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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4305/2021

ATA/131/2023 du 07.02.2023 sur JTAPI/1023/2022 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4305/2021-LCI ATA/131/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 février 2023

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 septembre 2022 (JTAPI/1023/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______, architecte, est président et administrateur, avec signature individuelle, de la société Bureau B______ (ci-après : B______), inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 3 octobre 2001.

Il figure au tableau des mandataires professionnellement qualifiés (ci-après : MPQ) institué par l’art. 2 de la loi sur l’exercice des professions d’architecte et d’ingénieur du 17 décembre 1982 (LPAI - L 5 40).

2) Le 16 mars 2017, le département du territoire (ci-après : le département) a délivré une autorisation de construire n° DD 1______ portant sur la transformation de deux immeubles mitoyens sis ______, rue C______, dans la commune éponyme.

M. A______ y apparaissait comme MPQ auprès de B______.

3) Lors d’un constat effectué sur le chantier par un inspecteur de la direction de l’inspectorat de la construction en date du 14 avril 2021, plusieurs éléments contraires au droit ont été relevés :

- les branchements électriques de nombreux appareils n’étaient pas conformes, ce qui contrevenait aux art. 320 et 327 du règlement sur les chantiers du 30 juillet 1958 (RChant - L 5 05.03) ;

- il existait des garde-corps non conformes et fragiles, en contravention aux art. 31 RChant et 16 de l’ordonnance sur la sécurité et la protection de la santé des travailleurs dans les travaux de construction du 29 juin 2005 (Ordonnance sur les travaux de construction, OTConst - RS 832.311.141), ainsi qu’à la norme SN EN 13374 ;

- certains endroits du chantier non protégés présentaient un risque de chute supérieur à 2 m, en contravention aux art. 99 RChant et 15 al. 1 OTConst ;

- certaines marches d’escalier étaient dangereuses et le chantier était fortement encombré de déchets, rendant la circulation dangereuse et contrevenant à l’art. 8 al. 1 OTConst ;

- le blindage bois à la base de la sapine était partiellement démonté ;

- le chantier n’était plus correctement clôturé, ce qui contrevenait à
l’art. 11 RChant.

4) Par courrier du 28 avril 2021, M. A______ a expliqué :

- qu’il avait fait rectifier les branchements des luminaires provisoires de chantier par l’entreprise D______ qui en avait la responsabilité ; il avait également demandé à toutes les entreprises présentes sur le chantier de s’assurer de la conformité de leurs branchements ;

- que le passage des inspecteurs avait suivi la dépose des échafaudages de retenue qu’il avait mis en place lors des travaux en toiture ; il avait fait son maximum pour garantir la sécurité des entreprises ; toutefois, certaines d’entre elles se permettaient de déposer des éléments de sécurité notamment pour livrer du matériel, alors même qu’elles n’avaient absolument pas le droit de toucher les échafaudages ; il leur avait adressé un blâme ;

- que les marches d’escalier dangereuses avaient été remises en état ; leur dégradation était due à l’important passage des entreprises, quand bien même il avait déjà procédé, à plusieurs reprises, à des réfections ; l’éclairage de chantier avait été renforcé dans les escaliers ; un nettoyage général du chantier avait déjà eu lieu ; toutefois, il était de la responsabilité des différentes entreprises d’évacuer leurs déchets de manière journalière ;

- qu’il ne comprenait pas pour quelle raison le blindage de la sapine avait été partiellement démonté ; l’entreprise qui en avait la responsabilité avait fait le nécessaire ;

- que la clôture du chantier, son enceinte et son entretien étaient sous la responsabilité de l’entreprise E______ ; celle-ci avait, à plusieurs reprises, remis en état l’enceinte du chantier qui était systématiquement modifiée lors des livraisons ; toutes les entreprises œuvrant sur le chantier avaient l’obligation de fermer l’enceinte avec les cadenas mis à disposition ; elles faisaient toutefois fi de cette responsabilité ;

- que la sécurité du chantier et des ouvriers était sa principale préoccupation.

5) Par décision du 22 novembre 2021, le département a retenu que M. A______, en sa qualité de MPQ, avait contrevenu aux éléments mentionnés dans le courrier du 19 avril 2021. En conséquence, il lui infligeait une amende de CHF 5'000.- tenant compte de la gravité des faits et du comportement.

