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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/703/2024

ATA/921/2025 du 26.08.2025 ( FPUBL ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;POUVOIR D'APPRÉCIATION;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;DROIT PUBLIC;EXERCICE DE LA FONCTION;MESURE DISCIPLINAIRE;FAUTE DISCIPLINAIRE;RÉDUCTION DU TRAITEMENT;PROPORTIONNALITÉ;DEVOIR PROFESSIONNEL;MOTIVATION DE LA DÉCISION;EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION;FAUTE PROFESSIONNELLE;VIOLATIONS DES DEVOIRS DE SERVICE;SUPPRESSION(EN GÉNÉRAL);CLASSE DE TRAITEMENT
Normes : LPA.61; LPAC.16.al1; Cst.5.al2; RPAC.20; RPAC.21.letc; RPAC.22.al1; RPAC.23; LPAC.16
Résumé : Admission du recours contre la sanction (suppression de six annuités) infligée au recourant, dès lors que les manquements reprochés au recourant ne constituent dans un cas qu’une seule erreur d’appréciation dans l’application d’une directive très vague, et dans un second cas, aucune erreur ne peut lui être reprochée. Les manquements qui lui sont reprochés en lien avec son activité ne sont pas corroborés par le dossier. Annulation de la sanction, le recourant devant être replacé dans la situation qui était la sienne avant la décision querellée.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/703/2024-FPUBL ATA/921/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 août 2025

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me François MEMBREZ, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé



EN FAIT

A. a. A______, né le ______1965, a été engagé le 1er septembre 2005 en qualité de directeur adjoint au sein de la direction générale de l’office de l’enfance, devenue la direction générale de l’office de l’enfance et de la jeunesse
(ci-après : DGOEJ), rattaché au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP ou le département). Il est titulaire d’une licence en droit, d’un brevet d’avocat délivré par le Conseil d’État du canton de Genève et d’un diplôme d’assistant social.

b. Nommé fonctionnaire le 1er décembre 2007, il a occupé ce poste jusqu’au 1er juillet 2018, date à laquelle s’est ajoutée la responsabilité du service juridique de la DGOEJ. Sa supérieure hiérarchique actuelle est B______.

c. Ses activités consistent notamment à participer aux tâches de la direction générale de l’office en matière de politique socio-économique, d’assurer, par délégation, les tâches dévolues à la direction générale, d’apporter des réponses aux services, voire aux usagers au sujet des prestations des services de l’office, de préparer notes et rapports à l’attention du chef du département ou du secrétariat général, d’accompagner et de représenter le chef du département devant les commissions parlementaires, cas échéant de le représenter et de remplacer, en cas d’absences, la directrice générale dans toutes les tâches de politique générale et de responsabilité sociale et juridique.

d. Depuis 2010, en sus de son cahier des charges, A______ est chargé du contrôle des fiches de police selon la loi sur les renseignements et les dossiers de police et la délivrance des certificats de bonne vie et mœurs du 29 septembre 1977 (LCBVM - F 1 25). Cette tâche a formellement été ajoutée à son cahier des charges en 2020.

Son cahier des charges précise que le titulaire du poste agit de manière indépendante dans l’exercice des responsabilités décrites et prend toute décision nécessaire et utile à l’exercice de sa mission. Au sujet des fiches de police, il est précisé qu’il peut « accéder aux fiches de police et prendre les décisions, dans le respect de la loi ».

e. Le contrôle des fiches de police (environ 250 par an) constitue un examen, en amont de la procédure administrative d’autorisation, de la situation des personnes se présentant pour un accueil familial de jour ou pour un accueil avec hébergement (familles d’accueil).

f. En 2013, 2016, 2019 et 2021, A______ a pris en charge la direction générale ad interim de l’office de l’enfance et de la jeunesse, pour plusieurs mois, conformément à son cahier des charges.

g. Ses entretiens d’évaluation et de développement du personnel (ci-après : EEDP) de 2006, 2007, 2010, 2013, 2015, 2018, 2020 et 2023 ont toujours été jugés excellents, l’ensemble des objectifs étant considéré comme atteint.

Il ressort en particulier de l’EEDP de 2020 que A______ détenait une réelle expertise dans l’ensemble du corpus légal s’appliquant aux niveaux fédéral et cantonal et qu’il connaissait finement l’ensemble des prestations. Sa capacité à réfléchir hors du cadre, à représenter une figure de référence et à intégrer, sur demande, tout groupe de travail, étaient saluées. Sa capacité à proposer des décisions de bon sens en veillant à ce que l’esprit des textes légaux soit pris en compte dans le respect de leur interprétation était soulignée. L’EEDP de 2020 retenait qu’à « l’occasion du groupe de travail intercantonal sur les recommandations en matière de placements extrafamiliaux, A______ a[vait] contribué de manière importante à la réussite du projet concrétisé par une publication nationale ».

Il ressort notamment de l’EEDP de 2023 que A______ était soucieux de rendre des analyses, préavis ou décisions justes. Il était centré sur l’intérêt supérieur de l’enfant avant toute chose. Il alliait ses connaissances solides en matière juridique avec le bon sens et le pragmatisme nécessaires à la mise en œuvre de dispositions « dans la vie intentionnelle ». Il avait également mis sur pied, conçu et déployé un comité d’éthique externe, qui conseillait la DGOEJ. Il représentait une figure de référence au sein de la direction. Il était un cadre très apprécié de ses pairs et des équipes.

B. a. Le 14 août 2019, A______ a émis un stop police conformément à la directive D.E.DGOEJ.SASLP.1.03 du 21 mars 2019 (ci-après : la directive), pour les dossiers de M. W. et M. T., la fiche police de M. W. faisant état d’une enquête pour abus sexuel datant de 1993 et celle de M. T. d’une procédure pour viol datant de 1996.

b. Conformément à la procédure interne visant à respecter le droit d’être entendu, M. T. et M. W. ont été reçus par A______ et C______, cheffe des autorisations au sein du service d’autorisation et de surveillance des lieux de placement (ci-après : SASLP) le 3 octobre 2019.

c. Après ces entretiens, au vu des explications et documents présentés, A______ a levé le stop police de M. W. et M. T., d’entente avec C______. La procédure d’instruction de leur demande pouvait reprendre.

d. Le 22 octobre 2019, deux autorisations nominales pour l’accueil familial ont été délivrées aux demandeurs d’autorisation précités pour accueillir deux adolescents originaires du canton de Vaud.

C. a. Le 23 juin 2023, une plainte pénale a été déposée par le DIP en raison de suspicions d’attitudes déplacées de la part de M. W. envers un adolescent qu’il hébergeait temporairement dans le cadre des activités d’une association formant des hockeyeurs talentueux, avec deux autres jeunes du même âge, tous trois originaires de Lituanie. Une procédure pénale (P/1______/2023) a été ouverte.

Les trois adolescents se plaignaient que M. W. aurait eu des gestes déplacés à leur égard, notamment que M. W. leur aurait caressé le torse à table ou les aurait fixés quand ils sortaient de la salle de bains. Il serait aussi entré à une occasion sans frapper dans la chambre de l’un d’entre eux pour avoir une discussion en lien avec la sexualité.

Les trois adolescents avaient immédiatement quitté la famille d’accueil ; il était en outre déjà prévu qu’ils retournent dans leur pays d’origine une semaine après le dépôt de la plainte pénale.

Aucune autre information au sujet de cette procédure ne figure au dossier.

b. Le 31 juillet 2023, A______ a été convoqué à un entretien de service visant à l’entendre par rapport à ces faits et à la levée du stop police dans les cas de M. W. et M. T., la situation étant susceptible de constituer une violation des devoirs de service au sens des art. 16 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et 20 à 22 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01).

c. Le 29 août 2023 s’est tenu cet entretien, en présence de la cheffe de service RH de la DGOEJ. A______ a expliqué en détail le processus d’autorisation et ses tâches. Interrogé par sa hiérarchie, il est revenu sur les deux situations qui lui étaient reprochées.

S’agissant de M. W., il avait rencontré ce dernier avec C______. M. W. avait expliqué avoir été acquitté par la justice pénale, en première et deuxième instance, d’allégations d’actes d’ordre sexuel sur un de ses enfants, allégations proférées par son ex-épouse dans le cadre d’un divorce conflictuel. En sus de l’acquittement au plan pénal, la garde de ses enfants lui avait été attribuée à la même période par le juge civil. Le demandeur d’autorisation avait, postérieurement à l’entretien, transmis les jugements corroborant ses propos.

A______ a expliqué que les juges pénaux et les experts interrogés, appelés à se prononcer sur le dossier, avaient tous considéré que tout au plus pouvait-on parler pour M. W. de manifestations affectives réciproques ayant débordé. La situation conflictuelle aiguë entre les parents en instance de divorce, avec l’enjeu de la garde des enfants, était également relevée.

Selon lui, il avait donc agi en conformité avec la directive en levant le stop police, étant relevé que la fiche de police aurait d’ailleurs pu ne comporter aucune mention à ce sujet, si M. W. en avait fait la demande. Ce dernier avait d’ailleurs écrit à la cheffe de la police dans ce but à l’issue de l’entretien.

Le témoignage du frère de l’ex-femme de M. W. n’avait pas été retenu par le juge pénal, en raison du lien de parenté. Interrogé sur le principe de précaution, A______ avait indiqué que l’on se trouvait dans un état de droit et qu’une décision négative refusant l’autorisation sur cette base aurait pu être cassée judiciairement en cas de recours de M. W.

S’agissant de la situation de M. T., ce dernier avait également été reçu en présence de C______. M. T. avait expliqué qu’alors qu’il était inspecteur de police, il avait été accusé de viol par une prostituée, lors d’une soirée arrosée, en 1997. Il avait reconnu les faits et été condamné pénalement. Les faits étaient « prescrits » et son casier judiciaire désormais vierge. A______ avait indiqué que conformément à la directive, selon laquelle le demandeur d’autorisation ne devait pas faire l’objet d’antécédents judiciaires ou que ces derniers ne devaient pas avoir d’impact sur l’accueil de mineurs, il avait levé le stop police.

d. Dans ses observations après entretien de service du 23 septembre 2023, A______ a ajouté des remarques au procès-verbal. En particulier, il avait émis un préavis de levée de stop police après avoir reçu M. W., qui lui avait indiqué avoir été acquitté à deux reprises par la justice pénale pour des faits reprochés en 1993. Tant la Cour correctionnelle que la Cour de cassation étaient parvenues à la conclusion que les gestes de M. W. sur son fils ne pouvaient être qualifiés ni objectivement ni subjectivement d’actes d’ordre sexuel au sens de l’art. 187 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). En outre, deux jugements de la justice civile avaient attribué à M. W. la garde et l’autorité parentale sur ses enfants, démontrant qu’il était apte, selon la justice civile, à se voir confier la garde de ses enfants. Aucune infraction ou autre mention dans un dossier de police n’apparaissait par ailleurs depuis 1993. Son appréciation de la situation avait été corroborée par C______ et la décision avait été prise conjointement avec cette dernière.

Enfin, il avait répondu positivement à la question de sa supérieure B______, qui lui demandait s’il était possible qu’il existe une mention dans une fiche de police mais que le casier judiciaire du demandeur d’autorisation soit vierge.

e. Le 12 octobre 2023, le DIP a informé A______ que ses observations faisaient partie intégrante de la documentation du procès-verbal de l’entretien de service du 29 août 2023.

f. Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 26 janvier 2024, la Conseillère d’État en charge du DIP a prononcé à l’encontre de A______, au titre de sanction disciplinaire, une réduction de six annuités à l’intérieur de sa classe de traitement, qui passait ainsi de la classe 25 annuité 22 à la classe 25 annuité 16, soit une baisse effective annuelle de son salaire brut de CHF 8'202.-. Compte tenu de la gravité des faits retenus à son encontre, la sanction était proportionnée. Elle prenait en considération son activité au sein de la DGOEJ depuis 18 ans, pendant lesquels il avait toujours fait l’objet de très bonnes évaluations, sous réserve d’un avertissement le 4 avril 2012 pour des griefs différents de ceux faisant l’objet de la présente sanction.

En particulier, le DIP retenait que le fait d’avoir levé le stop police de M. W. constituait une violation fautive de son devoir de justifier et de renforcer la confiance vis-à-vis de la fonction publique au sens de l’art. 21 let. c RPAC de même que celui d’agir consciencieusement et avec diligence prévu à l’art. 22 RPAC, et contrevenait aux intérêts de l’État selon l’art. 20 RPAC.

Il ressortait du dossier que A______ s’était basé sur la seule parole de M. W. pour prendre cette décision avant même d’avoir pris connaissance de manière détaillée des différents jugements pénaux et civils le concernant. Cela était corroboré par le courriel du 3 octobre 2019 adressé à C______ à teneur duquel il était mentionné que la DGEOJ levait le stop police alors que les différents jugements ne lui étaient parvenus que le 7 octobre 2019. Cet empressement n’était pas acceptable de la part d’un juriste spécialiste de la protection des mineurs et œuvrant dans ce cadre depuis plus de 18 ans.

Le DIP ne le rejoignait pas sur l’analyse faite à l’époque des décisions judiciaires précitées, consistant à faire valoir de manière prépondérante l’acquittement de M. W. ainsi que l’attribution de la garde de ses enfants, malgré la constatation de son comportement inadéquat s’agissant de ses démonstrations affectives. Cet élément-là était suffisant, sous l’angle du principe de précaution, pour ne pas lever le stop police. C’était d’ailleurs à l’aune de ce principe qu’un référentiel qualité pour les familles d’accueil avait été formalisé à teneur de la directive.

Certes, le DIP retenait que M. W. n’avait pas été condamné pour actes d’ordre sexuel avec des enfants mais que les jugements pénaux mettaient en exergue un « sérieux problème de démonstration affective vis-à-vis de son plus jeune fils ainsi que des éléments d’ambivalence identitaire », de telle sorte que la condition d’absence d’antécédents judiciaires sans impact sur l’accueil de mineurs ne pouvait être considérée comme remplie. Il était surprenant qu’il n’ait pas modifié son avis à la lecture des jugements pénaux.

S’agissant de M. T., la décision de lever le stop police contrevenait à ses devoirs de fonction au sens des art. 20 à 22 RPAC. Il s’agissait d’une faute grave, dès lors qu’elle procédait d’une lecture erronée d’une directive.

Dans l’ensemble, le DIP considérait que A______ avait fait preuve d’une grande légèreté dans l’analyse des dossiers. Ces situations, sensibles, auraient dû le questionner et l’alerter et être soumises à sa hiérarchie pour discussion. Il était prié de désormais strictement respecter son cahier des charges et ses devoirs de service. Son attention était attirée sur le fait que de nouveaux manquements pourraient appeler le prononcé d’une sanction disciplinaire plus grave, voire la constatation d’une insuffisance de prestations, pouvant entraîner une résiliation des rapports de service.

D. a. Le 28 février 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à l’encontre de la décision précitée, concluant principalement à l’annulation de la sanction disciplinaire prononcée le 26 janvier 2024. Subsidiairement, il convenait de renvoyer le dossier à la Conseillère d’État en charge du département pour nouvelle décision au sens des considérants.

Le département avait constaté les faits de manière inexacte et apprécié les preuves de manière arbitraire. En procédant ainsi, il avait jugé à tort qu’il avait commis une faute. La directive avait été mal comprise par l’autorité. En ce qui concernait M. W., le département aurait dû retenir que ce dernier n’avait jamais été condamné mais au contraire, acquitté ; que la fiche de police aurait dû être radiée à l’issue de l’acquittement ; que la cheffe du SASLP avait approuvé la levée du stop police et que M. W., à l’issue de son divorce, avait obtenu la garde de ses enfants, le 26 novembre 2003 et le 19 mars 2004.

En ce qui concernait M. T., la Conseillère d’État en charge du département aurait dû constater que son casier judiciaire ne contenait aucune inscription et que la mention sur sa fiche de police d’une condamnation ancienne, reconnue et dont il s’était excusé, était sans lien avec des mineurs.

Aucune sanction disciplinaire n’aurait dû lui être infligée. Il avait correctement appliqué la directive, en l’absence de condamnation dans le premier cas et en l’absence de casier judiciaire dans le second.

Il était seul à contrôler les fiches de police et on ne pouvait lui reprocher, sans violer le principe de la bonne foi, de ne pas aller au-delà de ce que prévoyait la directive, dans un canton où les familles d’accueil manquaient par ailleurs. On ne pouvait pas lui confier une tâche particulière, seul, qui sortait de son cahier des charges puis ensuite lui reprocher, alors qu’il avait appliqué la directive ad hoc, de ne pas s’être montré plus sévère que celle-ci.

La sanction était disproportionnée. Il avait correctement appliqué la directive. Compte tenu de ses excellents états de service, il apparaissait inapproprié de lui reprocher trop de mansuétude alors qu’il s’attachait au respect de l’intérêt de l’enfant conformément à la directive. Concernant M. W., il lui était reproché de ne pas avoir tenu compte de certains faits figurant dans les jugements d’acquittement : ce reproche constituait un abus du pouvoir d’appréciation. Les juges et experts avaient tous retenu qu’il n’existait pas d’actes d’ordre sexuel sur mineur et que les déclarations de l’enfant n’avaient pas de validité au vu du contexte. Les faits, survenus il y a plusieurs décennies, étaient qualifiés de manifestations réciproques d’affections ayant débordé et l’enfant avait été examiné successivement par un pédiatre et une pédopsychiatre, qui avaient tous considéré qu’il n’existait pas d’éléments évocateurs d’un abus sexuel.

S’agissant de M. T., la décision attaquée constituait également un abus du pouvoir d’appréciation en tant qu’elle retenait qu’une condamnation pour viol impliquait de la violence envers une personne et était « expressément » incompatible avec une activité d’accueil au sens de la directive.

Cette directive prévoyait en réalité que le casier judiciaire ne devait pas contenir de condamnation pour une infraction incompatible avec l’activité de famille. A contrario, en l’absence de casier judiciaire, une condamnation ancienne n’était pas en elle-même incompatible avec l’activité d’accueil, ce d’autant plus que cette infraction ancienne était sans lien avec un mineur.

Il apparaissait que le département lui reprochait en réalité non pas d’avoir mal appliqué la directive mais de ne pas avoir été au-delà de celle-ci, soit de ne pas s’être montré plus sévère que ce qu’elle prévoyait.

La sanction était disproportionnée, aucun reproche ne lui ayant jamais été adressé depuis qu’il traitait les fiches, environ 3'000, depuis quatorze ans ; ses états de service étaient au contraire excellents. Si par impossible la chambre de céans arrivait à la conclusion qu’il avait commis une faute, c’était tout au plus un blâme qui aurait dû lui être infligé.

b. Dans ses observations du 9 avril 2024, le DIP a conclu au rejet du recours. Le recourant soutenait à tort avoir appliqué de manière correcte la directive. Il fallait replacer celle-ci dans le contexte global de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le cadre légal était clair. S’agissant de la situation de M. W., le recourant ne pouvait considérer que le passé judiciaire de M. W. était sans risque pour les jeunes qu’il souhaitait accueillir chez lui. S’agissant de M. T., l’existence d’une condamnation pénale pour viol constituait bien un antécédent judiciaire avec un impact sur l’accueil de mineurs, dès lors qu’il s’agissait d’une infraction comportant de la violence contre un adulte. Exclure l’application du référentiel 2.4 de la directive, en soulignant qu’il s’agissait d’une ancienne condamnation, revenait à nier le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Toutes les conditions étaient donc remplies pour ne pas lever le stop police émis à l’endroit de M. T.

Le principe de la bonne foi n’avait pas été violé, le fait que cette tâche n’ait été mentionnée dans le cahier des charges du recourant qu’à compter de 2020 ne justifiait pas une mauvaise application de la directive dans les situations de M. W. et M. T., pas plus que le manque de familles d’accueil dans le canton de Genève.

Enfin, la sanction était proportionnée. Le recourant ne pouvait pas ignorer les grands principes évoqués dans l’ordonnance sur le placement d’enfants du 19 octobre 1977 (OPE - RS 211.222.338), la loi sur l'enfance et la jeunesse du 1er mars 2018 (LEJ ‑ J 6 01) ou encore le Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), à savoir l’intérêt supérieur et le bien de l’enfant. De ces postulats découlait le principe de précaution, qui, s’il n’était pas expressément formulé dans les textes légaux précités, intervenait forcément dans le cadre des décisions prises par une autorité administrative et qui concernait des personnes mineures. Le recourant n’avait pas pris les précautions attendues de lui en raison de sa fonction, de ses connaissances et de son expérience. Il avait fait preuve de légèreté, ce qui était confirmé par ailleurs par la levée du stop police sur la seule base des informations données oralement par M. W. lors de son entretien, sans pouvoir les confronter aux documents qui lui étaient parvenus ultérieurement.

En ce qui concernait M. T., le recourant soutenait à tort qu’une ancienne condamnation pour viol d’une personne majeure n’était pas incompatible avec une activité d’accueil. Le point 2.4 du référentiel de la directive prévoyait expressément le contraire. Le prononcé d’une sanction ne constituait donc pas un abus du pouvoir d’appréciation et se basait sur la violation fautive et grave des art. 20, 21 let. c et 22 al. 1 RPAC.

Les trois jurisprudences citées par le recourant pour considérer que la sanction était disproportionnée n’étaient pas pertinentes. En effet, ces jurisprudences n’impliquaient pas la sécurité de personnes mineures. L’autorité avait tenu compte des bons états de service du recourant et de son engagement depuis de nombreuses années en faveur de son employeur. Avaient aussi été retenues l’absence totale de remise en question de la part du recourant face aux griefs communiqués ainsi que la « gravité des fautes commises ». Le prononcé d’une sanction financière équivalant à une diminution de salaire de six annuité devait être considéré comme juste et nécessaire pour assurer l’intérêt public recherché, soit une application correcte de la directive et partant, contribuer à l’intérêt supérieur de l’enfant. Le fait de ne pas avoir retiré cette tâche au recourant n’était pas non plus pertinent, une telle mesure ne faisant pas partie des sanctions pouvant être prononcées à teneur de l’art. 16 LPAC.

c. Dans sa réplique du 13 mai 2024, A______ a persisté dans ses précédentes explications et conclusions. Il était faux d’affirmer qu’en cas de doutes ou de difficultés, il devait en référer à sa hiérarchie. La directrice n’avait jamais traité des fiches de police durant son activité.

Le département ignorait visiblement en quoi consistait sa tâche en lien avec les fiches de police : lorsqu’il recevait une telle fiche, il en examinait le contenu et en fonction de celle-ci, en cas d’infractions a priori incompatibles avec la prise en charge de mineurs, il envoyait un courriel à la directrice du SASLP pour lui signifier un stop police. Cette action avait pour conséquence de bloquer le dossier au niveau de sa poursuite pour l’évaluation sociale. À la suite du stop police, il était prévu que le candidat soit convoqué afin qu’il donne des explications sur le contenu de la fiche le concernant et qu’il puisse, par la même occasion, exercer son droit d’être entendu. Après audition, lui-même décidait de lever ou non le stop police.

Si le stop police était confirmé, le SASLP rendait une décision sujette à recours.

S’agissant de M. W., compte tenu des explications de ce dernier, confirmées par deux arrêts d’acquittement, il n’était pas juridiquement envisageable de demander au SASLP de rendre une décision de refus d’entrée en matière. L’acquittement aurait dû conduire à l’effacement de la fiche de police. Pour cette raison, d’entente avec la directrice du SASLP, il avait levé le stop police. Il estimait avoir appliqué correctement la directive, puisque, en raison des acquittements de M. W., ses antécédents judiciaires étaient vierges.

La directive ne mentionnait aucun critère précis d’infraction en termes de contenu et de temporalité des infractions qui serviraient de référence à l’appréciation du contenu des fiches de police.

S’agissant du courriel envoyé le 3 octobre 2019, il visait simplement à ce que le SASLP garde trace de l’entretien qu’il avait eu avec M. W. Au sujet de l’attribution de la garde des enfants de M. W., les documents démontraient que la garde des enfants avait été attribuée à leur père. Il s’agissait d’éléments supplémentaires, M. W. ayant été jugé capable et apte à prendre en charge ses enfants par les tribunaux civils, eux-mêmes guidés par l’intérêt supérieur de l’enfant. Il avait parfaitement appliqué la directive, qui ne faisait pas état du principe de précaution et indiquait la nécessaire prise en compte de l’évolution des références socio‑éducatives, socio-culturelles, éthiques ou sécuritaires. La vérité judiciaire du dossier de M. W. s’imposait à toute autorité : ce dernier avait été acquitté, ce qui avait pour effet de supprimer sa fiche de police.

L’utilisation du principe de précaution par le département était discutable : si ce principe était si important, il appartenait au département de l’ajouter dans le règlement idoine, s’il entendait qu’il devait l’appliquer aussi à l’examen des fiches de police. Contrairement à ce que retenait le DIP, il n’était pas de son ressort d’autoriser M. T. et M. W. à accueillir des mineurs dans leur foyer : au contraire, cette décision était celle du SASLP, qui décidait, en fin d’évaluation, de l’octroi ou non de l’autorisation d’accueil. Il ne faisait que s’occuper du stop police, ce qui ne préjugeait en rien de l’autorisation, laquelle n’était octroyée qu’à la fin du processus d’évaluation.

L’instruction de la faute devait se faire à charge et à décharge : le DIP n’avait pas pris en compte de nombreux éléments en sa faveur : il avait correctement appliqué la directive, dans la mesure où il avait formulé le stop police avant d’entendre M. W. et M. T., dont les casiers judiciaires étaient vierges. M. W. avait été quant à lui acquitté, et les faits remontaient à 26 ans auparavant. La décision de poursuivre l’évaluation des deux accueillants avait été prise avec la cheffe du SASLP. L’absence de référence à un principe de précaution dans la directive et ses excellents états de service étaient des éléments en sa faveur. Enfin, le DIP était incohérent, en lui reprochant une faute dans l’examen des tâches de police, tout en lui laissant le soin de poursuivre cette tâche. Le DIP démontrait plutôt à son encontre « une intention de lui nuire de façon incompréhensible et très injuste ».

d. Entendu lors d’une audience de comparution personnelle le 7 octobre 2024, A______ a indiqué qu’il analysait les fiches de police dès leur réception, depuis 2010. Le contenu des fiches était sommaire, la nature de l’infraction étant parfois indiquée mais pas si la personne avait été condamnée ou non. Après analyse, qu’il faisait en même temps pour un groupe de requêtes, il communiquait le résultat au service concerné. Pour les personnes à problèmes, il bloquait les dossiers. C’était ce qui s’appelait un stop police. S’il n’y avait pas de stop police, il ne s’occupait plus des dossiers, l’instruction du dossier étant poursuivie par le service compétent, le SASLP.

En cas de stop police, la personne concernée pouvait s’exprimer. Elle était reçue avec lui-même et la responsable du SASLP, C______. Le droit d’être entendu avait toujours été exercé par oral, soit environ un à deux entretiens par an. Les entretiens avaient une durée variable selon les circonstances. Parfois, il demandait des pièces supplémentaires, un jugement par exemple. Il décidait ensuite de lever le stop police ou non. Il était seul compétent pour prendre cette décision, la directrice n’étant pas compétente pour apprécier ce genre de questions, n’étant ni avocate ni juriste. S’il décidait de lever le stop police, il communiquait cette décision au service compétent.

Il déployait cette activité depuis 2010 et la déployait toujours. La responsabilité liée à cette activité était lourde pour une seule personne. Il ne l’avait pas exprimé avant à sa hiérarchie. Aujourd’hui, la situation avait été modifiée et ils étaient trois à prendre la décision, collégialement.

Il existait des directives lacunaires relatives au stop police, lui laissant une très grande marge d’appréciation. Entre 2010 et 2020, il pensait avoir entendu entre dix et 20 personnes. La directive produite au dossier datait de 2018, avec une révision en 2019. Dès le début de sa pratique, il avait accordé une grande importance à la question de savoir si l’infraction mentionnée dans les fiches de police avait ou non débouché sur une condamnation. Il accordait également de l’importance en défaveur du requérant au nombre des infractions mentionnées, même si celles-ci ne concernaient pas forcément des mineurs. De mémoire, il avait sollicité précédemment l’opinion de la précédente directrice, qui était, elle, juriste.

La notion de principe de précaution dans le cadre de cette activité était pour lui difficilement compréhensible. Il était évident que pour prendre la décision, il fallait procéder à une pesée des intérêts. À ce titre, il tenait également compte du fait qu’il existait un manque important de familles d’accueil dans le canton.

S’agissant de M. W., sa fiche de police indiquait qu’il avait été entendu en 1993 pour une infraction sexuelle sur mineur. Il avait immédiatement décrété un stop police. M. W. avait été convoqué par le SASLP pour un entretien et reçu par lui-même et par C______. Il avait appris lors de cette entretien que M. W. avait demandé une autorisation pour pouvoir accueillir de jeunes hockeyeurs âgés de 15 à 18 ans dans le cadre des activités d’une association ayant pour but la formation de jeunes hockeyeurs talentueux. M. W. leur avait confirmé qu’il avait été entendu en 1993 pour des attouchements sur son enfant, sur dénonciation de son épouse d’alors, à laquelle il était opposé dans le cadre d’une procédure de divorce très conflictuelle. Il leur avait indiqué avoir été acquitté en première instance et que cet acquittement avait été confirmé sur appel. Il avait aussi obtenu, dans le cadre du divorce, la garde de ses enfants, dont son fils âgé de trois ans. Au terme de l’entretien, il lui avait été demandé de fournir tous les jugements civils et pénaux, ce qu’il avait fait.

Immédiatement après l’entretien il avait discuté avec C______ et convenu qu’il lèverait le stop police afin de permettre à la procédure d’instruction de la demande de suivre son cours. Afin de lever le stop police, il avait pris en considération les éléments suivants : l’ancienneté des faits, remontant à plus de 26 ans, en 1993, le fait que M. W. avait été acquitté deux fois, le caractère conflictuel du divorce, qui entraînait que les accusations devaient être relativisées et le fait que la garde de son fils avait attribuée à M. W. à son sens, compte tenu des acquittements, la fiche de police aurait dû être vierge.

Il n’y avait pas de procès-verbal de l’entretien du 3 octobre 2019 avec M. W. Comme il voulait qu’une trace reste au dossier, il avait envoyé le courriel qui figurait au dossier à C______. Il considérait que les éléments obtenus de M. W. étaient suffisants pour permettre à l’instruction de sa demande de reprendre. Si ce dernier n’avait pas communiqué les documents, le stop police aurait évidemment été rétabli.

Il se souvenait que lors de cet entretien, M. W. avait expliqué concrètement quels comportements lui étaient reprochés. Il avait examiné les pièces dès réception. Il n’avait pas modifié son appréciation à la lecture de ces pièces. Le fait que les juridictions civiles avaient attribué à M. W. la garde de ses enfants était extrêmement rassurant pour lui.

Lors de la communication de ces documents, il avait échangé avec C______, qui avait aussi reçu les documents et ne s’était pas opposée à la décision qu’ils avaient prise. À ce moment, il ne lui avait pas paru nécessaire d’évoquer une nouvelle fois la question avec C______ ou avec sa supérieure hiérarchique, B______.

Pour M. T., il ressortait de sa fiche police qu’il avait été condamné pour le viol d’une personne majeure. Lors de l’entretien, également avec C______, M. T. avait reconnu les faits et la gravité de ce qui s’était passé. Il avait expliqué le contexte de l’infraction. Comme M. W., il était candidat pour recevoir de jeunes hockeyeurs en lien avec l’association. Par rapport au texte de la directive, il rappelait que le casier judiciaire de M. T était vierge. Son appréciation aurait été différente si l’infraction était plus récente. Il avait fait usage de sa marge d’appréciation pour considérer que l’infraction considérée était sans impact sur la capacité de M. T. à accueillir de jeunes hockeyeurs. Cette impression était notamment fondée sur l’entretien direct, sur les explications qu’il avait données, sur sa sincérité et sur le fait qu’il s’agissait d’un ancien policier. C______ était d’accord avec lui. La partie des directives concernant les antécédents judiciaires était très réduite et peu développée, ce qui laissait une grande marge d’appréciation.

A______ a ajouté avoir été désigné par le DIP un an et demi auparavant pour présider le comité d’éthique de l’office de l’enfance et de la jeunesse.

e. Sur ce, à l’issue de l’audience et avec leur accord, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Au fond, il convient d’examiner la conformité au droit de la sanction disciplinaire prononcée. Le recourant considère que le prononcé d’une sanction n’a pas lieu d’être et est disproportionné, compte tenu d’une absence de faute de sa part.

2.1 Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA) ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Selon l’art. 61 LPA, le pouvoir d’examen de la chambre administrative se limite à la violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

2.2 La LPAC définit les droits et devoirs des membres du personnel de la fonction publique qui lui sont assujettis (art. 2 al. 1 LPAC).

2.3 Les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC). L'art. 21 let.  c RPAC prévoit que les membres du personnel se doivent, par leur attitude de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet. Ils doivent remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 RPAC).

Le fonctionnaire n’entretient pas seulement avec l’État qui l’a engagé et le rétribue les rapports d’un employé avec un employeur, mais, dans l’exercice du pouvoir public, il est tenu d’accomplir sa tâche de manière à contribuer au bon fonctionnement de l’administration et d’éviter ce qui pourrait nuire à la confiance que le public doit pouvoir lui accorder. Il lui incombe en particulier un devoir de fidélité qui s’exprime par une obligation de dignité. Cette obligation couvre tout ce qui est requis pour la correcte exécution de ses tâches, pendant et en-dehors de son travail (ATA/108/2025 du 28 janvier 2025 consid. 4.3 et les arrêts cités).

2.4 Selon l'art. 16 LPAC, traitant des sanctions disciplinaires, les fonctionnaires et les employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de la violation, des sanctions suivantes : a) prononcé par le supérieur hiérarchique, en accord avec sa hiérarchie : 1° le blâme ; b) prononcées, au sein de l'administration cantonale, par le chef du département ou le chancelier d'État, d'entente avec l'office du personnel de l'État ; 2° la suspension d'augmentation du traitement pendant une durée déterminée ; 3° la réduction de traitement à l'intérieur de la classe ; c) prononcées, à l'encontre d'un fonctionnaire, au sein de l'administration cantonale, par le Conseil d'État ; 4° le retour au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans ; 5° la révocation.

2.5 Le droit disciplinaire se rattache au droit administratif, car la mesure disciplinaire n'a pas en premier lieu pour but d'infliger une peine : elle tend au maintien de l'ordre, à l'exercice correct de l'activité en question et à l'intégrité de l'administration, qui doit appliquer les lois avec impartialité ; vers l'extérieur, elle tend à la préservation de la confiance du public à l'égard de l'activité étatique ; elle s'insère souvent dans un ordre croissant de sanctions en fonction de la gravité du manquement (ATF 142 II 259 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_4/2020 du 27 octobre 2020 consid. 3.2 ; ATA/114/2021 du 2 février 2021 consid. 2 ; ATA/426/2020 du 30 avril 2020 consid. 4a et les références citées).

2.6 Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence de faute du fonctionnaire. Alors qu'en droit pénal, les éléments constitutifs de la faute doivent être expressément indiqués dans la loi, en droit disciplinaire, les agissements pouvant constituer une faute sont d'une telle diversité qu'il est impossible que la législation en donne un état exhaustif. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n'ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l'auteur. La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive. Par ailleurs, il n'est pas nécessaire que la faute ait été commise dans le cadre de l'activité professionnelle (ATA/244/2020 du 3 mars 2020 consid. 10b et les références citées).

2.7 On définit en général la faute comme un manquement de la volonté au devoir imposé par l'ordre juridique. Il peut s'agir d'une faute intentionnelle ou d'une négligence. Traditionnellement, on considère que la faute représente l'aspect subjectif de la responsabilité alors que l'illicéité en constitue l'aspect objectif. Dans l'analyse de la négligence, le manquement est cependant objectivé : le responsable commet une faute lorsqu'il manque à la diligence dont aurait fait preuve une personne de la catégorie à laquelle il appartient (ACJC/207/2024 du 30 janvier 2024 ; Franz WERRO/Michel PERRITAZ, Code des obligations I, Commentaire romand, 3e éd., 2021, n. 56-57 ad art. 41 CO).

2.8 En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation lequel est toutefois subordonné au respect du principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 8D_10/2020 du 7 avril 2021 consid. 4.2). Le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou à l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/45/2025 du 14 janvier 2025 consid. 3.7).

Cela étant, l'employeur public reste assujetti au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité, l'égalité de traitement, la proportionnalité et l'interdiction de l'arbitraire, dans la mesure où les rapports de service sont soumis au droit public (ATA/240/2019 du 12 mars 2019 consid. 5f et les références citées).

Le principe de la proportionnalité, ancré à l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_635/2020 du 22 juin 2021 consid. 3.1 ; 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités).

Ainsi, en matière de sanctions disciplinaires, la liberté d’appréciation de l’autorité est encadrée par le principe de proportionnalité. Son choix ne dépend pas seulement des circonstances subjectives de la violation incriminée ou de la prévention générale, mais aussi de l'intérêt objectif à la restauration, à l'égard du public, du rapport de confiance qui a été compromis par la violation du devoir de fonction. Une mesure viole le principe de la proportionnalité si elle excède le but visé et qu'elle ne se trouve pas dans un rapport raisonnable avec celui-ci et les intérêts - en l'espèce publics - compromis (arrêt du Tribunal fédéral 8D_4/2020 du 27 octobre 2020 consid. 3.2 et les arrêts cités). Eu égard au principe de la proportionnalité, le choix du type et de la gravité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés (arrêts du Tribunal fédéral 8D_10/2020 du 7 avril 2021 consid. 4.1 et 4.2 ; 8C_161/2019 du 26 juin 2020 consid. 4.2.3 et les arrêts cités).

2.9 Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites de son pouvoir d'appréciation, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et qui sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi ou le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 et les références citées ; ATA/927/2020 précité consid. 4b).

2.10 Même si un sujet de droit disciplinaire prête à une situation toute l'attention souhaitable, il n'est pas impossible qu'une erreur ou un malentendu se produise. Il peut ainsi, par exemple, se croire, à tort, délié du secret professionnel. Dans ce cas, si la personne mise en cause a pris les précautions voulues, la jurisprudence fait application de la règle pénale de l'erreur de fait (art. 13 CP) pour apprécier son comportement selon la manière dont il a compris la situation (ATA/631/2017 du 6 juin 2017 consid. 4d ; Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse, Revue Jurassienne de Jurisprudence [RJJ], 1998, n. 53, p. 29).

Selon l'art. 13 CP, quiconque agit sous l'influence d'une appréciation erronée des faits est jugé d'après cette appréciation si elle lui est favorable (al. 1). Quiconque pouvait éviter l'erreur en usant des précautions voulues est punissable pour négligence si la loi réprime son acte comme infraction par négligence (al. 2). Agit sous l'emprise d'une erreur sur les faits celui qui n'a pas connaissance ou qui se base sur une appréciation erronée d'un élément constitutif d'une infraction pénale (ATF 129 IV 238 consid. 3.1). Si elle est évitable et que l'auteur n'use pas des précautions voulues pour l'éviter, il est punissable par négligence. Tout comme les infractions punissables par négligence, il convient de prendre en compte les circonstances et la situation personnelle de l'auteur (ATF 119 IV 255 consid. 2c). On assimile à l’erreur sur les faits le cas où l’auteur retient par erreur pour donné un état de fait qui, s’il était vraiment réalisé, serait de nature à rendre justifié son comportement (justification putative) (ATF 134 II 35 consid. 5.3).

2.11 Selon la directive, le référentiel SASLP, figurant en page 7, énonce les « items » (catégories de critères) précisant les exigences attendues des accueillants dans le cadre de leur évaluation. Le point 2.4 du référentiel, intitulé « Antécédents pénaux ou de Police » indique que les indicateurs à prendre en compte pour l’évaluation des candidats sont l’extrait du casier judiciaire destiné à des particuliers, l’extrait spécial du casier judiciaire destiné à des particuliers, les fiches de police et les certificats de bonne vie et mœurs. Les conditions de qualité à remplir sont les suivantes : « Antécédents judiciaires vierges ou sans impact sur l’accueil de mineurs pour tous les membres adultes de la famille. Une infraction comportant de la violence ou de la maltraitance au sens large contre un enfant ou un adulte constitue en tout état une infraction incompatible avec l’activité d’accueil ».

La page 10 de la directive précise qu’en ce qui concerne les casiers judiciaires (normal et spécial), ceux-ci ne doivent pas contenir une condamnation pour une infraction incompatible avec l’activité de famille d’accueil (une infraction comportant de la violence ou de la maltraitance au sens large contre un enfant ou un adulte constituant en tout état une infraction incompatible avec l’activité d’accueil). Par ailleurs, le SASLP se réfère systématiquement à la DGOEJ, la seule habilitée à obtenir les informations contenues dans le rapport de police cantonal. C’est cette dernière qui informe le SASLP de la possibilité de poursuivre la procédure ou non. En cas de refus d’entrée en matière, une décision formelle est notifiée, qui confirme le refus de donner suite à la requête. Cette décision ouvre les voies de recours.

2.12 Selon l’art. 30 al. 1 de la loi fédérale sur le casier judiciaire informatique VOSTRA du 17 juin 2016 (LCJ - RS 330), les jugements suisses et étrangers se rapportant à une personne sont éliminés de VOSTRA (casier judiciaire suisse) dès que tous les délais prévus pour ces jugements sont écoulés. Un délai d’effacement de 20 ans est applicable aux jugements prononçant une peine privative de liberté ferme ou une peine privative de liberté assortie d’un sursis ou d’un sursis partiel qui a été révoqué sont éliminés lorsqu’il s’est écoulé, depuis la fin de la durée de la peine fixée dans le jugement en cas de peine privative de liberté d’un an au moins et de moins de cinq ans (art. 30 al. 2 let. a ch. 2 LCJ).

2.13 Il ressort de la casuistique cantonale qu’une suspension d'augmentation du traitement pendant une durée de trois ans a été jugée trop sévère, le prononcé d'un blâme apparaissant adéquat, dans le cas d’un fonctionnaire qui consultait quotidiennement au travail des sites internet à des fins privées, notamment des sites de vente aux enchères et au moins un site échangiste, entre 15 et 30 minutes par jour en moyenne et qui avait également installé des logiciels privés (jeux d'échecs) sur son poste de travail. Le fait d'aller régulièrement consulter des sites contraires à la bienséance pendant les heures de travail n'était pas bénin. L'utilisation d'internet pendant les heures de travail ne dépassait toutefois que de peu celle qui était alors admise par l'État (ATA/653/2011 du 18 octobre 2011).

A aussi été jugé comme contraire au principe de la proportionnalité un retour au statut d’employée en période probatoire pour une durée de deux ans d’une fonctionnaire ayant autorisé la sortie d’un détenu qui avait entraîné des conséquences dramatiques (décès). Les pièces au dossier ne permettaient pas de retenir que la recourante avait violé ses devoirs de service ou qu’elle n’avait pas apporté tout le soin nécessaire à l’analyse approfondie de la situation dudit détenu. Son appréciation de la dangerosité du détenu avait été erronée mais non fautive compte tenu des éléments dont elle disposait et de la pratique en vigueur, connue et admise par son employeur. La décision qui en découlait ne pouvait lui être imputée à faute, en raison du cadre législatif et réglementaire en vigueur à l’époque et de la pratique administrative en cours au moment des faits (ATA/729/2016 du 30 août 2016).

La suspension de trois ans de l’augmentation de traitement prononcée à l’encontre d’un enseignant qui avait abusivement utilisé l’espace informatique mis à sa disposition par l’État de Genève, en téléchargeant et visionnant des fichiers à caractère pornographique a été considérée comme trop sévère et contraire au principe de la proportionnalité. Cette sanction a été remplacée par un blâme (ATA/836/2020 du 1er septembre 2020).

Un blâme infligé à un fonctionnaire qui avait tenu des propos inadéquats à sa supérieure hiérarchique dans le cadre de plusieurs courriels a été également jugé contraire au principe de la proportionnalité et annulé (ATA/739/2021 du 13 juillet 2021).

Un avertissement en raison de quelques erreurs d’appréciation commises par une fonctionnaire, alors qu’on ignorait la proportion d’erreurs identifiées sur l’ensemble des dossiers traités et dont le travail était de qualité, a été considéré comme trop sévère et annulé (ATA/1384/2021 du 21 décembre 2021).

2.14 En revanche, a été jugée conforme au principe de la proportionnalité une réduction de traitement de deux annuités (soit CHF 2'194.- par an) à l’encontre d’un enseignant qui avait refusé, pour des raisons de convenance personnelle, d’assurer son horaire et ses périodes d’enseignement, et qui avait manqué de respect à sa supérieure hiérarchique, contrevenant ainsi à son obligation d’entretenir des relations dignes et correctes avec sa hiérarchie (ATA/240/2025 du 11 mars 2025).

La suspension de l’augmentation de traitement durant deux ans d’un fonctionnaire chef de groupe aux Hôpitaux universitaires de Genève, a été jugée proportionnée. Il avait laissé des collaborateurs et des tiers s’exposer à des particules d’amiante à plusieurs reprises et n’avait pas donné entière satisfaction dans l’exécution de son travail. Il n’avait en outre pas engagé la procédure de contrôle et d’analyse qu’il savait être nécessaire et indispensable dans le traitement de la problématique. Il n’avait pas appliqué le principe de précaution et mis en danger la santé de plusieurs personnes en les exposant à une substance toxique (ATA/1352/2024 du 19 novembre 2024).

Une réduction du traitement d’un directeur d’établissement secondaire I au collège de cinq annuités à l’intérieur d’une même classe de traitement a été jugée proportionné par la chambre de céans, la faute du recourant consistant en un harcèlement sexuel sous la forme d’un climat de travail hostile imposé par le recourant à un tiers, ayant duré plusieurs années. Les 35 années de service et l’absence d’antécédents avaient été pris en considération. Médiane, la sanction était adéquate. Les sanctions les moins sévères, soit le blâme et la suspension de l’augmentation de traitement pour une durée déterminée apparaissaient trop clémentes et la fin des rapports de service aurait été trop sévère (ATA/1044/2023 du 26 septembre 2023 consid. 13, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_594/2023 du 4 juillet 2024).

La chambre de céans a jugé la suspension de l'augmentation du traitement pendant une durée de deux ans adéquate pour sanctionner une employée, sans antécédents disciplinaires, ayant entretenu des rapports tendus avec ses collègues et répétant à de nombreuses reprises, malgré plusieurs avertissements, des problèmes comportementaux, qui avaient nécessité de grands efforts de ses supérieurs pour les contenir (ATA/383/2020 du 23 avril 2020 consid. 9).

A également été jugée conforme au principe de la proportionnalité une réduction de traitement de quatre annuités d’un enseignant qui ne respectait pas, malgré des avertissements, le plan d’études et qui abordait de manière récurrente et inadéquate des thèmes liés à la sexualité en termes crus au moyen de supports relatant des faits divers particulièrement violents, choquant ses élèves et leurs parents (ATA/83/2020 du 28 janvier 2020 consid. 8 et 9 confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_184/2020 du 9 septembre 2020).

2.15 En l’espèce, la décision querellée est motivée par deux situations dans lesquelles l’autorité intimée considère que le recourant aurait violé ses devoirs de service, en appliquant de manière erronée la directive ad hoc. Ce faisant, il aurait agi avec légèreté et violé le principe de précaution.

À titre liminaire, il sera souligné que le contrôle des fiches de police, comme le souligne l’autorité intimée, n'était, au moment des faits litigieux, pas énuméré parmi les tâches du cahier des charges du recourant. Il convient également de replacer dans son contexte cette tâche, qui n’est qu’un préalable à l’examen concret des conditions permettant de délivrer ou non une autorisation d’accueil avec hébergement. Contrairement à ce que semble retenir l’autorité intimée, l’examen par le recourant des fiches de police et la levée du stop police n’entraînaient ainsi pas immédiatement l’octroi de l’autorisation mais simplement le passage à l’étape suivante, dont était responsable C______.

2.15.1 S’agissant du cas de M. T., l’autorité a retenu qu’une condamnation pour viol impliquait de la violence envers une personne. Une telle infraction était incompatible avec une activité d’accueil au sens de la directive.

Le recourant, quant à lui, souligne que le casier judiciaire de M. T. était vierge, sa condamnation ayant été radiée au vu de son ancienneté, et que l'infraction était sans lien avec un mineur.

La directive que doit appliquer le recourant indique dans le référentiel SASLP en page 7 qu’une infraction impliquant de la violence est incompatible avec une activité d’accueil (ch. 2.4). Or, la page 10 de la même directive indique que ce sont « les casiers judiciaires » qui ne doivent pas contenir de condamnation pour une infraction incompatible avec l’activité de famille d’accueil (une infraction comportant de la violence ou de la maltraitance au sens large contre un enfant ou un adulte constituant une infraction incompatible avec l’activité d’accueil). Il existe donc une contradiction entre le référentiel SASLP et la page 10 de la directive, le premier se référant, pour l’examen des antécédents pénaux, tant aux fiches de police qu’aux casiers judiciaires, tandis que la page 10 de la directive ne fait référence qu’aux casiers judiciaires qui ne doivent pas contenir un certain type de condamnation. Sous cet angle, l’affirmation du DIP concernant la clarté de la directive à appliquer doit être relativisée. Il sera encore précisé que les fiches de police, comme le recourant l’a expliqué en audience sans être contredit, sont souvent lacunaires et imprécises, n’étant visiblement ni complétées, mises à jour ou épurées et ne donnant pas d’informations précises sur les suites des procédures pénales, les condamnations ou les acquittements.

À teneur du dossier, M. T. a été condamné pour viol sur majeur en 1997. Si cette infraction n’était plus mentionnée au casier judiciaire, le recourant en était néanmoins informé, tant par la fiche de police que par M. T. directement lors de l’entretien d’octobre 2019. Contrairement aux dires du recourant, on ne peut retenir qu’une infraction pour viol ne comporte pas de violence, un des éléments objectifs de cette infraction étant l'usage d'un moyen de contrainte, ce qu’est la violence (Michel DUPUIS/Laurent MOREILLON/Christophe PIGUET/Séverine BERGER/Miriam MAZOU/ Virginie RODIGARI [éds], Code pénal, Petit commentaire CP ad art. 190 n. 6 et art. 189 n. 11 à 17). Cela étant, si tant le référentiel SASLP que la directive précisent qu’une infraction comportant de la violence ou de la maltraitance au sens large, qu'elle ait été commise contre un enfant ou un adulte, est en tout état incompatible avec l’activité d’accueil, rien n’est mentionné sur l’ancienneté de cette infraction. La directive n’est pas claire sur ce point. Dans le cas de M. T., le casier judiciaire de ce dernier était justement exempt de toute condamnation, celle-ci ayant été radiée conformément à l’art. 30 LCJ. En jugeant pouvoir dans un tel cas lever le stop police, le recourant a tout au plus apprécié de manière erronée l’information selon laquelle l’absence de mention de l’infraction au casier judiciaire impliquait que celle-ci n’était pas incompatible avec la directive, bien que la fiche de police mentionne encore l’infraction. L’absence de clarté dans la directive rendait possible une telle interprétation et permet, tout au plus, de retenir une erreur d’appréciation.

Reste à examiner si celle-ci est constitutive d’une faute et est contraire aux devoirs de service du recourant, comme le retient le DIP.

L’appréciation juridique de la situation concrète a été réalisée de manière non contraire à la directive, le recourant ayant agi, seul, dans les limites du pouvoir d’appréciation qui lui était dévolu et reconnu par l’autorité intimée. Si le recourant a apprécié la situation de manière erronée, il n’avait toutefois aucune intention d’adopter un comportement contraire à ses devoirs de service et n’a pas agi par négligence ou légèreté comme le lui reproche le DIP. On ne peut non plus reprocher, au recourant une appréciation juridique erronée de la situation, le recourant ayant agi dans le contexte de la marge d’appréciation qui lui était octroyée par l’autorité intimée, compte tenu des éléments dont il disposait. Le recourant était convaincu de respecter la directive, peu claire voire ambiguë, en levant le stop police. Il n’a en conséquence pas violé à ce titre ses devoirs de service.

Aucune pièce du dossier ne permet ainsi de retenir que le recourant aurait violé ses devoirs de service ou qu’il n’aurait pas apporté tout le soin nécessaire à l’analyse approfondie et détaillée de la situation de M. T. avant de lever le stop police. La décision qui en a découlé ne peut lui être imputée à faute compte tenu du cadre législatif et règlementaire en vigueur à l’époque et de la pratique administrative en cours au moment des faits.

Le signalement de cette erreur d’appréciation, clairement identifiée, cumulé à l’invitation à exécuter le travail conformément aux directives et règles précisément rappelées, voire, comme cela a été le cas, à une modification de la pratique dans l’examen des fiches de police (effectué désormais par trois personnes au lieu d’une seule) et à une clarification des critères de la directive, aurait permis d’atteindre le même but.

2.15.2 S’agissant du cas de M. W., la situation n’est pas différente. En effet, l’autorité a estimé que le recourant aurait dû retenir certains faits ressortant des jugements d’acquittement de la Cour correctionnelle et de la Cour de cassation comme étant incompatibles avec la directive.

Le recourant souligne quant à lui que M. W. a été acquitté, comme cela ressort clairement des jugements tant de la Cour de cassation que de la Cour correctionnelle, ces deux arrêts excluant des actes d’ordre sexuel sur mineurs. M. W. s’était vu confier la garde de ses enfants et la situation était qualifiée par les pédopsychiatres et pédiatres entendus par les juges pénaux de manifestations d’affection réciproques ayant débordé, sans être qualifiés, ni objectivement ni subjectivement, comme des actes d’ordre sexuel. Selon le recourant, l’acquittement aurait d’ailleurs dû mener à l’effacement de la fiche de police ou à sa rectification. Le recourant retenait également l’ancienneté des faits, remontant à plus de 26 ans, en 1993, le fait que M. W. avait été acquitté deux fois, le caractère conflictuel du divorce, qui entraînait que les accusations devaient être relativisées et le fait que la garde de son fils avait été attribuée à M. W. Le reproche du DIP constituait un abus du pouvoir d’appréciation, ce dernier ne lui reprochant en réalité pas une mauvaise application de la directive mais bien de ne pas avoir été au-delà de cette directive, soit de ne pas s’être montré plus sévère que ce qu’elle prévoyait, en vertu du « principe de précaution ».

La chambre de céans constate tout d’abord que le principe de précaution, développé principalement en droit de l’environnement et en droit de la santé, n’est pas mentionné spécifiquement dans les lois appliquées par le recourant, pas plus que dans la directive qui guide l’action du SASLP dans l’octroi des autorisations d’accueil. Ce principe sous-tend l’action du SASLP et est déjà concrétisé, pour le cas d’espèce, par l’analyse non seulement des casiers judiciaires des demandeurs d’autorisation mais également par l’examen des fiches de police et par l’analyse du SASLP des nombreux autres critères mentionnés dans la directive. Dans le cas de M. W., son acquittement pénal implique nécessairement que son casier judiciaire était vierge. Le recourant n’a pas mal appliqué la directive en le retenant : au contraire, conformément à son cahier des charges, il a analysé la fiche de police, puis convoqué le demandeur d’autorisation pour un entretien en présence de C______ et en lui demandant la production des jugements pénaux précités.

Le DIP procède en réalité à une évaluation de l’appréciation de la situation par le recourant, a posteriori. Il substitue sa propre appréciation à celle du recourant et de sa collègue au moment des faits, en 2019. Il ne retient à l’encontre du recourant que certains éléments du dossier pénal de M. W. Or, de jurisprudence constante, lorsque le complexe de faits soumis au juge administratif a fait l’objet d’une procédure pénale, le juge administratif est en principe lié par le jugement pénal, notamment lorsque celui-ci a été rendu au terme d’une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés (arrêt du Tribunal fédéral 1C_202/2018 du 18 septembre 2018 consid. 2.2 ; ATA/783/2022 du 9 août 2022 consid. 3a ; ATA/712/2021 du 6 juillet 2021 consid. 7a ; ATA/1060/2020 du 27 octobre 2020 consid. 7f et les références citées). Le juge administratif peut toutefois s’en écarter lorsque les faits déterminants pour l'autorité administrative n'ont pas été pris en considération par le juge pénal, lorsque des faits nouveaux importants sont survenus entre-temps, lorsque l'appréciation à laquelle le juge pénal s'est livré se heurte clairement aux faits constatés, ou encore lorsque le juge pénal ne s'est pas prononcé sur toutes les questions de droit (ATF 139 II 95 consid. 3.2 ; 136 II 447 consid. 3.1 ; 129 II 312 consid. 2.4 ; ATA/719/2010 du 19 octobre 2010 et la jurisprudence citée). In casu, aucune des hypothèses visées par la jurisprudence susmentionnée permettant à l’autorité intimée de s’affranchir du jugement pénal n’est réalisée. Or, sans qu’il existe des motifs lui permettant de le faire, l’autorité intimée s’écarte, en tous points, de l’appréciation effectuée, à l’époque, par les juges pénaux (première et deuxième instance) ayant tranché le cas, et qui ont retenu qu’il n’existait pas d’infraction pénale mais un comportement inadapté, ainsi que celle réalisée par les juges civils ayant confié la garde de ses enfants au demandeur d’autorisation.

L’autorité intimée fait grief au recourant de ne pas avoir retenu des éléments pourtant écartés par les juges pénaux et s’appuie, de son côté, seulement sur certaines parties des jugements, indépendamment des conclusions des juges. Ce faisant, le DIP procède à une lecture orientée, a posteriori, des jugements. On comprend de sa position que si le risque zéro n’existe pas, ce qu’il admet d’ailleurs, il souhaiterait tendre vers une absence totale de risque. Cet objectif est évidemment celui visé par toute l’analyse des dossiers. Cependant, dite position ne ressort pas expressément de la directive ou du référentiel SASLP. En effet, la directive n’indique pas comment il conviendrait de procéder afin d’écarter toute candidature en cas d’actes ou même de soupçons d’actes incompatibles avec de l’accueil : elle se borne à requérir un casier judiciaire vierge (ce qui était le cas), et admet même l’existence d’une infraction sans impact sur les mineurs. Au vu du dossier, M. W. avait des antécédents judiciaires vierges. En outre, ni la fiche de police, ni le casier judiciaire ne mentionnent d’autres éléments, ni antérieurs ni postérieurs, concernant M. W. Les éléments pris en considération par le recourant, soit l’ancienneté des faits, remontant à plus de 26 ans, en 1993, le fait que M. W. avait été acquitté deux fois, le caractère conflictuel du divorce, qui entraînait que les accusations devaient être relativisées, les analyses des experts, pédiatres et pédopsychiatres entendus et le fait que la garde de son fils avait été attribuée à M. W. et qu’il souhaitait une autorisation dans le cadre des activités d’une association ayant pour but la formation de jeunes hockeyeurs talentueux âgés de 15 à 18 ans, démontrent une analyse détaillée de la situation et une appréciation juridique de la situation, sous cet angle, non contraire à la directive.

Aucune pièce du dossier ne permet ainsi de retenir que le recourant aurait violé ses devoirs de service ou qu’il n’aurait pas apporté tout le soin nécessaire à l’analyse approfondie et détaillée de la situation de M. W. avant de lever le stop police. Le fait que le DIP aurait eu, a posteriori, une autre interprétation de la situation ou que la situation aurait éventuellement mérité une approche juridique différente ne signifie pas encore qu’il existe une violation fautive des devoirs de service par le recourant. Au contraire, il ne ressort pas du dossier que l’intéressé aurait adopté, dans le contexte de l’époque et non dans une analyse a posteriori, un comportement non conforme à celui que l’intimé était en droit d’attendre de celui‑ci en sa qualité d’employeur. L’appréciation juridique de la situation concrète a été réalisée de manière non contraire à la directive, le recourant ayant agi, seul, dans les limites du pouvoir d’appréciation qui lui était dévolu et reconnu par l’autorité intimée. Aucune violation de ses devoirs de service ne peut donc être retenue à son encontre. On ne peut non plus reprocher au recourant une appréciation juridique erronée de la situation, celui-ci ayant agi dans le contexte de la marge d’appréciation qui lui était octroyée par l’autorité intimée, compte tenu des éléments dont il disposait et de la pratique en vigueur. La décision qui en a découlé ne peut lui être imputée à faute compte tenu du cadre législatif et règlementaire en vigueur à l’époque et de la pratique administrative en cours au moment des faits.

2.15.3 Le reproche émis par le DIP s’agissant du fait que le recourant aurait dû consulter sa hiérarchie dans les deux cas précités tombe à faux dans la mesure où il était seul en charge des fiches de police depuis 2010 et qu’il a expliqué en audience, sans être contredit par l’autorité intimée, que sa supérieure hiérarchique, laquelle n’était pas juriste, n’avait jamais traité des fiches de police et ne lui avait jamais demandé de travailler en binôme lors de questions sensibles ou complexes. Cette situation est par ailleurs corroborée par les questions de la supérieure hiérarchique du recourant lors de l’entretien de service du 29 août 2023, qui s’est interrogée sur la possibilité que « des fiches de police contiennent des indications alors que les casiers judiciaires sont vierges », illustrant de la sorte sa méconnaissance à ce sujet. Ce reproche tombe donc à faux. Le recourant a toujours œuvré seul, sans que sa supérieure ne critique alors cette manière de faire, conforme à la pratique de l’époque, et qui a depuis lors été modifiée, comme expliqué en audience par le recourant sans être contredit.

Enfin, le reproche fait au recourant par le DIP d’avoir agi avec légèreté, sans attendre les pièces concernant M. W. n’est pas fondé, la chronologie des événements et le processus d’autorisation confirmant les explications du recourant : le fait d’avoir informé C______ de la levée du stop police, sans avoir reçu les jugements (ceux-ci ayant été reçus trois jours après ce courriel) ne porte pas à préjudice, l’autorisation n’ayant été délivrée que le 22 octobre 2019, après l’analyse des autres conditions. Même à retenir que le recourant aurait agi hâtivement, il ressort des pièces et de ses explications, non contestées sur ce point, que la levée du stop police en anticipant la réception des documents ne préjugeait en rien de la délivrance de l’autorisation, d’autres conditions devant encore être examinées.

En conclusion, au vu de ce qui précède, la chambre de céans considère que le recourant n’a pas violé ses devoirs de service dans les deux situations que lui reprochait le DIP. Il a apporté tout le soin nécessaire à l’analyse approfondie et détaillée de la situation des potentiels accueillants avant de lever le stop police. Il avait manifestement acquis la conviction que son analyse juridique de leur situation personnelle, à l’aune de la directive, lui permettait de lever le stop police. En fonction de cette conviction, le recourant pouvait considérer comme adéquat de lever le stop police. Il ne ressort pas non plus du dossier que l’intéressé aurait adopté, dans le contexte de l’époque, un comportement non conforme à celui que l’intimé était en droit d’attendre de lui en sa qualité d’employeur. L’application de la directive, peu claire et imposant une pesée des intérêts par le recourant, n’était pas fautive au sens des art. 16 al. 1 LPAC, 20 ss RPAC et 13 CP, compte tenu des éléments dont il disposait et de la pratique en vigueur, connue et admise par son employeur.

Au vu de ce qui précède, les deux reproches adressés au recourant n’étaient pas fondés et ne pouvaient justifier le prononcé d’une sanction disciplinaire.

Il s'ensuit que le recours sera admis et la sanction disciplinaire querellée annulée, le recourant devant être replacé dans la situation qui aurait été la sienne sans le prononcé de la décision querellée du 26 janvier 2024.

3.             Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée au recourant, à la charge de l’autorité intimée (art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours et au vu du traitement annuel de base du recourant, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 février 2024 par A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 26 janvier 2024 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 26 janvier 2024 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 2’000.- à A______, à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.-  ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me François MEMBREZ, avocat du recourant, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, Justine BALZLI, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :