Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/699/2025 du 24.06.2025 sur JTAPI/806/2024 ( PE ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1598/2023-PE ATA/699/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 24 juin 2025 2ème section |
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dans la cause
A______ recourante
représentée par Me Andrea VON FLÜE, avocat
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 août 2024 (JTAPI/806/2024)
A. a. A______, née le ______ 1968, est ressortissante espagnole.
b. Elle réside en Suisse depuis le 20 septembre 2010, date à laquelle elle a été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial afin de vivre auprès de son conjoint, B______, ressortissant espagnol au bénéfice d'une autorisation d'établissement.
c. Le 1er mai 2014, B______ a informé l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) que son épouse avait quitté le domicile conjugal le 15 mars 2013, après quatre ans de mariage, sans volonté de reprendre la vie commune. Une demande de divorce avait également été déposée.
d. Leur mariage, célébré le 7 août 2010 en Espagne, a pris fin le 12 novembre 2019, soit dès l'entrée en force du jugement de divorce prononcé par le Tribunal civil de première instance (ci-après : TPI).
e. A______ a ensuite été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour UE/AELE en raison de son activité lucrative dans le nettoyage, autorisation qui est échue depuis le 2 mars 2020.
B. a. Par formulaire du 17 janvier 2020, A______ a sollicité le renouvellement de son autorisation de séjour.
b. Le 22 janvier 2020, elle a déposé une demande de rente de l'assurance-invalidité (ci-après: rente AI) auprès de l'office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS).
c. Le 13 juin 2022, l'OCAS a informé A______ de son intention de refuser l'octroi d'une rente AI, considérant que son taux d'invalidité n'était pas assez élevé.
d. Le 25 janvier 2023, l'OCPM a informé A______ de son intention de refuser le renouvellement de son autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai de 30 jours pour faire valoir ses observations, ce qu'elle a fait en date du 22 février 2023.
e. Par décision du 27 mars 2023, l'OCPM a refusé de renouveler l'autorisation de séjour de A______ et a prononcé son renvoi.
Elle était titulaire d'une autorisation de séjour avec activité lucrative UE/AELE échue depuis le 2 mars 2020. Elle était sans emploi et bénéficiait de l'aide sociale depuis le 1er janvier 2019, pour un montant de CHF 148'000.-, de sorte qu'elle ne subvenait pas à ses besoins par elle-même. Elle n'était ainsi pas intégrée et ne remplissait pas les conditions d'octroi d'une autorisation d'établissement.
Elle ne remplissait pas non plus les critères d'octroi ou de renouvellement d'une autorisation de séjour UE/AELE, en l'absence de prise d'emploi, de moyens financiers suffisants et de raisons personnelles majeures, les éléments du dossier ne permettant pas de retenir une éventuelle prise d'activité lucrative à brève échéance. De plus, son activité auprès de la société C______(ci-après : C______) depuis le 21 novembre 2018, pour un emploi de 7h30 par semaine, était considérée comme marginale et accessoire. Cette activité lucrative ne lui permettait pas d'activer le statut de travailleur. La question de l'éventuel octroi d'une rente AI n'était pas déterminante, puisqu'elle avait perdu la qualité de travailleuse avant la survenance de son incapacité de travail.
Le dossier ne faisait enfin pas apparaître que le renvoi n'était pas possible, pas licite ou pas raisonnablement exigible.
C. a. Par acte du 10 mai 2023, A______ a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI) contre la décision précitée, concluant préalablement à la suspension de la procédure dans l'attente de l'issue de la procédure AI et, à titre principal, à l'annulation de la décision et à la prolongation de son autorisation de séjour.
Dès son arrivée en Suisse, elle s'était immédiatement intégrée en participant notamment à la vie économique. Elle vivait en Suisse depuis plus de treize ans et avait toujours respecté l'ordre public. Malgré la péjoration de son état de santé en 2012, elle avait continué à travailler, suivant même une formation professionnelle afin d'accroître ses compétences sur la prise en charge des personnes âgées. Elle n'avait pu travailler qu'à un taux peu élevé en raison de sa maladie et il lui était impossible d'exercer une activité lucrative à plein temps.
Dès 2019, ses douleurs articulaires l'avaient empêchée de travailler, en raison d'une incapacité complète, ce qui l'avait conduit au dépôt d'une demande de rente AI en janvier 2020. Elle avait dû cesser toute activité lucrative en raison de son état de santé mais, au moment de la survenance de son incapacité de travail, elle avait toujours son statut de salarié, son contrat avec C______ s'étant terminé le 31 janvier 2021. Il ne pouvait lui être reproché d'avoir été au bénéfice de l'aide sociale.
Elle souffrait d'une maladie immuno-inflammatoire sévère et complexe avec polyarthrite grave, atteinte hématologique et atteinte neurologique. Elle souffrait également d'autres pathologies telles que le syndrome de Sneddon, avec un risque élevé d'accidents thrombo-emboliques graves. Un anévrisme de l'artère communicante postérieure droite avait également été découvert, lequel rendait difficile l'utilisation de certains traitements. Ses problèmes de santé avaient commencé à avoir des répercussions sur sa vie quotidienne à partir de 2012, en raison de crises de douleur l'empêchant de se mouvoir.
Elle avait malgré tout tenté d'exercer une activité lucrative en dépit de ses douleurs. En raison de l'aggravation importante de sa maladie en 2018, elle avait été en incapacité de travail durant une longue période et avait même dû être hospitalisée. Sans possibilité de percevoir des indemnités de chômage, elle s'était tournée vers l'aide sociale. Le 17 novembre 2022, elle avait été victime d'une chute accidentelle dans sa salle de bain et s'était réceptionnée sur son épaule droite, ce qui avait causé une rupture de la coiffe des rotateurs. Ce n'était que récemment qu'un traitement « off label » avait été trouvé pour soigner ses douleurs, mais il était particulièrement délicat à administrer et nécessitait un suivi important en raison de la puissance des immunosuppresseurs. Elle devait effectuer des prises de sang mensuellement afin de vérifier qu'aucun de ses organes ne subissait de séquelles. Ce traitement, qui lui permettait de vivre plus ou moins convenablement avec sa maladie, serait difficile à administrer ailleurs qu'en Suisse, en particulier sans délai d'attente.
Selon son médecin traitant, le docteur D______, grâce à ce traitement, une capacité de travail à 50% pouvait être envisageable dès le rétablissement complet de l'intervention chirurgicale de son épaule, laquelle avait eu lieu le 24 mars 2023. Une échographie du 1er mai 2023 avait montré une déchirure partielle du tendon de l'épaule gauche. À partir du 19 mai 2023, elle avait entamé la rééducation pour son épaule droite à raison de deux fois par semaine.
b. Par courrier du 21 août 2023, l'OCPM a informé le TAPI qu'à défaut d'une décision favorable de l'OCAS octroyant à l'intéressée une rente entière, la décision querellée était maintenue.
c. Le 4 octobre 2023, A______ a informé le TAPI que l'instruction de la demande AI était toujours en cours.
d. Par décision du 6 octobre 2023, le TAPI a prononcé la suspension de la procédure jusqu'à droit connu sur la demande de rente AI de A______.
e. Par décision du 23 mai 2024, l'office AI a accordé à A______ une demi-rente AI pour un degré d'invalidité de 51%, à partir du 1er janvier 2021, jusqu'au 31 juillet 2021. Dès le 1er janvier 2022, elle avait droit à une rente s'élevant à 53% d'une rente entière et, dès le 1er août 2023, à une rente s'élevant à 62 % d'une rente entière, pour un montant de CHF 360.-.
L'office AI avait admis qu'en bonne santé, elle consacrait 50% de son temps à son activité professionnelle et 50% à l'accomplissement de ses travaux habituels dans le ménage. À l'issue de l'instruction médicale, une incapacité de travail totale dans son activité habituelle de nettoyeuse lui était reconnue dès le 15 janvier 2020, et de 25% dès le 1er mai 2021. Dans une activité adaptée à son état de santé, l'office AI était d'avis que sa capacité de travail était de 75% dès le 1er mai 2021. Dès le 1er janvier 2022, sa capacité de travail était nulle dans toute activité.
f. Le 3 juin 2024, A______ a sollicité la reprise de l'instruction. Elle précisait que malgré ses difficultés de santé, elle continuait d'exercer son activité lucrative entamée en juillet 2023, soit deux heures de ménage par semaine chez un particulier.
g. Le 26 juin 2024, l'OCPM a conclu au rejet du recours.
La dernière activité lucrative de A______ lui conférant la qualité de travailleur au sens de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) avait pris fin le 31 janvier 2021. Or, l'OCAS lui avait reconnu le droit à une rente entière pour invalidité totale à partir du 1er janvier 2022, soit à un moment où elle n'avait plus la qualité de travailleur. Elle ne pouvait ainsi pas prétendre au droit de demeurer en Suisse.
h. Le 3 juillet 2024, A______ a répliqué. L'appréciation des faits opérée par l'OCPM était inexacte. Dans sa décision du 23 mai 2024, l'OCAS lui avait reconnu une incapacité totale de travail dans son activité habituelle de nettoyeuse à compter du 1er janvier 2020 et une incapacité totale dans tout activité à partir du 1er janvier 2021. Elle s'était donc retrouvée en incapacité totale de travailler avant la perte de son statut de travailleur. Par ailleurs, dès lors qu'elle avait maintenu une activité professionnelle à raison de deux heures de ménage par semaine, il convenait de considérer que son statut de travailleur n'avait jamais pris fin.
i. Par jugement du 22 août 2024, le TAPI a rejeté le recours.
Malgré son expérience dans l'économie domestique en qualité de nettoyeuse, A______ n'exerçait qu'une activité lucrative à raison de deux heures de ménage par semaine chez un particulier, son contrat de travail avec l'entreprise C______ ayant pris fin le 31 janvier 2021, et dépendait de l'aide sociale depuis le 1er janvier 2019. Si son incapacité de travail en raison de ses problèmes de santé n'était pas remise en cause, celle-ci avait été fixée au 1er janvier 2022 par l'office AI, après une analyse approfondie de son dossier médical, par décision du 23 mai 2024 entrée en force sans avoir été contestée. Cette décision contenait manifestement une erreur de plume, raison pour laquelle A______ indiquait que son incapacité totale de travailler aurait été reconnue par l'OCAS à partir du 1er janvier 2021 (2ème page de la motivation). Il y était cependant indiqué plus loin que l'incapacité totale de travailler de la recourante était fixée au 1er janvier 2022 (p. 3 de la motivation), ce d'autant plus que la référence au 1er janvier 2021 ne correspondait pas à la chronologie des faits présentée par l'OCAS au début de la motivation de sa décision. Il devait dès lors être retenu que l'OCAS avait fixé la date déterminante concernant son incapacité totale de travailler au 1er janvier 2022. Au demeurant, A______ n'apportait pas d'éléments justifiant que l'on s'écarte de l'avis de l'office compétent en la matière.
Force était ainsi d'admettre que A______ avait perdu la qualité de travailleur avant la survenance de son incapacité de travail permanente, soit le 1er janvier 2022, puisqu'elle s'était arrêté de travailler au plus tard à l'échéance de son contrat d'engagement auprès de la société C______ le 31 janvier 2021, de sorte qu'elle ne pouvait bénéficier d'un droit de demeurer à cet égard. Si elle avait certes conservé une activité de nettoyage à raison de deux heures par semaine, cette activité n'était pas propre à lui permettre de se voir reconnaître la qualité de travailleur au sens de l'ALCP, l'activité en cause devant être considérée comme marginale et accessoire.
A______ n'était pas non plus en mesure de bénéficier d’un droit de séjour en Suisse en qualité de personne à la recherche d’un emploi, dès lors qu'elle avait été reconnue invalide à 100%, ce qui l'empêchait à l'évidence d'exercer un emploi à l'avenir. Elle ne rentrait enfin dans aucune des autres situations prévues par l'ALCP, et sa situation n'était pas constitutive d'un cas d'extrême gravité. En effet, si elle était d'origine colombienne, elle avait obtenu la nationalité espagnole et ne s'était établie durablement en Suisse qu'à l'âge de 42 ans. Aucun élément du dossier ne permettait de retenir qu'elle serait confrontée à des problèmes insurmontables pour se réintégrer soit en Colombie, son pays d'origine, soit en Espagne, pays dont elle avait acquis la nationalité et maîtrisait la langue. Ses rentes d’invalidité étaient en outre exportables en Espagne.
D. a. Par acte posté le 23 septembre 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, à la prolongation de son autorisation de séjour et à l'octroi d'une indemnité de procédure.
En raison de son absence de titre de séjour, elle ne pouvait bénéficier de prestations complémentaires, si bien qu'elle demeurait dans l'intervalle soutenue par l'Hospice général.
Il ressortait de la décision de l'OCAS qu'elle était en incapacité de travail totale à compter du 15 janvier 2020 pour son activité habituelle de nettoyeuse et dans toute activité à partir du 1er janvier 2021. Même à retenir une erreur de plume dans la décision de l'OCAS, ce dernier retenait une incapacité totale dans l'activité habituelle dès le 1er janvier 2021, ce qui ressortait expressément de la décision.
b. Le 7 novembre 2024, l'OCPM a conclu au rejet du recours. Les arguments soulevés dans celui-ci, en substance semblables à ceux présentés en première instance, n'étaient pas de nature à modifier sa position.
c. Invité par le juge délégué à se déterminer sur la présence éventuelle d'une erreur de plume dans sa décision du 23 mai 2024, l'OCAS a répondu le 26 novembre 2024 ce qui suit :
« Notre assurée a une incapacité de travail de 100% dans toute activité dès le 15 janvier 2020. Dès le 1er mai 2021 sa capacité de travail dans son activité de nettoyeuse est de 25% et de 75% dans une activité adaptée et dès le 1er janvier 2022, son incapacité de travail était à nouveau de 100%.
« Ainsi, après calcul du degré d'invalidité et en tenant compte de son statut mixte (50%/50%), nous sommes arrivés à la conclusion que son degré d'invalidité total au 1er janvier 2021, soit à l'échéance du délai de carence d'une année, était de 51% et lui donnait droit à l'ouverture d'une demi-rente de notre assurance dès cette date.
« Dès le 1er mai 2021, une amélioration de son état de santé est constatée qui lui permettrait de reprendre une activité adaptée à hauteur de 75%. Au vu de ce qui précède, un calcul de son invalidité dans la sphère professionnelle a été fait et nous sommes arrivés à 17%, ce qui nous a conduits à supprimer la rente de A______ dès le 1er août 2021.
« A______ a ensuite subi une nouvelle aggravation de son état de santé au 1er janvier 2022. Avec la reprise d'invalidité, nous avons octroyé une rente d'un degré de 53% à A______ dès le 1er janvier 2022, date de ladite aggravation. Il faut donc bien lire 1er janvier 2021 comme début du droit à des prestations de notre assurance sous forme de rente et le 1er janvier 2022 comme début de la deuxième aggravation de l'état de santé de notre assurée qui lui donne à nouveau un droit à des prestations sous forme de rente dès cette date ».
d. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 17 janvier 2025 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.
e. La recourante s'est déterminée le 4 décembre 2024. La prise de position de l'OCAS confirmait l'absence d'erreur de plume dans la décision d'octroi de rente, son incapacité de travail étant entière dans toute activité dès le 15 janvier 2020, quand bien même cette incapacité était redevenue partielle entre mai et décembre 2021.
f. Le 16 janvier 2025, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires à formuler.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Le litige porte sur le refus de l'OCPM de renouveler l'autorisation de séjour de la recourante, ainsi que sur son renvoi de Suisse.
2.1 Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). La chambre administrative n'a toutefois pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), à savoir notamment s'il s'agit d'une mesure de contrainte prévue par le droit des étrangers (art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10), hypothèse non réalisée en l'espèce.
2.2 L'ALCP, entré en vigueur pour la Suisse le 1er juin 2002, est applicable aux ressortissants des pays membres de l'UE, dont fait partie l’Espagne, et de l'AELE et aux membres de leur famille, pour autant que le droit national – à savoir la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA – ne soit pas plus favorable ou que l'ALCP n'en dispose pas autrement (art. 12 ALCP ; art. 2 al. 2 et 3 LEI).
Il se justifie par conséquent d'examiner la situation juridique de la recourante, qui possède la nationalité espagnole, sous l'angle de l'ALCP et de la LEI.
2.3 Les droits d'entrée, de séjour et d'accès à une activité économique conformément à l'ALCP, y compris le droit de demeurer sur le territoire d'une partie contractante après la fin d'une activité économique, sont réglés par l'annexe I de l'accord (art. 3, 4 et 7 let. c ALCP).
2.3.1 Selon l'art. 6 § 1 annexe I ALCP, le travailleur salarié ressortissant d'une partie contractante qui occupe un emploi, d'une durée égale ou supérieure à un an, au service d'un employeur de l'État d'accueil reçoit un titre de séjour d'une durée de cinq ans au moins à dater de sa délivrance. Il est automatiquement prolongé pour une durée de cinq ans au moins. Lors du premier renouvellement, sa durée de validité peut être limitée, sans pouvoir être inférieure à un an, lorsque son détenteur se trouve dans une situation de chômage involontaire depuis plus de douze mois consécutifs.
Le titre de séjour en cours de validité ne peut être retiré au travailleur salarié du seul fait qu'il n'occupe plus d'emploi, soit que l'intéressé ait été frappé d'une incapacité temporaire de travail résultant d'une maladie ou d'un accident, soit qu'il se trouve en situation de chômage involontaire dûment constatée par le bureau de main‑d'œuvre compétent (art. 6 § 6 annexe I ALCP). Ces périodes sont considérées comme des périodes d'emploi (art. 4 § 2 annexe I ALCP en lien avec les art. 2 al. 1 et 4 al. 2 du règlement CEE 1251/70).
2.3.2 En interprétant ces principes, le Tribunal fédéral a jugé qu'un travailleur peut perdre son statut de travailleur salarié s'il est (1) volontairement devenu chômeur, ou (2) que en raison de son comportement, il est certain qu'il n'y a aucune perspective sérieuse de retrouver un emploi dans un avenir proche, ou (3) que son comportement est constitutif d'un abus de droit, dans la mesure où il a acquis son autorisation de séjour de travailleur sur la base d'une activité professionnelle fictive ou courte dans le seul but d'obtenir des prestations d'assurance plus favorables que celles versées dans son pays d'origine ou dans un autre État contractant. Dans ce cas, les autorités peuvent révoquer ou refuser de prolonger l'autorisation de séjour, si les conditions requises pour leur délivrance ne sont plus remplies (ATF 144 II 121 consid. 3.1 in RDAF 2019 I p. 534 ; ATA/156/2020 du 11 février 2020 consid. 5b).
2.3.3 S'agissant des emplois d'insertion, le Tribunal fédéral a jugé qu'aucun motif de principe ne s'oppose à ce que des activités rémunérées proposées aux bénéficiaires de l'aide sociale dans le but de réinsertion sur le marché général de l'emploi soient réelles et effectives. Il a toutefois relevé que la notion d'activités réelles et effectives implique une appréciation au cas par cas, en fonction de toutes les circonstances d'espèce, ayant trait à la nature tant des activités concernées que de la relation de travail en cause (arrêts du Tribunal fédéral 2C_374/2018 du 15 août 2018 consid. 5.3.1 ; 2C_761/2015 du 21 avril 2016 consid. 4.5 concernant un emploi d'insertion dont le salaire mensuel s'élevait à CHF 3'000.-).
2.3.4 L'art. 4 § 1 annexe I ALCP consacre le droit de demeurer aux ressortissants d'une partie contractante et aux membres de leur famille après la fin de leur activité économique. Conformément à l'art. 2 § 1 let. b du règlement 1251/70, auquel l'art. 4 § 2 annexe I ALCP se réfère, le travailleur dispose d'un droit de demeurer à la suite d'une incapacité permanente de travail s'il réside d'une façon continue sur le territoire de cet État depuis plus de deux ans. Le droit de demeurer suite à une incapacité de travail suppose donc un statut antérieur de travailleur salarié. Il est de plus nécessaire que le travailleur ait renoncé à exercer son activité professionnelle en raison de cette incapacité de travail. Quiconque peut se prévaloir d'un droit de demeurer conserve les droits qu'il a acquis en tant que travailleur salarié et peut, en particulier, prétendre aux prestations d'aide sociale (ATF 144 II 121 consid. 3.2 in RDAF 2019 I p. 534).
2.3.5 Selon la jurisprudence, pour pouvoir prétendre au droit de demeurer en Suisse sur la base de l'art. 2 § 1 let. b du règlement 1251/70, il faut que l'intéressé ait séjourné sur le territoire de l'État en question depuis plus de deux ans au moment où l'incapacité de travail intervient. En revanche, cette disposition ne prévoit pas une durée déterminée d'activité (ATF 144 II 121 consid. 3.5.3). Selon la jurisprudence, il est indispensable qu'au moment où survient l'incapacité permanente de travail, le travailleur ait encore effectivement ce statut et que celui‑ci ait ainsi été perdu pour cette raison (ATF 147 II 35 consid. 3.3 ; 146 II 89 consid. 3.3 ; 141 II 1 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_215/2024 du 17 septembre 2024 consid. 4.3.1 ; 2C_237/2023 du 28 septembre 2023 consid. 4.2). Pour déterminer le moment où l'incapacité de travail survient, il convient de se référer aux résultats de la procédure d'octroi de la rente AI (ATF 144 II 121 consid. 3.6; 141 II 1 consid. 4.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_215/2024 précité consid. 4.3.1).
En outre, il est nécessaire que le travailleur ait cessé d'être salarié en raison de son incapacité de travail ; ce n'est qu'à cette condition qu'il est justifié de maintenir ses droits en tant que travailleur au-delà de la perte de son statut de salarié (ATF 147 II 35 consid. 3.3 ; 141 II 1 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_434/2022 du 31 mai 2023 consid. 3.3).
Le délai de deux ans tombe si l'incapacité de travail découle d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle et qu'il existe un droit à une rente d'un assureur suisse. Dans un arrêt 2C_587/2013 du 30 octobre 2014, confirmé par la suite, le Tribunal fédéral a jugé que l'autorité de la migration ne peut en principe pas se prononcer sur le statut de séjour tant qu'une situation d'incapacité de travail est en cours de clarification. En cas de doute, il est nécessaire d'attendre la décision de l'office de l'AI. L'autorité de la migration ne peut se prononcer plus tôt sur le statut de séjour que si la situation juridique paraît claire (ATF 141 II 1 = RDAF 2016 I 429). L'attente ne se justifie toutefois que si les autres conditions du droit de demeurer en Suisse sont réalisées, à savoir que l'intéressé a cessé d'occuper un emploi à la suite d'une incapacité de travail et qu'il a exercé son droit de demeurer en Suisse dans le délai de deux ans prévu à l'art. 5 § 1 du règlement 1251/70 ou de la directive 75/34/CEE du Conseil européen, du 17 décembre 1974, relative au droit des ressortissants d'un État membre de demeurer sur le territoire d'un autre État membre après y avoir exercé une activité non salariée (ci-après : directive 75/34 ; ATF 144 II 121 consid. 3.2 ; 141 II 1 consid. 4.2.3).
Dans un autre arrêt publié au recueil officiel, le Tribunal fédéral a précisé que le droit du travailleur migrant de demeurer en Suisse en cas d'incapacité de travail permanente fondée sur l'ALCP présupposait que la personne concernée ne puisse plus effectuer un travail que l'on peut raisonnablement exiger de lui. Si l'incapacité de travail se limite à l'activité usuelle, il n'y a pas de droit à une prolongation du séjour en Suisse (ATF 146 II 89).
2.3.6 La notion d'« incapacité de travail durable » ne doit pas être interprétée comme étant liée à un emploi. Il n'est pas question d'une telle incapacité lorsque le travailleur salarié, ensuite d'un accident du travail, ne peut certes plus exercer son ancienne activité, mais que l'on peut attendre de lui qu'il exerce une activité professionnelle alternative. Cela est fondamentalement également le cas lorsque le travailleur salarié ne peut travailler qu'à un taux réduit. Une « incapacité de travail durable » n'existe dans de tels cas de figure que lorsque la capacité de travail résiduelle ne permet plus d'exercer une activité lucrative équivalente qualitativement et quantitativement à une activité économique réelle et effective ou qu'il ne peut pas être attendu du travailleur qu'il entame une telle activité (ATF 147 II 35 consid. 4).
2.4 Selon l'art. 2 § 1 al. 2 Annexe I ALCP, les ressortissants des parties contractantes ont aussi le droit de se rendre dans une autre partie contractante ou d’y rester après la fin d’un emploi d’une durée inférieure à un an pour y chercher un emploi et y séjourner pendant un délai raisonnable, qui peut être de six mois qui leur permette de prendre connaissance des offres d’emplois correspondant à leurs qualifications professionnelles et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires aux fins d’être engagés. Les chercheurs d’emploi ont le droit, sur le territoire de la partie contractante concernée, de recevoir la même assistance que celle que les bureaux d’emploi de cet État accordent à ses propres ressortissants. Ils peuvent être exclus de l’aide sociale pendant la durée de ce séjour.
2.5 Selon l’art. 24 § 1 Annexe I ALCP, une personne ressortissante d’une partie contractante n’exerçant pas d’activité économique dans l’État de résidence et qui ne bénéficie pas d’un droit de séjour en vertu d’autres dispositions de l'accord reçoit un titre de séjour d’une durée de cinq ans au moins à condition qu’elle prouve aux autorités nationales compétentes qu’elle dispose pour elle-même et les membres de sa famille de moyens financiers suffisants pour ne pas devoir faire appel à l’aide sociale pendant leur séjour (let. a) et d’une assurance-maladie couvrant l’ensemble des risques (let. b). Les moyens financiers susvisés sont considérés comme suffisants lorsqu’ils dépassent le montant en dessous duquel les nationaux, eu égard à leur situation personnelle et, le cas échéant, et à celle des membres de leur famille, peuvent prétendre à des prestations d’assistance (art. 24 § 2 Annexe I ALCP).
Le requérant n’exerçant pas d’activité économique et ne disposant pas de revenus suffisants pour ne pas devoir faire appel à l’aide sociale ne saurait bénéficier d’une autorisation de séjour au sens de l’art. 24 § 1 annexe I ALCP (arrêts du Tribunal fédéral 2C_567/2017 du 5 mars 2018 consid. 5.1 ; 2C_59/2017 du 4 avril 2017 consid. 6).
2.6 Selon l'art. 16 al. 2 de l'ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, l'Union européenne et ses États membres, ainsi qu'entre les États membres de l'Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 (Ordonnance sur l'introduction de la libre circulation des personnes, OLCP – RS 142.203), les moyens financiers d’un ayant droit à une rente, ressortissant de la CE ou de l’AELE ainsi que les membres de sa famille, sont réputés suffisants s’ils dépassent le montant donnant droit à un ressortissant suisse qui en fait la demande, éventuellement aux membres de sa famille, à des prestations complémentaires au sens de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 19 mars 1965 (LPC - RS 831.30). De telles prestations sont, dans le contexte particulier de l'art. 24 § 1 annexe I ALCP, considérées comme de l'aide sociale (ATF 135 II 265 consid. 3.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_534/2019 du 4 février 2020 consid. 3.2.13). Cette assimilation découle du texte de l'art. 24 § 1 let. a annexe I ALCP, tel que précisé par l'art. 16 al. 2 OLCP. Elle ne contredit pas le fait qu'en droit interne de telles prestations ne relèvent pas de la notion d'aide sociale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_975/2022 du 20 avril 2023 consi. 7.2 ; 2C_121/2022 du 24 novembre 2022 consid. 4.1 ; 2C_205/2017 du 12 juin 2018 consid. 6.3 et les arrêts cités).
Cette spécificité s'explique par le fait que des prestations complémentaires sont délivrées à toute personne séjournant en Suisse dont les besoins vitaux ne sont pas couverts (art. 2 al. 1 LPC). Si le rentier fait appel à l'aide sociale ou fait valoir le droit aux prestations complémentaires une fois l'autorisation délivrée, celle-ci peut être révoquée ou non renouvelée (art. 24 § 8 annexe I ALCP ; art. 2 ss LPC et art. 16 al. 2 OLCP ; Directives OLCP, état janvier 2022, § 6.2.3).
Les conditions posées à l'art. 24 § 1 annexe I ALCP servent uniquement à éviter de grever les finances publiques de l'État d'accueil. Ce but est atteint, quelle que soit la source des moyens financiers permettant d'assurer le minimum existentiel de l'étranger communautaire et sa famille (ATF 144 II 113 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_243/2015 du 2 novembre 2015 consid. 3.4.2).
2.7 Selon l’art. 20 OLCP, si les conditions d'admission sans activité lucrative ne sont pas remplies au sens de l'ALCP ou au sens de la Convention instituant l'AELE, une autorisation de séjour UE/AELE peut être délivrée lorsque des motifs importants l'exigent. Il n'existe cependant pas de droit en la matière, l'autorité cantonale statuant librement, sous réserve de l'approbation du SEM (art. 29 OLCP). Les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI).
S'agissant de la notion de « motifs importants », les conditions posées à l’admission de l’existence de tels motifs au sens de l'art. 20 OLCP correspondent à celles posées à la reconnaissance d’un cas de rigueur en vertu de l'art. 30 al. 1 let. b LEI en lien avec les précisions apportées par l’art. 31 OASA (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] F-4332/2018 du 20 août 2019 consid. 6.2 et les arrêts cités).
Dès lors que l'admission des personnes sans activité lucrative dépend simplement de l’existence de moyens financiers suffisants et d’une affiliation à une caisse maladie, les cas visés par l’art. 20 OLCP et l'art. 31 OASA ne sont envisageables que dans de rares situations, notamment lorsque les moyens financiers manquent ou, dans des cas d’extrême gravité, pour les membres de la famille ne pouvant pas se prévaloir des dispositions sur le regroupement familial (par ex. frère et sœur, oncle, neveu, tante ou nièce ; directives OLCP ch. 8.5).
2.8 L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 [ci‑après : directives LEI] - état au 1er janvier 2025, ch. 5.6.12).
Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).
2.9 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).
La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).
2.10 Selon la jurisprudence, des motifs médicaux peuvent, selon les circonstances, conduire à la reconnaissance d'un cas de rigueur lorsque la personne concernée démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation. (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.2 ; arrêt du TAF F-6860/2016 du 6 juillet 2018 consid. 5.2.2 ; ATA/822/2023 du 9 août 2023 consid. 3.9).
2.11 En l'espèce, la recourante réside en Suisse de façon continue depuis 2010 et remplit donc la condition du séjour en Suisse de plus de deux ans prévue par l'art. 2 § 1 let. b du règlement 1251/70. Reste à déterminer si elle remplit la seconde condition exigée par cette disposition, c'est-à-dire si elle a cessé son activité salariée en raison d'une incapacité permanente de travail. Conformément à la jurisprudence exposée ci-dessus, cette question suppose de s'interroger sur le moment à partir duquel l'intéressée a commencé à souffrir d'une incapacité permanente de travail – en se référant à la décision de l'office AI – et de se demander si elle bénéficiait alors toujours du statut de travailleur salarié au sens de de l'ALCP.
La recourante a exercé une activité professionnelle en tant que nettoyeuse jusqu'au 31 janvier 2021, date de la fin de son contrat chez C______. Les activités qu'elle a déployées par la suite sont marginales – deux heures par semaine depuis le mois de juillet 2023 –, et en toute hypothèse insuffisantes à lui conférer la qualité de travailleuse.
Selon la décision de l’office AI, telle qu'explicitée par l'OCAS dans son courrier du 26 novembre 2024, la recourante a eu une incapacité de travail de 100% dans toute activité dès le 15 janvier 2020 ; du 1er mai au 31 décembre 2021 sa capacité de travail dans son activité de nettoyeuse était de 25%, et de 75% dans une activité adaptée ; et, dès le 1er janvier 2022, son incapacité de travail était à nouveau de 100%, étant précisé qu'elle n'a pas perçu de rente pendant la deuxième période, soit entre mai et décembre 2021.
Dans la mesure où, entre mai et décembre 2021, la recourante avait une capacité de travail de 75% dans une activité adaptée et n'avait pas droit à une rente AI, il y a lieu de retenir que son incapacité de travail préalable – du 15 janvier 2020 au 30 avril 2021 – n'était pas permanente. Seule son incapacité de travail depuis le 1er janvier 2022 revêt un caractère permanent, et elle est donc intervenue après la disparition de son statut de travailleur, si bien qu'elle ne peut se voir prolonger son autorisation de séjour sur la base de l'art. 4 Annexe I ALCP en relation avec l'art. 2 § 1 let. b du règlement 1251/70.
Il ne fait par ailleurs aucun doute que la recourante ne peut pas être considérée comme personne à la recherche d'un emploi, dès lors que son incapacité de travail est totale depuis le 1er janvier 2022, et que son incapacité à subvenir à ses besoins sans aide de la collectivité ne lui permet pas de bénéficier d'une autorisation de séjour en tant que ressortissante européenne sans activité lucrative.
Quant à l'existence de motifs importants au sens de l'art. 20 OLCP, ils ne sont pas davantage donnés. La recourante réside certes en Suisse depuis quinze ans, soit une longue durée. Son intégration socio-culturelle en Suisse ne peut par contre pas être considérée comme exceptionnelle, car même si l'on pouvait admettre – ce qui n'est pas démontré – qu'elle parle français, la recourante ne travaille pas, émarge au budget de l'assistance publique depuis le 1er janvier 2019 et de manière durable et n'apparaît pas impliquée à un titre quelconque dans la société civile. Il n'apparaît par ailleurs pas qu'une réintégration en Espagne, pays dont elle parle la langue et où ses rentes sont exportables, serait gravement compromise – le fait que les conditions de vie y soient par hypothèse moins avantageuses qu'en Suisse ne constituant pas non plus un motif important au sens de la jurisprudence.
Enfin, la recourante ne démontre aucunement qu'elle n'aurait pas accès aux soins nécessaires et adéquats en Espagne.
C'est dès lors de manière conforme au droit que l'instance précédente a estimé que la recourante ne pouvait se prévaloir ni de l'ALCP ou de l'OLCP, ni d'un cas d'extrême gravité au sens de la LEI pour obtenir la prolongation de son autorisation de séjour.
3. Se pose également la question du droit au respect de la vie privée.
3.1 Sous l'angle étroit de la protection de la vie privée, l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (ATF 130 II 281 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.2). Lorsque l'étranger réside depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_734/2023 du 3 mai 2023 consid. 5.3.5). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3).
3.2 Récemment le Tribunal fédéral a expressément admis que la reconnaissance finale d’un droit à séjourner en Suisse issu du droit au respect de la vie privée garanti par l'art. 8 § 1 CEDH pouvait s’imposer même sans séjour légal de dix ans, à condition toutefois que le requérant atteste d’une intégration particulièrement réussie (ATF 144 I 266 consid. 3.8 et 3.9 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_734/2022 du 3 mai 2023 consid. 5.3).
3.3 En l'espèce, si la recourante est arrivée en Suisse légalement en 2010, elle y séjourne aujourd’hui uniquement au bénéfice de l'effet suspensif lié à ses différents recours. Quoi qu’il en soit, comme analysé au considérant précédent, on ne saurait décrire l'intégration de la recourante comme exceptionnelle ou particulièrement réussie, si bien que la prolongation de son autorisation de séjour sur la base de l'art. 8 CEDH ne peut être envisagée.
4. Reste à examiner la validité du renvoi prononcé par l’autorité intimée, dont la recourante ne prétend pas qu’il serait impossible, illicite ou inexigible.
4.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, toute personne étrangère dont l'autorisation est refusée, révoquée ou qui n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyée. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64 let. d al. 1 LEI).
4.2 Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).
4.3 L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiées et réfugiés de la violence », soit aux personnes étrangères qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugiée ou réfugié parce qu'elles ne sont pas personnellement persécutées, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, 2017, p. 949). En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; arrêt du TAF E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).
4.4 S'agissant plus spécifiquement de l'exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse, celle-ci ne devient inexigible que dans la mesure où ces dernières ne pourraient plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. L'art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne saurait en revanche être interprété comme impliquant un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse (ATAF 2011/50 consid. 8.3). La gravité de l'état de santé, d'une part, et l'accès à des soins essentiels, d'autre part, sont déterminants. Ainsi, l'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du TAF F-1602/2020 du 14 février 2022 consid. 5.3.4).
4.5 Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci‑après : CourEDH), l'exécution du renvoi ou de l'expulsion d'un malade physique ou mental est exceptionnellement susceptible de soulever une question sous l'angle de l'art. 3 CEDH si la maladie atteint un certain degré de gravité et qu'il est suffisamment établi que, en cas de renvoi vers l'État d'origine, la personne malade court un risque sérieux et concret d'être soumise à un traitement interdit par cette disposition (ACEDH N. c. Royaume-Uni du 27 mai 2008, req. n° 26565/05, § 29 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_3/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.2). C'est notamment le cas si sa vie est en danger et que l'État vers lequel elle doit être expulsée n'offre pas de soins médicaux suffisants et qu'aucun membre de sa famille ne peut subvenir à ses besoins vitaux les plus élémentaires (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42; ATF 137 II 305 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_14/2018 du 13 août 2018 consid. 4.1 ; 2C_1130/2013 du 23 janvier 2015 consid. 3).
Le renvoi d'un étranger malade vers un pays où les moyens de traiter sa maladie sont inférieurs à ceux disponibles dans l'État contractant reste compatible avec l'art. 3 CEDH, sauf dans des cas très exceptionnels, en présence de considérations humanitaires impérieuses (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité, § 42 ; Emre c. Suisse du 22 mai 2008, req. n° 42034/04, § 89).
4.6 En l'espèce, sans minimiser les problèmes de santé auxquels la recourante est confrontée, ils ne sont pas d'une gravité telle qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, son état de santé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité. De plus, comme déjà mentionné, on peut partir de l'idée que des possibilités de poursuivre ses traitements existent en Espagne, ce que la recourante ne met pas en cause.
L'exécution du renvoi de la recourante s'avère ainsi possible, licite et raisonnablement exigible. Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.
5. Il ne sera pas perçu d’émolument, la recourante plaidant au bénéfice de l’assistance juridique (art. 87 al. 1 LPA cum art. 13 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 23 septembre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 août 2024 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Andrea VON FLÜE, avocat de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Jean-Marc VERNIORY, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
M. MAZZA
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| le président siégeant :
C. MASCOTTO |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html
Recours en matière de droit public | Recours constitutionnel subsidiaire |
Art. 82 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours : a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ; … Art. 83 Exceptions Le recours est irrecevable contre : … c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent : 1. l’entrée en Suisse, 2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit, 3. l’admission provisoire, 4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi, 5. les dérogations aux conditions d’admission, 6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ; d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues : 1. par le Tribunal administratif fédéral, 2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ; … Art. 89 Qualité pour recourir 1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ; b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. … Art. 95 Droit suisse Le recours peut être formé pour violation : a. du droit fédéral ; b. du droit international ; c. de droits constitutionnels cantonaux ; d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ; e. du droit intercantonal. Art. 100 Recours contre une décision1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ______________________________________________ | Art. 113 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89. Art. 115 Qualité pour recourir A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Art. 116 Motifs de recours Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels. Art. 100 Recours contre une décision 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ___________________________________________
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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)
1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.
3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.