6) Par acte du 21 décembre 2021, M. A______ a saisi le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) d’un recours contre cette décision, « arbitraire et infondée », concluant à son annulation.

B______ avait procédé aux modifications nécessaires suite au passage de l’inspecteur le 14 avril 2021. Ce dernier s’était également vu expliquer, de manière complète et exhaustive, les circonstances dans lesquelles les faits avaient eu lieu tout comme les entreprises qui devaient être tenues pour responsables.

Ce chantier, particulier, d’une durée de 36 mois, avait vu défiler 42 entreprises ou sous-traitants, plus de 200 ouvriers ainsi que 19 services étatiques et 6 services communaux. Le suivi du chantier s’effectuait par deux visites hebdomadaires et il ne pouvait être présent en permanence sur le site. Chaque semaine, un procès-verbal rappelant, notamment, les prescriptions sécuritaires, était rédigé et adressé à toutes les entreprises qui devaient s’y conformer.

Sa société ne pouvait être tenue pour responsable des erreurs commises par quelques ouvriers travaillant pour des entreprises tierces ou des sous-traitants mandatés directement par le maître d’ouvrage. Elle était chargée de diriger les entreprises, pas leurs ouvriers, dont elle n’était pas responsable et avec lesquels elle n’avait aucun lien contractuel. Il était ainsi choquant que seul l’architecte soit tenu pour responsable des défauts constatés et provoqués par des tiers.

Le montant de l’amende était arbitraire. Il semblait « irréaliste que les autorités tutélaires puissent se substituer aux procureurs et juges ». Sa société avait plus de 70 ans de mandats architecturaux et s’était toujours inscrite dans une logique de respect de la sécurité.

7) Le département a conclu au rejet du recours.

M. A______ ne contestait pas les infractions constatées le 14 avril 2021. En sa qualité de MPQ en charge de la direction des travaux et de la surveillance du chantier, il avait enfreint les dispositions du RChant ainsi que de l’OTConst. Il avait ainsi commis une faute. La régularisation éventuelle des infractions constatées n’avait pas pour effet de le disculper de toute responsabilité, mais uniquement de les réparer. Le fait que les infractions aient été commises par d’autres entreprises ne diminuait en rien sa responsabilité de direction des travaux et de surveillance du chantier.

Il ne pouvait ignorer les dispositions applicables. Les multiples infractions constatées constituaient une mise en danger de l’intégrité, à tout le moins physique, des ouvriers œuvrant sur le chantier, lesquelles devaient être qualifiées de graves. Le paiement de l’amende ne le mettait pas dans une situation financière difficile.

8) Le TAPI a rejeté le recours par jugement du 29 septembre 2022.

Conformément à la LPAI, le département était en droit d’attendre du MPQ qu’il s’assure, en tout temps, que les constructions ne comportent pas de risques pour les ouvriers ou le public, peu importait qui était à l’origine du manquement. Lorsque l’architecte était chargé du suivi des travaux, son rôle consistait dans la supervision de toutes les entreprises intervenantes pour s’assurer du respect, par celles-ci, notamment des règles de sécurité. Admettre le contraire ouvrirait la porte à une dilution des responsabilités avec, pour corollaire, l’affaiblissement de la sécurité.

Le prononcé de l'amende litigieuse reposait sur les six infractions constatées lors du passage de l’inspecteur le 14 avril 2021. Seul M. A______ avait agi dans le cadre du chantier en question, en sa qualité de MPQ. Il répondait donc envers les autorités des manquements reprochés, et non contestés, consacrant une violation des bases légales topiques.

Eu égard à sa position de MPQ et à ses connaissances professionnelles, M. A______ ne pouvait ignorer la nature et la portée de son obligation, découlant des règles essentielles visant à assurer la sécurité des ouvriers et des autres personnes devant se rendre sur le chantier. Malgré ses diverses démarches auprès des entreprises, lesquelles n'avaient apparemment pas été suivies des effets attendus, il n'avait pas satisfait à ses obligations légales. Sa faute était de gravité moyenne, étant précisé que ses compétences d’architecte n’étaient pas remises en cause. Il n’avait pas d’antécédents, ce qui permettait de dire qu’il s’agirait d’un cas isolé.

Le montant l’amende, compte tenu des six infractions retenues, n’apparaissait pas disproportionné et se situait dans la fourchette basse de l’échelle de la sanction prévue par la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Son paiement ne l’exposerait pas à une situation financière difficile.

