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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3931/2023

JTAPI/492/2024 du 23.05.2024 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3931/2023 LCI

JTAPI/492/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 23 mai 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Jean-François MARTI, avocat, avec élection de domicile

 

contre

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Madame A______ est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de B______ (ci-après : la commune), qui est située pour partie en zone agricole (5’159 m2) et pour partie en zone de bois et forêts (2’180 m2).

Une serre d’une surface totale de 907 m2 y est érigée.

2.             Mme A______ est également propriétaire de la parcelle n° 2______, sur laquelle elle réside dans une maison individuelle avec son époux.

3.             Madame C______ et Monsieur D______ sont propriétaires de la parcelle n° 3______.

4.             Les parcelles précitées sont directement voisines les unes des autres. Les parcelles nos 2______ et 3______, qui ne formaient auparavant qu’une seule parcelle (n° 4______), ne disposent pas d’un accès direct sur une voie publique. On doit y accéder par le biais de la parcelle n° 1______ qui borde intégralement l’avenue E______.

5.             Le 13 novembre 2020, dans le cadre de la procédure d’infraction n° I-5______, le département du territoire (ci-après : le département) a informé M. D______ respectivement Mme A______ avoir été saisi d’une plainte accompagnée d’un reportage photographie dont il ressortait que la serre aurait été transformée en atelier de serrurerie avec bureaux et que diverses constructions et installations auraient été réalisées sans autorisation, soit neuf objets en lien avec la parcelle n° 1______
(dont 1. la transformation de la serre en atelier de serrurerie et bureaux, 2. la réalisation d’un chemin en dur, de murs, de murets avec clôtures grillagées et portillon, depuis la route E______ et le long de la limite de propriété avec la parcelle n° 3______ ainsi que 3. l’aménagement d’une cour en dur, utilisée pour le parcage de véhicules et stockage de divers matériaux, située au centre de la parcelle devant la serre et reliant le chemin précité) et quatre objets en relation la parcelle n° 2______.

6.             Par décision du ______ 2021, faisant notamment suite aux observations de Mme A______ qui avait allégué que la majorité des constructions et installations litigieuses étaient le fait des époux C______ et D______, le département a prononcé un ordre de remise en état tant contre M. D______ pour les objets de l’infraction I-5______ sis sur la parcelle n° 1______, qu’à l’encontre de Mme A______ quant aux objets de la même infraction sis sur la parcelle n° 2______. La décision contre cette dernière réservait expressément au département la possibilité de revenir vers elle, en sa qualité de propriétaire de la parcelle n° 1______, au sujet des points litigieux mis à la charge de M. D______.

La décision concernant Mme A______ a été suspendue dans la mesure où les époux C______ et D______ ont interjeté recours contre la décision les concernant le 10 mars 2021. Par jugement du ______ 2023 (JTAPI/6______), entré en force, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) a confirmé l’ordre de remise en état du ______ 2021 concernant les points 1 à 3 susvisés dans la mesure où ceux-ci devaient faire l’objet d’une autorisation de construire.

7.             Le ______ 2023, par le biais de son architecte, Mme A______ a déposé une demande en autorisation de construire auprès du département pour régulariser le chemin d’accès et la place de manœuvre et de stationnement qui faisaient notamment l’objet de la procédure d’infraction n° I-5______.

Elle a exposé, en substance, que le chemin d’accès permettait d’accéder directement depuis l’avenue E______ tant à l’arrière de la serre qu’à son habitation. Sans ce dernier, elle n’aurait aucun moyen d’accéder à son domicile puisqu’elle serait alors contrainte de traverser la parcelle n° 3______ qui ne faisait l’objet d’aucune servitude de passage au bénéfice de sa parcelle n° 2______. Ledit chemin facilitait également l’exploitation agricole de la serre puisqu’il permettait à des véhicules lourds et parfois peu maniables d’y accéder, ce qui n’était pas le cas avant sa construction.

8.             Lors de l’instruction de cette demande, enregistrée sous la référence DD 7______, les préavis usuels ont été requis et émis, tant sur la première version du projet du 31 mai 2023 que sur la seconde datée du 25 juillet 2023.

Dans cette seconde version, la place en béton devant la serre avait été réduite et la volonté de Mme A______ de louer la serre à un exploitant agricole en accord avec les directives de l’office cantonal de l’agriculture et de la nature
(ci-après : OCAN) avait été annoncée, motif pour lequel un chemin d’accès rectiligne et une surface pour manœuvrer étaient, selon elle, nécessaires. Il était en outre fait état que l’accès direct depuis l’avenue E______ à la serre n’était pas possible compte tenu du dénivelé avec cette voie publique.

9.             Sous réserve de la direction des autorisations de construire, qui a requis le 14 août 2023 qu’une pièce complémentaire soit fournie (soit un plan où les éléments devant être démolis devaient figurer en jaune), de l’office de l’urbanisme (ci-après : OU) et de l’OCAN, qui se sont prononcés défavorablement par préavis respectifs des 24 août et 4 septembre 2023, les autres instances consultées se sont toutes prononcées favorablement au projet, avec ou sans conditions.

