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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2222/2023

JTAPI/348/2024 du 16.04.2024 ( LDTR ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : LOYER ÉCHELONNÉ;LOYER CONTRÔLÉ
Normes : LDTR.10; LDTR.11.al1; LDTR.11.al3; LDTR.14
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2222/2023 LDTR

JTAPI/348/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 16 avril 2024

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par MOSER VERNET & CIE, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ SA est propriétaire de l’immeuble sis rue B______, sur la parcelle n° 1______ de la commune de C______, située en D______.

Cet immeuble est géré par la régie MOSER VERNET & CIE SA (ci-après : la Régie).

2.             En date du 8 mai 2023, la Régie a déposé, pour le compte de A______ SA, une requête en autorisation de construire portant sur la rénovation d’un appartement de 4,5 pièces sis au 4ème étage de l’immeuble précité. Le coût des travaux était estimé à CHF 37'000.- (TTC).

Cette requête a été enregistrée sous le n° de dossier APA/2______.

3.             Dans le courrier accompagnant cette demande, la Régie a informé le département du territoire (ci-après : DT ou le département) que les travaux, qui visaient à rénover la cuisine, étaient prévus en cours de bail échelonné comme suit : échelon 1 : CHF 30'372.-/an, soit CHF 2'531.-/mois du 15 octobre 2022 au 31 octobre 2023 ; échelon 2 : CHF 31'200.-/an, soit CHF 2'600.-/mois dès le 1er novembre 2023. Le contrat de bail en question avait été signé avec la locataire actuelle le 4 octobre 2022 et prévoyait un échelonnement des loyers jusqu’au 31 octobre 2028.

Elle demandait dès lors que le loyer soit bloqué en prenant en compte ces éléments.

4.             Le 25 mai 2023, dans le cadre de l'instruction de cette requête, l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) a rendu un préavis favorable sous conditions du respect des dispositions de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20 ;
art. 9 LDTR). Le loyer de l'appartement concerné ne devait pas excéder son niveau actuel, à savoir CHF  30'372.- par an, soit CHF 7’593.- par pièce et par an, pour une durée de trois ans à dater de la remise en location après la fin des travaux
(art. 10 al. 1, 11 et 12 LDTR). Toute modification devrait faire l’objet d’une demande complémentaire. Sous la rubrique « Remarques (REM) », il était encore mentionné que cet appartement comptait 4 pièces RGL et non 4,5. De plus, le calcul du futur loyer devait se faire sur la base du dernier loyer appliqué au moment de l’autorisation, soit en l’occurrence CHF 30'372.- jusqu’au 31 octobre 2023.

Toutes les autres instances de préavis consultées se sont déclarées favorables, avec ou sans conditions.

5.             Par décision APA/2______ du ______ 2023, le département a délivré à A______ SA l’autorisation de construire sollicitée assortie d'une condition, sous chiffre 7, renvoyant au préavis rendu le 25 mai 2023 par l’OCLPF, à savoir que le loyer de l'appartement n’excèderait pas après travaux CHF 30'372.- par an, soit CHF 7'593.- la pièce par an. Ce loyer serait appliqué pour une durée de trois ans à dater de la remise en location après la fin des travaux en application des
art. 10 al. 1, 11 et 12 LDTR.

6.             Par acte du 29 juin 2023, A______ SA, agissant sous la plume de la Régie, a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance
(ci-après : le tribunal) contre cette décision en concluant, sous suite de frais et dépens, à sa modification en ce sens que le loyer après travaux de l’appartement visé devait être fixé à CHF 30'372.-/an soit CHF 2’531.-/mois dès la fin des travaux jusqu'au 31 octobre 2023 et à CHF 31'200.-/an soit CHF 2'600.-/mois dès le 1er novembre 2023 jusqu'à la fin de période de contrôle, moins les mois bloqués entre la fin des travaux et le 31 octobre 2023. Préalablement, elle a conclu au retrait de l'effet suspensif attaché au recours afin de pouvoir commencer sans attendre les travaux autorisés.

Ce loyer échelonné avait été prévu dans le contrat de bail à loyer signé le 4 octobre 2022 avec la locataire actuelle de l’appartement, qui avait demandé une rénovation complète de la cuisine après son entrée dans le logement. Ces travaux étant soumis à la LDTR, la Régie avait déposé une demande d’autorisation le 8 mai 2023, accompagnée du formulaire D12 qui n’était cependant pas adapté s’agissant de travaux à effectuer en cours de bail, notamment pour les rubriques « nom du dernier locataire » (alors qu’il ne s’agissait pas de travaux effectués entre deux locations) et « loyer annuel net actualisé » (qui ne pouvait l'être en cours de location que lorsque le loyer en cours était « standard », c'est-à-dire « ni échelonné, ni indexé le système de loyer du Code des obligations prévoyant pour ces trois types de loyers des règles différentes quant aux méthodes de calcul de loyer applicables en cours de bail »). De plus, ce formulaire ne prévoyait pas de rubriques pour indiquer les échelons du bail.

Vu ce formulaire non adapté à un bail échelonné en cours, elle avait transmis une lettre d’accompagnement précisant d’une part que le bail de l'appartement avait été signé avant la demande et l'exécution des travaux et, d'autre part, que le loyer était échelonné, si bien qu'il devait être fixé à CHF 2'531.-/ mois = CHF 30'372.- / an dès la fin des travaux jusqu'au 31 octobre 2023 et à CHF 2'600.-/ mois = CHF 31'200.- / an du 1er novembre 2023 jusqu'à la fin de période de contrôle moins les mois bloqués entre la fin des travaux et le 31 octobre 2023. Conformément à ses obligations, elle avait également envoyé une lettre d’information à la locataire - même si c’était cette dernière qui avait demandé les travaux - lui confirmant accepter les travaux sollicités et soulignant la nécessité de l'informer en application de l'art. 43 LDTR.

Il ressortait cependant de l’autorisation délivrée que le loyer avait été bloqué au montant du premier échelon, alors qu’un second échelon avait été fixé dès le 1er novembre 2023, selon le contrat de bail précité. Interpellé à ce sujet, l’OCLPF lui avait répondu que c’était le montant de CHF 30'072.- /an jusqu’au 31 octobre 2023 qui avait été pris en compte et que, sur la base de
l’art. 11 al. 3 LDTR, le loyer avait été fixé au même niveau que le loyer actuel. L’échelon prévu dès le 1er novembre 2023 (CHF 31'200.-/ an) allait devoir attendre la fin du contrôle étatique.

Or, in casu, comme les travaux projetés concernaient un appartement isolé, habité par le locataire, il convenait de procéder en deux temps comme pour un immeuble faisant totalement ou en partie l'objet de travaux soumis à la LDTR, les loyers échelonnés ayant été fixés avant travaux. Leurs montants connus avant les travaux entreraient en vigueur après l’exécution de ces derniers, de même que dans le cas d’un loyer « indexé », mis en place avant les travaux. Les indexations autorisées dans le futur étaient à calculer selon l'évolution de l'indice suisse des prix à la consommation (ISPC), ces calculs étant mathématiques. Il s’agissait donc bien d’un cas entrant dans le champ d’application de l’art. 11 al. 1 let. d LDTR qui traitait du loyer avant travaux. S'agissant du loyer après travaux, c'était l’art. 11 al. 3 LDTR qui aurait dû être appliqué au loyer en cours d'échelonnement de
l’art. 11 al. 1 let. d LDTR. En effet, lorsque ce loyer (fixé) avant transformation ou rénovation dépassait (comme in casu) le plafond des besoins prépondérants de la population (ci-après : BPP), il était maintenu au « même niveau » à savoir au niveau des échelons prévus avant les travaux qui devaient entrer en vigueur comme prévu. Raisonner autrement découragerait les propriétaires d'accepter des travaux en cours de bail, ou les encouragerait à attendre la fin de l'échelonnement ou de la période d'indexation pour repousser leur exécution. Or, cela irait à l’encontre de l'intérêt du locataire - qui se verrait refuser des travaux qu'il demandait - et qui était en l'occurrence protégé contre l'augmentation de loyer grâce à l 'échelonnement ou l'indexation prévue dans son bail,

En conclusion, le loyer échelonné, fixé dans le bail avant la demande de travaux de la locataire, devait continuer à être appliqué dans la période de contrôle.

7.             Par courrier du 11 août 2023, le département s’est opposé au retrait partiel de l’effet suspensif, relevant en substance que les intérêts de la recourante comme ceux de la locataire en place, n’étaient aucunement gravement menacés par le maintien de l’effet suspensif.

8.             Par jugement du ______ 2023 (DITAI/3______), le tribunal a admis la demande de retrait de l’effet suspensif au recours.

La question litigieuse était indépendante des travaux que la propriétaire souhaitait réaliser, étant relevé que, par sa requête de pouvoir entamer les travaux, la recourante consentait par avance à ce que les coûts y relatifs puissent par hypothèse n’être rentabilisés, en cas de location de l'appartement durant les trois ans suivant la fin des travaux, qu'à hauteur du loyer maximum autorisé, au cas où le chiffre 7 de la décision litigieuse serait confirmé au terme de la présente procédure.

9.             Le 4 septembre 2023, le DT a transmis son dossier et ses observations au tribunal, concluant au rejet du recours, sous suite de dépens.

Les échelons futurs n’avaient pas à être pris en considération dans le cadre de la fixation du loyer après travaux. Si un tel procédé était validé, cela reviendrait à permettre aux propriétaires de contourner la LDTR, en anticipant, lors de la conclusion du bail, la répercussion des travaux sur le loyer par le biais d'échelons. Or, cela constituerait un abus de droit et irait à l'encontre de l'intérêt public poursuivi par la LDTR.

Par ailleurs, selon la jurisprudence, l'autorité ne pouvait, sans outrepasser ses compétences, intervenir sur le montant du loyer échelonné dû au-delà de la période de contrôle, cette question relevant des règles du droit civil et non du droit public cantonal. Cela signifiait, a contrario, qu’elle pouvait le faire, comme en l'espèce, pendant la période de contrôle.

Dans un dossier de droit civil où la régie avait mis en place, lorsque le loyer initial était soumis au contrôle LDTR, un système permettant de minimiser le risque de contestation du loyer initial, en concluant avec le locataire un contrat de durée déterminée prévoyant un loyer échelonné (trois ans de loyer fixé par le département, puis un à deux ans avec un loyer largement majoré), le Tribunal fédéral avait d’ailleurs jugé que la construction juridique proposée, pour laquelle il n'y avait aucun motif et qui ne correspondait à aucun intérêt du locataire, ne pouvait s'expliquer que par la volonté d'éluder des dispositions impératives protégeant le locataire et était ainsi constitutive d'une fraude à la loi (Arrêt 4A_598/2018 du 12 avril 2019 consid. 4.3 et 4.4).

De plus, l’avis doctrinal cité par la recourante à l’appui de son argumentation était isolé. Quant à la référence au Mémorial de 1993 (p. 3289), relatif à des dispositions de l'ancienne LDTR, les articles cités (art. 6 et 7 aLDTR) n’existaient plus dans la même teneur.

Si l’art. 11 al. 1 LDTR mentionnait que certains éléments pouvaient être pris en compte dans la fixation du loyer, notamment en lien avec l'art. 269 de loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), c’était toutefois l'al. 3 qui s'appliquait en l’espèce. Selon ce dernier, si le loyer avant transformation ou rénovation dépassait le niveau des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population, il était maintenu par le département au même niveau lorsqu'il apparaissait qu'il permettait économiquement au propriétaire de supporter le coût des travaux sans majoration de loyer.

En l’occurrence, le loyer avant travaux était de CHF 7’593.- la pièce par année, soit bien supérieur à la fourchette LDTR de CHF 3’528.- la pièce par année. Partant, c'était à juste titre et en conformité avec l'art. 11 al. 3 LDTR qu’il avait maintenu ce loyer après travaux pour une période de trois ans, sans tenir compte de l'échelon conclu dès le mois de novembre 2023.

Le montant du loyer au 1er novembre 2023 ne pouvait en outre être retenu dans l'éventualité où les travaux ne commenceraient qu'après cette date. En effet, ainsi qu’énoncé à l'art. 10 al. 1 LDTR, le département fixait, comme condition de l'autorisation, le montant maximum des loyers. Ladite fixation intervenait donc dans le cadre de l'instruction de la requête sur la base d'une situation précise et du loyer appliqué à ce moment-là. Elle ne dépendait pas de la date à laquelle les travaux seraient réellement effectués. Si la recourante estimait que les circonstances s’étaient modifiées, il lui appartenait de déposer une nouvelle demande d'autorisation de construire ou une demande complémentaire, laquelle serait instruite de manière complète. II n'appartenait donc pas à la juridiction de se substituer à l'examen du département et de modifier le montant du loyer fixé.

Par ailleurs, l'art. 14 LDTR prévoyait que les loyers fixés par le département ne pouvaient être dépassés pendant la période de contrôle (al. 1). Lorsque l’évolution des critères de fixation de loyers au sens des art. 269 et ss CO le justifiait, une demande de modification des loyers ou des prix pouvait être présentée au département, qui statuait en regard des articles précités (al. 2). Ce n'était donc, à teneur de loi, que postérieurement à la fixation des loyers qu'une demande pouvait être déposée. Toutefois, au vu de ce qui avait été développé ci-avant, et notamment du fait que la let. d de l'art. 11 al. 1 LDTR n'était prise en compte que de manière subsidiaire aux let. a à c, une telle modification n'intervenait que de manière exceptionnelle.

10.         La recourante a répliqué le 10 octobre 2023, par l’intermédiaire de la Régie.

Suite au jugement du tribunal retirant l’effet suspensif au recours, les travaux de rénovation avaient été organisés pour débuter fin octobre 2023 et se terminer durant la première quinzaine de novembre 2023. Le loyer après travaux devait donc être bloqué à l’échelon en vigueur dès le 1er novembre 2023, pour une durée de trois ans, soit jusqu’au 30 novembre 2026.

Elle requérait une copie du jugement du tribunal cité par le DT (JTAPI/4______ du ______ 2016) lequel ne se trouvait pas sur le site du tribunal.

Par ailleurs, l’argument selon lequel elle pourrait déposer une nouvelle demande d’autorisation si elle estimait que les circonstances s’étaient modifiées, était inadmissible. En effet, cela reviendrait à redéposer une demande complète portant sur les mêmes travaux, une fois ceux-ci effectués, uniquement afin que l’OCLPF puisse modifier son préavis au niveau de l'échelon applicable à ce moment du bail en cours. Cela aurait pour conséquence un gaspillage de temps et d'argent et serait contraire à l’art 10A al. 2 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RALCI - L 5 05.01). De même, le dépôt d’une demande d’autorisation complémentaire entrainerait tout autant de documents, de travail à accomplir pour l'entreprise et les fonctionnaires et de surcoûts.

De plus, le cas d’espèce ne correspondait pas à une situation où les circonstances étaient inconnues ou inexistantes avant la délivrance de l'autorisation et qui se seraient modifiées après celles-ci. Au contraire, l’échelonnement prévu dans le passé pour une période allant au-delà de la date de délivrance de l’autorisation, était connu lors de l'instruction de la demande d'autorisation et devait donc être traité lors de l’instruction de la demande d’autorisation de construire, en application de l’art. 11 al. 3 let. d LDTR.

Enfin, l’art. 14 LDTR - qui se référait à des éléments inconnus lors de l'instruction de l'autorisation qui apparaissent après la délivrance de l'autorisation - ne s'appliquait pas en l’espèce puisque l'échelonnement était connu lors de l'instruction de l'autorisation et qu'il était aisé pour le DT de l'intégrer dans le préavis du service LDTR comme sollicité.

11.         Par duplique du 3 novembre 2023, le département a persisté dans les conclusions prises dans ses précédentes observations, relevant au surplus que si la recourante considérait que les circonstances s’étaient modifiées, le dépôt d’une nouvelle APA ou d’une autorisation complémentaire restait possible. Dans la mesure où les documents à produire était peu nombreux et déjà en grande partie à la disposition de la recourante, le dépôt d’une nouvelle demande ou d’une autorisation complémentaire ne relèverait pas d’un formalisme excessif et serait, au contraire, respectueuse de la LDTR. Enfin, une augmentation de loyer constituait bel et bien un changement de circonstances au sens de l’art. 14 LDTR.

12.         Par courrier du 16 février 2024, le tribunal a transmis une copie caviardée du jugement JTAPI/4______ à la recourante, avec délai au 29 février 2024 pour lui faire part de son éventuelle détermination à son sujet.

13.         Dans le délai prolongé à sa demande au 8 mars 2024, la recourante a persisté dans ses précédentes écritures et fait valoir que l’état de fait du jugement précité, dont la partie en droit ne contenant aucun développement sur la question de la prise en charge des échelonnements de loyers fixés avant travaux, était totalement différent de la présente cause.

En effet, on ne se trouvait pas in casu dans la cadre de travaux effectués entre deux locations distinctes mais face à des travaux sollicités par la locataire en cours de location alors que le bail en cours prévoyait un échelonnement de loyer. Or, comme déjà dit, cet échelonnement devait s’appliquer pendant la période de contrôle.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LDTR et de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05, art. 143 et 145 al. 1 LCI ; art. 45 al. 1 LDTR).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n'est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 et les références citées).

5.             La LDTR s'applique à tout bâtiment situé dans l'une des zones de construction prévues par l'art. 19 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) ou construit au bénéfice d'une norme de l'une des quatre premières zones de construction en vertu des dispositions applicables aux zones de développement (art. 2 al. 1 let. a LaLAT), et comportant des locaux qui, par leur aménagement et leur distribution, sont affectés à l'habitation (art. 2 al. 1 let. b LaLAT).

Elle a pour but de préserver l’habitat et les conditions de vie existants, ainsi que le caractère actuel de l’habitat dans les zones visées expressément par la loi
(art. 1 al. 1 LDTR). Celle-ci prévoit notamment à cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d'appartements, des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 2 let. a LDTR).

6.             Plus spécifiquement, la LDTR vise à protéger les locataires contre des changements d’affectation quantitatifs du parc locatif, soit contre le remplacement de locaux d’habitation par des locaux commerciaux ou à usage professionnel, mais aussi et de façon primordiale, à les protéger contre des changements d’affectation qualitatifs. Sont en effet également visés les travaux de rénovation qui ont pour conséquence de faire basculer des catégories de logement conçues pour des familles modestes et nombreuses dans des catégories de logement destinées à des personnes aisées et sans enfant, ou des catégories d’immeubles à loyer bas ou modérés vers des loyers d’appartements de luxe (ATA/859/2010 du 7 décembre 2010 consid. 6b et la référence citée).

7.             À teneur de l’art. 9 al. 1 LDTR, une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation au sens de l’art. 3 al. 1 LDTR. Elle est accordée notamment lorsque l’état du bâtiment comporte un danger pour la sécurité et la santé de ses habitants ou des tiers (let. a), lorsque la réalisation d’opérations d’aménagement ou d’assainissement d’intérêt public le commande (let. b) ou pour les travaux de rénovation (let. e), c’est-à-dire la remise en état, même partielle, de tout ou partie d’une maison d’habitation, en améliorant le confort existant sans modifier la distribution des logements (art. 3 al. 1 let. d LDTR), et si les logements transformés répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix aux BPP
(art. 9 al. 2 LDTR).

8.             Un logement correspond en principe par son genre ou par son loyer aux BPP lorsque son loyer est compris entre CHF 2'627.- et CHF 3'528.- la pièce par année
(arrêté du Conseil d'État du 12 janvier 2022 relatif à la révision des loyers répondant aux BPP - ArRLoyers - L 5 20.05), ou lorsque ce logement entre dans la catégorie des appartements dans lesquels règne la pénurie au sens de l'art. 25 LDTR. Selon l'arrêté déterminant au moment des faits, comme selon celui actuellement en vigueur (arrêté du Conseil d'État déterminant les catégories d'appartements où sévit la pénurie en vue de l'application des art. 25 à 39 LDTR - ArAppart - L 5 20.03, modifié régulièrement), il y a pénurie dans toutes les catégories d'appartements d'une à sept pièces inclusivement.

9.                  Ainsi, en particulier, un logement répond aux BPP lorsque son loyer est supérieur au plafond LDTR et que son nombre de pièces entre dans une catégorie en pénurie
(cas où seule la condition alternative du genre est remplie) (ATA/185/2021 du 23 février 2021 consid. 5c ; ATA/1736/2019 du 3 décembre 2019 consid. 7e).

10.              Pour calculer le nombre de pièces au sens de la LDTR, le département se réfère à l'art. 1 du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01), qui s’applique au calcul du nombre de pièces des logements soumis à la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05), sauf des logements d’utilité publique. La chambre administrative admet depuis de nombreuses années que, dans la mesure où les buts poursuivis par la LDTR et la LGL relèvent d’un même souci de préserver l’habitat et de lutter contre la pénurie de logements à Genève, on peut parfaitement appliquer la disposition précitée, par analogie, au calcul du nombre de pièces selon la LDTR (cf. not. ATA/334/2014 du 13 mai 2014 et les références citées).

11.              En l’occurrence, au vu des plans visés ne varietur figurant au dossier, le calcul des pièces effectué par le service LDTR apparait correct. Le logement concerné doit ainsi être considéré comme un appartement de 4 pièces (et non de 4,5 pièces comme mentionné par la recourante dans la demande d’autorisation du 8 mai 2023). Cela étant, même si le loyer avant travaux (CHF 30'372.- l’an, soit CHF 7'593.- par pièce) est supérieur au plafond LDTR, il n’en demeure pas moins que le logement correspond aux BPP, puisqu’il fait partie de la catégorie des logements pour lesquels règne une pénurie. Il entre donc dans le champ d’application de la LDTR, ce qui n’est au demeurant pas contesté.

12.              Les travaux qui doivent être qualifiés de travaux de transformation (ou rénovation) sont ceux décrits à l'art. 3 al. 1 et 2 LDTR.

13.              Selon l'art. 10 LDTR, le département fixe, comme condition de l'autorisation, le montant maximum des loyers des logements après travaux. Il tient compte des critères énumérés à l'art. 11 LDTR (« mode de calcul »). Le département renonce à la fixation des loyers prévue à l’al. 1 lorsque cette mesure apparaît disproportionnée, notamment lorsque les logements à transformer sont des logements de luxe ou que leurs loyers dépassent d’ores et déjà d’au moins 2 fois et demie les besoins prépondérants de la population (art. 10 al. 2 let. b LDTR).

Cette dernière disposition légale démontre qu'un appartement loué, avant travaux, pour un montant dépassant les BPP, n'est pas soustrait ipso facto au contrôle des loyers. Seul un loyer, avant travaux, deux fois et demie supérieur à la limite de CHF  3'405.- par pièce et par année entraîne un tel effet (JTAPI/128/2022 du 31 janvier 2023 consid.  20 et les références citées).

14.         En l’espèce, les parties ne contestent pas que les travaux de rénovation en question sont soumis à la LDTR. A cet égard, la recourante ne prétend pas, à juste titre, que l'appartement concerné serait un logement de luxe au sens de la LDTR ni que le loyer de l’appartement avant travaux dépasserait de plus de deux fois le loyer correspondant aux BPP (art. 10 al. 2 let. b in fine LDTR).

15.         Les conditions de l’art. 10 al. 2 let. b LDTR n’étant pas réalisées, c’est donc à bon droit que l’autorité intimée n’a pas renoncé à la fixation du loyer de l’appartement après travaux. Seule demeure litigieuse la question de la fixation du montant du loyer LDTR.

16.         Sur ce point, la recourante fait valoir que l’autorité intimée aurait dû prendre en compte le deuxième échelon prévu par le contrat de bail, qui devait entrer en vigueur à partir du 1er novembre 2023, soit CHF 2'600.- par mois (CHF 31'200.- par an) jusqu’à la fin de la durée de blocage correspondant à trois ans moins les mois déjà bloqués entre la fin des travaux et le 31 octobre 2023.

17.         L'art. 11 al. 1 LDTR énumère les critères que doit utiliser le département pour arrêter un loyer maximum, en considérant l'ensemble des travaux effectués, sous déduction des subventions octroyées, soit : un rendement équitable des capitaux investis pour les travaux, calculé en règle générale sur les 70% au maximum de leur coût et renté à un taux de 0,5 point au-dessus de l'intérêt hypothécaire de 1er rang pratiqué par la Banque cantonale de Genève, en tenant compte de l'amortissement (let. a) ; un amortissement calculé sur une durée de 18 à 20 ans, soit de 5,55% à 5% (let. b) ; les frais d'entretien rentés en règle générale à 1,5% des travaux pris en considération (let. c) ; les autres facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération selon les art. 269 ss CO (let. d).

18.         L'art. 11 al. 2 LDTR précise que les loyers après transformation doivent répondre aux BPP lorsque les logements répondent eux-mêmes à ces besoins prépondérants quant à leur genre, leur typologie, leur qualité, leur prix de revient, le nombre de pièces ou leur surface.

19.         Cependant, selon l'art. 11 al. 3 LDTR, si le loyer avant transformation ou rénovation dépasse le niveau des loyers répondant aux BPP, il est maintenu par le département au même niveau lorsqu'il apparaît qu'il permet économiquement au propriétaire de supporter le coût des travaux sans majoration de loyer.

Dans ce cas, il appartient au propriétaire de démontrer, par toutes pièces utiles, qu'il n'est pas en mesure de supporter économiquement le coût des travaux sans majoration de loyer (art. 5 al. 4 du règlement d’application de la LDTR
[RDTR – L  5 20 01]). Par pièces utiles, le département fait prioritairement référence à un calcul de rendement de l’immeuble. Subsidiairement, il peut être recouru à une étude comparative entre les loyers de l’immeuble et ceux résultant des statistiques publiées chaque année par le canton, étant précisé, qu’à année de construction égale, la limite au-delà de laquelle le propriétaire est présumé pouvoir supporter économiquement le coût des travaux sans majoration de loyer est fixée, sauf exception, au 3ème quartile. Le département tient compte, dans son appréciation, des autres facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération au sens des art. 269 ss CO (art. 5 al. 4 du règlement d’application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation du 29 avril 1996 - RDTR - L 5 20.01 ; ATA/253/2011 du 19 avril 2011 consid. 8 ; GAIDE/DEFAGO GAUDIN, op. cit., p. 315).

Si le propriétaire ne produit pas les pièces permettant d'effectuer un calcul de rendement, voire d'appliquer la méthode des loyers du quartier ou la méthode relative, le département doit refuser sa demande de validation de hausse de loyer. Cette hausse devrait aussi être refusée s'il apparaît, au vu du dossier, que les loyers avant travaux sont surfaits (Mémorial du Grand Conseil 1999, p. 1087-1088).

20.         L'application de l'art. 11 al. 3 LDTR est limitée aux cas des logements qui, sans être des logements de luxe sont loués à un prix qui apparaît, avant les travaux, comme abusivement élevé et qui correspond déjà à ce qui serait admissible après transformation. La réserve selon laquelle le blocage des loyers doit être économiquement supportable permettra à l'autorité de respecter le principe de la proportionnalité lors de l'application de cette disposition (cf. Mémorial, op. cit., p. 1087-1088; arrêt du Tribunal fédéral 1P.664/1999 consid. 6; Alain MAUNOIR, La LDTR genevoise: les principes et quelques applications, in RDAF 2002 I p. 21).

21.         Ce blocage au niveau du loyer avant travaux au-dessus du plafond LDTR a deux conséquences pour le département. Celui-ci peut s'abstenir de faire le calcul de hausse de loyer fondé sur les coûts de l'art. 11 al. 1 LDTR. En revanche, il ne peut pas réduire le loyer après travaux au plafond LDTR : tout au plus, peut-il le bloquer au montant du loyer avant travaux. Du point de vue du propriétaire, ce blocage du loyer empêche tout rendement sur travaux, voire implique un rendement négatif sur travaux (GAIDE/DEFAGO GAUDIN, op. cit., p. 308).

22.         L'art. 12 LDTR précise que la durée de contrôle est de trois ans pour les immeubles rénovés ou transformés. Elle peut être portée à cinq ans en cas de transformation lourde.

La conformité de cette disposition avec le droit fédéral a été admise par le Tribunal fédéral (2C_184/2013 du 8 janvier 2014) qui a confirmé que les règles de contrôle temporaire des loyers prévues par la LDTR respectaient le principe de primauté du droit fédéral (arrêt 1P.20/2005 du 18 mars 2005) tout en précisant que cette intervention étatique était limitée dans le temps, les parties demeurant libres de modifier le contrat de bail à l'issue de la période de contrôle. La LDTR ne permet ainsi pas au département d'intervenir sur le loyer postérieur à la période de contrôle en imposant aux parties la conclusion d'un nouveau bail qui tiendrait compte du loyer fixé dans l'autorisation de rénover en application de la LDTR
(arrêt du Tribunal fédéral 1C_250/2010 du 26 août 2010 consid. 3.3).

23.         Le propriétaire peut conclure un bail échelonné prévoyant comme premier échelon le loyer fixé par le département pendant la durée de contrôle retenue par ce dernier et un deuxième échelon de loyer supérieur entrant en vigueur à l'issue de la période de contrôle (E. GAIDE, V. DEFAGO GAUDIN, op. cit. p. 334). Cas échéant, l'examen du bien-fondé du montant du loyer dû au-delà de la période de contrôle relèvera des règles du droit civil et non du droit public cantonal (ATA/512/2010 du 3 août 2010). Dans l’arrêt en question, différent de l’objet de la présente procédure, le bail échelonné signé avec les locataires prévoyait un premier loyer respectant les termes de l’autorisation de construire puis un deuxième loyer à partir de la date de la fin de la période de contrôle. La chambre administrative a ainsi retenu que la recourante avait respecté l'autorisation de construire - en particulier la condition n° 6 - et que le département ne pouvait pas, sans outrepasser ses compétences, intervenir sur le montant du loyer dû au-delà de la période de contrôle. La commission avait dès lors considéré à tort que le bail n'était pas conforme à la LDTR (consid. 2c).

De même, le Tribunal fédéral a eu l’occasion de dire que, dans le cadre d’un contrat de bail avec loyers échelonnés, les dispositions de la LDTR ne permettaient pas au DT d’intervenir sur le loyer postérieur à la période de contrôle, soit, en l’occurrence, de vérifier le loyer fixé dans la clause d’échelonnement pour les deux années suivant la période postérieure au contrôle étatique (arrêt du Tribunal fédéral 1C_184/2013 du 8 janvier 2014 consid. 2.2).

Il découle a contrario de ces deux jurisprudences que le département doit pouvoir intervenir sur un loyer échelonné pendant la période de contrôle.

Dans une autre espèce concernant un bail avec des loyers échelonnés, le Tribunal fédéral a considéré en substance que le loyer initial devait effectivement être fixé conformément à celui qui avait été retenu par le département dans l’autorisation de construire et qu’après la fin de la période de contrôle, c’était le loyer échelonné initialement convenu dans le bail qui devait entrer en vigueur, puisque l’avis initial de fixation du loyer comprenant les loyers échelonnés n’avait pas été contesté par le locataire dans les trente jours. Dans cette affaire, le bailleur avait exécuté des travaux sans requérir au préalable une autorisation de construire, puis avait conclu, avec un nouveau locataire, un nouveau contrat de bail prévoyant un loyer initial et des loyers échelonnés. Le DT avait alors délivré l’autorisation mais fixé comme condition un loyer LDTR pendant trois ans avec effet rétroactif au début du bail (arrêt du Tribunal fédéral 4A_356/2018 du 10 décembre 2018).

Le Tribunal fédéral a enfin retenu une fraude à la LDTR dans le fait de conclure successivement des baux à durée limitée ou un contrat de bail avec un échelon qui tomberait après la période de fin de contrôle des loyers au sens de la LDTR, de manière à limiter le risque de contestation du loyer initial, soit plus largement afin d’éluder les dispositions impératives protégeant le locataire (arrêt 4A_598/2018 du 12 avril 2019).

24.         Dans le cadre de la fixation du loyer après travaux, le département doit prendre comme loyer de référence le dernier loyer brut appliqué, soit le loyer sans les charges (ATA/783/2002 du 10 décembre 2002).

25.         Dans un jugement rendu le ______ 2016 (JTAPI/4______), le tribunal a eu l’occasion de retenir que, dans la cadre d’un contrat de bail échelonné, seul faisait foi le montant du loyer de l’appartement avant travaux (consid. 14 et 16).

26.         En l’espèce, lors de l’instruction de la demande, le loyer avant travaux s’élevait à CHF 7'593.- par pièce par année, soit à un montant supérieur à la fourchette LDTR de CHF 3’528.- par pièce. Partant, en application de l’art. 11 al. 3 LDTR et comme rappelé par la jurisprudence ci-dessus, c’est ce loyer qui devait être pris en compte pour la fixation du loyer après travaux et c’est ainsi à bon droit que le DT l’a bloqué, après travaux autorisés, pour une durée de trois ans. De plus, conformément à la lettre de l’art. 10 al. 1 LDTR, le montant maximum du loyer fixé après travaux constituant une « condition de l’autorisation », sa fixation doit forcément intervenir avant son prononcé, soit dans la cadre de l’instruction de la demande. Il ne saurait dès lors être pris en compte dans ce cadre des échelons futurs dudit loyer ni la date de réalisation de travaux. Seul pourrait tout au plus être prise en compte l’impossibilité économique du propriétaire de supporter le coût des travaux sans majoration du loyer, laquelle n’est toutefois pas alléguée, ni au demeurant démontrée, ici. Cette solution apparait également conforme à l’art. 14 al. 1 LDTR qui stipule que pendant la période de contrôle les loyers ne peuvent être dépassés.

Les facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération dans la fixation du loyer, notamment en lien avec les art. 269 et ss CO, tels que les échelonnements de loyer (art. 269c CO) prévus aux art. 11 al. 1 let. d LDTR ne trouvent en outre pas à s’appliquer, s’agissant d’un loyer fixé en application du mode de calcul particulier prévu à l’art. 11 al. 3 LDTR.

Quant à l’avis doctrinal mentionné par la recourante (GAIDE/DÉFAGO GAUDIN, op. cit., p. 286) selon lequel un échelonnement prévu antérieurement aux travaux ne peut être exclu par le DT, il ne saurait être compris comme l’entend cette dernière. En effet, durant la période de contrôle, dans le cas d’application de l’art. 11 al. 3 LDTR, lorsque, comme en l’espèce, le loyer avant travaux permet économiquement au propriétaire de supporter leur coût sans majoration, seul le dernier loyer brut avant travaux autorisés doit servir de loyer de référence. En revanche, comme retenu par le Tribunal fédéral, le loyer échelonné prévu dans le contrat de bail avant travaux ne peut être exclu par le département, après la période de contrôle. Ce n’est toutefois qu’à ce moment-là qu’il pourra s’appliquer.

27.         La recourante se plaint encore implicitement d'une violation de la primauté du droit fédéral en tant que le DT avait fait primer l'art. 10 al. 3 LDTR sur les règles du droit du bail en effectuant un contrôle des loyers alors que ceux-ci avaient été fixés et échelonnés conventionnellement entre les parties au contrat de bail.

28.         Selon l'art. 49 al. 1 Cst., le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire. Ce principe constitutionnel de la primauté du droit fédéral fait obstacle à l'adoption ou à l'application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en œuvre, ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive (ATF 137 I 167 consid. 3.4; 131 I 333 consid. 2.1 et les arrêts cités). Il est ainsi interdit aux cantons d'intervenir dans les rapports directs entre les parties au contrat de bail, réglés exhaustivement par le droit fédéral (ATF 131 I 333 consid. 2.2).

29.         Toutefois, selon une jurisprudence constante, les cantons demeurent libres d'édicter des mesures destinées à combattre la pénurie sur le marché locatif, par exemple en soumettant à autorisation la démolition, la transformation et la rénovation de maisons d'habitation. Le Tribunal fédéral a ainsi rappelé à de multiples reprises, et encore récemment, que les dispositions cantonales qui soumettent à une autorisation les transformations de maisons d'habitation et qui imposent un contrôle des loyers ne sont en principe pas contraires aux règles du droit civil fédéral qui régissent les rapports entre bailleurs et locataires. Ces normes poursuivent un but d'intérêt public évident, suffisamment important pour justifier des restrictions au droit de propriété, à la liberté économique et à l'application de certaines règles de droit civil fédéral (ATF 137 I 135 consid. 2.5.2 ;135 I 233 consid. 8.2 ; 131 I 333 consid. 2; ATF 113 Ia 126 consid. 7a). La jurisprudence a ainsi expressément confirmé que les règles de contrôle temporaire des loyers prévues par la LDTR/GE respectaient le principe de primauté du droit fédéral (arrêts du Tribunal fédéral 1C_184/2013 du 8 janvier 2014 consid. 2.1; 1C_496/2012 du 12 février 2013 consid. 2.2; 4A_185/2008 du 24 septembre 2008, consid. 2.3 ; ATF 131 I 333 consid. 2.2; ATA/512/2010 du 3 août 2010 consid. 2b ; ATA/86/2006 du 14 février 2006 consid. 4b). En cas de procédure par-devant la juridiction des baux et loyers, il existe une sorte de double contrôle des loyers, fondé toutefois sur des règles différentes. Lorsque ces juges civils fixent un loyer en application des règles du CO, il est possible que le loyer LDTR fixé par les autorités administratives soit inférieur. Ce dernier doit être alors respecté (GAIDE/ DEFAGO GAUDIN, op. cit. pp. 331 et 332 et les réf. citées).

30.         En l’espèce, nonobstant l'accord des parties au contrat de bail, le DT restait en droit de fixer le montant du loyer, afin que ce dernier n’échappe pas à son contrôle et respecte le but de préservation de l’habitat que vise la LDTR (cf. ATA/512/2010 précité ; ATA/86/2006 précité consid. 4b où l'accord des parties avait été entériné par un jugement du TBL en force). Le fait que les travaux aient été exécutés sur demande de la locataire n'y change rien.

31.         Le DT n'a dès lors pas excédé ni abusé de son pouvoir d'appréciation en fixant le loyer annuel de l'appartement, dès la fin des travaux, à CHF 30'372.- par an, soit CHF 7'593.- la pièce par an, et l’autorisation délivrée le 30 mai 2023 doit être confirmée.

32.         En dernier lieu et à toutes fins utiles, la recourante reste libre de déposer une demande de modification des loyers en application de l’art. 14 al. 2 LDTR, voire une nouvelle demande d’autorisation, si elle l’estime nécessaire.

33.         Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

34.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1’500.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issu du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 29 juin 2023 par A______ SA contre la décision du département du territoire du 30 mai 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1’500.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Suzanne AUBERT-LEBET, François HILTBRAND, Diane SCHASCA et Romaine ZÜRCHER, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier