voit bien qu'un tel raisonnement n'est pas possible, et pourquoi, dès qu'il s'impose de confier la protection des travailleurs et du public à des personnes qui en ont les compétences professionnelles, le maître d'ouvrage n'entre tout simplement pas en ligne de compte.
19. Il faut encore préciser que toutes ces considérations se rattachent uniquement aux obligations de droit public découlant du aRChant ou du RChant et qu'elles doivent être clairement distinguées de l'éventuelle responsabilité qui peut être attribuée en responsabilité civile en raison d'un acte illicite, y compris dans l'hypothèse où son auteur se trouve être le maître d'ouvrage.
20. Contrairement à ce que soutient l'autorité intimée dans la présente affaire, la question de savoir si la direction des travaux devait être impérativement assurée par un MPQ n'est donc pas indifférente, mais se rattache, en cas de réponse affirmative, à ce qui vient d'être dit sur l'impossibilité de considérer le maître d'ouvrage comme titulaire d'obligations dans le cadre du aRChant. Les travaux visés par l’autorisation APA 3______ consistaient en la transformation d’un local commercial (pharmacie) en deux logements, par définition destinés à l’habitation. Selon les termes de la demande d’autorisation de construire du ______ 2021, il s’agissait précisément d’un changement d’affectation avec transformation, rénovation, assainissement. Il ne s’agissait pas non plus d’une modification intérieure d'une construction ou d'une installation, sans changement de la destination des locaux ni modification des façades ou des éléments porteurs (art. 1A al, 1 let. f RCI).
Ces travaux ne constituaient donc manifestement pas des travaux de peu d’importance au sens de l’art. 3 al. 1 RCI, de sorte que la direction des travaux devait impérativement âtre assurée un mandataire inscrit au tableau des MPQ, dont les capacités professionnelles correspondaient à la nature de l’ouvrage (art. 6 al.1 LCI). A défaut, il aurait appartenu au département d’interdire l’ouverture du chantier ou d’ordonner la suspension des travaux (art. 6 al. 3 LCI).
En l’occurrence c’est M. D______, architecte inscrit au tableau des MPQ, qui a signé en qualité d’architecte-mandataire la demande d’autorisation de construire APA 3______ du 29 mars 2021, pour le compte du recourant. Il ne ressort pas du dossier que M. D______ aurait informé le département par écrit de la résiliation du contrat de mandat d’architecte conclu avec le propriétaire et c'est d'ailleurs pour cette raison que l'autorité intimée a également décidé de sanctionner le MPQ d'une amende.
En conclusion, en l’absence d’annonce au département de la fin de son mandat, M. D______ assumait ex lege la direction des travaux et donc la seule responsabilité du chantier, le recourant en étant de son côté entièrement exonéré.
21. Pour ces motifs également, l'amende litigieuse doit être considérée comme illégale.
22. Le recours sera donc admis et la décision querellée annulée.
23. Vu l’issue du litige, il sera statué sans frais (art. 87 al. 1 LPA), de sorte que l'avance de frais versée par le recourant lui sera restituée.
24. Une indemnité de procédure CHF 1'500.-, à la charge de l'autorité intimée, sera par ailleurs allouée au recourant à titre de dépens, comprenant une équitable participation aux honoraires d'avocat qu'il lui a fallu engager dans le cadre de la présente cause (art. 87 al. 2 LPA et 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 23 septembre 2024 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2024 ;
2. l'admet ;
3. annule la décision du département du territoire prononcée à l'encontre de Monsieur A______ le ______ 2024 ;
4. renonce à percevoir un émolument et ordonne la restitution au recourant de l’avance de frais de CHF 700.- ;
5. condamne l’État de Genève, soit pour lui le département du territoire, à verser au recourant une indemnité de procédure de CHF 1’500.- ;
6. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Damien BLANC, Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
Le président
Olivier BINDSCHEDLER TORNARE
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
| Genève, le |
| Le greffier |