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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/553/2025

JTAPI/249/2025 du 07.03.2025 ( MC ) , REJETE

Descripteurs : INTERDICTION DE PÉNÉTRER DANS UNE ZONE
Normes : LEI.74
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/553/2025 MC

JTAPI/249/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 7 mars 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Géraldine VONMOOS, avocate, avec élection de domicile

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


EN FAIT

1.            Monsieur A______, né le ______ 1998, est originaire de Gambie.

2.            Selon son casier judiciaire, l'intéressé a fait l'objet en Suisse, depuis 2017, de huit condamnations par les instances pénales, principalement pour des infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), mais également pour délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121).

3.            Le 30 janvier 2025, les services de police genevois ont arrêté l'intéressé dans le secteur de la Coulouvrenière après que celui-ci eut vendu un sachet "minigrip" contenant 2,7 grammes de marijuana à une autre personne en échange de CHF 50.- .

4.            Il a été condamné pour ce motif par ordonnance pénale du Ministère public du 31 janvier 2025, nonobstant ses dénégations à la police lors de son audition le jour même.

5.            Le 13 février 2025, M. A______, en possession d'une carte italienne et d'un passeport national valables, a été interpellé au Quai des Forces-Motrices 16, 1204 Genève, en exécution d'un ordre d'arrestation provisoire, après qu'il eut été reconnu comme la personne ayant vendu, le 10 janvier 2025, sur le secteur de la Coulouvrenière, 2 pilules d'ecstasy à une autre personne.

6.            Conduit dans les locaux de la police, M. A______ s'est refusé à toute déclaration hors la présence de son avocate.

7.            Prévenu d’infractions à la LStup (trafic de stupéfiants), et à la LEI (séjour illégal), M. A______ a été mis à disposition du Ministère public sur ordre du commissaire de police.

8.            Le 14 février 2025, l’intéressé a été condamné, par ordonnance pénale du Ministère public, en référence aux éléments de son arrestation.

9.            Le 14 février 2025, en application de l'art. 74 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), le commissaire de police a prononcé à l'encontre de M. A______ une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée (interdiction d'accès au canton de Genève) pour une durée de douze mois.

10.        M. A______ a formé opposition le 18 février 2025, par l'intermédiaire de son conseil, contre cette décision devant le commissaire de police.

11.        Lors de l'audience tenue par le tribunal le 6 mars 2025, M. A______ a déclaré que la raison pour laquelle il s'opposait à la mesure d'éloignement, c'était que la police l'accusait à tort d'avoir vendu deux pilules d'ecstasy, alors que ce n'était pas lui. Son permis de séjour italien était échu le 12 décembre 2024 et il était donc en Italie le 10 janvier 2025 pour le renouveler. Il avait en Italie de nombreux documents qui prouvaient sa présence à cette date dans ce pays. Sur question du tribunal de savoir quels étaient ses liens avec le canton de Genève, il a expliqué qu'il séjournait à B______(France). Il habitait principalement en Italie et n'était plus revenu à B______(France) depuis 2020. Il y était arrivé le 29 janvier 2025 afin de rendre visite à son frère, avec l'idée d'y rester entre une quinzaine de jours et un mois, mais il était resté depuis lors pour pouvoir participer aux procédures pénales. Il précisait qu'il vivait à C______(Italie), ce qui empêchait de faire des allers-retours. Il n'avait pas de famille dans le canton de Genève. Sur question du représentant du commissaire de police de savoir comment il subvenait à ses besoins lors de ses séjours à B______(France), il a expliqué qu'il y venait avec ses économies.

Sur question du tribunal, le conseil de M. A______ a confirmé que les deux ordonnances pénales rendues cette année par le Ministère public avaient fait l'objet d'oppositions de la part de M. A______ et que les procédures pénales étaient donc en cours auprès du Ministère public. Pour ce qui concernait la transaction de drogue qui aurait eu lieu le 10 janvier 2025, elle était contestée au motif que M. A______ lui avait dit être en mesure de prouver qu'il se trouvait à cette date en Italie. La confrontation avec les acheteurs des deux transactions était également demandée.

Le représentant du commissaire de police a conclu au rejet de l'opposition et à la confirmation de l'interdiction pour une durée de douze mois.

L'intéressé, par l'intermédiaire de son conseil, a conclu principalement à la réduction de la durée de la mesure.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner sur opposition la légalité et l’adéquation de l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prononcée par le commissaire de police à l'encontre d'un ressortissant étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. a de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             L'opposition ayant été formée dans le délai de dix jours courant dès la notification de la mesure querellée, elle est recevable sous l'angle de l'art. 8 al. 1 LaLEtr.

3.             Statuant ce jour, le tribunal respecte en outre le délai de vingt jours que lui impose l'art. 9 al. 1 let. b LaLEtr.

4.             Selon l'art. 74 al. 1 LEI, qui a repris l'art. 13e de l'ancienne loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 (aLSEE- RS 142.20 ; cf. message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur les étrangers du 8 mars 2002 in FF 2002 3469, p. 3570), l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou de ne pas pénétrer dans une région déterminée dans les cas suivants :

a. l'étranger n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics ; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants ;

b. l'étranger est frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion entrée en force et des éléments concrets font redouter qu'il ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou il n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire ;

c. l'exécution du renvoi ou de l'expulsion a été reportée (art. 69 al. 3 LEI).

5.             Conformément à l'art. 74 al. 2 LEI, la compétence d'ordonner ces mesures incombe au canton qui exécute le renvoi ou l'expulsion ; s'agissant de personnes séjournant dans un centre d'enregistrement ou dans un centre spécifique au sens de l'art. 26 al. 1bis de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31), cette compétence ressortit au canton sur le territoire duquel se trouve le centre ; l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée peut aussi être prononcée par le canton dans lequel est située cette région.

De son côté, l'art. 6 al. 3 LaLEtr précise que l'étranger peut être contraint à ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou à ne pas pénétrer dans une région déterminée, aux conditions prévues à l'art. 74 LEI, notamment suite à une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles, dommage à la propriété ou pour une infraction à la LStup.

6.             Les mesures d'assignation d'un lieu de séjour et d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée répondent à deux préoccupations. Elles permettent d'intervenir pour protéger la sécurité et l'ordre publics - plus particulièrement dans les domaines qui ne peuvent guère être couverts par le droit pénal - à l'encontre de ressortissants étrangers dont le départ ne peut pas être exigé en raison d'une demande d'asile pendante ou de l'absence de titre de voyage. En outre, elles peuvent être ordonnées à l'égard d'étrangers dont le renvoi est durablement entravé et pour lesquels il est nécessaire de les tenir éloignés d'un endroit déterminé ou de pouvoir les surveiller (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 rendu sous l'égide de l'art. 13 aLSEE, remplacé par l'art. 74 al. 1 LEI - cf. supra).

7.             L'étranger est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire s'il n'observe pas les mesures qui lui sont imposées dans ce cadre (cf. art. 119 LEI).

8.             Les mesures prévues par l'art. 74 al. 1 LEI visent à prévenir les atteintes à la sécurité et à l'ordre publics plutôt qu'à sanctionner un comportement déterminé de ressortissants étrangers dont le départ ne peut pas être exigé en raison d'une demande d'asile pendante ou de l'absence de titre de voyage (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 2a).

D'après la jurisprudence, le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue justifie même une mesure prise en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 ; 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1 ; 2A.347/2003 du 24 novembre 2003 consid. 2.2). En outre, de tels soupçons peuvent découler du seul fait de la possession de stupéfiants destinés à sa propre consommation (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 ; 2A.148/2003 du 30 mai 2003 consid. 3.3). Les étrangers qui sont mêlés au commerce des stupéfiants doivent s'attendre à faire l'objet de mesures d'éloignement, la protection de la collectivité publique face au développement du marché de la drogue présentant incontestablement un intérêt public prépondérant justifiant l'éloignement d'un étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_530/2007 du 21 novembre 2007 consid. 5).

Même si la simple présence en des lieux où se pratique le commerce de la drogue ne suffit pas à fonder un soupçon de menace à l'ordre et à la sécurité publics, tel est le cas lorsque la personne concernée est en contact répété avec le milieu de la drogue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1).

Le Tribunal fédéral a du reste confirmé une telle mesure visant un recourant qui avait essentiellement été condamné pour de simples contraventions à la LStup (arrêt du Tribunal fédéral 6B_808/2011 du 24 mai 2012 consid. 1.3 ; cf. aussi ATA/45/2014 du 27 janvier 2014).

9.             A l'instar de l'art. 13e aLSEE, l'art. 74 al. 1 LEI constitue par ailleurs une clause générale permettant de prendre des mesures également à l'encontre d'étrangers qui ont gravement violé les prescriptions de police des étrangers qui tendent à garantir l'ordre public en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3a et la référence citée cum FF 2002 3469, 3570).

10.         Les mesures d'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée doivent respecter le principe de la proportionnalité énoncé à l'art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.- RS 101) (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4), lequel se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/3019/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

Pour être conforme au principe de la proportionnalité, une restriction d'un droit fondamental, en l'occurrence la liberté de mouvement, doit être apte à atteindre le but visé, ce qui ne peut être obtenu par une mesure moins incisive. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; 136 I 197 consid. 4.4.4 : arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1).

Les mesures d'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée doivent ainsi être nécessaires et suffisantes pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés ; les moyens doivent être proportionnés au but poursuivi, au regard notamment de la délimitation géographique et de la durée de la mesure (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2002 consid. 2c).

Le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles ; elles ne peuvent en outre pas être ordonnées pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c). Cela étant, le périmètre d'interdiction peut inclure l'ensemble du territoire d'une ville (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.2 ; 2A.647/2006 du 12 février 2007 consid. 3.3 pour les villes d'Olten et de Soleure ; 2A.347/2003 du 24 novembre 2003 consid. 4.2 pour la ville de Berne).

11.         Les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement. S'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle, le seuil pour ordonner les mesures d'assignation d'un lieu de séjour et d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée n'a pas été placé très haut. Pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics, il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police. Des indices concrets de délits commis dans le milieu de la drogue suffisent, de même que la violation grossière des règles classiques de la cohabitation sociale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 et la référence citée ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 2b et les références citées ; ATA/45/2014 du 27 janvier 2014 ; ATA/778/2012 du 14 novembre 2012).

12.         Dans un jugement récent (JTAPI/1260/2024 du 19 décembre 2024), le tribunal est revenu sur un jugement plus ancien (JTAPI/68/2024 du 29 janvier 2024) dans lequel il avait passé en revue la jurisprudence de la chambre administrative de la Cour de justice (CJCA) rendue en 2023, constatant que certains cas de très peu de gravité, c'est-à-dire n'impliquant qu'une seule condamnation pour un vol d'importance relative ou pour le trafic de quelques grammes de drogues dures, faisaient l'objet, de la part du commissaire de police, d'interdictions territoriales pour une durée de six mois, tandis que le même type de situation pouvait parfois faire l'objet d'interdictions territoriales pour une durée de douze mois. Des cas plus graves, impliquant deux ou trois, voire plusieurs condamnations pénales, ainsi que des situations dans lesquelles des interdictions territoriales avaient déjà été prononcées une première fois (et dans certains cas violées) avaient, quant à eux, fait parfois l'objet d'interdictions territoriales pour des durées de douze à dix-huit mois, et non pas systématiquement pour des durées de vingt-quatre mois.

13.         Dans le même jugement susmentionné du 29 janvier 2024, le tribunal avait également rappelé qu'il avait récemment réduit de dix-huit à six mois une mesure d'éloignement du territoire du canton de Genève prise à l'encontre d'une personne condamnée à une seule reprise en Suisse, pour faux dans les certificats et infractions contre la LEI, et contre laquelle deux autres procédures pénales étaient en cours, dont l'une concernait une infraction contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) (JTAPI/1453/2023 du 21 décembre 2023), ce jugement n'ayant pas fait l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative. Par conséquent, le tribunal, dans l'affaire objet du JTAPI/68/2024, avait à nouveau réduit de douze à six mois la durée de l'interdiction territoriale, constatant que l'on avait affaire à des troubles de très peu de gravité contre l'ordre public liés au vol d'une faible somme d'argent (CHF 60.-) et d'un téléphone portable usagé, ainsi qu'à l'obtention d'un prestation d'assurance sociale que le Tribunal de police avait qualifiée de peu de gravité. Sur recours du commissaire de police, la chambre administrative a confirmé ce jugement en relevant que "Cette réduction permet de tenir dûment compte des particularités du cas d’espèce. Contrairement aux exemples que cite le recourant, l’intimé n’a pas participé à un trafic de drogues ni acquis des stupéfiants pour sa propre consommation, soit des infractions susceptibles de porter une atteinte importante à la sécurité et l’ordre publics" (ATA/232/2024 du 20 février 2024 consid. 3.5).

14.         Dans le JTAPI/1960/2024 cité plus haut, comme dans quelques autres jugements antérieurs, le tribunal a considéré qu'il résultait de ce dernier considérant que la chambre administrative entendait établir une différence de traitement, quant à la durée d'une mesure d'interdiction de pénétrer sur le territoire du canton de Genève, selon que la personne concernée a commis une infraction telle qu'un vol de peu d'importance ou selon qu'elle a participé à un trafic de stupéfiants. Le tribunal a donc, dans le cas d'espèce, réduit de 18 à six mois la durée de l'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève, la personne concernée ayant été condamnée suite à plusieurs vols commis sur une période d'environ une semaine, dont la valeur n'avait pas été déterminée, ainsi que pour utilisations frauduleuses de cartes bancaires pour un montant total de CHF 158.-. A cela s'ajoutait une tentative d'utilisation frauduleuse de carte bancaire pour CHF 300.-, la transaction ayant échoué. Sur recours du commissaire de police, la chambre administrative a cependant annulé ce jugement, ajoutant aux éléments pénaux retenus par le tribunal le fait que l'intéressé avait admis avoir des antécédents pénaux en France, et a fixé la durée de l'interdiction à douze mois (ATA/68/2025 du 16 janvier 2025).

15.         En l'espèce, M. A______ n'a certes pas encore été condamné pour les deux affaires de trafic de stupéfiants pour lesquelles il est poursuivi, puisque ses oppositions aux ordonnances pénales ôtent à ces dernières leur caractère condamnatoire. Néanmoins, conformément à la jurisprudence rappelée plus haut, dites ordonnances suffisent pour considérer qu'il existe un soupçon que M. A______ soit mêlé à un trafic de stupéfiant, ce soupçon étant lui-même suffisant pour légitimer le prononcé d'une mesure d'interdiction au sens de l'art. 74 LEI. A cela s'ajoute, en l'espèce, que M. A______ a déjà été condamné à deux reprises pour délit contre la LStup, par ordonnance pénale du Ministère public du 20 juillet 2017 et par ordonnance pénale du Ministère public zurichois du 14 août 2017, ce qui ne fait que renforcer le soupçon qu'il ait été impliqué récemment dans un nouveau trafic de stupéfiants à Genève.

16.         Sur le principe, la mesure litigieuse est ainsi pleinement fondée, ce que d'ailleurs M. A______ a renoncé à contester.

17.         S'agissant du périmètre de la mesure, il n'est pas non plus contesté par le précité et le tribunal constatera simplement qu'il correspond à une pratique qui s'est généralisée et a été maintes fois confirmée par la chambre administrative (pour un exemple récent cf. ATA/194/2025 du 20 février 2025)

18.         M. A______ conteste essentiellement la durée de la mesure, qu'il juge excessivement longue.

19.         Le tribunal ne saurait le suivre. Tout d'abord, il faut observer que le précité a lui-même indiqué qu'il n'a aucune famille à Genève. Il n'a pas davantage mentionné qu'il aurait avec ce canton d'autres types de liens, puisqu'il a au contraire déclaré qu'il vivait habituellement en Italie et n'était plus revenu à B______(France) depuis 2020. Dans ces conditions, l'intérêt privé de M. A______ à voir sa liberté de pénétrer dans le canton moins restreinte qu'elle ne l'est pas la mesure litigieuse doit être fortement relativisé, comparé à l'intérêt public à ce qu'il en soit tenu à l'écart. Quoi qu'il en soit, même s'il avait certains liens avec le canton de Genève, l'arrêt rendu par chambre administrative le 16 janvier 2025 (ATA/68/2025 cité plus haut) montre que la durée de la mesure litigieuse apparaît tout à fait proportionnée à l'ensemble des circonstances, en particulier aux infractions pour lesquelles il a déjà été condamné et celles pour lesquelles il est actuellement poursuivi.

20.         Partant, le tribunal confirmera l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise à l'encontre de M. A______ pour une durée de douze mois.

21.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

22.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 10 al. 1 LaLEtr).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable l'opposition formée le 18 février 2025 par Monsieur A______ contre la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 14 février 2025 pour une durée de douze mois ;

2.             la rejette ;

3.             confirme la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 14 février 2025 à l'encontre de Monsieur A______ pour une durée de douze mois ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             dit qu’un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

Le greffier