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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3311/2018

ATA/184/2019 du 26.02.2019 sur JTAPI/1076/2018 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS ; RESSORTISSANT ÉTRANGER ; RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS) ; AUTORISATION D'ÉTABLISSEMENT ; RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL) ; RECONSIDÉRATION ; AVANCE DE FRAIS
Normes : LPA.86; LPA.16.al1; LPA.16.al3
Résumé : Après son séjour en clinique, il restait une semaine, soit suffisamment de temps, au recourant pour vérifier que son assistant social avait effectué le paiement de l'avance de frais demandé. Le recourant ne démontre pas que son assistant social aurait été empêché d'agir dans les délais. L'attestation établie par ce dernier fait, au contraire, état d'un « retard » et nullement d'une situation de force majeure. Conditions d'une restitution du délai de paiement de l'avance de frais non remplies. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3311/2018-PE ATA/184/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 février 2019

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Imed Abdelli, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTÉ

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 novembre 2018 (JTAPI/1076/2018)


EN FAIT

1) Par décision du 20 août 2018, le département de la sécurité, devenu depuis lors le département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : DSES) a refusé de faire droit à la demande de Monsieur A______ de reconsidérer la décision de révocation de l'autorisation d'établissement et de renvoi du 27 novembre 2015.

2) Par acte du 21 septembre 2018, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) concluant, notamment, à ce qu'il soit dit que son recours avait effet suspensif.

3) Par courrier recommandé du 24 septembre 2018, le TAPI lui a imparti un délai au 25 octobre 2018 pour payer l'avance de frais de CHF 500.-, sous peine d'irrecevabilité de son recours.

Selon le système du suivi des envois (« Track & Trace ») mis en place par La Poste, ce courrier a été remis le 27 septembre 2018 à M. A______.

4) Par décision du 5 octobre 2018, le TAPI a rejeté la demande d'effet suspensif. Cette décision a fait l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice.

5) Le 5 novembre 2018, le TAPI a déclaré le recours irrecevable, l'avance de frais n'ayant pas été versée dans le délai imparti.

6) En date du 20 novembre 2018, la chambre administrative a déclaré irrecevable le recours sur effet suspensif, qui était devenu sans objet.

7) Le 5 décembre 2018, M. A______ a demandé au TAPI de rétracter son jugement du 5 novembre 2018 et reprendre l'instruction du recours.

Son hospitalisation l'avait contraint à confier le paiement de l'avance de frais à son assistant social, qui lui avait assuré qu'il procèderait à temps. Ce dernier n'avait cependant pas procédé au paiement. Il était ainsi inéquitable de lui faire supporter un tel fardeau.

8) Le TAPI a traité cette demande comme un recours, l'a déclaré irrecevable et l'a transmis, pour raison de compétence, à la chambre de céans.

9) Le DSES a conclu au rejet du recours. Il s'en est rapporté à justice quant à la demande de restitution du délai.

10) M. A______ a répliqué, concluant principalement à l'annulation du jugement du TAPI du 5 novembre 2018, au renvoi de la cause au TAPI pour instruction et à la restitution du délai de paiement de l'avance de frais. Subsidiairement, la décision du 20 août 2018 du DSES devait être annulée et une autorisation de séjour pour motif de santé devait lui être accordée. Le manquement de l'assistant social constituait un juste motif permettant la restitution du délai de paiement de l'avance de frais.

Selon une attestation établie le 30 novembre 2018 par Monsieur B______, assistant social auprès de l'Hospice général, ce dernier avait reçu la facture de CHF 500.- relative à l'avance de frais, qu'il avait accepté de prendre en charge. Le paiement de celle-ci par l'Hospice général avait pris du temps, retard qui n'était pas imputable à M. A______. À teneur du certificat médical produit par ce dernier, il avait été hospitalisé du 4 au 18 octobre 2018.

Le 5 décembre 2018, M. A______ a acquitté l'avance de frais litigieuse.

11) Par courrier du 18 janvier 2019, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit du jugement du TAPI déclarant le recours du 21 septembre 2018 irrecevable en raison du défaut de paiement de l'avance de frais dans le délai imparti.

3) a. L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non-paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Par conséquent, les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25  mars  2013 consid. 5.1 ; ATA/1259/2017 du 5 septembre 2017 consid. 2a ; ATA/1028/2016 du 6 décembre 2016 consid. 2a et la jurisprudence citée).

b. Selon l'art. 86 LPA, la juridiction saisie invite le recourant à payer une avance de frais destinée à couvrir les frais et émoluments présumables de la procédure. À cette fin, elle lui fixe un délai suffisant (al. 1). Si l'avance de frais n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

c. À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l'al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d'appréciation à l'autorité judiciaire saisie (ATA/1028/2016 précité consid. 4 ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid. 2c ; ATA/881/2010 du 14 décembre 2010 consid. 4a). En outre, selon la jurisprudence, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/916/2015 précité consid. 2c et la jurisprudence citée).

4) a. Un délai fixé par la loi ne peut être prolongé. Les cas de force majeure sont réservés (art. 16 al. 1 LPA).

Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (SJ 1999 I 119 ; RDAF 1991 p. 45 ; ATA/682/2017 du 20 juin 2017 consid. 1c ; ATA/261/2016 du 22 mars 2016), la charge de leur preuve incombant à la partie qui s'en prévaut (ATA/687/2017 du 20 juin 2017 consid. 8).

Selon l'art. 16 al. 3 LPA, la restitution pour inobservation d'un délai imparti par l'autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé ; la demande motivée doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l'empêchement a cessé. Comme cela ressort toutefois expressément du texte légal, cette disposition ne s'applique qu'aux délais fixés par l'autorité, et non aux délais légaux comme dans la présente espèce.

b. A été considéré comme un cas de force majeure donnant lieu à restitution de délai le fait qu'un détenu, qui disposait d'un délai de recours de trois jours, n'ait pu expédier son recours dans ce délai, du fait qu'il ne pouvait le poster lui-même et qu'en outre ce pli avait été soumis à la censure de l'autorité (ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 6). Il en allait de même du recourant qui se voyait impartir, par pli recommandé, un délai de quinze jours pour s'acquitter d'une avance de frais alors que le délai de garde pour retirer le pli en question était de sept jours, de sorte qu'il ne restait qu'une semaine au justiciable pour s'exécuter (ATA/477/2009 du 20 septembre 2009 consid. 5).

En revanche, n'ont pas été considérés comme des cas de force majeure le fait qu'un avocat ait transmis à son client la demande d'avance de frais par pli simple en prenant le risque que celui-ci ne reçoive pas ce courrier (ATA/596/2009 du 17 novembre 2009 consid. 6), pas plus que la maladie, celle-ci n'étant admise comme motif d'excuse que si elle empêche le recourant d'agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place (ATA/50/2009 du 27 janvier 2009 consid. 3c).

5) En l'espèce, le recourant ne conteste pas ne pas avoir payé l'avance de frais dans le délai. Il reproche en revanche à l'instance précédente de ne pas avoir tenu compte de son empêchement de procéder pour cause d'hospitalisation, ainsi qu'en raison du manquement de son assistant social, qui devait agir à sa place. L'oubli de ce dernier ne pouvait pas lui être imputé, de sorte que le délai devait lui être restitué.

Le séjour en clinique du recourant a pris fin le 18 octobre 2018, soit avant l'échéance du délai de paiement le 25 octobre 2018. La question de savoir dans quelle mesure le recourant était empêché d'agir, au sens de l'art. 16 al. 1 LPA, pendant son séjour à l'hôpital peut demeurer indécise, dès lors que ce dernier ne démontre pas qu'il n'aurait pas été à même d'agir à sa sortie de clinique. Il restait alors encore une semaine, soit suffisamment de temps pour vérifier que son assistant social ait effectué le paiement de l'avance de frais. Rien ne permet ainsi de conclure qu'il était valablement empêché d'effectuer ou faire effectuer le paiement de l'avance de frais dans les délais. Par conséquent, sa situation ne constitue pas un cas de force majeure.

Le recourant a, certes, eu l'assurance que son assistant social allait effectuer ledit paiement. Malgré cette certitude, le fait que ce dernier n'ait pas agi ne donne pas de droit à une restitution du délai, en l'absence d'un empêchement non fautif. Le recourant ne démontre, en effet, pas que son assistant social aurait été empêché d'agir dans les délais. L'attestation établie par ce dernier fait, au contraire, état d'un « retard » et nullement d'une situation de force majeure.

Au vu de ce qui précède, les conditions d'une restitution du délai de paiement de l'avance de frais ne sont pas remplies. L'avance de frais ayant été payée bien après le délai imparti par le TAPI, ce dernier était fondé à déclarer le recours du 21 septembre 2018 irrecevable pour défaut de paiement de l'avance de frais.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

6) Au vu des circonstances du cas d'espèce, il sera renoncé à la perception d'un émolument (art. 87 al. 1 LPA). Au regard de l'issue du litige, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 décembre 2018 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 novembre 2018 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Imed Abdelli, avocat du recourant, au département de la sécurité, de l'emploi et de la santé, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mme Junod et M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.