Dans son préavis du 24 août 2023, l’OU a relevé qu’en l’absence d’une exploitation agricole, la place de stationnement au nord de la serre n’était pas conforme à la zone agricole. Le chemin d’accès à la parcelle n° 2______ contrevenait au principe d’une utilisation rationnelle du sol (art. 1 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700), dépassait les possibilités d’agrandissement prévues selon l’art. 24c LAT pour les constructions antérieures au 1er janvier 1972 et ne répondait pas non plus à un besoin puisque l’accès historique à la parcelle restait possible en application de l’art. 694 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210).

Les pièces enregistrées au dossier en date du 25 juillet 2023 confirmaient l’absence d’une exploitation agricole et donc la non-conformité des aménagements avec la zone agricole. Selon la documentation comprise dans la demande d’autorisation, la serre n’était pas cultivée dans le cadre d’une exploitation agricole. Par ailleurs, le chemin d’accès (d’environ 400 m2) et l’aménagement d’une place de manœuvre et de stationnement (d’environ 500 m2) au nord de la serre n’étaient pas conformes à la zone agricole. Les habitations des parcelles nos 2______ et 3______ avaient été reliées au domaine public (avenue E______) par le chemin d’accès partant du bâtiment n° 8______ depuis leur construction jusqu’en 2008, date du remaniement parcellaire. Outre le fait qu’il contribuait à une artificialisation importante du sol et dépassait largement les modifications et agrandissements admis au titre de l’art. 24c LAT, le chemin litigieux contrevenait au principe d’une utilisation rationnelle du sol qui imposait que le chemin d’accès existant, passant par la parcelle voisine n° 3______, soit utilisé pour accéder à la parcelle n° 2______, en application de l’art. 694 CC.

Dans son préavis du 4 septembre 2023, l’OCAN a considéré que le projet consistait en la régularisation d’un chemin d’accès, que la requérante n’exerçait pas le métier d’agriculteur, que la serre n’était plus utile à l’agriculture depuis quelques années et qu’elle ne pouvait donc justifier d’un accès sans que la preuve ne soit apportée que cet aménagement était réellement nécessaire pour un usage agricole effectif et non simplement souhaité par la propriétaire, et que la régularisation de cet accès devrait, cas échéant, être portée par l’exploitant agricole locataire de la serre. Les aménagements projetés n’étaient ainsi pas conformes à la zone.

10.         Par décision du ______ 2023, se fondant sur les éléments mentionnés dans les préavis défavorables précités et sur le fait que la requête ne respectait pas l’art. 9 al. 2 let. f du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) dans la mesure où l’artificialisation du terrain dont la démolition était prévue aurait dû figurer en jaune sur les plans produits, le département a refusé d’octroyer l’autorisation de construire sollicitée.

11.         Le 2 novembre 2023, sous la plume de son conseil, Mme A______ a fait noter au département que la décision précitée ne contenait pas les voies de droit et a ainsi requis qu’une décision régulière lui soit notifiée.

12.         Par acte du 20 novembre 2023, par le biais de son conseil, Mme A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du tribunal, concluant à son annulation et à l’octroi de l’autorisation de construire sollicitée, avec suite de frais et dépens. Préalablement, elle a requis la suspension de la procédure jusqu’à décision sur la demande de reconsidération qu’elle allait déposer sous peu.

La serre, dûment autorisée en septembre-octobre 1966, avait été construite la même année et son époux, horticulteur de profession actuellement âgé de 80 ans, l’avait exploitée pour la culture de plantes (fleurs et légumes). À l’époque, un chemin
(ci-après : l’ancien chemin) traversait la parcelle n° 1______ depuis l’avenue E______ et permettait l’accès à l’habitation sise sur l’ancienne parcelle n° 4______. Il avait fait l’objet d’une servitude de passage à pied et pour tout véhicule, inscrite au registre foncier le ______ 2007 et grevant la parcelle n° 1______ au bénéfice de celle n° 4______. Suite à la division en deux de l’ancienne parcelle n° 4______, une seconde servitude de passage à pied et pour tout véhicule avait été inscrite au registre foncier le ______ 2008, grevant toujours la parcelle n° 1______ mais cette fois au bénéfice des nouvelles parcelles nos 2______ et 3______ ; son assiette prévoyait un chemin en forme de « Z » longeant les bordures sud-ouest puis nord-ouest de la parcelle n° 3______ depuis l’ancien chemin afin d’atteindre finalement la parcelle n° 2______. Aucun chemin n’avait toutefois été construit sur l’entier de l’assiette de la seconde servitude. Ainsi, la serre ne disposait jusqu’en 2008 que d’un accès limité à l’avenue E______ puisqu’on y accédait par l’intermédiaire de l’ancien chemin, puis par le passage entre les bâtiments sis sur les parcelles nos 2______ et 3______. L’exiguïté de ce passage, d’une largeur de 2,75 m par endroit, et son caractère sinueux ne permettaient pas à des camions ou des véhicules agricoles munis de remorques d’accéder à la serre et restreignaient ainsi son exploitation. Par ailleurs, ce passage n’était rendu possible que par le fait que toutes les parcelles appartenaient au même propriétaire.

En ______ 2008, les époux C______ et D______ avaient acquis la parcelle n° 3______. Les termes de la vente de cette parcelle prévoyaient l’octroi d’une servitude d’usage de la parcelle n° 1______, et en particulier de la serre, au profit de la parcelle n° 3______ et ce pour une durée de dix ans dès l’inscription au registre foncier. Ces époux avaient fait usage de cette servitude pour l’exploitation de leur propre activité. Entre 2008-2009, afin de rendre plus accessible la serre, ils avaient construit sans autorisation un chemin goudronné (ci-après : le nouveau chemin) le long de la limite de propriété de leur parcelle et en partie sur l’assiette de la seconde servitude de passage du 7 août 2008. Ce nouveau chemin, d’une largeur de 5,20 m et rectiligne, permettait un accès direct depuis l’avenue E______, sans devoir effectuer un contournement entre les bâtiments de la parcelle n° 3______, et permettait l’exploitation de la serre de manière adéquate puisqu’il facilitait son accès à des véhicules agricoles ainsi qu’à de lourds camions de transport. En outre, l’accès à la serre étant devenu indépendant des autres parcelles, il permettait une exploitation libre de toute contrainte et de tout désagrément pour les habitations adjacentes. Les époux C______ et D______ avaient aussi construit sans autorisation une place de manœuvre et de stationnement devant la serre, avaient coulé une dalle en béton à l’intérieur de celle-ci et y avaient installé des WC et une fosse septique, changeant son affectation. Dans le même temps, ils avaient privatisé, au mépris de la première servitude de passage, l’ancien chemin en y installant un portail à l’entrée. En tout état, depuis la vente de la parcelle n° 3______, la première servitude de passage ne lui servait plus pour rejoindre son domicile. Faute d’un autre chemin, son époux et elle-même n’avaient depuis ce jour plus eu d’autre choix que d’emprunter le nouveau chemin afin d’accéder à leur logement.

En ______ 2020, les aménagements litigieux, notamment, avaient fait l’objet de la procédure d’infraction n° I-5______. Par décision du ______ 2021, le département avait prononcé un ordre de remise en état de la parcelle n° 1______ à l’encontre des époux C______ et D______ dans la mesure où ceux-ci en étaient toujours les exploitants, se réservant le droit de revenir vers la recourante en sa qualité de propriétaire. Faute de recours contre le JTAPI/6______, la décision précitée, qui lui était opposable, était entrée en force et les aménagements visés devaient être démolis. À cet égard, les époux C______ et D______ avaient indiqué qu’ils allaient procéder à la remise en état de la serre.

Le département avait violé son droit d’être entendue en ignorant des éléments pertinents sans en justifier la raison. Sa décision ne retenait que l’utilité éventuelle du nouveau chemin pour la serre, puis l’écartait en estimant que celle-ci n’était pas exploitée à des fins agricoles. Se faisant, il perdait de vue que ledit chemin revêtait une importance capitale pour accéder à son domicile, sise sur la parcelle n° 2______ enclavée et sans accès à l’avenue E______. Cette décision se fondait aussi sur le postulat que n’était pas un problème d’actualité le fait que le nouveau chemin desservait la serre de manière adéquate pour une exploitation agricole car une telle exploitation n’était actuellement pas en cours et qu’une demande de chemin d’accès devrait être portée par l’exploitant agricole locataire de la serre en temps voulu. À suivre ce raisonnement, elle devrait détruire le nouveau chemin pour reconstruire l’ancien chemin inutilisable par tout prochain exploitant agricole de la serre, puis cet exploitant serait contraint de requérir une nouvelle autorisation pour construire un chemin similaire à celui détruit. Si ces éléments avaient été examinés, il était patent que l’autorisation de construire requise aurait été délivrée.

La parcelle n° 1______ était utilisée uniquement à des fins d’exploitation de la serre et ne disposait pas de cultures sur le reste de son périmètre. Partant, le chemin et la cour litigieux n’en réduisaient pas les possibilités agricoles, mais facilitaient au contraire l’exploitation de la serre qui serait, sans eux, probablement à l’abandon et, a fortiori, non conforme avec l’affectation d’une zone agricole. Ils avaient donc un lien fonctionnel avec la serre et lui étaient indispensables. Au vu de l’envergure de la serre et de ses capacités de production agricole, le nouvel chemin répondait à ses besoins objectifs dans la mesure où des tracteurs munis de remorque ainsi que des camions pouvaient y accéder, ce qui ne serait pas le cas avec le chemin en forme de « Z ». Ainsi, les conditions des art. 16a al. 1 LAT, 34 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1) et 20 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) étaient remplies. Le nouveau chemin et la place de manœuvre étaient conformes à l’affection de la zone agricole.

Enfin, leur construction était principalement intervenue pour des motifs techniques dans la mesure où l’ancien chemin ne permettait pas à des véhicules agricoles d’accéder à la serre et qu’aucune servitude de passage ne grevait les parcelles en cause, dont l’une appartenait à un propriétaire non susceptible de concéder une telle servitude. Le nouveau chemin permettait aussi de désenclaver la parcelle n° 2______. En outre, la place de manœuvre, d’ailleurs réduite dans la seconde version du projet, permettait aux véhicules agricoles munis de remorque de manœuvrer et d’effectuer des demi-tours. Le chemin litigieux et la place de manœuvre ne lésaient aucun intérêt prépondérant ; à cet égard, tant la commission consultative de la diversité biologique que le service des monuments et des sites ainsi que la commission des monuments et des sites avaient rendu des préavis favorables, dont on pouvait déduire que ces aménagements n’enfreignaient pas les exigences de protection de la nature. Partant, et subsidiairement, les conditions de l’art. 27 LaLAT étaient remplies et, en dérogation de l’art. 20 LaLAT, une autorisation de construire devait être délivrée.

13.         Le 24 novembre 2023, la recourante a déposé une demande de reconsidération auprès du département.

14.         Le 4 décembre 2023, celui-ci a admis que, suite à un problème informatique, les voies de droit n’avaient pas été indiquées dans la décision du ______ 2023, mais a considéré que ce vice avait été réparé dans la mesure où un recours avait été interjeté à l’encontre de la décision.

Il a au surplus refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération précitée, aucun des motifs de révision prévus par les art. 48 respectivement 80 let. a et b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) n’apparaissant être réalisé.

15.         Le 7 décembre 2023, le département a informé le tribunal qu’il s’opposait à la demande de suspension, le motif invoqué n’étant plus d’actualité puisqu’il avait refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération du 24 novembre 2023.

16.         Dans ses observations du 25 janvier 2024, le département a conclu au rejet du recours, s’en rapportant à justice s’agissant de sa recevabilité.

Aucune violation du droit d’être entendu ne pouvait lui être reprochée. Le fait que le nouveau chemin réalisé sans autorisation revêtirait une importance capitale du fait qu’il s’agirait du seul accès au domicile de la recourante depuis l’avenue E______ n’était pas un fait pertinent sous l’angle de l’art. 16a LAT. Il pouvait en revanche présenter une certaine pertinence dans le cadre de l’examen de l’octroi d’une dérogation au sens des art. 24 LAT ou 24c LAT, raison pour laquelle il en avait tenu compte lorsqu’il avait examiné si de telles dérogations pouvaient en l’occurrence être accordées. Il avait toutefois été considéré que tel n’était pas le cas, ce qui ressortait d’ailleurs expressément de la décision querellée. Il lui était aussi reproché d’avoir retenu un postulat incorrect. Ce point relevait des conséquences que la recourante aurait à subir ensuite du refus de sa requête, mais celles-ci étaient liées directement à une autre décision, à savoir l’ordre de remise en état prononcé le ______ 2021 contre les époux C______ et D______. Or, dans le cadre de l’examen d’une demande d’autorisation de construire, seule la licéité du projet par rapport aux dispositions applicables en matière de police des constructions et des normes d’affectations était examinée. Les conséquences évoquées par la recourante étaient tout au plus prises en compte dans la pondération des intérêts en présence, au moment du prononcé des mesure et sanction administratives dans le cadre de la procédure d’infraction, lesquelles n’étaient pas l’objet du recours. Il ne s’agissait donc pas non plus de faits pertinents dans le cadre de l’instruction de la requête DD 7______.

Faute d’être exploitée par un agriculteur, la serre n’était plus utile à l’agriculture. Le fait d’alléguer qu’on projetait de la réhabiliter à des fins agricoles et de la louer à un exploitant en accord avec les directives de l’OCAN n’était pas suffisant pour considérer que l’aménagement projeté était conforme à la zone. En effet, à défaut de connaître quel type d’exploitation et quel exploitant l’occuperait, on ne pouvait ni vérifier si l’aménagement destiné à l’exploitation future était conforme à la zone agricole au sens de l’art. 34 al. 1 OAT ni déterminer si les critères de nécessité de l’aménagement prévu à cet emplacement et de la subsistance à long terme de l’exploitation énoncés à l’art. 34 al. 4 OAT étaient respectés. C’était la raison pour laquelle l’OCAN avait spécifié dans son préavis que la régularisation dudit accès devrait, cas échéant, être portée par l’exploitant agricole locataire de la serre. Ce préavis était d’ailleurs dûment motivé et pertinent ; la recourante avait aisément pu en comprendre le contenu puisqu’elle en avait discuté la teneur dans son recours et avait pu rédiger ses écritures en toute connaissance de cause. De plus, l’aberrance alléguée quant à la démolition des aménagements réalisés sans autorisation et la nécessité de déposer une nouvelle requête une fois l’exploitant trouvé était hors de propos. En effet, il n’était pas exclu, en fonction de l’exploitation qui reprendrait cette serre, que la nécessité d’un tel aménagement ne soit pas avérée, étant rappelé que les époux C______ et D______ y avaient installé l’activité d’une société de vente et dépannage de coffres forts et de produits de sécurité. Les conditions de l’art. 34 OAT, qui précisaient l’art. 16a LAT, et de l’art. 20 LaLAT n’étant pas respectées, c’était à bon droit qu’il avait refusé l’autorisation de construire sollicitée.

La recourante se trompait en prétendant que les aménagements projetés seraient imposés par leur destination, ce qui justifierait l’application de la dérogation prévue par les art. 24 LAT et 27 LaLAT. L’utilité invoquée ne relevait pas de motifs objectifs permettant de retenir qu’il s’agissait d’aménagement imposés par leur destination faute de description de l’actualité et de l’ampleur du besoin. Par ailleurs, si un tel accès devait s’avérer nécessaire pour l’exploitation agricole de la serre, il devrait alors être analysé à l’aune de l’art. 16a LAT. L’utilité invoquée pour désenclaver la parcelle n° 2______ ne saurait non plus justifier l’octroi d’une dérogation. Un chemin d’accès depuis l’avenue E______ vers la parcelle n° 3______ existait et sa privatisation par les époux C______ et D______ n’était pas pertinente, cela relevant d’un litige de droit privé et la recourante disposant dans ce cadre de moyens pour faire valoir ses droits. Par ailleurs, ainsi qu’il ressortait du JTAPI/6______, le portail litigieux avait été retiré par les époux C______ et D______. Il existait également une servitude de passage à pied et pour tout véhicule sur la parcelle n° 1______ au bénéfice notamment de la parcelle n° 2______ et il n’était en outre pas exclu qu’une servitude grevant la parcelle n° 3______ puisse être accordée à la recourante en vertu de l’art. 694 CC. Ainsi, d’autres solutions qui auraient un impact moindre sur la zone agricole, d’ores et déjà partiellement mises en œuvre, étaient raisonnablement envisageables. Enfin, le projet refusé prévoyait aussi une place de manœuvre et de stationnement dont la recourante ne prétendait ni même n’alléguait qu’elle lui serait nécessaire.

17.         Par réplique du 26 février 2024, la recourante a maintenu ses conclusions.

Bien que sis en zone agricole, son domicile avait été autorisé en son temps et sa parcelle en cause devait donc être pourvue d’un accès adapté à son utilisation. Le fait qu’il n’existait aucun chemin d’accès depuis l’avenue E______ à travers la parcelle n° 3______ était sans pertinence dès lors qu’elle n’avait aucun droit de passage sur ladite parcelle. L’ancien chemin ne respectant en tout état pas les réquisits légaux de largeur puisque celle-ci devait être au minimum de 3 m et que tel n’était pas le cas car il mesurait 2,75 m par endroit, une éventuelle application de l’art. 694 CC ne saurait être retenue. À lire les considérations du département, sa seule option pour accéder à son domicile respectivement à la serre serait de construire le chemin en forme de « Z » sur l’assiette de la servitude de passage à pied et pour tout véhicule à charge de la parcelle n° 1______, ce qui présentait, comme déjà exposé, plusieurs inconvénients.

18.         Par duplique du 20 mars 2024, le département a persisté dans les conclusions de ses précédentes écritures.

La recourante se trompait en prétendant qu’il refusait de lui accorder l’accès adapté à l’utilisation de son habitation auquel elle aurait droit en vertu de l’art. 19 al. 1 LAT. Il ne faisait que refuser de régulariser l’accès construit de façon illicite tel qu’il ressortait des plans déposés dans le cadre de la DD 7______. Il ne s’agissait pas d’un refus de principe visant tout nouvel accès à sa parcelle et la recourante restait libre de déposer une nouvelle requête à cette fin.

Il avait évoqué dans ses observations qu’il existait un chemin d’accès depuis l’avenue E______ vers la parcelle n° 3______ et non pas à travers cette dernière. La remarque de la recourante sur ce point découlait d’une mauvaise lecture de ses écritures et devait être écartée.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 LPA.

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).

5.             En premier lieu, la recourante se plaint d’une violation de son droit d’être entendue dans la mesure où le département aurait ignoré des éléments pertinents sans en justifier la raison. Le département le conteste, affirmant que ces éléments n’étaient nullement pertinents.

6.             Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend, classiquement, le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 149 I 91 consid. 3.2 ; 145 I 167 consid. 4.1).

Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_159/2020 du 5 octobre 2020 consid. 2.2.1).

7.             La réparation d’un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d’être entendu, n’est possible que lorsque l’autorité dispose du même pouvoir d’examen que l’autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_31/2021 du 16 juillet 2021 consid. 2.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l’étendue de l’atteinte portée au droit d’être entendu et doit rester l’exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_66/2022 du 8 décembre 2022 consid. 3.2) ; elle peut cependant se justifier en présence d’un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_31/2021 du 16 juillet 2021 consid. 2.1). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/442/2024 du 27 mars 2024 consid. 5.1 et les références citées).

8.             En l’espèce, le tribunal fait siennes les explications du département tels qu’exposées dans ses observations du 25 janvier 2024 quant à l’absence de pertinence, dans les circonstances concrètes du présent cas, des éléments invoqués par la recourante. Il n’y a donc pas eu de violation du droit d’être entendue de la recourante.

En tout état, même en admettant qu’une telle violation ait effectivement eu lieu, celle-ci aurait été réparée dans le cadre de la présente procédure, de sorte qu’il n’y aurait pas lieu, pour ce motif, de prononcer l’annulation de la décision litigieuse.

9.             La recourante considère que les conditions légales pour l’octroi de l’autorisation de construire qu’elle a sollicitée le ______ 2023 afin de régulariser le chemin d’accès et la place de manœuvre et de stationnement, qui faisaient notamment l’objet de la procédure d’infraction n° I-5______, sont réalisées, ce que le département conteste.

10.         Selon l’art. 22 LAT, aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente (al. 1). L’autorisation est délivrée si la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone et si le terrain est équipé (al. 2). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d’autres conditions (al. 3).

Sur le plan cantonal, cette exigence est consacrée à l’art. 1 al. 1 LCI aux termes duquel sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail.

11.         Aux termes de l’art. 14 LAT, les plans d’affectation règlent le mode d’utilisation du sol (al. 1). Ils délimitent en premier lieu les zones à bâtir, les zones agricoles, les zones à protéger et les autres zones et territoires, prévus par le droit cantonal (al. 2).

Les plans d’affectation ont force obligatoire pour chacun (art. 21 al. 1 LAT). Selon la jurisprudence, les plans d’affectation ont le plus souvent un effet obligatoire qualifié de négatif, à savoir empêcher tout usage non conforme à l’affectation de la zone ou tout aménagement ne respectant pas les prescriptions d’un plan d’affectation. En tant qu’il s’agit d’une construction, cette conformité est vérifiée dans la procédure du permis de construire (ATA/332/2022 du 29 mars 2022 consid. 5b et les références citées).

12.         La zone agricole est régie par les art. 16 et 16a LAT ainsi que par les art. 20 ss LaLAT, dispositions définissant notamment les constructions qui sont conformes à la zone, soit qu’elles sont nécessaires à l’exploitation agricole, soit qu’elles servent au développement d’une activité conforme.

En vertu de l’art. 16 al. 1 LAT, les zones agricoles servent à garantir la base d’approvisionnement du pays à long terme, à sauvegarder le paysage et les espaces de délassement et à assurer l’équilibre écologique. Elles devraient être maintenues autant que possible, libres de toute construction en raison des différentes fonctions de la zone agricole et comprennent : les terrains qui se prêtent à l’exploitation agricole ou à l’horticulture productrice et sont nécessaires à l’accomplissement des différentes tâches dévolues à l’agriculture (let. a) et les terrains qui, dans l’intérêt général, doivent être exploités par l’agriculture (let. b).

À teneur de l’art. 16a LAT, sont conformes à l’affectation de la zone agricole les constructions et installations qui sont nécessaires à l’exploitation agricole ou à l’horticulture productrice (al. 1). Les constructions et installations qui servent au développement interne d’une exploitation agricole ou d’une exploitation pratiquant l’horticulture productrice sont conformes à l’affectation de la zone. Le Conseil fédéral règle les modalités (al. 2). Les constructions et installations dépassant le cadre de ce qui peut être admis au titre du développement interne peuvent être déclarées conformes à l’affectation de la zone et autorisées lorsqu’elles seront implantées dans une partie de la zone agricole que le canton a désignée à cet effet moyennant une procédure de planification (al. 3).

Sont conformes à l’affectation de la zone agricole les constructions ou installations qui sont nécessaires à l’exploitation agricole ou à l’horticulture productrice ; seules les constructions dont la destination correspond à la vocation agricole du sol peuvent y être autorisées, le sol devant être le facteur de production primaire et indispensable (ATF 133 II 370 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_314/2009 du 12 juillet 2010 consid. 5.1).

L’art. 34 OAT reprend ces définitions en précisant (al. 1) que sont conformes à l’affectation de la zone agricole les constructions et installations qui servent à l’exploitation tributaire du sol ou au développement interne et en stipulant (al. 4) qu’une autorisation ne peut être délivrée que si la construction ou l’installation est nécessaire à l’exploitation en question, si aucun intérêt prépondérant ne s’oppose à l’implantation de la construction ou de l’installation à l’endroit prévu et s’il est prévisible que l’exploitation pourra subsister à long terme.

L’art. 37 OAT précise que l’édification de constructions et installations destinées à la culture maraîchère et à l’horticulture selon un mode de production indépendant du sol est réputée développement interne (art. 16a al. 2 LAT) si la surface de production indépendante du sol n’excède pas 35% de la surface maraîchère ou horticole cultivée et n’est pas supérieure à 5’000 m2 (al. 1) et que la production est réputée indépendante du sol s’il n’y a pas de lien suffisamment étroit avec le sol (al. 2).

13.         À Genève, ne sont autorisées en zone agricole que les constructions/installations qui sont destinées durablement à l’activité agricole ou horticole et aux personnes l’exerçant à titre principal (art. 20 al. 1 let. a LaLAT) et qui respectent la nature et le paysage (art. 20 al. 1 let. b LaLAT) ainsi que les conditions fixées par
les art. 34 ss OAT (art. 20 al. 1 let. c LaLAT).

14.         En matière administrative, les faits doivent en principe être établis d’office et, dans la mesure où l’on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle procède à cette recherche, les règles sur la répartition du fardeau de la preuve ne s’appliquent pas. Il n’en demeure pas moins que, lorsque les preuves font défaut, ou si l’on ne peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, la règle de l’art. 8 CC est applicable par analogie. Pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (ATF 112 Ib 65 consid. 3 ; ATA/654/2023 du 20 juin 2023 consid. 2.3).

15.         En l’occurrence, force est pour le tribunal de constater, d’une part, que la parcelle n° 1______ n’accueille actuellement aucune exploitation agricole ou horticulture productrice et, d’autre part, que le futur emploi de la serre que la recourante appelle de ses vœux n’est nullement défini à ce jour ; on ignore si à terme celle-ci sera effectivement utilisée pour une exploitation agricole ou d’horticulture productrice ou si d’autres activités s’y dérouleront, comme cela a par exemple été le cas avec les époux C______ et D______. On ne sait également pas si la parcelle n° 1______ pourrait accueillir des activités agricoles en dehors de la serre, ni si cela est envisagée à l’heure actuelle. Dans ces circonstances, il convient d’admettre que la serre, faute d’être à ce jour exploitée par un agriculteur, n’est pas utilisée pour l’agriculture. Le simple fait d’alléguer qu’il était projeté de la réhabiliter à des fins agricoles et de la louer ensuite à un exploitant en accord avec les directives de l’OCAN est à l’évidence insuffisant pour considérer que l’aménagement projeté est conforme à la zone ; les conditions légales doivent être respectées au moment de la délivrance du permis requis et non dans un futur hypothétique. Sans connaître ni quel type d’exploitation ni quel exploitant occupera la serre, voire la parcelle, il ne peut ni être vérifié si le chemin d’accès et la place de manœuvre et de stationnement - dont la régularisation est sollicitée et qui seraient destinés à la future exploitation - sont ou non conformes aux conditions de l’art. 34 al. 1 OAT, ni déterminer si les critères de nécessité de l’aménagement prévu à cet emplacement et de la subsistance à long terme de l’exploitation énoncés à l’art. 34 al. 4 OAT sont ou non respectés. Par conséquent, c’est à juste titre que l’OCAN a spécifié dans son préavis du 4 septembre 2023 que la demande de régularisation devrait, le cas échéant, être portée par l’exploitant agricole locataire de la serre

En conclusion, les constructions/installations sollicitées dans la demande du ______ 2023 ne peuvent pas être considérées comme conformes à la zone agricole en vertu des dispositions précitées. Le département pouvait ainsi, à juste titre, rejeter cette demande, ceci sous réserve de l’octroi d’une dérogation ou de la reconnaissance de la situation acquise, éléments qu’il faut donc examiner, ce d’autant plus que la recourante se prévaut également du fait qu’une dérogation fondée sur les art. 24 LAT et 27 LaLAT aurait en tout état dû être retenue.

16.         L’art. 24 LAT précise qu’en dérogation de l’art. 22 al. 2 LAT, des autorisations peuvent être délivrées pour de nouvelles constructions ou installations ou pour tout changement d’affectation si (a) l’implantation de ces constructions ou installations hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination et (b) qu’aucun intérêt prépondérant ne s’y oppose. Ces deux conditions sont cumulatives (ATF 124 II 252 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_618/2014 du 29 juillet 2015 consid. 4.3) et doivent être examinées séparément (ATF 138 II 570 consid. 4).

À Genève, selon l’art. 27 LaLAT, qui correspond à l’art. 24 LAT (arrêt du Tribunal fédéral 1A.196/2006 du 12 mars 2007 consid. 5.3), hors des zones à bâtir, en dérogation à l’art. 20 LaLAT, une autorisation ne peut être délivrée pour une nouvelle construction ou installation ou pour tout changement d’affectation que si l’emplacement de la construction prévue est imposé par sa destination (let. a) et si elle ne lèse aucun intérêt prépondérant, notamment du point de vue de la protection de la nature et des sites et du maintien de la surface agricole utile pour l’entreprise agricole (let. b).

De façon générale, l’implantation d’une construction est imposée par sa destination lorsqu’un emplacement hors de la zone à bâtir est dicté par des motifs techniques, des impératifs liés à l’exploitation d’une entreprise, la nature du sol ou lorsque l’ouvrage est exclu de la zone à bâtir pour des motifs particuliers. Il suffit que l’emplacement soit relativement imposé par la destination. Il n’est pas nécessaire qu’aucun autre emplacement n’entre en considération. Il doit toutefois exister des motifs particulièrement importants et objectifs qui laissent apparaître l’emplacement prévu comme plus avantageux que d’autres endroits situés à l’intérieur de la zone à bâtir (ATF 136 II 214 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_877/2013 du 31 juillet 2014 consid. 3.1.1 ; ATA/582/2022 du 31 mai 2022 consid. 6a). L’application du critère de l’art. 24 let. a LAT doit être stricte, dès lors qu’il contribue à l’objectif de séparation du bâti et du non-bâti et l’examen du lieu de situation imposé par la destination apparaît incomplet lorsqu’aucune solution alternative ni aucun emplacement alternatif n’ont été débattus (ATF 136 II 214 consid. 2.2 ; 117 Ib 270 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_877/2013 du 31 juillet 2014 consid. 3.1.1). L’examen du caractère relativement imposé par la destination de l’emplacement, implique une pesée de l’ensemble des intérêts en présence, pesée qui se recoupe avec celle imposée par l’art. 24 let. b LAT
(ATF 141 II 245 consid. 7.6.2). Des préférences dictées par des idées et des vœux subjectifs ou des critères de commodité ou d’agrément ne peuvent être pris en considération (ATF 129 II 63 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.98/2005 du 19 février 2007 consid 3.1).

L’autorité n’est en principe pas tenue d’accorder une dérogation, sauf si ce refus est entaché d’arbitraire, et peut interpréter restrictivement une norme dérogatoire (ATA/690/1999 du 23 novembre 1999). Selon la jurisprudence, la dérogation sert fondamentalement à éviter des cas d’extrême dureté, en permettant de prendre en considération des situations exceptionnelles. La plupart du temps, toutefois, des considérations générales ou d’ordre économique ne permettent pas de justifier une dérogation qui ne peut en tout cas pas être accordée pour fournir « une solution idéale » au maître de l’ouvrage (ATF 107 Ia 214, consid. 5 ; ATA/690/1999 du 23 novembre 1999). À cet égard, il faut souligner qu’il n’y a pas lieu de prendre en compte les considérations de convenance personnelle du constructeur (ATF 123 II 499 consid. 3b /cc ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.213/2005 du 27 mars 2006 ; ATA/68/2013 du 6 février 2013 consid. 9). L’octroi d’une autorisation dérogatoire sur la base de l’art. 24 LAT ne doit pas être utilisé pour éviter de procéder à un changement de zone (ATA/1019/2014 du 16 décembre 2014 consid. 7b).

17.         En l’espèce, il apparaît que les aménagements litigieux ne remplissent pas les conditions posées par les art. 24 LAT et 27 LaLAT.

Leur implantation n’est en effet pas imposée par leur destination hors de la zone à bâtir, étant rappelé que l’activité pour laquelle leur présence est selon la recourante nécessaire à leur emplacement actuel, n’est elle-même en l’état pas conforme à la zone agricole, comme exposé ci-dessus. En tout état, leur présence n’apparaît dictée par aucune nécessité technique, économique ou inhérente à la nature du sol propre à justifier une dérogation générale au sens de l’art. 24 LAT. Il sera rappelé à ce titre que, conformément à la jurisprudence précitée, l’application d’une telle dérogation doit être stricte, dès lors que celle-ci contribue à l’objectif de séparation du bâti et du non-bâti.

Quant aux difficultés, en termes notamment du transport des plantes et donc du besoin d’avoir des véhicules de tonnage important, mises en avant par la recourante si la serre devait être exploitée, il sera rappelé qu’à teneur de la jurisprudence, seuls des critères objectifs sont déterminants, à l’exclusion de préférences dictées pour des motifs de commodités ou d’agrément et qu’une dérogation ne saurait être accordée en vue de fournir une « solution idéale » à la requérante. Par conséquent, les constructions litigieuses dont la régularisation a été demandée ne respectent pas les conditions des art. 24 LAT et 27 LaLAT. Par ailleurs, l’utilité pratique invoquée pour désenclaver la parcelle n° 2______ ne justifie pas non plus l’octroi d’une dérogation. Un chemin d’accès depuis l’avenue E______ vers la parcelle n° 3______ existe et sa privatisation alléguée par les époux C______ et D______ n’est pas pertinente, d’autant plus qu’elle ne semble plus d’actualité à la lecture du JTAPI/6______. En outre, il existe une servitude de passage à pied et pour tout véhicule sur la parcelle n° 1______ au bénéfice notamment de la parcelle n° 2______, de sorte que la recourante pourrait sans autre, d’autant plus que les deux parcelles lui appartiennent, réaliser un chemin ayant un impact moindre sur la zone agricole, pour accéder à son domicile et le soumettre au département. S’agissant enfin de la place de manœuvre et de stationnement, force est de relever que la recourante ne prétend ni même n’allègue qu’elle lui serait nécessaire

Au vu de ce qui précède, c’est à juste titre que le département a refusé de donner une suite positive à la demande d’autorisation de construire déposée par la recourante aux fins de régularisation.

18.         La recourante se prévaut enfin de l’art. 19 al. 1 LAT pour exiger que le département lui accorde une voie d’accès pour parvenir à son habitation.

19.         Cette disposition précise qu’un terrain est réputé équipé lorsqu’il est desservi d’une manière adaptée à l’utilisation prévue notamment par des voies d’accès.

Une voie d’accès est adaptée à l’utilisation prévue lorsqu’elle est suffisante d’un point de vue technique et juridique pour accueillir tout le trafic de la zone qu’elle dessert. Il faut aussi que la sécurité des usagers soit garantie sur toute sa longueur, que le revêtement soit adéquat en fonction du type de véhicules qui vont l’emprunter, que la visibilité et les possibilités de croisement soient suffisantes et que l’accès des services de secours (ambulances, service du feu) et de voirie soit assuré (ATF 121 I 65 consid. 3a et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_471/2020 du 19 mai 2021 consid. 3.1). Autrement dit, l’accès est suffisant lorsqu’il présente des conditions de commodité et de sécurité tenant compte des besoins des constructions projetées.

La réalisation de la voie d’accès est juridiquement garantie lorsque le terrain peut être raccordé à une route du domaine public ou à une route privée que les utilisateurs du bâtiment ont le droit d’emprunter (arrêt du Tribunal fédéral 1C_387/2014 du 20 juin 2016 consid. 7.1 et les références).

20.         L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours, les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. En d’autres termes, l’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; ATA/353/2023 du 4 avril 2023 consid. 2.1).

21.         En l’espèce, ainsi qu’il le relève dans sa duplique, le département n’a pas refusé d’octroyer, de manière générale, à la recourante toute voie d’accès à sa parcelle accueillant son habitation. Il s’est uniquement déterminé, dans le strict cadre de la décision entreprise, sur sa demande de régulariser le nouveau chemin construit sans autorisation. Il ne s’agit donc nullement d’un refus de principe visant tout nouvel accès à la parcelle en cause et la recourante reste donc libre de déposer une nouvelle requête à cette fin.

La requête de la recourante sera donc également écartée.

22.         Entièrement mal fondé, le recours est rejeté.

23.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 20 novembre 2023 par Madame A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Diane SCHASCA et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

.

 

Genève, le

 

Le greffier