9) M. A______ a formé recours contre ce jugement par acte expédié le
4 novembre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative).

Le TAPI n’avait pas tenu compte des pièces « avérées et vérifiées », ou que trop partiellement. Si les comportements reprochés devaient être délictueux, ils ne pouvaient absolument pas être imputés à la direction des travaux, qui n’avait de cesse de rappeler à tous les intervenants leur responsabilité envers leurs employés et des employés d’autres entreprises. Ceci ressortait de l’ensemble des procès--verbaux transmis à la juridiction inférieure. La direction des travaux, qui n’agissait que par délégation du maître d’ouvrage, vérifiait, contrôlait et donnait des ordres aux entreprises, mais n’exécutait en aucun cas un ouvrage. Lors des
rendez-vous de chantier hebdomadaires, les objectifs, rappels à la vigilance, à la responsabilité et aux autocontrôles étaient rappelés aux entreprises, mais également aux autres mandataires, également MPQ et « en pool ». Il n’avait pas commis de faute, les « fautes incomb[ ]ant à ceux qui les exécutaient », en l'espèce les entreprises annoncées. B______ n’avait aucun moyen de faire plus que de rappeler les directives et obligations.

La « tarification de l’infraction » était totalement inconnue et relevait vraisemblablement d’une pratique administrative qui devait être transmise à l’ensemble des MPQ du canton. Cette tarification était laissée au libre arbitre du juge.

Aucun accident, blessé ou dégâts n’avaient été constatés, ceci grâce au suivi que B______ essayait de faire le plus rigoureusement possible, quelle que soit la situation, les conditions et « malgré les lourdes accusations formulées par l’OAC et le TAPI ».

Il résultait de la situation un véritable sentiment d’une injustice, étant relevé que le TAPI avait à juste titre retenu qu’aucun antécédent n’était à relever après plus de 70 ans de mandats.

10) Le département a conclu le 7 décembre 2022 au rejet du recours.

Le TAPI avait procédé à une analyse détaillée des devoirs légaux incombant à l’architecte tant sous l’angle de la LCI que de la LPAI et son raisonnement échappait à toute critique.

L’amende avait été fixée sur la base du comportement reproché et des circonstances spécifiques du cas.

11) Dans sa réplique du 23 janvier 2023, M. A______ a relevé en préambule que les contrats d’entreprise étaient signés de manière bilatérale entre le maître d’ouvrage et les entreprises « avec un contrôle avec le mandataire ». Il a donné son interprétation de l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_268/2010 et de l’intention du législateur cantonal. Il avait en l’espèce scrupuleusement respecté les injonctions et résolu les différents postes litigieux, de sorte que sa situation n’était pas identique à celle tranchée dans l’arrêt précité. Sa position de MPQ « ne permet[tait] pas d’établir une quelconque responsabilité de laquelle découlerait une sanction prévue par la LCI ». L’art. 13 LPAI prévoyait les différentes sanctions administratives, dont une amende maximale de CHF 5'000.-, qui ne pouvait être fixée que par la chambre des architectes et des ingénieurs.

Quant au montant de l’amende, dont l’aspect subjectif n’était pas connu, il « sembl[ ]ait bien éloigné de la réalité que le mandataire a[vait] commis ces manquements de manière intentionnelle ». La manière dont la peine avait été fixée semblait être, à tout le moins, problématique quant au principe de la légalité, du droit d’être entendu, mais également du principe pénal de la motivation de la peine.

12) Les parties ont été informées le 24 janvier 2023 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 – LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant considère que le motif de l'amende n'existerait pas, puisque qu’en tant que MPQ, sa responsabilité sur le chantier se limiterait, lors des
rendez-vous hebdomadaires, à vérifier les objectifs, faire aux entreprises, de même qu’aux « autres mandataires, également MPQ et en pool », des rappels des consignes de sécurité, à la vigilance, à la responsabilité et aux autocontrôles. En l’espèce, il aurait procédé à de tels rappels et corrigé les six points problématiques relevés lors du contrôle du 14 avril 2021, de sorte qu’aucune faute ne pourrait lui être reprochée.

a. À teneur de l’art. 5 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit est la base et la limite de l’activité de l’État. Le principe de la légalité se compose de deux éléments : le principe de la suprématie de la loi et le principe de l’exigence de la base légale. Le premier signifie que l'autorité doit respecter l’ensemble des normes juridiques ainsi que la hiérarchie des normes. Le second implique que l’autorité ne peut agir que si la loi le lui permet ; son action doit avoir un fondement dans une loi (ATA/928/2021 du 7 septembre 2021 consid. 6a ; ATA/383/2017 du 4 avril 2017 consid. 5a et les références citées).

Le principe de la légalité exige donc que les autorités n'agissent que dans le cadre fixé par la loi. Il implique qu’un acte étatique se fonde sur une base légale matérielle qui est suffisamment précise et qui a été adoptée par l’organe compétent (ATF 141 II 169 consid. 3.1). L'exigence de la densité normative n'est pas absolue, car on ne saurait ordonner au législateur de renoncer totalement à recourir à des notions générales, comportant une part nécessaire d'interprétation. Cela tient à la nature générale et abstraite inhérente à toute règle de droit et à la nécessité qui en découle de laisser aux autorités d'application une certaine marge de manœuvre lors de la concrétisation de la norme. Pour déterminer quel degré de précision on est en droit d'exiger de la loi, il faut tenir compte du cercle de ses destinataires et de la gravité des atteintes qu'elle autorise aux droits fondamentaux (ATF 140 I 381 consid. 4.4 et les références citées ; ATA/928/2021 précité consid. 6a).

b. Selon l'art. 131 LCI, les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI. Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

c. Aux termes de l’art. 6 LCI, la direction des travaux dont l’exécution est soumise à autorisation de construire doit être assurée par un mandataire inscrit au tableau des MPQ, dont les capacités professionnelles correspondent à la nature de l’ouvrage. Demeurent réservées les constructions ou installations d’importance secondaire, qui font l’objet de dispositions spéciales édictées par voie réglementaire (al. 1). Le mandataire commis à la direction des travaux en répond à l’égard de l’autorité jusqu’à réception de l’avis d’extinction de son mandat (al. 2). À défaut de mandataire annoncé ou en cas de cessation de mandat, le département peut interdire l’ouverture du chantier ou ordonner la suspension des travaux (al. 3).

En vertu de l’art. 6 LPAI, le MPQ – reconnu par l’État (art. 1 al. 1 LPAI) – est tenu de faire définir clairement son mandat (al. 1). Il s’acquitte avec soin et diligence des tâches que lui confie son mandant dont il sert au mieux les intérêts légitimes tout en s’attachant à développer, dans l’intérêt général, des réalisations de bonne qualité au titre de la sécurité, de la salubrité, de l’esthétique et de l’environnement (al. 2).

Il résulte de cette dernière disposition que le respect du droit public est l’un des devoirs incombant à l’architecte (Blaise KNAPP, La profession d’architecte en droit public, in Le droit de l’architecte, 3ème éd., 1986, p. 487 ss n. 510).

À teneur de l'art. 1 al. 1 à 3 du règlement d’application de la loi sur l’exercice des professions d’architecte et d’ingénieur du 9 novembre 1983 (RPAI - L 5 40.01), le département dresse et tient à jour le tableau des MPQ. Le tableau distingue différentes catégories, dont les architectes. Seules les personnes inscrites sur le tableau sont autorisées à exercer l’une des professions mentionnées pour les travaux dont l’exécution est soumise à autorisation en vertu de la LCI. Les constructions et installations d’importance secondaire sont réservée.

Pour les architectes, la reconnaissance s’étend à la planification et à la direction des travaux de construction de tous ouvrages, à charge pour eux de veiller, au besoin, que les prestations spécifiques de génie civil, de génie électrique, de génie thermique ou relevant d’autres disciplines soient confiées à des spécialistes (art. 3 al. 2 RPAI).

Selon les travaux préparatoires de la LPAI, sa ratio legis était d’atteindre, par des restrictions appropriées au libre exercice de cette activité économique, un ou plusieurs buts d’intérêt public prépondérants à l’intérêt privé – opposé – des particuliers. Il pouvait s’agir notamment de l’intérêt des autorités compétentes à ce que leurs interlocuteurs, lors de la présentation et de l’instruction de dossiers de demandes d’autorisations de construire, respectivement lors de l’exécution des travaux, soient des personnes qualifiées, contribuant ainsi, d’une manière générale, à une meilleure application de la loi (MGC 1982/IV p. 5204).

Il s’ensuit que les manquements professionnels de l’architecte concernés par la LPAI peuvent aussi être trouvés dans les relations qu’entretient ce dernier avec les autorités administratives, respectivement dans l’exécution scrupuleuse des injonctions qu’elles formulent et, d’une manière générale, dans le respect des règles juridiques du droit de la construction justifiant l’existence même du tableau des architectes habilités (arrêt du Tribunal fédéral 2C_268/2010 du 18 juin 2010
consid. 6 ; ATA/19/2018 du 9 janvier 2018 consid. 4d). La chambre de céans n’a ainsi jamais annulé une amende fondée sur la LCI au motif qu’elle devait être infligée au propriétaire et non à l’architecte (ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/836/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/632/2007 du 11 décembre 2007).

3) a. Selon l'art. 151 let. d LCI, le Conseil d'État fixe par règlement les dispositions relatives à la sécurité et à la prévention des accidents sur les chantiers.

Sur cette base, le Conseil d'État a adopté le RChant.

b. Selon l'art. 1 al. 1 RChant, la prévention des accidents sur les chantiers et les mesures à prendre pour assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs, ainsi que la sécurité du public, des ouvrages et de leurs abords sont réglées par les dispositions du RChant.

Sont tenus de s'y conformer tous les participants à l'acte de construire, démolir, transformer, entretenir, c'est-à-dire toutes les personnes exécutant des travaux se rapportant à l'activité du bâtiment ou du génie civil ainsi que les personnes physiques ou morales employant des travailleurs à cet effet. Il en est de même des personnes chargées de la surveillance des travaux, notamment pour le compte des bureaux d'ingénieurs, d'architectes, des entreprises générales et des coordonnateurs de sécurité et de santé (art. 1 al. 2 RChant).

Selon l’art. 2 RChant, en tant qu’elles ne sont pas déjà incorporées dans son texte, les ordonnances du Conseil fédéral sur la prévention des accidents font partie intégrante du présent règlement (al. 1). Les droits de la caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (CNA) dans le domaine de la prévention des accidents sont réservés (al. 2).

L'art. 3 al. 1 RChant prévoit que le travail doit s'exécuter en prenant, en plus des mesures ordonnées par le présent règlement, toutes les précautions commandées par les circonstances et par les usages de la profession.

Selon l'art. 4 al. 1 RChant, afin d'en permettre le contrôle, aucun chantier ne peut être ouvert et aucun échafaudage ne peut être dressé avant d'avoir été annoncé à la direction de l'inspectorat de la construction sur une formule ad hoc fournie par l'administration.

L’art. 7 al. 1 RChant prescrit que les devis, soumissions, adjudications, plans d’exécution, installations et autres aménagements doivent être étudiés de manière à permettre l’application de toutes les mesures de sécurité et de protection de la santé.

Aux termes de l’art. 8 al. 1 de l’ordonnance sur la sécurité et la protection de la santé des travailleurs dans les travaux de construction du 29 juin 2005 (Ordonnance sur les travaux de construction, OTConst - RS 832.311.141), les postes de travail doivent offrir toute la sécurité voulue et pouvoir être atteints par des passages sûrs.

4) En l’espèce, le TAPI a rappelé toutes les dispositions légales et la jurisprudence topiques, telles que retenues par la chambre de céans dans un ATA/440/2019 du 16 avril 2019 et s’appliquant au cas d’espèce, s’agissant de cerner la responsabilité du MPQ dans le cadre d’une construction.

Lors d'un contrôle effectué sur le site le 14 avril 2021 par l'autorité intimée, il a été constaté que les branchements électriques de nombreux appareils sur le chantier n’étaient pas conformes ; tout comme des gardes-corps ; certains endroits du chantier étaient non protégés et présentaient un risque de chute supérieur à 2 m ; certaines marches d’escalier étaient dangereuses et le chantier était fortement encombré de déchets ; le blindage bois à la base de la sapine était partiellement démonté et le chantier n’était plus correctement clôturé. Les dispositions violées étaient les art. 320 et 327 RChant, 31 RChant et 16 OTConst, 99 RChant et 15
al. 1 OTConst, 8 al. 1 OTConst et 11 RChant.

Ces violations sont objectivement réalisées et au demeurant non contestées, étant relevé que le recourant a cherché à y remédier à bref délai, puisque dans son courrier du 28 avril 2021 au département, il a détaillé les corrections amenées à tous les manquements constatés, outre avoir adressé un rappel aux divers intervenants de leur responsabilité dans la tenue du chantier. Il a de même relevé que la sécurité du chantier et des ouvriers était sa principale préoccupation, ce en quoi il doit être suivi. Cette obligation repose sur des bases légales, à savoir les art. 6 LCI, 6 LIPAI, 3 al. 2 RPAI et 1 al. 1 et 2 RChant.

En vertu de ses obligations de MPQ, il doit être tenu pour responsable des défaillances constatées et ayant amené au prononcé de l’amende litigieuse, quand bien même il aurait, à l’occasion des réunions bi-hebdomadaires de chantier, rappelé à chacun notamment les règles de sécurité devant prévaloir sur le chantier. Ainsi, en sa qualité de MPQ, il devait s’assurer que lesdites règles étaient concrètement appliquées tout du long du chantier, fût-ce pendant 36 mois et alors que nombre d’entreprises et d’ouvriers y auraient œuvré. Ces circonstances devaient au contraire l’amener à davantage de vigilance.

L'amende querellée est ainsi fondée dans son principe.

5) Le recourant conteste aussi le montant de l’amende.

a. Selon l'art. 334 RChant, tout contrevenant aux dispositions du RChant est passible des peines prévues par la LCI (ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7a).

b. Aux termes de l'art. 137 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la LCI, aux règlements et aux arrêtés édictés en vertu de ladite loi, ainsi qu'aux ordres donnés par le département dans les limites de ladite loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (al. 1). Le montant maximum de l'amende est de CHF 20'000.- lorsqu'une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (al. 2). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive et l'établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d'une attestation, au sens de l'art. 7 LCI, non conforme à la réalité (al. 3). La poursuite et la sanction administrative se prescrivent par 7 ans (al. 5).

c. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/159/2021 du 9 février 2021 consid. 7b).

d. En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 du 16 avril 2019 consid. 5c et les références citées).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès ou d'abus. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/440/2019 précité consid. 5c et les références citées).

L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/440/2019 précité consid. 5c et les références citées).

e. S'agissant de la quotité de l'amende, la jurisprudence de la chambre de céans précise que le département jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour en fixer le montant. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de la proportionnalité (ATA/159/2021 du 9 février 2021 consid. 8a et les arrêts cités).

f. En l'espèce, le montant de CHF 5'000.- se situe dans le bas de la fourchette autorisée par la loi, à savoir dans le cas présent un plafond de CHF 150'000.-.

Comme retenu à juste titre par le département et le TAPI, la faute du recourant, qui ne pouvait ignorer les dispositions applicables du fait de son domaine d'activités, est importante, dans la mesure où ce ne sont pas moins de six manquements qui ont été relevés lors du passage de l’inspecteur le 14 avril 2021. Son comportement aurait pu avoir de très graves conséquences, comme la chute des ouvriers présents sur le chantier, avec pour risque un grave traumatisme, voire la mort. Or, les dispositions pour y pallier n'étaient en particulier pour une telle entreprise, nullement difficiles à prendre.

Ainsi, le montant de l'amende est apte à atteindre le but d'intérêt public poursuivi quant au respect des règles de sécurité établies en matière d'aménagement du territoire et des constructions et surtout de protection de la santé et de la vie des ouvriers. Il est également nécessaire, car il n'y a pas de mesure moins incisive qui permettrait d'atteindre le même but, le recourant persistant par ailleurs à sa propre responsabilité et cherchant, en vain, à minimiser sa faute par l’absence de survenance d’accidents.

Le montant de CHF 5'000.- tient compte des circonstances du cas d'espèce, de la gravité de l'infraction et de l’absence d’antécédents. Il n'apparaît pas disproportionné eu égard du montant maximum qui aurait pu être prononcé. Pour le surplus, le recourant ne se prévaut ni a fortiori n’allègue des difficultés financières.

Ainsi, en fixant le montant de l’amende à CHF 5'000.-, l’autorité intimée n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation.

Enfin, cette amende repose sur une base légale distincte de celle pouvant être infligée par la chambre des architectes et des ingénieurs sur la base de
l’art. 13 LPAI. Le droit d’être entendu du recourant a été respecté tant dans la procédure non contentieuse que contentieuse, y compris quant aux critères ayant amené l’autorité intimée à fixer, puis le TAPI à confirmer, le montant de l’amende.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 novembre 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 septembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, au département du territoire-OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :