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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/23812/2022

ACJC/1572/2024 du 09.12.2024 sur JTBL/1019/2023 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23812/2022 ACJC/1572/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 9 DECEMBRE 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d’un jugement du Tribunal des baux et loyers rendu le 30 novembre 2023, représenté par sa curatrice B______, p.a Service de protection de l’adulte, route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8

 

et

 

FONDATION HBM C______, représentée par Secrétariat des fondations immobilières de droit public, sise rue Gourgas 23bis, case postale 12, 1211 Genève 8.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/1019/2023 du 30 novembre 2023, reçu par les parties le 1er décembre 2023, le Tribunal des baux et loyers a déclaré valable le congé notifié à A______ pour le 31 janvier 2023 par la FONDATION HBM C______ concernant l’appartement de 3 pièces situé au 1er étage de l’immeuble sis no. ______ rue 1______, [code postal] Genève (ch. 1 du dispositif), condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que tout autre occupant éventuel ledit appartement ainsi que la cave n° 2______ située au 2ème sous-sol dudit immeuble, en les laissant en bon état de propreté et de réparations locatives (ch. 2), transmis la cause, à l’expiration du délai d’appel contre le jugement, au Tribunal des baux et loyers siégeant dans la composition prévue à l’article 30 LaCC, pour statuer sur les mesures d’exécution sollicitées (ch. 3), débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 15 janvier 2024, A______ a formé appel contre le jugement précité, dont il requiert l'annulation. Il a conclu, principalement, à la constatation de l'inefficacité du congé et, subsidiairement, à l'octroi d'un "délai humanitaire de 6 mois".

Il a produit une pièce nouvelle, soit une ordonnance du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le TPAE) du 21 novembre 2023 (pièce 2). Celle-ci confirme la curatelle de représentation en sa faveur, confirme B______ et D______ aux fonctions de curatrices (cf. ci-dessous, "En fait", let. C.r) et confie à celles-ci la tâche de le représenter dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d'affaires administratives et juridiques, ainsi qu'en matière de logement et dans le cadre de la présente procédure.

Pour le reste, il s'est expressément référé "aux faits tels qu'établis par le" Tribunal (appel, let. C).

b. A______ a conclu préalablement à ce qu'il soit dit que l'appel avait un effet suspensif.

Dans ses déterminations du 22 janvier 2024, la FONDATION HBM C______ a conclu au rejet de cette requête et sollicité le retrait de l'effet suspensif à l'appel.

Par arrêt ACJC/112/2024 du 31 janvier 2024, la Cour a constaté la suspension de la force jugée et du caractère exécutoire du jugement entrepris et rejeté la requête d’exécution anticipée formée par la bailleresse.

c. Dans sa réponse du 16 février 2024, la FONDATION HBM C______ a conclu à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais.

d. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, en persistant dans leurs conclusions.

La FONDATION HBM C______ a produit une pièce nouvelle, soit un courrier électronique du 3 mai 2024 par lequel E______, voisine de A______, avait informé la régie en charge de l'immeuble du fait que celui-ci avait "repris ses habitudes de bruit" depuis trois mois environ : forts claquements de porte à plusieurs reprises tard dans la nuit et dans la journée, tapage des pieds très fort dans son allée. Il avait craché par terre dans la rue en la croisant. Elle avait très peur et dormait très mal à cause de lui (pièce 18).

e. Les parties ont été informées le 29 mai 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier soumis à la Cour :

a. Par contrat du 23 février 2022, la FONDATION HBM C______, bailleresse représentée par F______ (ci-après : la régie), a remis à bail à A______, locataire, un appartement de 3 pièces au 1er étage de l'immeuble HLM sis rue 1______ no. ______ à Genève, avec une cave n° 2______ au 2ème sous-sol à titre de dépendance, pour une durée initiale d'un an, soit du 1er mars 2022 au 28 février 2023, moyennant un loyer mensuel de 711 fr. par mois, comprenant 90 fr. de provision chauffage/eau chaude.

b. Le 9 juin 2022, G______, membre de l'association J______, mandatée par la FONDATION HBM C______ dans le but de favoriser l'intégration des nouveaux locataires des immeubles nos. ______ à ______ de la rue 1______, s'est adressé par courriel au Secrétariat des fondations immobilières de droit public (ci-après : SFIDP) ainsi qu'à F______ suite aux difficultés rencontrées par les habitants de l'immeuble sis au n° 10 avec A______ et aux plaintes transmises à la fondation ("nuisances sonores et agressivité").

Entendu comme témoin le 15 septembre 2023 par le Tribunal, G______ a déclaré connaître assez peu A______. Il n'avait pas assisté à des épisodes bruyants, mais avait accueilli les difficultés des occupants de l'immeuble et essayé de se mettre en relation avec le précité afin de discuter de la situation. Le locataire rencontrait des difficultés avec certains voisins et entretenait des relations apaisées avec d'autres. Un des rares contacts qu'il avait eu avec A______ avait été abruptement interrompu par celui-ci - qui lui avait claqué la porte au nez - et il avait respecté sa demande. A______ avait un comportement "étrange", qui avait suscité un sentiment de peur chez plusieurs locataires. Des bruits nocturnes avaient été interprétés comme menaçants et rendaient difficile le sommeil des voisins. Selon ce qu'on avait rapporté au témoin, ces bruits n'étaient pas constants, mais avaient lieu à diverses périodes de l'année.

c. Le 13 juin 2022, F______ a écrit un courriel au SFIDP, avec copie à G______, afin de l’informer qu'elle avait reçu une nouvelle plainte à l'encontre de A______. Le matin-même à 4h, celui-ci était sorti de chez lui et avait tapé sur la main-courante, ce qui avait raisonné dans tout l'immeuble; il avait frappé chez une voisine, puis était rentré chez lui en criant et en claquant la porte. Ce comportement plongeait les locataires dans un état de peur constant.

d. Le 14 juin 2022, la vice-présidente de la FONDATION HBM C______ a fait part par courriel au SFIDP de perturbations nocturnes du locataire et de menaces envers le voisinage. Elle avait appris la veille que A______ effrayait les voisins directs. Il troublait le voisinage au milieu de la nuit : il frappait contre les portes et tapait dans les rambardes d'escalier avec un bâton. Une famille n'osait plus dormir chez elle. Il semblait que le locataire présentait des problèmes/troubles comportementaux graves, qui nécessitaient certainement une prise en charge médicale.

e. Le 30 juin 2022, A______ a été reçu par un représentant de l'Hospice général afin d'éclaircir la situation. Celui-ci a écrit le même jour à G______ et au SFIDP que le locataire n'avait pas nié les faits qui lui étaient reprochés, mais avait mis la faute sur le voisinage, expliquant se sentir constamment suivi et surveillé et être dérangé par les allées et venues dans l'immeuble et le parking. En outre, interrogé sur un suivi médical, il avait affirmé consulter rarement son médecin traitant et ne pas voir en quoi un médecin ou un psychiatre pourrait l'aider. Selon le représentant de l'Hospice général, A______ présenterait "des troubles de persécution".

f. Par courrier du 8 juillet 2022, [la régie] F______ a informé A______ qu'elle avait reçu plusieurs plaintes, selon lesquelles il frapperait, de jour comme de nuit, contre les parois verticales du garde-corps de l'escalier sur les paliers d'étage, engendrant ainsi d'importantes nuisances sonores pour le voisinage et il toquerait aux portes de ses voisins à différentes heures du jour et de la nuit. Il était invité à respecter le voisinage.

g. Par courriels des 9 et 11 juillet 2022 adressés à la régie, A______ a contesté les faits qui lui étaient reprochés et accusé ses voisins. Il a aussi proposé d'installer des caméras afin de surveiller les allées et venues dans l'immeuble.

h. Le 29 août 2022, E______, qui occupe l'appartement du 2ème étage au-dessus de celui de A______, s'est adressée par courriel à la régie pour faire part de ce que, le jour-même, le précité n'avait pas arrêté pendant au moins trente minutes de monter et descendre dans l'ascenseur en cognant et claquant les portes de l'immeuble et de son appartement. L'intéressé crachait en passant à côté des locataires et persistait à faire du bruit deux à trois fois par nuit. Fatiguée et à bout de nerfs, E______ était prête à déménager dans l'immeuble voisin, ayant entendu dire qu'un appartement y était libre.

i. Par courriel du 15 septembre 2022, H______, locataire de l'immeuble, s'est adressée "à nouveau" à la régie pour se plaindre du fait que les bruits continuaient et que la veille vers 23h, des claquements répétés s'étaient produits accompagnés d’une voix très forte, le tout résonnant dans la cage d'escaliers, et réveillant les membres de sa famille.

j. Par courrier du 28 septembre 2022, la régie a mis en demeure A______ de cesser les agissements litigieux, faute de quoi elle se verrait contrainte de résilier le bail, sans nouvel avertissement.

k. Le même jour, I______, locataire du 1er étage de l'immeuble, a écrit à F______ pour faire part du comportement "bruyant et dangereux" de A______. Depuis plusieurs mois, les nuisances sonores étaient devenues fréquentes et quotidiennes (claquements de portes, cris, menaces, etc.). Elle ne se sentait pas "en paix et en sécurité".

Entendue par le Tribunal comme témoin le 15 septembre 2023, I______ a déclaré que A______ était tranquille et ne dérangeait personne, en tous cas pas elle. Cependant, il faisait du bruit avec sa porte, qu'il claquait le soir, la nuit et le matin. Elle n'avait pas été influencée pour rédiger son courriel du 28 septembre 2022. Sa voisine lui avait dit qu'il fallait écrire à la régie à cause du bruit. La témoin n'a pas confirmé les cris et menaces, ni qu'elle ne se sentait pas "en paix et en sécurité". Elle a contesté avoir "écrit ça".

l. Le 7 novembre 2022, E______ s'est à nouveau plainte par courriel auprès de la régie, expliquant que le locataire avait recommencé à faire du bruit entre 1h et 1h45, n'arrêtant pas de claquer les portes de l'immeuble ainsi que la porte de son appartement.

Entendue comme témoin le 15 septembre 2023, E______ a fait état au Tribunal de plusieurs altercations qu'elle avait eues avec le locataire et qui l'avaient effrayée. A une reprise, alors qu'elle rentrait du travail, il avait frôlé son bras et avait soufflé fortement la fumée de sa cigarette sur elle, une fois à minuit, il avait tapé très fort à sa porte, à tel point qu'il y avait des marques et qu'elle avait eu "la peur de sa vie", à deux reprises, alors qu'elle était à la buanderie, il s'était mis devant la porte et l'avait fixée en faisant des gestes et qu'un jour, alors que son chien aboyait, il lui avait dit : "Un de ces quatre, je vais mettre les mains dans le cou du chien". Les bruits pendant la nuit l'empêchaient de dormir depuis des mois et la rendaient très anxieuse, de sorte qu'elle avait même été en arrêt de travail. Dès qu'elle constatait que A______ se trouvait dans l'immeuble, elle ne sortait pas de son logement. Au début, lorsqu'elle sortait avec ses collègues après le travail, il y en avait toujours une qui la raccompagnait vers 23h car c'était à cette heure que se produisaient les bruits.

m. Par avis officiel du 14 novembre 2022, la régie a résilié le bail de A______ pour le 31 janvier 2023, au motif que le précité causait d'importantes nuisances sonores, en particulier la nuit, notamment en claquant fortement les portes de son logement et de l'immeuble.

n. Par requête dirigée contre la FONDATION HBM C______ déposée le 17 novembre 2022 devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, déclarée non conciliée lors de l'audience de la Commission du 23 janvier 2023 et portée devant le Tribunal le même jour, A______ a conclu à l'annulation du congé.

Il a exposé qu'il n'avait "rien à voir avec le contenu des lettres" reçues par la bailleresse et qu'il s'agissait d'"un complot envers [s]a personne et inadmissible". Le congé n'avait "aucun fondement". "Tout ce théâtre des personnes concernées" était "inadmissible".

o. Par acte du 2 mars 2023, la FONDATION HBM C______ a conclu, sur demande principale, à la constatation de la validité du congé, et sur demande reconventionnelle, à l'évacuation de A______, sollicitant aussi l'évacuation directe de l'intéressé.

p. Dans sa réponse du 28 mars 2023 sur demande reconventionnelle, A______ a contesté les reproches formulés à son encontre.

Il a allégué que "la seule personne à avoir été insultée, menacée et humiliée et bien d'autres choses" c'était lui. Il n'avait "rien fait de mal à ces personnages sans scrupules et sans aucun savoir vivre". Ces personnes le suivaient tous les jours depuis longtemps. Le "souci c'[était] qu'on [le suivait] partout dans le canton". Il s'agissait d'"un complot avec un mélange d'occulte". Il a ajouté ceci : "trouver un autre logement en échange pour moi serait l'idéal, mais loin de ce quartier et vous allez voir comme ils et elles me suivront".

q. Lors de l'audience du Tribunal du 12 mai 2023, A______ a déclaré ne pas être à l'origine des bruits dans l'immeuble. Lorsqu'il était arrivé dans l'immeuble, il ne connaissait personne mais des gens disaient qu'ils le connaissaient; en réalité ce n'était pas ce qu'ils disaient mais il voyait bien dans leurs regards qu'il se produisait quelque chose dans son dos. Si on lui trouvait un appartement, il partirait sans problème.

r. Par ordonnance du 28 août 2023, le TPAE, statuant sur mesures superprovisionnelles, a institué une curatelle de représentation en faveur de A______, désigné B______ et D______ aux fonctions de curatrices et confié à celles-ci la tâche de le représenter dans le cadre de la présente procédure.

s. Lors de l'audience du 15 septembre 2023, à laquelle le locataire était assisté de sa curatrice, le Tribunal a procédé à l'audition des trois témoins dont les déclarations ont été reprises ci-dessus dans la mesure utile. Les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

t. Le Tribunal a considéré que la résiliation faisait suite aux plaintes répétées de plusieurs voisins à l'encontre du comportement du locataire, selon lesquelles celui-ci provoquait des nuisances sonores importantes en frappant de jour comme de nuit contre les parois verticales du garde-corps de l'escalier sur les paliers d'étage de l'immeuble et en claquant la porte de son logement ainsi que celle de l'immeuble. Deux voisines avaient confirmé ce qui précède en audience. Bien que I______ avait tempéré ses propos par rapport à la teneur de son courriel du 28 septembre 2022, elle avait quand même confirmé que le locataire faisait du bruit avec sa porte et qu'il la claquait notamment le soir et la nuit.

De plus, A______ s'était montré menaçant de manière répétée envers une voisine directe particulièrement, par des gestes et des menaces.

En outre, après qu'un premier avertissement lui avait été adressé le 8 juillet 2022, le locataire, qui avait été reçu quelques jours plus tôt par un représentant de l'Hospice général, avait continué à faire du bruit le jour et la nuit et à importuner ses voisins. De même, malgré le courrier de mise en demeure du 28 septembre 2022, il avait persisté dans son comportement, étant rappelé qu'une locataire s'était encore plainte le 7 novembre 2023 dans un courriel adressé à la régie.

En agissant de la sorte, A______ avait enfreint son devoir de diligence, de sorte que la bailleresse était légitimée à exiger qu'il cesse son comportement immédiatement, ce qu'il n'avait pas fait. A cet égard, l'éventualité qu'il souffre de problèmes psychiques était sans pertinence.

Dans ces circonstances, le comportement du locataire rendait insupportable le maintien du contrat de bail. E______ souffrait de problèmes de sommeil en raison du comportement de A______ et n'osait plus sortir de chez elle lorsque celui-ci était dans l'immeuble, à tel point qu'elle avait même indiqué être disposée à déménager.

L'intérêt de la bailleresse à résilier le contrat de bail était ainsi légitime et digne de protection. Partant, le congé était valable.

Le contrat avait pris fin au 31 janvier 2023, de sorte que A______ ne disposait plus d'aucun titre juridique l'autorisant à rester dans les locaux.

Par conséquent, il y avait lieu de faire droit à la demande de la bailleresse de prononcer l'évacuation du locataire.

La question de l'exécution du jugement d'évacuation serait soumise, une fois le délai d'appel échu, au Tribunal siégeant dans la composition prévue par l'art. 30 LaCC.

EN DROIT

1.              1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

Lorsque l'action ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent déterminée, le Tribunal détermine la valeur litigieuse si les parties n'arrivent pas à s'entendre sur ce point ou si la valeur qu'elles avancent est manifestement erronée (art. 91 al. 2 CPC). La détermination de la valeur litigieuse suit les mêmes règles que pour la procédure devant le Tribunal fédéral (Spühler, Basler Kommentar, Schweizeriche Zivilprozessordnung, 3ème éd., 2017, N 9 ad art. 308 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 précité consid. 1). 

1.2 En l’espèce, le loyer annuel de l’appartement, charges comprises, s’élève à 8'532 fr. (12 x 711 fr.).

En prenant en compte la durée de protection de trois ans et le montant du loyer annuel, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (3 x 8'532 fr. = 25'596 fr.).

La voie de l’appel est ainsi ouverte.

1.3 Selon l'art. 311 al. 1 et 2 CPC, l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision.

L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 145 al. 1 let. c et 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1); en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. Les parties ont produit des pièces nouvelles (pièce 2 appelant et pièce 18 intimée) et allégué des faits nouveaux.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve la diligence requise (let. b).

2.2 En l’espèce, les pièces nouvelles des parties sont postérieures à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger. Elles sont donc recevables, comme les faits qu'elles visent.

3. Tout en se référant expressément aux constatations de fait du Tribunal, l'appelant reproche à celui-ci une constatation inexacte des faits. En réalité, il critique l'appréciation des preuves effectuée par les premiers juges et leur reproche une violation de l’art. 257f CO.

3.1 Le locataire d'un immeuble est tenu d'avoir pour les personnes habitant la maison et les voisins les égards qui leur sont dus (art. 257f al. 2 CO).

Aux termes de l'art. 257f al. 3 CO, lorsque le maintien du bail est devenu insupportable pour le bailleur ou les personnes habitant la maison parce que le locataire, nonobstant une protestation écrite du bailleur, persiste à enfreindre son devoir de diligence ou à manquer d'égards envers les voisins, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitation et de locaux commerciaux peuvent être résiliés moyennant un délai de congé minimum de 30 jours pour la fin d'un mois.

Selon la jurisprudence, la résiliation prévue par l'art. 257f al. 3 CO suppose la réalisation des cinq conditions cumulatives suivantes : (1) une violation du devoir de diligence incombant au locataire, (2) un avertissement écrit préalable du bailleur, (3) la persistance du locataire à ne pas respecter son devoir en relation avec le manquement évoqué par le bailleur dans sa protestation, (4) le caractère insupportable du maintien du contrat pour le bailleur et, enfin, (5) le respect d'un préavis de trente jours pour la fin d'un mois (arrêt du Tribunal fédéral 4A_457/2013 du 4 février 2014 consid. 2 et les arrêts cités).

3.1.1 La violation du devoir de diligence et le manque d'égards envers les voisins (1ère condition) peut consister notamment dans des excès de bruit, en particulier le non-respect du repos nocturne qui porte atteinte à la tranquillité des autres locataires, et l'irrespect des règles d'utilisation des parties communes (ATF 136 III 65 consid. 2.5). Le locataire qui dérange les voisins à toute heure du jour ou de la nuit en tapant contre les murs, le sol, voire même la tuyauterie se rend coupable de nuisances caractéristiques d'un manque d'égards envers les voisins (arrêt du Tribunal fédéral 4A_722/2012 du 1er mai 2013 consid. 2.3).

Il importe peu que ces excès de bruit soient dus au locataire lui-même ou à des personnes qui occupent son appartement, dont il répond (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_87/2012 du 10 avril 2012 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_296/2007 du 31 octobre 2007 consid. 2.2). Il est également sans pertinence que les excès de bruit soient dus à des troubles psychiques dont souffre le locataire et qu'il ne peut pas maîtriser (arrêts du Tribunal fédéral 4A_44/2014 du 17 mars 2014 consid. 2.1; 4A_722/2012 du 1er mai 2013 consid. 2.2).

3.1.2 Pour satisfaire à la 4ème condition, les manques d'égards envers les voisins doivent revêtir un certain degré de gravité. Comme la résiliation doit respecter les principes de la proportionnalité et de la subsidiarité, il faut que le maintien du bail soit insupportable pour le bailleur ou pour les personnes habitant la maison. Cette question doit être résolue à la lumière de toutes les circonstances de l'espèce, antérieures à la résiliation du bail. Elle relève du pouvoir d'appréciation du juge (art. 4 CC; ATF 136 III 65 consid. 2.5 et les références).

3.1.3 Il appartient au bailleur de prouver la réalisation desdites conditions. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, la résiliation anticipée est inefficace; elle ne peut pas être convertie en une résiliation ordinaire (ATF 135 III 441 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_140/2019 du 26 septembre 2019 consid. 4.2).

3.2 En l’espèce, l'appelant conteste avoir enfreint son obligation d'égard envers les voisins ou, à tout le moins, avoir gravement violé cette obligation, et que le maintien du bail serait devenu insupportable pour la bailleresse. Il soutient que les éléments recueillis par le Tribunal ne suffiraient pas à établir la réalisation des conditions de l'art. 257f al. 3 CO.

Il fait valoir que "seules quatre plaintes" ont été adressées à la bailleresse. Deux émanent de la même voisine, qui a fait part devant le Tribunal "de plusieurs altercations qu'elle aurait eues avec lui et qui l'auraient apeurée", ce "qu'il conteste catégoriquement" en appel. L'autre témoin était revenue (en partie) sur ce qu'elle avait écrit à la régie. La troisième voisine n'avait pas été entendue par le Tribunal.

3.2.1 Il y a lieu d'exposer le contexte dans lequel lesdites plaintes ont été adressées à la bailleresse, contexte dont l'appelant, qui ne conteste pas les faits retenus par le Tribunal, fait abstraction.

Il résulte des pièces produites et des déclarations du témoin G______ qu'en juin 2022, soit à peine trois mois après le début du bail, la bailleresse a été informée des difficultés rencontrées par certains habitants de l'immeuble avec le locataire et a reçu des plaintes au sujet des nuisances sonores causées par celui-ci, ainsi que de son agressivité. Le comportement "étrange" de l'appelant avait suscité un sentiment de peur chez plusieurs voisins, qui s'étaient sentis menacés par les bruits nocturnes causés par l'appelant et avaient de la peine à dormir. Le locataire avait refusé l'intervention du témoin G______, qui avait été mandaté par la bailleresse afin de tenter d'apaiser les relations entre l'appelant et les voisins. Quelques jours plus tard, la régie a reçu une nouvelle plainte au sujet des nuisances causées par le locataire, dont le comportement avait plongé les voisins dans un état de peur constant. Les difficultés entre l'appelant et certains voisins ont également été portées directement à la connaissance de la bailleresse, qui avait appris qu'une famille n'osait plus dormir chez elle. Par la suite, un représentant de l'Hospice général a reçu le locataire, puis a écrit à la bailleresse que celui-ci n'avait pas nié la réalité des faits qui lui étaient reprochés, mais avait mis la faute sur le voisinage, expliquant qu'il se sentait constamment suivi et surveillé et qu'il était dérangé par les allées et venues dans l'immeuble et le parking. Selon le représentant de l'Hospice général, l'intéressé présenterait des troubles de persécution, mais ne voyait pas l'utilité d'un suivi médical ou psychiatrique. L'appelant expose d'ailleurs dans ses diverses écritures de première instance qu'il ferait l'objet d'un complot avec un "mélange d'occulte" et que des voisins le suivraient tous les jours depuis longtemps et que même dans un autre quartier, ils continueraient à le suivre. En juillet 2022, la bailleresse a adressé une mise en demeure au locataire, qui a contesté les reproches qui lui étaient adressés et accusé ses voisins.

C'est dans le contexte sus-rappelé qu'en août et septembre 2022, les témoins E______ et I______, ainsi que H______, voisines de l'appelant, ont fait part à la bailleresse par écrit des nuisances sonores provoquées par celui-ci durant la nuit, qui les empêchaient de dormir et/ou de se sentir "en paix". Les deux témoins ont confirmé ces nuisances devant le Tribunal, même si la témoin I______ a déclaré, contrairement à ce qu'elle avait écrit à la régie, que le bruit ne la dérangeait pas. La témoin E______ a en revanche exposé aux premiers juges, en détail, les nuisances qu'elle avait subies et les menaces qu'elle avait reçues de la part de l'appelant (cf. ci-dessus, "En fait", let. C.l). En première instance, l'appelant n'a d'ailleurs pas contesté, ni même commenté, l'un ou l'autre des épisodes rapportés par cette témoin. Les déclarations de celle-ci mettent en évidence la gravité des manques d'égards du locataire envers les voisins et corroborent les plaintes que la bailleresse avait recueillies depuis juin 2022, tant oralement que par écrit. Le fait que devant le Tribunal la témoin I______ soit revenue en partie sur ce qu'elle avait écrit à la régie et que H______ n'ait pas été entendue par les premiers juges ne change pas les constatations qui précèdent, vu ledit contexte. Aucun élément du dossier ne permet de suivre l'appelant lorsqu'il prétend qu'il ferait l'objet d'un complot de ses voisins.

3.2.2 Malgré l'avertissement écrit de la bailleresse du 28 septembre 2022, le locataire a persisté à ne pas respecter son devoir d'égards envers ses voisins, puisqu'en novembre 2022 la bailleresse a reçu de nouvelles plaintes au sujet des perturbations qu'il continuait à causer. Le maintien du bail était insupportable, vu les conséquences du comportement de l'appelant sur la tranquillité et même sur l'état de santé de certains habitants de l'immeuble. Le bail a été résilié pour ce motif le 14 novembre 2022, avec effet au 31 janvier 2023, soit dans le respect du délai légal.

3.2.3 Les conditions de l'art. 257f al. 3 CO sont donc toutes réalisées, de sorte que le congé est efficace. Depuis le 1er février 2023, le locataire ne dispose plus d'aucun titre l'autorisant à occuper le logement, de sorte que c'est à juste titre que le Tribunal a prononcé l'évacuation requise par la bailleresse.

Les chiffres 1 et 2 du dispositif du jugement attaqué seront donc confirmés.

3.2.4 Le chiffre 3 dudit dispositif n'est à juste titre pas contesté sur son principe.

Il n'y a pas lieu de se prononcer sur la conclusion subsidiaire de l'appelant, déduite de l'art. 30 al. 4 LaCC, de surseoir à l'exécution de l'évacuation pour des motifs humanitaires. En effet, l'application éventuelle de cette disposition n'interviendra qu'au stade de l'exécution du jugement d'évacuation, étant précisé que le jugement attaqué ne prononce aucune mesure d'exécution.

4. Il n’est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers.

* * * * *

 


 


PAR CES MOTIFS,

La Chambre des baux et loyers :

 

A la forme :

Déclare recevable l’appel interjeté le 15 janvier 2024 par A______ contre le jugement JTBL/1019/2023 rendu le 30 novembre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/23812/2022.

Au fond :

Confirme le jugement attaqué.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Mesdames Pauline ERARD et Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Damien TOURNAIRE et Madame Sibel UZUN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.