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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/232/2025

JTAPI/134/2025 du 05.02.2025 ( MC ) , REJETE

Descripteurs : LEVÉE DE LA DÉTENTION DE L'ÉTRANGER;DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.80.al6
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/232/2025 MC

JTAPI/134/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 5 février 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Luc-Alain BAUMBERGER, avocat

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1988, est ressortissant algérien.

2.             Le 16 août 2018, il a déposé une demande d'asile, laquelle a été radiée par le secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) le 17 septembre 2018, en raison de sa disparition dans la clandestinité.

3.             Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse du 22 décembre 2024, M. A______ a été condamné à huit reprises, entre le 25 février 2020 et le 8 août 2024, essentiellement pour vol (art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0), lésions corporelles simples (art. 123 CP), rupture de ban (art. 291 CP), violation de domicile (art. 186 CP), entrées et séjours illégaux (art. 115 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 -LEI - RS 142.20) et consommation de stupéfiants,

4.             Il fait également l'objet d'une procédure en cours pour rupture de ban (art. 291 CP), auprès du Ministère public de Genève.

5.             Le 17 février 2020, le SEM a prononcé à l'encontre de M. A______ une interdiction d’entrée en Suisse valable jusqu’au 16 février 2023, laquelle lui a été notifiée le 25 février 2020.

6.             Il a fait l'objet de trois décisions d'expulsion judiciaire, entrées en force. La première prise par le Tribunal de police (ci-après : Tpol) le 8 février 2021, pour une durée de trois ans, la deuxième par la Chambre pénale d'appel et de révision Genève (ci-après : CPAR) le 17 novembre 2022, pour une durée de cinq ans, et la dernière, le 8 août 2024, par le Tpol, pour une durée de cinq ans.

7.             Le 27 février 2021, M. A______ s'est vu notifier une décision de non-report d'expulsion judiciaire et un délai de 48 heures lui a été imparti pour quitter le territoire helvétique.

8.             Le 4 novembre 2022, lors d'un entretien de départ menée par la police internationale, M. A______ a déclaré s'opposer à son renvoi en Algérie.

9.             Le même jour, une demande de soutien en vue de l'exécution du renvoi de l'intéressé a été adressée au SEM.

10.         Le 26 avril 2024, l'intéressé s'est à nouveau vu notifier une décision de non-report d'expulsion judiciaire.

11.         Le 20 août 2024, M.  A______ a été reconnu par les autorités algériennes comme étant l'un de leurs ressortissants.

12.         Libéré le 22 décembre 2024, M. A______ s'est encore vu notifier une décision de non-report d'expulsion judiciaire.

13.         Le 22 décembre 2024, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois.

Ce dernier allait être présenté à un counseling, démarche préalable à la délivrance d'un laissez-passer, le 29 janvier 2025.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré ne pas être d'accord de retourner en Algérie, ne pas être trop en bonne santé et ne poursuivre aucun traitement médical.

14.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

15.         Entendu par le tribunal le 24 décembre 2024, M. A______ a déclaré qu'il dormait généralement au B______ et qu'il était à l'assistance sociale. Il mangeait au C______ ou au D______, où il faisait également du bénévolat. Il n'avait pas d'argent, hormis celui du fruit de son activité en détention. Il avait quelques amis en Suisse mais pas de famille. Ses parents étaient décédés.

Il n'était pas d'accord de rentrer en Algérie. Il avait un fils avec sa copine et ils vivaient en Italie. Il voulait se rendre dans ce pays et y faire sa vie en réglant sa situation. Il n'avait pas de permis de séjour en Italie. Là-bas, il était en situation illégale. Sa copine était d'accord de l'aider et qu'ils prennent un avocat pour qu'il puisse reconnaître son fils et se marier. Il aimerait travailler dans l'agriculture.

Pour répondre au tribunal, il était en danger en Algérie où il avait reçu des menaces de mort. Par ailleurs, il n'avait rien là-bas. Il souhaitait une dernière chance. S'il était libéré, il quitterait immédiatement la Suisse. Il s'y engageait. Lors de son dernier renvoi, l'année dernière, il avait quitté la Suisse pour la France et l'Italie. Il avait eu des soucis là-bas, c'est pour ça qu'il était revenu en Suisse. Il avait été appréhendé par les douaniers. Il était prêt à quitter le territoire suisse encore une fois.

16.         Par jugement du 24 décembre 2024, le tribunal a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 22 décembre 2024 pour une durée de trois mois, soit jusqu’au 21 mars 2025 inclus (JTAPI/1297/2024).

17.         Par requête du 23 janvier 2025, M. A______ a déposé une demande de mise en liberté auprès du tribunal. Il refusait de retourner en Algérie et souhaitait être libéré pour partir en Italie et y retrouver sa compagne et son enfant.

18.         Par courrier du 3 février 2025, le conseil de M. A______ a informé le tribunal que ce dernier s'était fait agresser le 2 février 2025 au matin par un autre détenu venant du même village que lui alors qu'il dormait dans sa cellule à Favra. Il sollicitait la production d'un rapport en vue de l'audience du 4 février 2025.

19.         Le tribunal a transmis ce courrier à l'OCPM le jour même.

20.         Lors de l'audience du 4 février 2025 devant le tribunal, M. A______ a confirmé sa demande de mise en liberté. Il souhaitait retourner en Italie où habitait sa copine et son enfant. Il souhaitait entamer des démarches pour reconnaître cet enfant. Sa compagne était d'accord. Il n’avait pas encore pu la contacter. Elle habitait à ______ [IT]. Il n’avait pas d'autorisation de séjour en Italie.

La représentante de l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a indiqué que le counseling initialement prévu le 29 janvier 2025 avait été déplacé au 5 février 2025. Elle a précisé que les auditions avec les autorités consulaires d'Algérie avaient lieu à Berne. Elle a rappelé que ces auditions avaient lieu une fois par mois et concernaient l'ensemble des ressortissants algériens faisant l'objet d'une décision de renvoi ou d'expulsion.

Par ailleurs, elle a remis au tribunal un rapport de l'établissement de détention de Favra rédigé suite à une altercation entre deux détenus, dont M. A______. Il en ressortait qu'une sanction, à savoir une mise à l'isolement, avait été prononcée à l'encontre du détenu qui aurait agressé M. A______. Par ailleurs, au terme de cette sanction, le détenu en question serait transféré dans un autre établissement, de sorte que M. A______ n'aurait plus à le rencontrer.

Le conseil de l’intéressé a plaidé et conclu à la mise en liberté immédiate de son client avec un délai de 24 heures pour quitter le territoire suisse.

La représentante de l’OCPM a conclu au rejet de la demande de mise en liberté formée par M. A______.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) est compétent pour examiner les demandes de levée de détention faites par l'étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. g de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.            Selon l'art. 80 al. 5 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), l’étranger en détention peut déposer une demande de levée de détention un mois après que la légalité de cette dernière a été examinée. L’autorité judiciaire se prononce dans un délai de huit jours ouvrables, au terme d’une procédure orale.

Cela étant, l'art. 7 al. 4 let. g LaLEtr prévoit que la personne détenue peut déposer en tout temps une demande de levée de détention.

Sur ce point, il a été jugé que le droit cantonal peut déroger au droit fédéral, dans la mesure où il étend les droits de la personne détenue (DCCR du 27 mars 2008 en la cause MC/023/2008 et du 24 avril 2008 en la cause MC/026/2008).

Le tribunal statue alors dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine sur la demande de levée de détention (art. 9 al. 4 LaLEtr).

3.            En l'espèce, la demande de levée de la détention administrative formée par M. A______ le 23 janvier 2025 est recevable et la décision du tribunal intervient dans le respect du délai légal susmentionné.

4.            Selon l'art. 80 al. 6 LEI, la détention est levée dans les cas suivants:

a. le motif de la détention n’existe plus ou l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles ;

b. la demande de levée de la détention est admise;

c. la personne détenue doit subir une peine ou une mesure privative de liberté.

5.            M. A______ sollicite sa mise en liberté au motif qu'il refuse de retourner dans son pays d'origine et qu'il entend se rendre en Italie pour rejoindre sa compagne et son enfant.

6.            Si l'étranger a la possibilité de se rendre légalement dans plusieurs États, l'autorité compétente peut le renvoyer ou l'expulser dans le pays de son choix (art. 69 al. 2 LEI). La possibilité de choisir le pays de destination présuppose toutefois que l'étranger ait la possibilité de se rendre de manière effective et admissible dans chacun des pays concernés par son choix. Cela implique qu'il se trouve en possession des titres de voyage nécessaires et que le transport soit garanti (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_285/2013 du 23 avril 2013 consid. 7 ; 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 6 ; ATA/324/2013 du 24 mai 2013 ; ATA/157/2013 du 7 mars 2013 ; ATA/58/2013 du 31 janvier 2013). Le renvoi ou l'expulsion dans un pays tiers du choix de l'étranger constitue par ailleurs seulement une faculté (« peut ») de l'autorité compétente (arrêt du Tribunal fédéral 2C_285/2013 du 23 avril 2013 consid. 7 ; cf. également arrêts 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 6 ; 2C_393/2009 du 6 juillet 2009 consid. 3.4).

7.            En l'espèce, M. A______, qui est démuni de tout document d'identité en cours de validité, ne démontre pas qu'il serait, d'une façon ou d'une autre, légitimé à se rendre valablement ailleurs - notamment en Italie - que dans son pays d'origine. Partant, il n'est pas fondé à formuler un choix quant à son lieu de destination. La préparation de l'exécution de son expulsion à destination de l'Algérie, seul pays dans lequel il est autorisé à se rendre, ne prête donc pas le flanc à la critique en l'état du dossier. Il ne saurait donc être remis sans autre en liberté pour quitter la Suisse par ses propres moyens et en choisissant lui-même son lieu de destination. Les autorités suisses doivent au contraire s'assurer du fait qu'il quittera effectivement le pays vers son pays d'origine (cf. not. art. 15f de l'ordonnance sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers du 11 août 1999 - OERE - RS 142.281).

Par ailleurs, le tribunal de céans a confirmé que les conditions légales de la détention de M. A______ étaient remplies dans son jugement du 24 décembre 2024 (JTAPI/1297/2024). L’intéressé n’apporte aucun élément qui permettrait de considérer que tel ne serait plus le cas aujourd’hui, respectivement que la détention serait disproportionnée ou que son renvoi vers l'Algérie ne serait plus possible.

Au contraire, son refus de retourner en Algérie, encore répété devant le tribunal, confirme que sa détention est nécessaire pour garantir l'exécution de son expulsion dans son pays d'origine.

Rien au dossier ne permet pour le surplus de retenir que les autorités ne continuent pas d’agir avec diligence et célérité, la représentante de l’OCPM ayant à cet égard indiqué que M. A______ serait conduit à Berne le 5 février 2025 en vue du prochain counseling prévu en vue de l'émission d'un laissez-passer en sa faveur.

M. A______ fait également valoir le danger pour sa vie qu'il courrait s'il était renvoyé dans son pays, invoquant à ce sujet l'agression dont il a été victime dans sa cellule à Favra de la part d'un compatriote originaire de la même ville que lui.

S'il apparait que l'intéressé a été agressé dans sa cellule à Favra, cela ne suffit toutefois pas pour conclure que sa vie serait particulièrement en danger en Algérie, de sorte qu'il n'est pas possible de considérer que l'exécution de son expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI renvoyant à l'art. 83 al. 1 à 4 LEI).

Partant, aucun motif ne justifie une levée de sa détention administrative.

8.            Au vu de ce qui précède, la demande de mise en liberté sera rejetée. En tant que de besoin, la détention administrative sera confirmée jusqu'au 21 mars 2025 inclus, date jusqu'à laquelle elle a été confirmée selon jugement du tribunal du 24 décembre 2024.

9.            Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de mise en liberté formée le 23 janvier 2025 par Monsieur A______ ;

2.             la rejette et confirme en tant que de besoin la détention jusqu'au 21 mars 2025 inclus ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière