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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1740/2024

JTAPI/506/2024 du 27.05.2024 ( MC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1740/2024 MC

JTAPI/506/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 mai 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Razi ABDERRAHIM, avocat

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1969, est originaire d'Albanie.

2.             Par jugement du 29 janvier 2020, le Tribunal Correctionnel du canton de Genève a déclaré l'intéressé coupable, notamment, de crime par métier contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) (art 19 al. 1 let. c). Il l'a condamné à une peine privative de liberté de 30 mois, avec sursis partiel et, simultanément, a ordonné son expulsion judiciaire de Suisse pour une durée de 5 ans.

3.             Le 5 février 2020, M. A______ a été refoulé en Albanie.

4.             Revenu en Suisse pendant la durée de l'interdiction, M. A______, démuni de passeport national, en possession d'une autorisation de séjour grecque /FAMILY OF GREEK CITIZEN-PERMANENT/ valable jusqu'au 30 juin 2028, a été interpellé le 29 juillet 2023 par les services de police à la rue de Bourgogne, à Genève, après avoir été mis en cause par un toxicomane pour la vente de 19.8 grammes d'héroïne. Prévenu d'infraction à l'art. 19 LStup et à l'art. 291 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), M. A______ a été mis à disposition du Ministère public sur ordre du commissaire de police.

5.             Le lendemain, l'intéressé a été maintenu en arrestation provisoire par le Ministère public dans l'attente de son jugement.

6.             Une procédure pénale est actuellement en cours auprès de la Chambre pénale d'appel et de révision du canton de Genève pour rupture de ban (art. 291 al. 1 CP), crime contre la LStup, avec mise en danger de la santé de nombreuses personnes (art. 19 al. 2 let. a LStup) et infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; (art. 115 LEI).

7.             Le 23 mai 2024, les services de police ont été avisés de la sortie de détention pénale de l'intéressé.

8.             Celui-ci a été libéré le même jour sur ordre de la Chambre pénale d'appel et de révision.

9.             Le 23 mai 2024, à 16h45, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée d'un mois, sur la base des art. 75 al. 1 let. c et 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI.

Une procédure de réadmission de M. A______ serait engagée prochainement soit avec la Grèce, soit avec l'Albanie.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Grèce mais qu'il était d'accord de retourner en Albanie.

Selon le procès-verbal du commissaire de police, la détention administrative pour des motifs de droit des étrangers avait débuté à 16h00.

10.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

11.         Par courriel du 24 mai 2024, le commissaire de police a transmis au tribunal la demande adressée le 23 courant au SEM en vue de l'émission d'un laissez-passer par les autorités albanaises.

12.         Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a déclaré qu'il était d’accord de retourner en Albanie où il souhaitait pouvoir se rendre le plus vite possible. En effet, vu le décès de son père l’an dernier, il souhaitait rentrer au pays à la fin de ce mois. Son passeport se trouvait en France et son neveu qui habitait là-bas pouvait le lui transmettre rapidement.

Il avait été libéré par les autorités pénales, mais il se retrouvait de nouveau enfermé et il n’avait plus de vêtements ni d’argent.

Le représentant du commissaire de police a souligné que si M. A______ lui remettait son passeport en cours de validité, les démarches en vue de son expulsion s’en trouveraient accélérées et une réservation sur un vol à destination de son pays pourrait être faite très rapidement. Il a précisé qu’une demande de réadmission et de laissez-passer a été faite auprès des autorités albanaises aussitôt connue la libération de M. A______. Le laissez-passer devrait leur parvenir dans un délai de quinze jours ouvrables.

Il a conclu à la confirmation de l’ordre de mise en détention prononcé le 23 mai 2024.

Le conseil de l'intéressé a déclaré que le neveu de son client, avec lequel il était en contact, lui avait transmis une copie du passeport de M. A______, en cours de validité, et que celui-là était en mesure de transmettre ce passeport très rapidement, soit en venant directement à Genève, soit en l'envoyant par la poste. La chambre pénale d’appel et de révision avait rendu son arrêt le 23 mai 2024 ; il n’en avait toutefois pas encore reçu copie.

Il a conclu à la libération immédiate de son client, les conditions de la détention administrative ne respectant pas le principe de proportionnalité.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 23 mai 2024 à 16h00.

3.            Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

4.            À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. c LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66a bis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle a franchi la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et n'a pu être renvoyée immédiatement. Il découle de la jurisprudence qu'une décision d'expulsion pénale au sens des art. 66a ou 66a bis CP vaut comme interdiction d'entrée pour la durée prononcée par le juge pénal (ATA/615/2022 du 9 juin 2022 consid. 2a ; ATA/730/2021 du 8 juillet 2021 consid. 4 ; ATA/179/2018 du 27 février 2018 consid. 4).

5.            En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une mesure d'expulsion judiciaire prononcée par le Tribunal correctionnel par jugement du 29 janvier 2020 et valable jusqu'en 2025. Après avoir été refoulé en Albanie le 5 février 2020, il a été arrêté par la police à Genève le 29 juillet 2023. Il a donc enfreint l'interdiction d'entrer en Suisse que constituait son expulsion judiciaire, toujours valable à cette date. Par ailleurs, son renvoi en Albanie ne peut pas encore être opéré à ce stade, l'acceptation des autorités de cet État s'avérant nécessaire à teneur de l'art. 4 de l'accord entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République d’Albanie relatif à la réadmission de personnes en situation irrégulière du 1er septembre 2000 (RS 0.142.111.239).

Les conditions légales de sa détention administrative sont donc réalisées à teneur des dispositions légales susmentionnées, ce qui légitime cette dernière sur le principe.

6.             Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité "peut" prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

7.             Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

8.             Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

9.            Par ailleurs, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

10.        En l'espèce, compte tenu du fait que M. A______ n’a pas respecté la mesure d’expulsion prononcée contre lui en revenant sans droit en Suisse, on ne voit pas pour quelles raisons, s’il était remis en liberté, il respecterait davantage cette mesure, de sorte que sa détention administrative paraît être le seul moyen d’assurer sa nouvelle expulsion vers son pays d’origine. Les autorités suisses ont par ailleurs agi avec toute la diligence possible dès lors qu'elles ont immédiatement procédé aux démarches utiles en vue de l'obtention d'un laissez-passer de la part des autorités albanaises, dont la réponse est désormais attendue d'ici une dizaine de jours.

11.        Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

12.        En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

13.        Compte tenu des circonstances, il se justifie de confirmer la détention administrative de M. A______ pour une durée d'un mois, qui respecte le cadre légal fixé par l'art. 79 al. 1 LEI et n'apparaît pas d'emblée inadéquate ou excessive. Il sera par ailleurs rappelé à l'intéressé que s'il remettait rapidement son passeport en cours de validité aux autorités compétentes, la réservation d'une place sur un vol à destination de son pays pourrait être entreprise dans les meilleurs délais et le renvoi avoir lieu avant cette échéance. La portée d'une telle durée apparaît ainsi relative.

14.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée d'un mois.

15.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 23 mai 2024 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée d'un mois, soit jusqu'au 22 juin 2024 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier