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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/492/2024

ATAS/513/2025 du 26.06.2025 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/492/2024 ATAS/513/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 juin 2025

Chambre 3

 

En la cause

A______

représentée par Me Alix JOB, avocate

 

recourante

 

contre

ZURICH COMPAGNIE D'ASSURANCE SA

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assurée), née en ______ 1958, a travaillé en qualité de comptable auprès d’un laboratoire pharmaceutique à Genève et était à ce titre couverte contre le risque d’accident, professionnel ou non, par ZURICH COMPAGNIE D’ASSURANCES SA (ci-après : l’assureur).

b. Le 29 août 2012, l’assurée a été victime d’un accident, dont les suites ont été prises en charge par l’assureur.

c. Après avoir mis en œuvre une expertise auprès de la clinique CORELA, l’assureur, se fondant sur le rapport établi par celle-ci (ci-après : rapport CORELA) en date du 26 janvier 2015, complété le 23 mars 2016, a, par décision du 21 avril 2015, confirmée sur opposition le 6 juillet 2016, nié l’existence d’un lien de causalité entre les troubles dont souffrait encore l’assurée et l’accident au-delà du 8 octobre 2013 et mis fin à ses prestations avec effet au 1er avril 2015, tout en renonçant à réclamer le remboursement des prestations versées postérieurement au 8 octobre 2013.

d. Par arrêt du 30 janvier 2018, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la Cour de céans) a admis partiellement le recours interjeté par l’assurée, en ce sens qu’elle a annulé la décision du 6 juillet 2016 et renvoyé la cause à l’assureur, à charge pour ce dernier de mettre en œuvre une expertise externe pluridisciplinaire (neurologique, psychiatrique, neuropsychologique et rhumatologique) auprès d’un hôpital universitaire avant de statuer à nouveau sur le droit aux prestations (ATAS/81/2018).

B. a. Les 19 février et 15 mars 2018, l’assurée a requis de l’assureur la reprise du versement des prestations, ce que l’assureur a refusé par courriers des 12 et 19 mars 2018.

b. Le 26 mars 2018, l’assurée a déposé auprès de la Cour de céans un recours pour déni de justice. Elle reprochait à l’assureur d’avoir refusé de statuer sur son droit aux prestations.

c. Le 13 avril 2018, l’assureur a informé l’assurée qu’il avait transmis son dossier à son service compétent pour complément d’instruction et mise en œuvre de l’expertise ordonnée par la Cour.

d. Les 25 avril, 16 août, 21 et 27 septembre 2018, l’assureur a sollicité des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) la transmission de rapports médicaux concernant l’assurée.

e. Le 28 mai 2018, les parties ont conclu une convention selon laquelle l’assureur s’engageait à verser à l’assurée CHF 60'000.- en couverture provisoire des prestations potentiellement dues pour la période du 1er avril 2015 au 31 mars 2018.

f. Le 19 juin 2018, la Cour de céans a pris acte du retrait du recours, intervenu suite à l’accord conclu entre les parties (ATAS/571/2018).

C. a. Par courrier du 25 mars 2019, constatant que l’assurée ne lui avait pas transmis les divers documents et informations demandés les 31 mars, 28 septembre et 20 décembre 2018, l’assureur lui a imparti un délai au 12 avril 2019 pour fournir les renseignements demandés en attirant son attention sur son obligation de collaborer et sur le fait que, sans réponse de sa part dans le délai imparti, l’instruction serait clôturée.

b. Le 26 mars 2019, l’assurée, se référant expressément à l’arrêt rendu par la Cour de céans le 30 janvier 2018, a rappelé qu’il appartenait à l’assureur de mettre en œuvre une expertise pluridisciplinaire, « à l’exclusion de toute autre mesure d’instruction ». Elle a par ailleurs mis en demeure l’assureur, d’ici au 29 mars 2019, soit de renoncer aux éléments supplémentaires sollicités, soit de rendre une décision formelle sur l’exigibilité des documents demandés.

c. Par décision du 29 mars 2019, l’assureur, constatant que l’assurée avait refusé de fournir les éléments requis, a clôturé le dossier en précisant qu’une éventuelle opposition ne déploierait pas d’effet suspensif.

d. Le 1er avril 2019, l’assurée a indiqué être dans l’impossibilité de fournir les informations demandées et n’avoir jamais eu l’intention de violer son devoir de collaborer.

e. Le 8 avril 2019, l’assureur a « retiré sa décision » en précisant toutefois que le délai de sa sommation du 25 mars 2019 continuait à courir. Il a ensuite accepté de le prolonger jusqu’au 15 mai 2019.

f. Le 3 mai 2019, l’assurée a communiqué à l’assureur quelques documents, considérant qu’elle mettait ainsi tout en œuvre pour satisfaire à la demande de renseignements. Elle a réitéré parallèlement sa demande visant à ce que l’assureur rende une décision incidente formelle sur l’exigibilité des documents requis.

g. Le 13 mai 2019, l’assurée a constaté que l’assureur n’avait pas confirmé que les informations données lui suffisaient, d’une part, et n’avait pris aucune décision incidente formelle, d’autre part.

h. Le même jour, l’assurée a saisi la Cour de céans d’un recours pour déni de justice, requérant, à titre de « mesures superprovisionnelles urgentes et de mesures provisionnelles », la suspension immédiate du délai au 15 mai 2019.

i. Par arrêt incident du 15 mai 2019, la Cour de céans a rejeté la demande de « mesures superprovisionnelles urgentes et de mesures provisionnelles » (ATAS/425/2019).

j. Par arrêt du 27 juin 2019, la Cour de céans a pris acte du retrait du recours interjeté le 13 mai 2019 (ATAS/587/2019).

D. a. Le même jour, l’assurée a fourni à l’assureur des informations complémentaires, estimant avoir tout mis en œuvre pour se conformer du mieux qu’elle pouvait à son devoir de collaboration. Elle demandait à l’assureur d’entreprendre les démarches nécessaires à la mise en œuvre de l’expertise.

b. Entre le 15 mai et le 23 octobre 2019, l’assureur a interpellé plusieurs assureurs-accidents afin d’obtenir d’éventuelles informations concernant l’assurée.

c. Le 6 juillet 2020, l’assureur a indiqué qu’avant de mettre sur pied l’expertise requise dans le contexte du COVID-19, il souhaitait obtenir la confirmation que l’assurée n’était pas une personne vulnérable.

d. Le 22 mars 2021, l’assurée a informé l’assureur que son état de santé ne s’opposait plus à la mise en œuvre de l’expertise.

e. Le 22 juin 2021, l’assureur a transmis le questionnaire qu’il entendait adresser aux experts et à l’assurée, avec un délai au 22 juillet 2021 pour se déterminer, en précisant qu’il prévoyait de mandater l’Inselspital de Berne.

f. À la demande de l’assurée, ce délai a été prolongé à plusieurs reprises, jusqu’au 31 mai 2022.

g. Le 3 décembre 2021, le nouvel avocat mandaté par l’assurée pour la défense de ses intérêts s’est annoncé à l’assureur. Il a requis une copie du dossier, que l’assureur lui a fait parvenir en dates des 13 et 23 décembre 2021.

h. Le 14 décembre 2021, l’assurée a requis l’octroi de l’assistance juridique pour la procédure d’expertise. Cette demande a fait l’objet d’un échange de correspondance entre les parties, du 1er juin au 14 octobre 2022.

i. Par pli du 31 mai 2022, l’assurée s’est déterminée sur les questions à poser aux experts. Elle a requis que le rapport CORELA soit écarté du dossier et s’est opposée à ce que l’Inselspital de Berne soit mandaté en invoquant des raisons de langue et de distance. Selon elle, il était préférable de confier l’expertise à un établissement à Genève, Lausanne ou Fribourg.

j. Le 22 août 2022, l’assureur a établi un nouveau questionnaire. Il a refusé de retirer le rapport CORELA du dossier, précisant qu’il allait rendre attentifs les experts au fait que la valeur probante de cette expertise avait été contestée avec succès, en leur transmettant une copie du jugement. Il maintenait sa volonté de mandater l’Inselspital. Un délai au 2 septembre 2022 était octroyé à l’assurée pour d’éventuelles remarques. Ce délai a ensuite été prolongé jusqu’au 15 novembre 2022.

k. Le 12 octobre 2022, Maître Alix JOB a annoncé représenter désormais les intérêts de l’assurée.

l. Le 15 novembre 2022, l’assurée a demandé une nouvelle fois que le rapport CORELA soit écarté de son dossier, qu’un établissement en Suisse romande soit proposé et que les noms des experts lui soient communiqués. Elle s’est déterminée sur le nouveau questionnaire, requérant notamment que les experts se prononcent sur la situation prévalant au 31 mars 2015, date de la suppression des prestations.

m. Par décision non datée, reçue le 26 janvier 2023 par l’assurée, l’assureur a rejeté la demande d’assistance judiciaire.

n. Suite au recours interjeté contre cette décision, par arrêt du 1er juin 2023, la Cour de céans a pris acte de l’accord par lequel l’assureur avait accepté de prendre en charge la note d’honoraires du conseil de l’assurée à hauteur de CHF 1'750.- pour solde de tout compte (ATAS/390/2023).

o. Le 23 octobre 2023, l’assurée a interpellé l’assureur en lui faisant remarquer qu’elle était sans nouvelles de la procédure, depuis ses déterminations sur le mandat d’expertise transmises le 15 novembre 2022.

p. Par pli du 3 novembre 2023, l’assureur lui a répondu que le dossier lui avait été restitué par le service juridique après le recours de l’assurée contre la décision du 24 janvier 2023. Il refusait d’écarter le rapport de la clinique CORELA et entendait mandater l’Inselspital de Berne, l’Universitätsspital de Bâle ou le Centre d’expertise médicale de Lancy. Il proposait pour le surplus un nouveau questionnaire destiné aux experts.

q. Le 15 décembre 2023, l’assurée a réitéré sa demande quant au retrait du rapport CORELA de son dossier et sollicité la notification d’une décision sur ce point. Elle a en outre requis de l’assureur qu’il renonce, par décision, à la mise en œuvre de l’expertise, vu le temps écoulé depuis l’arrêt de la Cour de céans, et qu’il statue en l’état du dossier. Elle faisait remarquer que les noms des experts ne lui avaient pas été communiqués et que le seul établissement francophone proposé par l’assureur n’était pas un hôpital universitaire.

r. Le 8 janvier 2024, l’assureur a adressé une demande d’expertise à l’Universitätsspital de Bâle, avec un accès aux pièces du dossier de l’assurée, en précisant que le rapport CORELA n’avait pas été considéré comme probant par la Cour.

s. Le 10 janvier 2024, l’assureur a adressé une copie de cette demande à l’assurée, en affirmant que les noms de experts lui seraient communiqués ultérieurement.

t. Le 17 janvier 2024, l’assurée a une nouvelle fois requis qu’une décision soit rendue concernant sa demande de retrait du rapport CORELA de son dossier et que l’assureur renonce, par décision également, à la mise en œuvre de l’expertise.

E. a. Par acte du 12 février 2024, l’assurée a saisi la Cour de céans d’un recours pour déni de justice à l’encontre de l’assureur en concluant à ce que le dossier soit renvoyé à celui-ci avec injonction de rendre une décision sur son droit aux prestations dans les trente jours dès l’entrée en force de l’arrêt, subsidiairement, à ce qu’il soit dit et constaté que l’assureur a également commis un déni de justice en refusant de rendre une décision sur sa demande de retrait du rapport CORELA. La recourante demande que, sur ce point, le dossier soit également renvoyé à l’assureur avec injonction pour ce dernier de rendre une décision dans les dix jours dès l’entrée en force de l’arrêt.

La recourante reproche à l’intimée d’avoir implicitement refusé de statuer sur son droit aux prestations. Elle souligne que six ans se sont écoulés depuis l’arrêt de la Cour de céans qui renvoyait la cause à l’intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision sur son droit aux prestations. Elle considère que cette longue latence ne saurait être assimilée à de simples temps morts dans l’instruction, puisqu’un seul acte d’instruction devait être diligenté sur injonction de la Cour : la mise en œuvre d’une expertise.

La recourante rappelle que l’accident à l’origine du litige remonte à 2012 et que la période pertinente pour juger du bien-fondé de son droit aux prestations remonte à 2015. Elle fait remarquer qu’on imagine mal qu’un expert soit à même de se prononcer avec précision a posteriori sur l’éventuelle rupture d’un lien de causalité lorsqu’un tel laps de temps s’est écoulé depuis lors. Dans ces conditions, elle considère qu’une expertise pluridisciplinaire n’est plus à même d’établir les faits pertinents pour l’application du droit et que, dès lors, l’intimée devrait statuer de manière formelle sur son droit aux prestations sans plus se retrancher derrière les injonctions de la Cour, qui remontent à plus de six ans.

Pour le surplus, la recourante reproche à l’intimée d’avoir refusé de statuer sur le retrait du rapport CORELA du dossier qui serait soumis aux experts, dès lors que ledit rapport pourrait être constitutif d’un faux dans les titres et qu’il n’a, quoi qu’il en soit, pas été reconnu comme ayant valeur probante par la Cour de céans dans son arrêt du 30 janvier 2018.

b. Invitée à se déterminer, l’intimée a répondu en date du 12 mars 2024, en concluant au rejet du recours.

L’intimée admet qu’on peut objectivement constater un écoulement de temps très inhabituel et peu conforme au principe de la célérité. Elle allègue cependant n’être pas restée inactive, mais qu’elle a bien souvent et inutilement été confrontée aux omissions de la recourante (absence de réponses et de collaboration), à ses obstructions systématiques sous la forme de multiplication des actes judiciaires, demandes de prolongation et changements d’avocats. Les indéniables retards qui en ont découlé ne sauraient lui être imputés, la recourante en étant seule responsable.

S’agissant du rapport CORELA, l’intimée maintient son refus de l’écarter du dossier médical, tout en confirmant qu’elle rendrait attentifs les experts au défaut de valeur probante de l’expertise.

En l’état, sans la base médicale nécessaire permettant d’apprécier la causalité naturelle et adéquate, l’intimée dit ne pas être en mesure de statuer sur le droit aux prestations. Elle s’en tient donc à l’injonction qui lui a été faite par la Cour de céans dans son arrêt du 30 janvier 2018 de mettre en œuvre une expertise médicale, à laquelle, de toute évidence, la recourante n’est pas disposée à se soumettre.

c. Le 5 avril 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

d. Le 24 avril 2024, l’intimée a fait de même.

e. Le 13 juin 2024, une comparution personnelle des parties a eu lieu, à l’issue de laquelle un délai au 30 août 2024 a été accordé aux parties pour prendre langue et communiquer à la Cour la suite qu’elles entendaient donner à la procédure.

f. Après prolongations du délai précité, la recourante a informé la Cour de céans, par plis des 15 novembre 2024, 16 décembre 2024 et 14 janvier 2025, que les parties étaient dans l’attente d’un retour de l’Hôpital de Fribourg s’agissant de la faisabilité de l’expertise.

g. Le 30 janvier 2025, la recourante a rapporté l’échec des négociations et requis la reprise de la procédure.

Elle a indiqué notamment que, depuis l’audience, les parties avaient tenté de se mettre d’accord sur la désignation d’un établissement universitaire ou cantonal afin de diligenter l’expertise requise. La recourante se disait disposée à se rendre à l’Hôpital universitaire de Bâle. À cet égard, elle produisait un courrier du 30 janvier 2025 selon lequel l’intimée entendait, si ledit hôpital ne pouvait réaliser l’expertise, s’adresser au centre SWISS EXPERTISE MÉDICALES à Aigles, lequel ne remplissait pas les conditions énoncées par la Cour de céans. Enfin, elle se plaignait de ce que l’intimée persistait à vouloir conserver le rapport CORELA au dossier.

h. Le 6 mars 2025, la recourante a encore expliqué par-devant la Cour de céans préférer que l’expertise soit effectuée par une entité romande. Elle se disait de bonne volonté et prête à aller à Bâle, pour autant que l’expert maîtrise la langue française.

i. Le 15 mai 2025, la recourante a sollicité qu’un arrêt soit rendu dans les meilleurs délais.

j. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 En vertu de la LPGA, un recours peut être formé lorsque l'assureur, malgré la demande de l'intéressé, ne rend pas de décision ou de décision sur opposition (art. 56 al. 2 LPGA).

Selon l’art. 4 al. 4 de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision.

Conformément à l’art. 62 al. 6 LPA, une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4.

1.3 En l’espèce, le recours pour déni de justice, interjeté par-devant l’autorité compétente (art. 58 al. 1 LPGA), est recevable.

2.             Aux termes de l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.

2.1 Le droit de recours de l'art. 56 al. 2 LPGA sert à mettre en œuvre l'interdiction du déni de justice formel prévue par l'art. 29 al. 1 Cst. Le retard injustifié à statuer, également prohibé par l'art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), qui n'offre à cet égard pas une protection plus étendue que la disposition constitutionnelle (ATF 103 V 190 consid. 2b), est une forme particulière du déni de justice formel (ATF 119 Ia 237 consid. 2).

L’art. 29 al. 1 Cst. consacre notamment le principe de la célérité ou, en d'autres termes, prohibe le retard injustifié à statuer. L'autorité viole cette garantie constitutionnelle lorsqu'elle ne rend pas la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 144 I 318 consid. 7.1 et les références ; 131 V 407 consid. 1.1 et les références). Entre autres critères sont notamment déterminants le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et celui des autorités compétentes (ATF 143 IV 373 consid. 1.3.1 et les références), de même que la difficulté à élucider les questions de fait (expertises, par exemple ; arrêt du Tribunal fédéral C 53/01 du 30 avril 2001 consid. 2.2), mais non des circonstances sans rapport avec le litige, telle une surcharge de travail de l'autorité (ATF 130 I 312 consid. 5.2 ; 125 V 188 consid. 2a). À cet égard, il appartient au justiciable d'entreprendre certaines démarches pour inviter l'autorité à faire diligence, notamment en incitant celle-ci à accélérer la procédure ou en recourant pour retard injustifié. Si on ne peut reprocher à l'autorité quelques « temps morts », celle-ci ne saurait en revanche invoquer une organisation déficiente ou une surcharge structurelle pour justifier la lenteur de la procédure ; il appartient en effet à l'État d'organiser ses juridictions de manière à garantir aux citoyens une administration de la justice conforme aux règles (ATF 130 I 312 consid. 5.1 et 5.2 et les références). Dans le cadre d'une appréciation d'ensemble, il faut également tenir compte du fait qu'en matière d'assurances sociales le législateur accorde une importance particulière à une liquidation rapide des procès (ATF 126 V 244 consid. 4a). Peu importe le motif qui est à l’origine du refus de statuer ou du retard injustifié, ce qui est déterminant, c’est le fait que l’autorité n’ait pas agi ou qu’elle ait agi avec retard (ATF 124 V 133 ; 117 Ia 117 consid. 3a et 117 Ia 197 consid. 1c ; arrêts du Tribunal fédéral I 819/02 du 23 avril 2003 consid. 2.1 et C 53/01 du 30 avril 2001 consid. 2).

2.2 Il y a notamment un retard injustifié si l'autorité reste inactive pendant plusieurs mois, alors que la procédure aurait pu être menée à son terme dans un délai beaucoup plus court. Des périodes d'activités intenses peuvent cependant compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires et on ne saurait reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure ; lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut. Un certain pouvoir d'appréciation quant aux priorités et aux mesures à prendre pour faire avancer l'instruction doit aussi être reconnu à l'autorité. Selon la jurisprudence, apparaissent comme des carences choquantes une activité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction ou encore un délai de dix ou onze mois pour que le dossier soit transmis à l'autorité de recours (arrêt du Tribunal fédéral 8C_162/2022 du 9 août 2022 consid. 5.1 et les références).

2.2.1 À titre d’exemples, un déni de justice a été admis par la chambre de céans ou, antérieurement, par le tribunal cantonal des assurances sociales dans un cas où : la décision de l'OAI était intervenue cinq mois après son arrêt, lequel rétablissait simplement la rente que l'OAI avait supprimée, car aucune instruction complémentaire n'était nécessaire de la part de l'administration, hormis l'envoi d'un formulaire de compensation (ATAS/859/2006 du 2 octobre 2006) ; aucune décision formelle n’avait été rendue neuf mois après la demande en ce sens de l’assuré, faute de mesures d’instruction durant six mois (ATAS/711/2015 du 23 septembre 2015) ; aucune décision n’avait été rendue dans un délai de plus de quinze mois depuis la date du rapport d’expertise, alors que la demande de précision faite au SMR au sujet de la divergence entre celui-ci et l’expert quant à la capacité de travail du recourant aurait pu être formée plus de six mois auparavant et que le SMR n’avait répondu qu’au bout de huit mois (ATAS/788/2018 du 10 septembre 2018) ; un recourant qui était sans nouvelles de l’OAI 21 mois après le dépôt d’une demande de révision (ATAS/860/2006 du 2 octobre 2006).

En revanche, elle a nié l’existence d’un déni de justice dans les cas où : la caisse cantonale de compensation n’avait pas rendu de décision un peu plus de quatre mois après l’opposition de l’assuré, soit dans un délai qui ne violait pas le principe de célérité, ce d’autant plus que le cas ne pouvait pas être qualifié de simple (ATAS/1035/2018 du 7 novembre 2018) ; la caisse-maladie n’avait pas rendu de décision neuf mois après l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral pour instruction complémentaire afin d’établir le tarif hospitalier du canton de Bâle, dès lors que l’instruction n’était pas terminée et qu’elle n’avait cessé d’interpeller l’Hôpital universitaire de Bâle à ce sujet (ATAS/1502/2012 du 19 décembre 2012) ; l’assurance-accidents n’avait pas versé de prestations à la suite d’une rechute annoncée quinze mois auparavant, étant donné que les parties avaient échangé des courriers pendant treize mois dans le but d’aboutir à une solution transactionnelle (ATAS/264/2014 du 5 mars 2014).

2.2.2 De son côté, le Tribunal fédéral a nié l’existence d'un retard injustifié notamment dans les cas où : l’OAI n’avait pas rendu de nouvelle décision un peu moins de onze mois après un arrêt de renvoi pour nouveau calcul du montant de la rente ; il a admis que les prétentions en compensation du service social devaient faire l'objet d'une instruction complémentaire et que se posait également une problématique de chevauchement des indemnités journalières avec le droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral I 241/04 du 15 juin 2006) ; il s'était écoulé environ quinze mois entre le moment où l'assurée avait requis la prise en charge de son reclassement professionnel et la décision de la Caisse suisse de compensation ; pendant ce laps de temps, cette autorité avait procédé à une trentaine d'interventions, qui s'étaient échelonnées à un rythme soutenu d'une à plusieurs mesures par mois (envoi de questionnaires, production de pièces, consultation du dossier de l'assurance accident, soumission du cas au médecin-conseil, examen de divers problèmes: capacité résiduelle, comparaison des revenus, éventuel droit à une rente) ; la cause revêtait en outre une certaine complexité en raison de la nationalité et du domicile de l'assurée ainsi que de l'application d'une convention internationale de sécurité sociale ; le Tribunal fédéral avait rappelé que l'exigence de célérité ne pouvait l'emporter sur la nécessité d'une instruction complète et considéré que, tout au plus, on aurait pu reprocher à la Caisse de compensation d'avoir mené ses investigations de façon peu systématique ; il était ainsi étonnant qu'il ait fallu cinq mois pour constituer un dossier complet à l'intention du médecin-conseil ; une étude préalable et approfondie du cas aurait permis d'éviter les démarches ultérieures en complément d'informations et production de radiographies et, partant, de gagner un certain temps ; ces atermoiements n'avaient cependant, à ce stade, pas retardé de façon intolérable la procédure, ce d'autant plus qu'ils étaient en partie imputables à l'assurée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_448/2014 du 4 septembre 2014 consid. 4.2) ; il y avait eu un intervalle d'environ vingt mois entre le moment où l’OAI avait été en mesure de statuer, soit dans les semaines qui avaient suivi la réception de l'avis du SMR, jusqu'au dépôt du recours ; il a considéré que l’OAI avait activement mené son instruction, ainsi que cela ressortait des rapports médicaux régulièrement versés au dossier jusqu'au dépôt du recours pour déni de justice et que les investigations mises en œuvre n'apparaissaient pas superflues au point de constituer un déni de justice (arrêt du Tribunal fédéral 9C_448/2014 du 4 septembre 2014 ) ; il s’était écoulé un délai de quelque vingt-six mois entre le dépôt du recours et le prononcé de l’arrêt ; le litige, qui avait pour objet le bien-fondé du refus des prestations complémentaires au motif que le recourant ne bénéficiait pas d’un statut de séjour légal en Suisse, était certes une affaire sans grandes particularités, ni difficultés excessives en matière de prestations complémentaires ; la solution du litige nécessitait cependant une appréciation des différentes pièces du dossier familial du recourant constitué par le service de la population en temps réel, d’où un possible allongement temporel de la procédure d’instruction (arrêt du Tribunal fédéral 9C_220/2022 du 11 août 2022 consid. 2.5 et 2.6).

En revanche, il a admis un déni de justice dans les cas où : il s'était écoulé un délai de vingt-quatre mois entre la fin de l'échange d'écritures devant la juridiction cantonale et le dépôt du recours pour déni de justice devant le Tribunal fédéral dans un litige qui avait uniquement pour objet le taux d'invalidité du recourant et où celui-ci avait circonscrit son argumentation à deux questions ne présentant pas de difficultés particulières (arrêt 8C_613/2009 du 22 février 2010) ; un tribunal cantonal avait laissé s'écouler vingt-cinq mois entre la fin de l'échange d'écritures et le dépôt du recours pour déni de justice devant le Tribunal fédéral, respectivement plus de trois ans depuis le dépôt du recours cantonal, dans une affaire sans difficultés excessives en matière d'assurance-accidents (arrêt du Tribunal fédéral 8C_176/2011 du 20 avril 2011).

2.3 L’art. 69 al. 4 LPA prévoit que si la juridiction administrative admet le recours pour déni de justice ou retard injustifié, elle renvoie l’affaire à l’autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives.

La sanction du dépassement du délai raisonnable ou adéquat consiste d'abord dans la constatation de la violation du principe de célérité, qui constitue une forme de réparation pour celui qui en est la victime. Cette constatation peut également jouer un rôle sur la répartition des frais et dépens, dans l’optique d’une réparation morale (ATF 130 I 312 consid. 5.3 et 129 V 411 consid. 1.3). Pour le surplus, l'autorité saisie d'un recours pour retard injustifié ne saurait se substituer à l'autorité précédente pour statuer au fond. Elle ne peut qu'inviter l'autorité concernée à statuer à bref délai (ATF 130 V 90).

3.              

3.1 En l’espèce, la recourante reproche à l’intimée de ne pas avoir statué sur son droit aux prestations. Elle est d’avis qu’au vu de temps écoulé depuis la fin contestée du droit aux prestations, l’intimée aurait dû renoncer à la mise en œuvre d’une expertise et rendre une décision au fond, ce que l’intimée conteste.

On rappellera que la Cour de céans a, dans son arrêt du 30 janvier 2018, annulé la décision sur opposition du 6 juillet 2016 et renvoyé le dossier à l’intimée afin que cette dernière mette en œuvre une expertise pluridisciplinaire auprès d’un hôpital universitaire, puis statue à nouveau sur le droit aux prestations de la recourante. En effet, faute de valeur probante du rapport CORELA du 26 janvier 2015 et de son complément du 23 mars 2016, et en l’absence de conclusions médicales reposant sur une évaluation exacte et complète de la situation médicale de la recourante, la Cour de céans a estimé qu’une instruction complémentaire était nécessaire (ATAS/81/2018 consid. 11.b, 13 et 14.b).

Cet arrêt, entré en force, lie les parties, de sorte que, contrairement à ce qu’avance la recourante, on ne saurait faire grief à l’intimée de ne pas avoir renoncé à la mise en œuvre de l’expertise, nécessaire, ni d’avoir, implicitement, refusé de statuer en l’état du dossier. En ce sens, l’intimée n’a pas commis de déni de justice.

Cela étant, il y a encore lieu d’examiner si l’intimée a violé son obligation de statuer dans un délai raisonnable.

On relèvera déjà qu’à la date du dépôt du présent recours, le 12 février 2024, l’intimée n’avait pas encore mis en œuvre l’expertise préconisée par la Cour de céans il y a plus de six ans, le 30 janvier 2018.

Si l’intimée a, dans les mois qui ont suivi la notification de l’arrêt de renvoi de la Cour de céans, effectivement cherché à obtenir des informations complémentaires auprès des HUG et de la part de la recourante, force est de constater qu’elle n’a pas immédiatement entamé les démarches nécessaires pour mettre en œuvre l’expertise pluridisciplinaire requise. Ce n’est qu’en date du 22 juin 2021, soit plus de trois ans après la notification de l’arrêt de la Cour, que l’intimée a, pour la première fois, transmis à la recourante les questions qu’elle entendait poser aux experts et le nom de l’établissement qu’elle envisageait de mandater, alors qu’elle avait à sa disposition le dossier complet de la recourante et qu’une liste de questions avait déjà été établie dans le cadre du mandat octroyé à la clinique CORELA.

L’intimée a ensuite encore attendu une année avant de répondre, par courrier du 3 novembre 2023, aux observations faites par la recourante le 15 novembre 2022. Par ailleurs, suite aux contestations de la recourante quant au choix de mandater l’Inselspital à Berne, formulées le 31 mai 2022, force est de relever que l’assureur a persisté dans son choix, prolongeant ainsi inutilement la durée de la procédure. Ce n’est que le 3 novembre 2023, soit près de 18 mois plus tard, que l’intimée a proposé deux autres centres d’expertise.

En outre, ce n’est que le 8 janvier 2024, soit près de six ans après l’arrêt de renvoi de la Cour de céans, que l’intimée a, pour la première fois, pris contact avec un établissement hospitalier (Universitätsspital de Bâle).

L’intimée, qui admet un écoulement du temps « très inhabituel et peu conforme au principe de célérité », argue que seule la recourante serait responsable du retard pris.

Certes, la Cour de céans constate, au vu des pièces versées au dossier, que le retard dans la mise en œuvre de l’expertise requise est également en partie imputable à la recourante, laquelle s’est notamment d’abord opposée à toute demande d’informations de la part de l’intimée (courrier du 26 mars 2019) et a ensuite mis près d’une année pour se déterminer, par courrier du 31 mai 2022, sur le questionnaire à adresser aux experts et le choix de l’établissement qui lui avaient pourtant été communiqués par courrier du 22 juin 2021. En outre, au cours des six ans qui se sont écoulés depuis l’arrêt de renvoi pour instruction complémentaire, le 30 janvier 2018, jusqu’au dépôt du recours, le 12 février 2024, la recourante n’a invité l’intimée à faire diligence, concernant la mise sur pied de l’expertise requise, qu’à deux reprises, les 15 mai 2019 et 23 octobre 2023.

Contrairement à ce qu’avance l’intimée, on ne saurait toutefois tenir la recourante pour seule responsable du retard. Comme déjà indiqué, on relèvera notamment que, dans la mesure où la recourante a contesté le premier centre hospitalier choisi par l’intimée, il revenait à cette dernière de proposer rapidement une alternative, ce qu’elle n’a pas fait, prolongeant ainsi inutilement la durée de la procédure. Par ailleurs, si la recourante a certes interjeté trois recours depuis le renvoi de l’affaire pour instruction complémentaire, on ne voit pas en quoi ces démarches auraient empêché l’intimée d’avancer dans la mise sur pied de l’expertise requise.

Compte tenu de ce qui précède, il est indéniable que l’intimée a violé son obligation de statuer sur le droit aux prestations de la recourante dans un délai raisonnable, de sorte qu’il est constaté qu’elle a commis un déni de justice.

Partant, la cause lui est renvoyée, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les questions au fond, tels que le choix de l’établissement hospitalier à mandater et les questions à poser aux experts.

L’intimée est invitée à mettre en œuvre l’expertise requise dans les plus brefs délais, en procédant conformément à l’art. 44 LPGA, puis à statuer sur le droit aux prestations de la recourante. Il est rappelé que les questions posées aux experts doivent permettre d’établir une expertise à satisfaction de droit (ATF 137 V 210 consid. 3.4.1).

3.2 La recourante reproche également à l’intimée de ne pas avoir rendu de décision sujette à recours concernant sa demande de retirer le rapport CORELA du dossier qui sera transmis aux experts.

L’intimée est d’avis qu’elle n’a pas à rendre de décision sur cette question.

3.2.1 Il y a refus de statuer constitutif de déni de justice, au sens de l’art. 56 al. 2 LPGA, lorsqu’une autorité ne rend pas de décision formelle pouvant faire l’objet d’un recours, alors qu’elle serait tenue de le faire selon la législation (Jean METRAL in Commentaire romand LPGA, 2018, n. 48 ad art. 56 LPGA).

3.2.2 Au sens de l’art. 44 LPGA, dans sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2022, si l’assureur doit recourir aux services d’un ou de plusieurs experts indépendants pour élucider les faits dans le cadre d’une expertise, il communique leur nom aux parties. Les parties peuvent récuser les experts pour les motifs indiqués à l’art. 36 al. 1 LPGA et présenter des contre-propositions dans un délai de dix jours (al. 2). Lorsqu’il communique le nom des experts, l’assureur soumet aussi aux parties les questions qu’il entend poser aux experts et leur signale qu’elles ont la possibilité de remettre par écrit des questions supplémentaires dans le même délai. L’assureur décide en dernier ressort des questions qui sont posées aux experts (al. 3). Si, malgré la demande de récusation, l’assureur maintient son choix du ou des experts pressentis, il en avise les parties par une décision incidente (al. 4).

Du point de vue de sa formulation, les modifications au 1er janvier 2022 de l’art. 44 LPGA ne font que transposer au niveau de la loi le droit de participation de la personne assurée en relation avec la mise en œuvre d’expertises administratives, droits qui étaient jusqu’à présent en vigueur conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, notamment l’obligation de rendre une décision incidente en cas de désaccord sur le choix de l’expert (David IONTA, Expertises médicales en assurances sociales, in Jusletter 14 octobre 2024, n. 52 et les références).

3.2.3 Selon l'art. 52 al. 1 LPGA, les décisions peuvent être attaquées dans les 30 jours par voie d'opposition auprès de l'assureur qui les a rendues, à l'exception des décisions d'ordonnancement de la procédure. Ces dernières visent les décisions incidentes que le législateur a soustraites à la procédure d'opposition, afin d'éviter des retards excessifs dans le déroulement de la procédure (ATF 131 V 42 consid. 2.1).

Lorsqu'il y a désaccord quant à l'expertise telle qu'envisagée par l'assureur, celui-ci doit rendre une décision incidente au sens de l'art. 5 al. 2 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021). Il s'agit d'une décision d'ordonnancement de la procédure contre laquelle la voie de l'opposition n'est pas ouverte (art. 52 al. 1 LPGA ; cf. ATF 131 V 42 consid. 2.1) et qui est directement susceptible de recours devant le tribunal cantonal des assurances, respectivement devant le Tribunal administratif fédéral (art. 56 al. 1 LPGA ; ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.6 et 3.4.2.7).

3.3 En l’occurrence, la recourante a, en dates des 31 mai et 15 novembre 2022, requis que le rapport CORELA soit retiré du dossier transmis aux experts. Suite aux refus de l’intimée les 22 août 2022 et 3 novembre 2023, la recourante a, les 15 décembre 2023 et 17 janvier 2024, sollicité qu’une décision sujette à recours soit rendue.

La question du retrait du rapport CORELA du dossier soumis aux experts constitue un désaccord entre les parties concernant une modalité de l’expertise telle qu’envisagée par l’intimée. Or, dans le cadre de la mise en œuvre d’une expertise, le nouvel art. 44 LPGA prévoit désormais qu’un assureur n’est tenu de rendre une décision incidente, sujette à recours, que si le désaccord entre les parties porte sur le choix du ou des experts pressentis (al. 4).

Il s’ensuit que l’intimée n’était pas tenue de rendre une décision concernant la demande de la recourante portant sur le retrait du rapport CORELA du dossier.

Partant, le refus de l’intimée de rendre une décision ne constitue pas un déni de justice.

4.             Au vu de ce qui précède, le recours en déni de justice est partiellement admis.

La recourante, qui obtient partiellement gain de cause, a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la Cour de céans fixe en l’occurrence à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA ; RS E 5 10.03).

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours en déni de justice recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement au sens des considérants.

3.        Constate que l’intimée a commis un déni de justice.

4.        L’invite à mettre en œuvre, dans les plus brefs délais, l’expertise requise en procédant conformément à l’art. 44 LPGA, puis à statuer sur le droit aux prestations de la recourante.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de dépens de CHF 2'000.-, à la charge de l’intimée.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le