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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1263/2025

JTAPI/390/2025 du 10.04.2025 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.76.al1.letb.ch1; LEI.75.al1.letc; LEI.75.al1.letg
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1263/2025 MC

JTAPI/390/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 10 avril 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Mirolub VOUTOV, avocat

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Le 8 avril 2025, Monsieur A______, né le ______ 1992, originaire de Ghana (alias B______, né le ______ 1987, Guinée/Côte d'Ivoire), en possession d'un passeport national et d'une autorisation de séjour espagnole valables, a été appréhendé par les services de police genevois après avoir été observé prendre contact avec un toxicomane dans le quartier de la C______. Ce dernier, interpellé peu de temps après la transaction, a remis aux forces de l'ordre une boulette de cocaïne d'un poids brut de 1 gr qu'il a déclaré avoir achetée peu de temps avant à M. A______ en échange de CHF 90.-. Le toxicomane a, à la même occasion, mis en cause M. A______ pour la vente, à deux reprises, de 3 gr bruts de cocaïne en échange de CHF 300.-.

2.             La fouille de sécurité opérée sur M. A______ a permis de découvrir un sachet contenant plusieurs boulettes de cocaïne d'un poids brut de 17.4 gr, un smartphone IPhone (non signalé volé), CHF 249.70, et EUR 0.28.

3.             Entendu dans les locaux de la police, M. A______ a reconnu la vente de cocaïne de ce jour mais a nié avoir vendu au toxicomane dans le passé des stupéfiants. Il a expliqué avoir agi sur instruction d'une personne tierce nommée D______, qui lui avait également remis un sachet rempli de boulettes. Il espérait gagner ainsi un peu d'argent. Il vendait occasionnellement de la drogue. D______ lui avait remis la bouette vendue.

S'agissant de sa situation personnelle, M. A______ a déclaré qu'il était en Suisse depuis quatre semaines pour voir s’il y avait une possibilité d’y travailler. Il résidait en Espagne et comptait y retourner la semaine prochaine. Il dormait par-ci par-là, ayant dormi la nuit dernière chez des amis à E______.

4.             Prévenu d'infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (RS 812.121) (trafic de cocaïne), il a été mis à disposition du Ministère public sur ordre du commissaire de police.

5.             Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 9 avril 2025, dûment notifiée, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse de M. A______, en application de l’art. 64 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), et a chargé les services de police de procéder à l’exécution de cette mesure dès sa remise en liberté.

6.             Par ordonnance pénale du 9 avril 2025, le Ministère public a condamné l’intéressé pour les faits ayant mené à son arrestation.

7.             Le même jour, M. A______ a été libéré par les autorités pénales et remis aux services de police.

8.             Toujours le 9 avril 2025, les services de police ont soumis au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) une demande pour l'intéressé selon les modalités de l'Accord du 17 novembre 2003 entre la Confédération suisse et le Royaume d’Espagne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière (RS 0.142.113.329).

9.             Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, l'intéressé a fait l'objet, le 12 juin 2012, d'une condamnation par le Tribunal correctionnel de Genève à une peine privative de liberté de 2 ans et 6 mois pour infraction à l'art. 19 al. 2 LSup. Il sied de préciser qu'après la fin de cette détention pénale, l'intéressé a été placé, le 19 juillet 2014, en détention administrative par le commissaire de police et renvoyé en Guinée le 13 mars 2015, détention examinée, pour la dernière fois, par jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 février 2015 (ci-après : le tribunal) (JTAPI/198/2015).

10.         Le 9 avril 2025, à 17h16, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée d'un mois, en application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. g LEI.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu’il était d’accord de retourner en Espagne.

Selon le procès-verbal d’audition, la détention pour des motifs de droit des étrangers avait débuté le même jour à 17h00.

11.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au tribunal le même jour.

12.         Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a déclaré qu’il était d'accord d'être renvoyé en Espagne. Il a confirmé avoir été renvoyé en Guinée au terme de sa détention administrative effectuée en 2015. Il vivait en Espagne depuis environ dix ans. Il était arrivé à Genève il y avait trois-quatre semaines en touriste et la vente et la détention de stupéfiants étaient « une bêtise ».

La représentante du commissaire de police a indiqué qu’ils avaient envoyé hier au SEM un formulaire en vue de demander la réadmission par les autorités espagnoles de l'intéressé, dont la réponse devrait intervenir dans les 24 heures après que lesdites autorités espagnoles eussent été saisies. Une fois l'accord obtenu, ils avaient un délai d'annonce de trois jours ouvrables à respecter. Dès lors, il faudrait compter une semaine pour que le renvoi puisse être réalisé. Sur question du conseil de
M. A______, elle a confirmé que le dossier de M. A______ allait être transmis au SEM ou l'avait déjà été, suite à leur décision du 9 avril 2025 en vue du prononcé d'une interdiction d'entrée en Suisse, laquelle devrait lui être notifiée avant le renvoi de M. A______. Elle a plaidé et demandé la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative, tant sur son principe que sur sa durée, prononcé à l’encontre de M. A______ le 9 avril 2025 pour une durée d’un mois.

Le conseil de M. A______ a plaidé et conclu à ce que la durée de la détention n'excède pas un mois.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 9 avril 2025 à 17h00.

3.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

4.             À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 g LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment, si elle menace sérieusement d'autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l'objet d'une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif, étant précisé que de jurisprudence constante, la participation à un trafic de stupéfiant comme de l'héroïne ou de la cocaïne constitue une menace pour les tiers et une grave mise en danger de leur vie ou de leur intégrité (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012; ATA/185/2008 du 15 avril 2008 et les arrêts cités).

5.             Comme la loi exige une menace sérieuse ou une mise en danger grave de la vie ou de l'intégrité corporelle d'autres personnes, il faut que le comportement répréhensible revête une certaine intensité. Les infractions, y compris en relation avec les stupéfiants, qui apparaissent comme des cas bagatelles ne suffisent pas (arrêts du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012 consid. 4.3 ; 2A.35/2000 du 10 février 2000 consid. 2b/bb ; 2A.450/1995 du 3 novembre 1995 consid. 5a). Enfin, comme la disposition est tournée vers le futur et tend à empêcher que l'étranger continue son comportement dangereux, il faut en outre faire un pronostic pour déterminer si, sur la base des circonstances connues, il existe un risque sérieux que d'autres mises en danger graves se reproduisent (arrêts du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012 consid. 4.3 ; 2A.480/2003 du 26 août 2004 consid. 3.1 et les nombreuses références citées).

6.             Un tel pronostic s'impose tout particulièrement en matière de stupéfiants, lorsqu'une procédure pénale a démontré que l'étranger s'est livré à un trafic de drogues dures, mais qui ne portait que sur de faibles quantités ; dans un tel cas de figure, il faut se demander s'il s'agit seulement d'un comportement coupable isolé ou s'il existe un risque que l'intéressé poursuive son trafic. En effet, la détention en phase préparatoire n'est pas d'emblée exclue en présence de petits trafiquants, s'ils présentent un risque de récidive (arrêts du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012 consid. 4.3 ; 2A.480/2003 du 26 août 2004 consid. 3.5). Il est fréquent que les petits revendeurs ne soient jamais en possession d'une grande quantité de stupéfiants, ce qui ne les empêche pas de procéder constamment à du trafic, de sorte qu'en peu de temps, ils parviennent à écouler une grande quantité de drogue. Or, un tel comportement constitue une mise en danger grave de la vie ou de l'intégrité corporelle des personnes permettant de justifier une détention en phase préparatoire (cf. ATF 125 II 369 consid. 3b/bb ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012 consid. 4.3 ; 2A.35/2000 du 10 février 2000 consid. 2b/bb ; 2A.450/1995 du 3 novembre 1995 consid. 5b). En revanche, celui qui n'a agi que de manière isolée avec une petite quantité de stupéfiants ne représente pas encore un danger grave pour la vie ou l'intégrité corporelle d'autres personnes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012 consid. 4.3 ; 2A.480/2003 du 26 août 2004 consid. 3.1 in fine ; 2A.35/2000 du 10 février 2000 consid. 2b/bb; 2A.450/1995 du 3 novembre 1995 consid. 3b).

7.             Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

8.             Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Elle doit non seulement apparaître proportionnée dans sa durée, envisagée dans son ensemble (ATF 145 II 313 consid. 3.5 ; 140 II 409 consid. 2.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1), mais il convient également d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si elle constitue une mesure appropriée et nécessaire en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 143 I 147 consid. 3.1 ; 142 I 135 consid. 4.1 ; 134 I 92 consid. 2.3, 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.4 ; 2C_263/2019 du 27 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).

9.             Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a et les références citées).

10.         En l’espèce, M. A______ fait l’objet d’une décision de renvoi prononcée par l’OCPM le 9 avril 2025. Il a été condamné pour infraction à la LStup en raison de son implication dans un trafic de cocaïne, soit une drogue « dure ». Bien que l’intéressé indique avoir simplement fait « une bêtise » en vendant de la drogue, il apparait évident, vu sa situation, qu’il a perçu dans le trafic de stupéfiants le moyen facile de se procurer de l’argent – étant démuni de tout moyen de subsistance - et que, s’il était remis en liberté il poursuivrait sans nul doute cette activité délictueuse.

Par ailleurs, l’assurance de son départ répond à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où il devra monter à bord du vol devant le ramener en Espagne, ne disposant d’aucune attache ni lieu de résidence à Genève et en Suisse.

Les conditions légales de sa détention sont donc remplies.

Les autorités ont agi avec diligence et célérité dès lors qu’elles ont immédiatement entrepris les démarches en vue d’obtenir de la part des autorités espagnoles leur accord pour la réadmission de l’intéressé en Espagne.

Enfin, la durée de la détention sollicité d’un mois respecte pleinement le cadre légal de l’art. 79 LEI et parait proportionnée eut égard aux démarches encore à effectuer avant la finalisation du renvoi de l’intéressé.

11.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée d’un mois.

12.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 9 avril 2025 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée d’un mois, soit jusqu'au 8 mai 2025 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière