Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/902/2025 du 19.08.2025 sur JTAPI/154/2025 ( ICCIFD ) , REJETE
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/4193/2024-ICCIFD ATA/902/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 19 août 2025 4ème section |
| ||
dans la cause
A______ et B______
représentés par MOORE STEPHENS REFIDAR SA, mandataire recourants
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
et
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 février 2025 (JTAPI/154/2025)
A. a. Par décisions sur réclamation du 12 novembre 2024, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a refusé de faire droit à la réclamation de B______ et de A______ relative à l’année fiscale 2021.
b. Le 13 décembre 2024, B______ et A______ ont, par l’intermédiaire d’un mandataire, interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre ces décisions, concluant à leur annulation.
c. Par courrier recommandé du 19 décembre 2024, envoyé à l’adresse de leur mandataire, le TAPI a imparti aux recourants un délai échéant le 20 janvier 2025 pour procéder au paiement de l’avance de frais de CHF 700.-, sous peine d’irrecevabilité.
d. Selon le suivi des envois de la Poste suisse (« Track & Trace »), cette lettre recommandée a été distribuée le 20 décembre 2024.
e. L’avance de frais n’a pas été effectuée dans le délai imparti.
f. Par jugement du 10 février 2025, le TAPI a constaté que la demande de paiement de l’avance de frais avait correctement été acheminée par courrier recommandé le 19 décembre 2024, à l’adresse du mandataire des recourants, qui correspondait d’ailleurs à celle indiquée dans l’acte de recours. Elle avait été reçue le 20 décembre 2024, ce qui ressortait du suivi des envois de la Poste.
L’avance de frais n’avait pas été effectuée dans le délai imparti. Rien ne permettait de retenir que les recourants avaient été victimes d’un empêchement non fautif de s’acquitter en temps utile du montant réclamé. Le recours devait donc être déclaré irrecevable.
B. a. Par acte du 6 mars 2025, B______ et A______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à ce que les « conclusions déposées auprès du TAPI et déclarées par ce dernier irrecevables soient ici jugées sur le fond par la chambre administrative ». L’arrêt du Tribunal fédéral 9C_500/2023 du 16 octobre 2024 clarifiait la situation d’espèce et imposait d’annuler les décisions sur réclamation de l’AFC-GE.
b. Invitée à se déterminer, l’AFC-GE s’en est rapportée à justice, ne s’étant pas prononcée dans ce litige devant le TAPI. Elle n’était pas compétente en matière d’avance de frais.
c. Les recourants n’ayant pas répliqué, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
2. Dans la mesure où le TAPI a déclaré le recours devant lui irrecevable, le recours par-devant la chambre de céans ne peut tendre qu'à l'annulation de ce prononcé d'irrecevabilité et au renvoi de la cause à l'autorité inférieure (ATA/651/2024 du 28 mai 2024 consid. 2 ; ATA/256/2023 du 14 mars 2023 consid. 3). Seul donc doit être examiné le point de savoir si c'est à tort que le TAPI a déclaré le recours formé devant lui irrecevable pour cause de non-paiement de l'avance de frais.
2.1 Selon l’art. 86 LPA, la juridiction saisie invite le recourant à payer une avance de frais destinée à couvrir les frais et émoluments de procédure présumables. À cette fin, elle lui fixe un délai suffisant (al. 1). Si l’avance de frais n’est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).
La référence au « délai suffisant » de l’art. 86 al. 1 LPA laisse une certaine marge d'appréciation à l’autorité judiciaire saisie (ATA/184/2019 du 26 février 2019 consid. 3c ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid 2c).
2.2 La LPA ne prévoit pas, contrairement à l’art. 62 al. 3 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), l'octroi d'un délai supplémentaire lorsque le versement de l'avance de frais n'est pas effectué dans le délai fixé. L'octroi d'un tel délai ne résulte pas non plus d'une pratique constante du TAPI (arrêt du Tribunal fédéral 1C_339/2020 du 20 octobre 2020 consid. 2.4 ; ATA/830/2024 du 9 juillet 2024 consid. 2.1.2 ; ATA/1234/2022 du 6 décembre 2022 consid. 5 ; ATA/684/2021 du 29 juin 2021 consid. 4g ; ATA/150/2021 du 9 février 2021 consid. 6b).
Selon la jurisprudence constante, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/184/2024 du 6 février 2024 consid. 2.2 et les arrêts cités). Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’influence de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/394/2024 du 19 mars 2024 consid. 2.4 ; ATA/871/2019 du 7 mai 2019 et les références citées). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et les références citées ; ATA/568/2025 du 20 mai 2025 consid. 2.3).
La jurisprudence établit la présomption réfragable que les indications figurant sur la liste des notifications de la Poste, telle que notamment la date de la distribution du pli, sont exactes. Cette présomption entraîne un renversement du fardeau de la preuve au détriment du destinataire : si ce dernier ne parvient pas à établir l’absence de la distribution attestée par le facteur, la remise est censée être intervenue à cette date (ATF 142 IV 201 consid. 2.3).
Que le retard dans le paiement de l'avance de frais soit imputable au plaideur, à son mandataire ou à la banque chargée du paiement, le comportement fautif doit être imputé à la partie recourante elle-même (ATF 114 Ib 67 consid. 2 et 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_21/2022 du 11 novembre 2022 consid. 3.4).
2.3 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2).
La sanction du non-respect d'un délai de procédure n'est pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 142 V 152 consid. 4.2). L'irrecevabilité du recours pour défaut de paiement à temps de l'avance de frais ne peut cependant intervenir que si la partie a été avertie de façon appropriée du montant à verser, du délai fixé pour le versement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (ATF 133 V 402 consid. 3.3 ; 104 Ia 105 consid. 5). La gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_107/2019 du 27 mai 2019 consid. 6.3 ; 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées).
2.4 En l’espèce, les recourants ne contestent pas avoir omis de s'acquitter de l'avance de frais en faveur du TAPI dans le délai imparti. Ils ne soutiennent, à juste titre, pas non plus que le délai de paiement d’un mois qui leur avait été imparti aurait été insuffisant. Ils n’invoquent ni problème d’organisation de leur mandataire, qui leur serait, quoi qu’il en soit imputable, ni cas de force majeure ou d’empêchement non fautif de s’acquitter en temps utile du montant réclamé.
Il résulte en outre très clairement de la jurisprudence citée ci-dessus que l'importance pour les recourants du litige fiscal sous-jacent n'est pas pertinente et que la sanction de l'irrecevabilité pour non-paiement de l'avance de frais n'est pas en soi contraire aux art. 29 et 29a Cst. L’arrêt du Tribunal fédéral 9C_500/2023 cité par les recourants dans leur recours se rapporte au fond du litige et ne leur est d’aucun secours, puisque faute de paiement de l’avance de frais devant le TAPI, le fond du litige ne peut être examiné par la chambre de céans.
N’ayant pas été empêchés d’agir sans faute de leur part dans le délai imparti par le TAPI, ne serait-ce qu’en demandant une prolongation du délai pour payer l’avance de frais, les recourants doivent supporter la conséquence du non‑paiement de l’avance de frais réclamée par le premier juge, à savoir l’irrecevabilité de leur recours.
Le jugement étant conforme à la loi, le recours, manifestement mal fondé, sera rejeté.
3. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourants, solidairement, et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 6 mars 2025 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 février 2025 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de A______et B______;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à MOORE STEPHENS REFIDAR SA, mandataire de A______ et B______, au Tribunal administratif de première instance, à l'administration fiscale cantonale, ainsi qu’à l’administration fédérale des contributions.
Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
|
| la présidente siégeant :
F. KRAUSKOPF |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
| Genève, le
|
| la greffière :
|