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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1795/2024

JTAPI/501/2025 du 13.05.2025 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : RETRAIT DE SÉCURITÉ;CAPACITÉ DE CONDUIRE;EXPERTISE PSYCHOLOGIQUE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;MOTIVATION SOMMAIRE;MOTIVATION DE LA DÉCISION
Normes : Cst; LCR.14.al1; LCR.16d.al1.leta
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1795/2024 LCR

JTAPI/501/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 13 mai 2025

 

dans la cause

 

 

Monsieur A______, représenté par Me Daniel KINZER, avocat, avec élection de domicile

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1984, est titulaire d’un permis de conduire suisse pour les véhicules à moteur du premier groupe, qu’il a obtenu en 2002.

2.             Par décision du 24 avril 2023, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a retiré le permis de conduire de M. A______ à titre préventif et a ordonné qu’une expertise visant à évaluer son aptitude à la conduite des véhicules à moteur soit réalisée par un psychologue du trafic, fondant cette décision sur six dépassements graves de la vitesse autorisée commis entre le 17 janvier 2022 et le 23 janvier 2023, et sur le fait d’avoir manipulé à plusieurs reprises son téléphone en conduisant, entre le 19 mars 2022 et le 19 février 2023.

3.             Par rapport d’expertise du 12 février 2024, l’Unité de médecine et psychologie du trafic a conclu à l'inaptitude de M. A______ à la conduite des véhicules à moteur. Le rapport relevait une réflexion insuffisante de M. A______ concernant les causes personnelles à l’origine de son comportement problématique sur la route, des difficultés à se remettre en question, une sous-estimation et une banalisation de la gravité et des risques induits par ses propres comportements, ainsi que des changements et stratégies à développer et mettre en place de manière plus concrète. Avant toute restitution du droit de conduire, M. A______ devrait effectuer un suivi psychothérapeutique et passer une nouvelle expertise auprès d’un spécialiste.

4.             Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 24 avril 2024, prise en application de l’art. 16d de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), l’OCV a prononcé le retrait du permis de conduire de M. A______ pour une durée indéterminée. La levée de cette mesure était subordonnée à la présentation d’un nouveau rapport d’expertise établi par un psychologue du trafic, lequel devrait se déterminer favorablement quant à son aptitude à la conduite.

5.             Par acte du 27 mai 2024, sous la plume de son conseil, M. A______ a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à la restitution de son permis de conduire.

Il indiquait s’être soumis à l’expertise psychologique ordonnée par l’OCV et remplir les conditions pour satisfaire à un préavis favorable. Il reconnaissait les infractions qui lui étaient reprochées et les regrettait sincèrement. Il comprenait la gravité de ses actes et les risques qu’il avait fait courir aux autres usagers de la route. Il précisait n’avoir jamais eu d’accident de la route et n’avoir jamais eu à faire à la police. Il expliquait que les infractions commises étaient liées à une période difficile de sa vie, notamment la séparation d’avec sa compagne, avec laquelle il avait deux enfants. Il expliquait que c’était d’ailleurs une des raisons pour lesquelles il avait fait usage de son téléphone au volant, pour appeler l’école de ses enfants afin de les informer de son retard.

Il dirigeait une société de 150 employés. Il devait être constamment joignable, cela lui causait du stress et le poussait à commettre des erreurs d’inattention sur la route.

Il avait mis en place un nouveau bureau chez lui, de sorte à pouvoir voir en temps réel l’état des livraisons et consulter ses mails avant et après le travail, il avait trouvé une solution de garde pour ses enfants après l’école, afin de ne plus avoir besoin de se dépêcher pour aller les chercher et il avait embauché un chauffeur pour ses déplacements professionnels, afin de pouvoir librement utiliser son téléphone portable durant les trajets en voiture.

Il indiquait être disposé à effectuer des séances de suivi auprès d’un psychothérapeute ainsi qu’un travail de réflexion approfondi sur les risques et les responsabilités qu’impliquait la conduite d’un véhicule à moteur. Il était en somme ouvert à toute mesure qui lui serait proposée ou imposée. Il précisait enfin que l’expertise mentionnait que ses capacités cognitives étaient suffisantes pour la conduite de véhicules à moteur de premier groupe.

Il invoquait la violation du droit d’être entendu et la violation des critères d’évaluation. Il relevait que la décision litigieuse, qui prétendait formellement avoir pris note de ses observations, n’était pas motivée et se limitait à indiquer que son permis lui était retiré pour des raisons de sécurité et pour une durée indéterminée. Elle ne faisait pas mention des critères d’évaluation permettant de rendre un préavis favorable ou non. Le recourant ignorait donc si les autres critères, mis à part celui relatif aux capacités cognitives, étaient remplis. De même, l’autorité n’indiquait pas dans sa décision quelles conditions de l’art. 14 al. 2 et 3 LCR n’étaient pas remplies. Enfin, l’expertise ne tenait pas compte de sa prise de conscience, du fait qu’il avait identifié les causes de ses comportements et du fait qu’il avait pris des dispositions favorables. Par ailleurs, l’expertise relevait qu’il disposait à priori des capacités cognitives nécessaires à la conduite de véhicules.

6.             Dans ses observations du 25 juillet 2024, l’OCV a indiqué que la décision avait été prise en suivant les conclusions du rapport d’expertise de l’Unité de médecine et psychologie du trafic du 12 février 2024, soit une réflexion insuffisante de M. A______ concernant les causes personnelles à l’origine de son comportement problématique sur la route, des difficultés à se remettre en question, une sous-estimation et une banalisation de la gravité et des risques induits par ses propres comportements, ainsi que des changements et stratégies à développer et mettre en place de manière plus concrète. M. A______ devait respecter certaines conditions avant toute levée de cette mesure.

S’agissant du droit d’être entendu, l’OCV avait suffisamment motivé sa décision, puisqu’il y mentionnait, même brièvement, les motifs qui l’avaient guidé et sur lesquels il avait fondé sa décision, ainsi que les bases légales, ce qui permettait au recourant, selon la jurisprudence, de se rendre compte de la portée de la décision et de l’attaquer en connaissance de cause. De surcroît, le recourant était assisté d’un conseil juridique, il ne pouvait dès lors pas, de bonne foi, invoquer cet argument.

S’agissant de la prétendue violation des critères d’évaluation, le rapport d’expertise avait été établi par des praticiens spécialisés et tenait compte des nombreuses pièces et déclarations de l’intéressé. L’expertise apparaissait dès lors conforme aux exigences en la matière.

Il fallait enfin relever l’attitude contradictoire du recourant, celui-ci invoquant une violation des critères d’évaluation, tout en indiquant comprendre les risques de son comportement et être prêt à effectuer des séances de suivi psychologique.

L’OCV concluait au maintien des termes de sa décision et au rejet du recours, frais et dépens à la charge du recourant.

7.             Dans sa réplique du 20 août 2024, M. A______ a relevé que c’était à tort que l’OCV considérait avoir suffisamment motivé sa décision. Il indiquait que les éléments apportés par l’OCV ne lui permettaient pas de comprendre les motifs ayant guidé l’autorité et fondé sa décision, ce qui l’empêchait de se rendre compte de la portée de la décision. L’OCV ne s’était pas prononcé sur les questions décisives, soit les critères d’évaluation, puisque la décision querellée ne mentionnait que les bases légales, ce qui n’était pas suffisant. Dès lors, le recourant était dans l’impossibilité de travailler sur ses points faibles, puisqu’il ignorait quels critères d’évaluation étaient remplis ou non. Il maintenait cependant le fait qu’il remplissait tous les critères d’évaluation.

Le recourant relevait encore que l’OCV n’avait à aucun moment pris en compte ses observations. L’autorité intimée aurait dû, sur la base de l’expertise, indiquer précisément dans sa décision quels critères n’étaient pas remplis et ne pas simplement reprendre la conclusion du rapport, soit que M. A______ serait inapte à la conduite des véhicules à moteur. Il maintenait que l’OCV avait rendu sa décision en violation des critères d’évaluation.

8.             Dans sa duplique du 4 septembre 2024, l’OCV a persisté dans ses conclusions, soit le maintien des termes de sa décision et le rejet du recours, frais et dépens à la charge du recourant.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Le recourant se plaint tout d'abord d'une violation de son droit d'être entendu sous l'angle du devoir des autorités de motiver leurs décisions.

4.             Garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références). Il inclut notamment le droit, pour le justiciable, de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

Il implique aussi, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision (cf. art. 46 al. 1 LPA). Selon la jurisprudence, il suffit que celle-ci mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que son destinataire puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties ; elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision. La motivation est ainsi suffisante lorsque le destinataire de la décision est en mesure de se rendre compte de la portée de cette dernière, d'en comprendre les raisons et de la déférer à l'instance supérieure en connaissance de cause. En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 139 IV 179 consid. 2.2 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; cf. aussi ATA/967/2016 du 15 novembre 2016 consid. 2b). L'autorité peut donc passer sous silence ce qui, sans arbitraire, lui paraît à l'évidence non établi ou sans pertinence et il n'y a violation du droit d'être entendu que si elle ne satisfait pas à son devoir minimum d'examiner les problèmes pertinents (cf. ATF 135 III 670 consid. 3.3.1 ; 133 III 235 consid. 5.2 ; 129 I 232 consid. 3.2 ; 126 I 97 consid. 2b et les références citées ; cf. également ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 83 consid. 4.1).

5.             En l'espèce, le recourant considère que le défaut de motivation de la décision litigieuse résulte du fait qu'elle se limite à indiquer que son permis de conduire est retiré en raison de son inaptitude à la conduite des véhicules à moteur constatée par le rapport d'expertise du 12 février 2024, qu'elle n'évoque pas les critères d'évaluation permettant de déterminer si un préavis favorable ou défavorable d'aptitude devait être rendu, et enfin ne se positionne pas sur les arguments qu'il avait substantiellement exposés avant que cette décision ne soit rendue.

Ces critiques doivent toutefois être écartées. En effet, les critères d'évaluation de l'aptitude à la conduite, que le recourant évoque sur le fond, doivent être examinés par l'expert, qui a seul les compétences professionnelles nécessaires pour cela, et non par l'autorité compétente pour prononcer le retrait du permis de conduire. Sur la base d'une expertise de psychologie du trafic, dite autorité est liée par ses conclusions et ne peut s'en écarter que si elle a de sérieux motifs de le faire (ATF 142 IV 49 consid. 2.1.3 ; 140 II 334 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C 139/2023 précité consid. 3.1 ; 1C_294/2018 du 21 septembre 2018 consid. 5.1). Il en résulte que la discussion sur les critères d'évaluation doit porter sur le caractère convaincant ou non de l'expertise elle-même. La décision de retrait du permis de conduire ne peut quant à elle que renvoyer à l'expertise pour ce qui concerne les motifs relatifs à l'inaptitude à la conduite, et il n'est à cet égard ni utile ni nécessaire, sous l'angle de la motivation de la décision, de paraphraser l'expertise.

Par ailleurs, si l'on peut certes regretter que la décision litigieuse mentionne simplement que l'autorité intimée a pris note des observations du recourant, sans aucunement expliquer en quoi elles ne lui ont pas parues convaincantes, cette manière de faire respecte néanmoins l'obligation de motivation de la décision selon les principes qui ont été rappelés plus haut. L'autorité peut en effet passer sous silence ce qui, sans arbitraire, lui paraît à l'évidence sans pertinence. Bien que cela puisse être frustrant pour le recourant, on peut implicitement en inférer que dans le cas d'espèce, l'autorité intimée a considéré ses observations comme non pertinentes, ce qui, comme on le verra ci-après, s'avère effectivement être le cas.

6.             Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu de retenir l'existence d'une violation du droit d'être entendu du recourant et ce grief devra être écarté.

7.             S'agissant du fond du litige, il faut rappeler en préambule que le rapport d'expertise doit se fonder sur des examens complets, avoir été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, être clair sur la description du contexte médical et sur l'appréciation de la situation médicale et aboutir à des conclusions dûment motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 125 V 351 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 1C 139/2023 précité consid. 3.1 ; 1C_152/2019 du 26 juin 2019 consid. 3.1). Dans le cas d'espèce, le recourant n'allègue pas que l'expertise ne remplirait pas l'une ou l'autre de ces conditions, ni même, de manière générale, qu'il y aurait lieu de douter de sa pertinence. En particulier, il ne critique ni la manière dont l'entretien psychologique s'est déroulé, pas plus que les sujets qui ont été abordés, ni la cohérence de la discussion à laquelle se sont livrés les experts. Il cherche plutôt à démontrer que l'expertise n'exclurait pas, voire reconnaîtrait, que les critères d'évaluation de l'aptitude à la conduite seraient remplis dans son cas. Cela étant, il ne conteste pas qu'un retrait de sécurité du permis de conduire, tel que celui prononcé par la décision litigieuse, constitue la conséquence juridique nécessaire d'un constat d'inaptitude à la conduite.

8.             A cet égard, le tribunal rappellera à toutes fins utiles qu selon l'art. 14 al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l’aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite. Est apte à la conduite, aux termes de l'art. 14 al. 2 LCR, celui qui a atteint l’âge minimal requis (let. a), a les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b), ne souffre d’aucune dépendance qui l’empêche de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. c) et dont les antécédents attestent qu’il respecte les règles en vigueur ainsi que les autres usagers de la route (let. d).

Aux termes de l'art. 16d al. 1 let. a LCR, le permis d’élève conducteur ou le permis de conduire est retiré pour une durée indéterminée à la personne dont les aptitudes physiques et psychiques ne lui permettent pas ou plus de conduire avec sûreté un véhicule automobile. Si un retrait est prononcé en vertu de l’al. 1 à la place d’un retrait prononcé en vertu des art. 16a à 16c, il est assorti d’un délai d’attente qui va jusqu’à l’expiration de la durée minimale du retrait prévue pour l’infraction commise.

Cette mesure constitue un retrait de sécurité (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; 122 II 359 consid. 1a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.2 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1 ; 1C_384/2011 du 7 février 2012 consid. 2.3.1), en ce sens qu'elle ne tend pas à réprimer et ne supposent pas la commission d'une infraction fautive à une règle de la circulation, mais est destinée à protéger la sécurité du trafic contre les conducteurs inaptes (cf. not. ATF 133 II 331 consid. 9.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_819/2013 du 25 novembre 2013 consid. 2 ; 6A.33/2001 et 35/2001 du 30 mai 2001 consid. 3a ; 6A.114/2000 du 20 février 2001 consid. 2).

9.             En l'espèce, le recourant passe en revue les critères d'évaluation rappelés en p. 4 du rapport d'expertise, à savoir (1) la prise de conscience et le fait d'assumer ses responsabilités, (2) l'identification des causes personnelles du comportement problématique, (3) la modification favorable et significative de ces causes ou la mise en place de stratégies adaptatives et enfin (4) les capacités cognitives. Le recourant affirme que selon l'expertise, les critères 1 et 4 sont satisfaits, tandis que les critères 2 et 3 n'auraient pas été clairement abordés ; il se charge dès lors d'expliquer lui-même en quoi ces deux critères seraient satisfaits.

10.         Le tribunal a pour sa part une toute autre lecture de l'expertise. Tout d'abord, il faut souligner le caractère extrêmement détaillé de l'entretien psychologique sur lequel, entre autres, elle se fonde, de même que de la discussion scientifique développée sur près de trois pages au terme du rapport d'expertise.

Certes, il apparaît clairement que les experts ont admis que le recourant disposait des capacités cognitives nécessaires pour la conduite des véhicules à moteur, raison pour laquelle il n'a pas été soumis à des tests spécifiques. Ce point est mis en exergue juste avant la discussion (p. 12 du rapport d'expertise) et confirmé au terme de cette dernière (p. 14 in fine).

11.         En revanche, s'agissant des autres critères d'évaluation, l'appréciation des experts est très différente de l'interprétation qu'en fait le recourant.

12.         S'agissant du critère relatif à la prise de conscience et des responsabilités, ce dernier relève notamment qu'il a été particulièrement choqué lors de la descente de police sur son lieu de travail, événement humiliant et traumatisant qui lui a fait réaliser la gravité de ses actes. Il ajoute que les experts ont retenu qu'il assumait globalement la responsabilité des faits retenus à son encontre. Par conséquent, ce critère devrait être considéré comme rempli.

Certes, le rapport d'expertise relève que le recourant « assume globalement la responsabilité des faits retenus à son encontre » (p. 12 in fine), mais c'est au terme d'une discussion qui relève néanmoins que ses explications manquent parfois de cohérence (par exemple sur des infractions qu'il attribue à de l'inattention involontaire, alors qu'il a été contrôlé pour environ 200 excès de vitesse au total, ou lorsqu'il semble tenter de faire porter la responsabilité d'une partie de ses infractions les plus graves à un tiers). Cela étant, les experts parviennent à la conclusion que le recourant « fait preuve d'une conscience des risques superficielle, avec une tendance à banaliser la gravité de ses excès de vitesse ainsi que leur dangerosité » (rapport d'expertise p. 14 in fine). En effet, toute la seconde moitié de la p. 13 du rapport d'expertise et les deux premiers paragraphes de la p. 14, se rapportent de manière détaillée aux difficultés témoignées par le recourant par rapport à la conscience des risques qu'il fait encourir aux autres usagers de la route. Par conséquent, la conclusion des experts s'agissant de ce premier critère d'évaluation est clairement négative.

13.         S'agissant du critère relatif à l'identification des causes, le recourant considère que les experts ne se sont pas déterminés, mais que les éléments décrits dans le rapport d'expertise conduisent à l'admission de cette condition. Il rappelle qu'il vivait, au moment de la commission des infractions, une période compliquée. Suite à sa séparation, il avait été contraint de devoir déménager et de réorganiser sa vie afin d'assurer la garde de ses enfants une semaine sur deux. Il avait de plus racheté une société à la fin de l'année 2021 et devait à cet égard rester joignable de jour comme de nuit pour ses employés et ses fournisseurs. Soucieux d'assurer la réussite et l'expansion de sa société, il avait vécu une période très stressante en ayant toujours besoin de vérifier que tout était en ordre. Ces circonstances l'avaient poussé à ne pas porter suffisamment d'attention à la route.

Contrairement à ce que soutient le recourant, les experts se sont expressément penchés sur sa capacité à identifier les causes de son comportement, relevant qu'il était parvenu « progressivement, au fil de l'entretien et des confrontations de l'experte, à identifier certaines causes à ses infractions » (rapport d'expertise, p. 13 ab initio). La suite illustre précisément le fait que le recourant n'est pas en mesure d'élaborer de lui-même une réflexion cohérente à ce sujet, et que certains aspects de son comportement, qu'il n'avait jusque-là pas pris en considération, lui demeurent inexplicables (p. ex. le fait de n'avoir pas fait réparer le haut-parleur téléphonique de sa voiture, ou le fait de n'avoir pas changé son comportement après les premières amendes, alors qu'il dit à la fois ne pas se « foutre » des lois et être conscient des risques liés à la vitesse et à l'usage du téléphone au volant). Dans ces conditions, la conclusion à laquelle arrivent les experts, en retenant que le recourant « ne parvient pas exposer les causes intrinsèques de ses comportements » (rapport d'expertise p. 14 in fine), ne permet certainement pas de considérer que le recourant les a identifiées. Les explications qu'il donne à cet égard dans le cadre de son recours ignorent d'ailleurs, une nouvelle fois, les aspects sur lesquels il n'avait pas été en mesure de s'expliquer durant l'entretien d'expertise.

14.         Enfin, s'agissant du critère relatif à la modification favorable et significative des causes, le recourant ne se détermine pas sur le contenu du rapport d'expertise, mais expose les mesures qu'il a prises pour éviter de nouvelles infractions.

Ces mêmes mesures sont mentionnées dans le rapport d'expertise (p. 14, 5ème §), mais sont suivies de différentes considérations critiques sur les limites qu'elles impliquent, voire sur la contradiction dans laquelle cela peut placer le recourant par rapport à d'autres de ses préoccupations. La conclusion à laquelle parviennent dès lors les experts est que « les changements et stratégies qu'il évoque sont récents et peu développés » (rapport d'expertise, p. 14, 3ème § avant la fin).

15.         Au vu de ce qui précède, ce sont trois des quatre critères d'évaluation de l'aptitude à la conduite qui ont été considérés comme non réalisés par les experts, d'où la conclusion à laquelle ils sont parvenus au sujet de son inaptitude à la conduite des véhicules à moteur du premier groupe sur le plan psychologique.

16.         Dans ces conditions, le recours s'avère infondé et devra être rejeté.

17.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 800.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 27 mai 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 24 avril 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 800.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 500.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière