Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1297/2024 du 24.12.2024 ( MC ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 24 décembre 2024
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Luc-Alain BAUMBERGER, avocat
contre
COMMISSAIRE DE POLICE
1. Monsieur A______, né le ______ 1988, est ressortissant algérien.
2. Le 16 août 2018, il a déposé une demande d'asile, laquelle a été radiée par le secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) le 17 septembre 2018, en raison de sa disparition dans la clandestinité.
3. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse du 22 décembre 2024, M. A______ a été condamné à huit reprises, entre le 25 février 2020 et le 8 août 2024, essentiellement pour vol (art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ((CP - RS 311.0)), lésions corporelles simples (art. 123 CP), rupture de ban (art. 291 CP), violation de domicile (art. 186 CP), entrées et séjours illégaux (art. 115 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20)) et consommation de stupéfiants,
Il fait également l'objet d'une procédure en cours pour rupture de ban (art. 291 CP), auprès du Ministère public de Genève.
4. Le 17 février 2020, le SEM a prononcé à l'encontre de M. A______ une interdiction d’entrée en Suisse valable jusqu’au 16 février 2023, laquelle lui a été notifiée le 25 février 2020.
5. Il a fait l'objet de trois décisions d'expulsion judiciaire, entrées en force. La première prise par le Tribunal de police (ci-après : Tpol) le 8 février 2021, pour une durée de trois ans, la deuxième par la Chambre pénale d'appel et de révision Genève (ci-après : CPAR) le 17 novembre 2022, pour une durée de cinq ans, et la dernière, le 8 août 2024, par le Tpol, pour une durée de cinq ans.
6. Le 27 février 2021, M. A______ s'est vu notifier une décision de non-report d'expulsion judiciaire et un délai de 48 heures lui a été imparti pour quitter le territoire helvétique.
7. Le 4 novembre 2022, lors d'un entretien de départ menée par le police internationale, M. A______ a déclaré s'opposer à son renvoi en Algérie.
8. Le 4 novembre 2022, une demande de soutien en vue de l'exécution du renvoi de l'intéressé a été adressée au SEM.
9. Le 26 avril 2024, l'intéressé s'est à nouveau vu notifier une décision de non-report d'expulsion judiciaire.
10. Le 20 août 2024, M. A______ a été reconnu par les autorités algériennes comme étant l'un de leurs ressortissants.
11. Libéré le 22 décembre 2024, M. A______ s'est encore vu notifier une décision de non-report d'expulsion judiciaire.
12. M. A______ va être présenté à un Counseling, démarche préalable à la délivrance d'un laissez-passer, le 29 janvier 2025.
13. Le 22 décembre 2024, à 15h30, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois.
Au commissaire de police, M. A______ a déclaré ne pas être d'accord de retourner en Algérie, ne pas être trop en bonne santé et ne poursuivre aucun traitement médical.
14. Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.
15. Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a déclaré qu'il dormait généralement au B______ et qu'il était à l'assistance sociale. Il mangeait au C______ ou au D______, où il faisait également du bénévolat. Il n'avait pas d'argent, hormis celui du fruit de son activité en détention. Il avait quelques amis en Suisse mais pas de famille. Ses parents étaient décédés.
Il n'était pas d'accord de rentrer en Algérie. Il avait un fils avec sa copine et ils vivaient en Italie. Il voulait se rendre dans ce pays et y faire sa vie en réglant sa situation. Il n'avait pas de permis de séjour en Italie. Là-bas, il était en situation illégale. Sa copine était d'accord de l'aider et qu'ils prennent un avocat pour qu'il puisse reconnaître son fils et se marier. Il aimerait travailler dans l'agriculture.
Pour répondre au tribunal, il était en danger en Algérie où il avait reçu des menaces de mort. Par ailleurs, il n'avait rien là-bas. Il souhaitait une dernière chance. S'il était libéré, il quitterait immédiatement la Suisse. Il s'y engageait. Lors de son dernier renvoi, l'année dernière, il avait quitté la Suisse pour la France et l'Italie. Il avait eu des soucis là-bas, c'est pour ça qu'il était revenu en Suisse. Il avait été appréhendé par les douaniers. Il était prêt à quitter le territoire suisse encore une fois.
La représentante du commissaire de police a plaidé et conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative de M. A______.
Le conseil de M. A______ a plaidé et conclu à la libération immédiate de son client avec un délai de 24 heures pour quitter la Suisse, subsidiairement à ce que sa détention ne dure pas plus de six semaines.
1. Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; 9 al. 3 LaLEtr).
2. En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 22 décembre 2024 à 14h15.
3. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).
4. Selon l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en lien avec l'art. 75 al. 1 let. h LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée lorsqu'elle a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d’une peine privative de liberté de plus de trois ans (cf. art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a).
5. La détention administrative est aussi possible si des éléments concrets font craindre que ladite personne entende se soustraire à son refoulement, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).
6. Ces deux dernières dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l’existence d’un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).
7. Selon la jurisprudence, un risque de fuite - c’est-à-dire la réalisation de l’un des deux motifs précités - existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2).
8. Lorsqu’il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s’il existe des garanties que l’étranger prêtera son concours à l’exécution du refoulement, soit qu’il se conformera aux instructions de l’autorité et regagnera son pays d’origine le moment venu, c’est-à-dire lorsque les conditions seront réunies ; dans ce cadre, il dispose d’une certaine marge d’appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1).
9. L’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI permet par ailleurs à l’autorité de mettre en détention la personne concernée pour les motifs cités à l’art. 75 al. 1 let. a, b, c, f, g, h ou i LEI.
10. En l’espèce, M. A______ fait l'objet de trois décisions d'expulsion, entrées en force, dont deux en cours. Il n'a pas respecté ces mesures et a été condamné pour vol, soit un crime (art. 10 al. 2 CP). De surcroît, il n'a eu de cesse, du 25 février 2020 au 8 août 2024, de commettre des infractions pénales et de s'opposer à son départ vers son pays d'origine. Dépourvu de tout document d'identité, il n'a ni ressources financières, ni liens avec la Suisse. L'assurance de son départ effectif de Suisse répond en outre à un intérêt public certain vu ses nombreuses condamnations. Dès lors, il existe des indices concrets faisant craindre que s'il était remis en liberté, M. A______ disparaîtrait dans la clandestinité dans le but de se soustraire à son renvoi, situation visée par les art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI.
11. Partant, les conditions légales de la détention sont remplies.
12. La détention administrative en matière de droit des étrangers doit dans tous les cas respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Il convient en particulier d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion constitue une mesure appropriée et nécessaire (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 134 I 92 consid. 2.3 et 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 2.1) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).
13. Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010).
14. En l'espèce, les autorités ont agi sans délai, l'intéressé devant d'ailleurs être présenté à un counseling auprès des autorités algériennes, le 29 janvier 2025, dans le but d'obtenir un laissez-passer. Par ailleurs, au vu du comportement de M. E______, qui est revenu en Suisse au mépris des interdictions qui lui ont été faites, et de son absence de liens avec la Suisse, aucune mesure moins incisive que la détention administrative n'est susceptible d'assurer son renvoi dans son pays d'origine, notamment pas une mise en liberté avec un délai de 24 heures pour quitter le pays. A ce sujet, s'il est vrai que M. E______ a quitté de son plein gré le territoire helvétique lors de sa sortie de prison précédente, il y est tout de même revenu, en toute illégalité, démontrant de la sorte que seule la détention permet de garantir son renvoi. Le principe de la proportionnalité est ainsi respecté.
15. Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).
16. Dans tous les cas, la durée de la détention doit être proportionnée par rapport aux circonstances d'espèce (arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 2.3).
17. En l'espèce, la durée de détention respecte le cadre légal et n'apparaît pas disproportionnée, étant précisé qu'après la présentation de M. A______ aux autorité algériennes le 29 janvier 2025, l'autorité devra attendre de recevoir le laissez-passer sollicité et réserver un vol à destination de l'Algérie en faveur de l'Intéressé. Cela étant, la détention de M. A______ prendra fin s'il accepte de coopérer et de prendre un vol à destination de l'Algérie.
18. Enfin, le tribunal rappellera que M. A______ ne peut pas être renvoyé en Italie comme il le souhaite, faute d'être en possession d'un permis de séjour dans ce pays.
19. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.
20. Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 22 décembre 2024 à 14h15 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 21 mars 2025 inclus ;
2. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Gwénaëlle GATTONI
Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au SEM.
Genève, le |
| La greffière |