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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1164/2025

ATA/691/2025 du 24.06.2025 ( PATIEN ) , REJETE

Descripteurs : SANTÉ;PROFESSION SANITAIRE;AUTORITÉ DE SURVEILLANCE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;PLAINTE À L'AUTORITÉ DE SURVEILLANCE;MOTIVATION DE LA DÉCISION;DROIT DU PATIENT;DOSSIER MÉDICAL;CONSULTATION DU DOSSIER;ENFANT;AUTORITÉ PARENTALE CONJOINTE;OBLIGATION DE RENSEIGNER;OBJET DU LITIGE
Normes : Cst; CC.275.leta; CC.301.al1; CC.304; LComPS.1.al1; LComPS.1.al2; LComPS.7.al1.leta; LComPS.9; LComPS.10; LComPS.14; LComPS.20; LS.1.al1; LS.3.al1; LS.55.al1; LS.48.al2
Résumé : confirmation du classement immédiat par la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients d'une plainte dirigée contre une pédiatre. Aucune loi n'impose au médecin d'informer l'un des parents du fait que l'autre parent, avec qui il partage l'autorité parentale sur l'enfant mineur, a consulté le dossier de leur enfant, même si ces derniers sont séparés. La pédiatre en cause n'avait ainsi pas l'obligation d'avertir la plaignante de ce que son époux avait consulté le dossier médical de leur fille âgée de moins de 2 ans. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1164/2025-PATIEN ATA/691/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 juin 2025

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS

et

B______ intimées



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1993, et C______ sont les parents de D______, née le ______ 2023. Ils détiennent sur leur fille l'autorité parentale conjointe.

b. Ils se sont mariés le 3 juillet 2020 et sont séparés depuis le 30 juillet 2024.

c. La docteure B______ a été la pédiatre de D______ jusqu'au 14 février 2025.

B. a. Le 2 décembre 2024, C______ a demandé à la Dre D______ une copie du dossier médical de sa fille. Ce dernier lui a été remis en mains propres.

b. Le 23 décembre 2024, A______ a demandé à la pédiatre pourquoi elle ne l'avait pas informée du fait qu'elle avait transmis le dossier médical de sa fille à son époux.

c. La Dre D______ a répondu à A______ que les parents avaient un droit d'accès au dossier médical de leur enfant s'ils en faisaient la demande. Elle lui a demandé si elle souhaitait également recevoir une copie du dossier.

d. Le 23 décembre 2024, A______ s'est plainte auprès de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : la commission) de ce que la Dre D______ avait remis le résumé du traitement médical de sa fille à son époux sans l'en informer. La Dre D______ était certes autorisée à recevoir (sic) la demande du père mais elle connaissait le contexte de leur séparation. La demande de recevoir (sic) le résumé complet des consultations était inhabituelle et sortait clairement d'une requête normale. Lorsque la levée du secret médical revêtait une importance particulière ou inhabituelle, la présomption légale – selon laquelle le parent qui demandait l'accès au dossier de l'enfant était présumé agir avec l'autre parent détenteur de l'autorité parentale – ne s'appliquait pas. Le médecin devait alors obtenir la levée du secret des deux parents détenteurs de l'autorité parentale. La Dre D______ n'était donc pas habilitée à imprimer, signer et remettre au père de sa fille, en mains propres, son résumé des consultations sans l'en informer.

e. Par décision du 17 mars 2025, le bureau de la commission a classé immédiatement l'affaire, la Dre B______ n'ayant commis aucune violation de ses devoirs professionnels en remettant au père de D______ des renseignements tirés de son dossier médical.

Le parent qui ne détenait pas l'autorité parentale pouvait, tout comme le détenteur de l’autorité parentale, recueillir auprès de tiers participant à la prise en charge de l’enfant, notamment auprès de ses enseignants ou de son médecin, des renseignements sur son état et son développement. A fortiori, le parent détenteur de l'autorité parentale disposait du même droit aux renseignements et à l'information.

C. a. Par acte remis à la poste le 19 mars 2025 et adressé à la commission, A______ a précisé que le fondement de sa plainte résidait uniquement dans le fait que la Dre D______ avait remis au père de son enfant son résumé sans l'en informer. Elle maintenait que l'intéressée avait gravement porté atteinte à ses droits en tant que parent en agissant ainsi. Elle demandait donc une nouvelle fois à la commission de proposer au département (sic) d'infliger un avertissement à la pédiatre.

b. La commission a transmis à la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) le courrier du 19 mars 2025 de A______ pour raison de compétence.

c. La commission a conclu au rejet du recours, persistant dans les termes de sa décision et a transmis son dossier.

d. Le 15 avril 2025, A______ a indiqué déposer un recours contre la décision de la commission du 17 mars 2025 et a demandé l'annulation de celle-ci et le renvoi pour « décider » selon la demande du 23 décembre 2024.

Elle a persisté dans ses précédentes explications, ajoutant que la Dre D______ ne pouvait pas présumer que son époux avait agi avec son consentement. Il n'avait pas utilisé le résumé à des fins médicales, mais pour le litige qu'il menait contre elle devant le Tribunal de première instance (ci‑après : TPI).

Ce n'était pas la première fois que la Dre D______ et son époux avaient enfreint l'obligation d'agir avec son consentement. Ce dernier avait appelé la pédiatre le 14 février 2025 et s'était présenté aux HUG avec leur enfant au motif de « maltraitance suspicion ». La Dre D______ avait noté la consultation aux HUG sans toutefois l'en informer.

e. La commission a confirmé ne pas avoir d'observations à formuler.

f. La Dre D______ a contesté avoir commis un manquement à ses devoirs.

g. A______ a relevé que depuis le 23 décembre 2024, la Dre D______ savait qu'elle devait l'informer. Pourtant, elle ne l'avait pas fait en lien avec l'appel de son époux le 14 février 2025, alors que celui‑ci se trouvait aux urgences avec sa fille.

h. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la commission et transmis à la juridiction compétente conformément à l'art. 64 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

La qualité pour recourir de la recourante n'est à juste titre pas contestée. En effet, conformément à la jurisprudence de la chambre de céans, le plaignant qui a saisi la commission en invoquant une violation de ses droits de patient, à l'instar de la recourante, peut recourir contre la décision classant sa plainte (ATA/414/2025 du 15 avril 2025 consid. 3 ; ATA/961/2024 du 20 août 2024 consid. 3 ; ATA/990/2020 du 6 octobre 2020 consid. 2a ; cf. également art. 9 de la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 - LComPS - K 3 03).

2.             Il convient de délimiter l'objet du litige.

2.1 L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible. La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés (ATF 142 I 455 consid. 4.4.2 et les références citées ; ATA/506/2025 du 6 mai 2025 consid. 3.1).

2.2 En l'espèce, la recourante a dénoncé la Dre D______ à la commission au motif que la pédiatre avait transmis au père de leur fille une copie du dossier médical de celle-ci sans l'en informer, à la suite d'une demande de son époux le 2 décembre 2024. La commission a estimé que la Dre D______ n'avait commis aucune violation de ses devoirs professionnels en lien avec cet épisode et a classé immédiatement « l'affaire » par décision du 17 mars 2025. Par conséquent, le litige porte sur la conformité au droit de cette décision, circonscrite à l'épisode dénoncé par la recourante.

Dès lors, et a contrario, l'épisode relatif à la consultation aux HUG, le 14 février 2025, par le père de D______ et aux suites que la Dre D______ lui a données (notamment inscription dans le dossier de l'enfant de ladite consultation sans en informer la recourante selon celle-ci), dont l'intéressée se plaint dans ses écritures devant la chambre de céans, n'a pas fait l'objet d'un examen par la commission, ce qui ne peut lui être reproché puisque celle-ci n'en a pas été informée par la recourante. Cet épisode est donc exorbitant à l'objet du litige. Par conséquent, les griefs y relatifs ne seront pas analysés.

3.             La recourante soutient que la Dre D______ a gravement porté atteinte à ses droits en tant que patiente en remettant son résumé au père de sa fille sans l'en informer et elle estime que la pédiatre aurait dû faire l'objet d'une sanction.

3.1 La commission, instituée par la LComPS selon son art. 1 al. 1, est chargée de veiller au respect des prescriptions légales régissant les professions de la santé et les institutions de santé visées par la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03 ; art. 1 al. 2 let. a LComPS) et au respect du droit des patients (art. 1 al. 2 let. b LComPS).

Dans le cadre de son mandat, elle instruit d'office ou sur requête, en vue d'un préavis ou d'une décision, les cas de violation des dispositions de la LS, concernant les professionnels de la santé et les institutions de santé, ainsi que les cas de violation des droits des patients (art. 7 al. 1 let. a LComPS).

3.1.1 Selon l'art. 10 LComPS, la commission constitue en son sein un bureau de cinq membres, dont le médecin cantonal et le pharmacien cantonal, chargé de l’examen préalable des plaintes, dénonciations et dossiers dont elle s’est saisie d’office (al. 1). Lorsqu’il est saisi d’une plainte, le bureau peut décider d’un classement immédiat (let. a), de l’ouverture d’une procédure dans les cas présentant un intérêt public prépondérant justifiant une instruction par une sous‑commission (let. b) et, dans tous les autres cas, d’un renvoi en médiation (let. c ; al. 2).

3.1.2 Le bureau peut classer, sans instruction préalable et par une décision sommairement motivée, les plaintes qui sont manifestement irrecevables ou mal fondées (art. 14 LComPS).

3.1.3 L'art. 20 LComPS prévoit qu'en cas de violation des droits des patients, la commission de surveillance peut émettre une injonction impérative au praticien concerné sous menace des peines prévues à l'art. 292 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) ou une décision constatatoire (al. 1). En cas de violation des dispositions de la LS, la commission est également compétente pour prononcer un avertissement, un blâme et/ou une amende jusqu'à CHF 20'000.- (al. 2). Si aucune violation n’est constatée, elle procède au classement de la procédure (al. 3).

3.2 La LS a pour but de contribuer à la promotion, à la protection, au maintien et au rétablissement de la santé des personnes, des groupes de personnes, de la population et des animaux, dans le respect de la dignité, de la liberté et de l’égalité de chacun (art. 1 al. 1 LS). Elle définit et encourage le partenariat entre les acteurs publics et privés du domaine de la santé et régit les soins (art. 3 al. 1 LS).

3.2.1 Le droit d'accès du patient à son dossier médical est prévu à l'art. 55 LS. Le patient a ainsi le droit de consulter son dossier et de s'en faire expliquer la signification ; il peut s'en faire remettre en principe gratuitement les pièces, ou les faire transmettre au professionnel de la santé de son choix (art. 55 al. 1 LS).

Selon le Tribunal fédéral, le droit d'accès au dossier médical constitue un droit fondamental du patient. Ce n'est en effet que s'il peut en tout temps entrer en possession de son dossier que le patient est en mesure, le cas échéant, de solliciter un second avis, de décider sur cette base en toute connaissance de cause de l'opportunité de se soumettre à une intervention à risques ou encore de changer de médecin ou d'engager la responsabilité d'un médecin consulté précédemment. En d'autres termes, l'accès au dossier médical conditionne l'exercice par le patient de prérogatives tout à fait fondamentales (arrêt du Tribunal fédéral 2P.202/2006 du 22 novembre 2006 consid. 2.3).

3.2.2 Dans la mesure où ils encadrent l'exercice d'une activité médicale susceptible de porter atteinte à l'intégrité corporelle, les droits du patient font partie des droits de la personnalité au sens de l'art. 28 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210). Strictement personnels, les droits de la personnalité sont par essence intransmissibles. Ils ne passent pas aux héritiers (ATA/1655/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3c ; ATA/1075/2019 du 25 juin 2019 consid. 4 et 5 et les références citées).

Le mineur ne peut toutefois exercer seul ses droits d'information en matière médicale que s'il dispose de la capacité de discernement en lien avec l'acte médical envisagé ; le droit suisse n'a pas fixé, contrairement à d'autres pays, de limite d'âge à partir de laquelle la capacité de discernement serait acquise ou présumée (ATF 134 II 235 consid. 4.3.2 ; Dominique MANAÏ, Droits du patient et biomédecine, 2013, p. 116 s.), mais il est généralement considéré qu'elle ne saurait guère être présente avant l'âge de 10 à 12 ans environ (ATA/1655/2019 précité consid. 3c).

Les personnes habilitées à représenter la personne incapable de discernement dans le domaine médical sont celles désignées par le CC, dont les dispositions en la matière s'appliquent pour le surplus (art. 48 al. 2 LS).

3.3 Les père et mère déterminent les soins à donner à l'enfant, dirigent son éducation en vue de son bien et prennent les décisions nécessaires, sous réserve de sa propre capacité (art. 301 al. 1 CC).

3.3.1 Selon l'art. 275a CC, le père ou la mère qui ne détient pas l’autorité parentale sera informé des événements particuliers survenant dans la vie de l’enfant et entendu avant la prise de décisions importantes pour le développement de celui-ci (al. 1). Le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale peut, tout comme le détenteur de l'autorité parentale, recueillir auprès de tiers qui participent à la prise en charge de l'enfant, notamment auprès de ses enseignants ou de son médecin, des renseignements sur son état et son développement (al. 2). Les deux parents ont ainsi droit au même niveau d'information de la part des tiers (ATF 140 III 343 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_889/2014 du 11 février 2015 consid. 3.2.1 ; Andrea BÜCHLER/Dominique JAKOB [éd.], ZGB - Schweizerisches Zivilgesetzbuch, 2e éd., 2018, n. 5 ad art. 275a CC), étant précisé que si la disposition s'adresse en premier lieu au parent non titulaire de l'autorité parentale car elle fonde pour lui un droit, elle vaut également pour le parent qui en est titulaire. Le droit cantonal de la santé ne peut par ailleurs ni élargir ni amoindrir les prérogatives conférées par l'art. 275a CC (ATA/1655/2019 précité consid. 3d ; Thomas GEISER, Informations, Anhörungs- und Auskunftsrecht des nicht sorgeberechtigten Elternteils, FamPra 2012 1-19, p. 17).

Le parent détenteur de l’autorité parentale décide des soins, mais ne peut pas interdire au médecin de renseigner l’autre parent (Olivier GUILLOD, Droit à l’information du parent ne détenant pas l’autorité parentale et traitement médical de l’enfant ; analyse de l’arrêt du Tribunal fédéral 5A_889/2014, Newsletter DroitMatrimonial.ch avril 2015, p. 3).

3.3.2 En vertu de l'art. 304 CC, les père et mère sont, dans les limites de leur autorité parentale, les représentants légaux de leurs enfants à l'égard des tiers (al. 1). Lorsque les père et mère sont tous deux détenteurs de l’autorité parentale, les tiers de bonne foi peuvent présumer que chaque parent agit avec le consentement de l’autre (art. 304 al. 2 CC). A contrario, si le tiers connaît ou doit connaître le désaccord des parents (art. 3 al. 2 CC), l’effet de représentation de l’enfant ne se produit pas. Les circonstances particulières sont déterminantes à cet égard (art. 4 CC) ; la présomption ne vaut notamment pas pour une intervention chirurgicale non urgente, pour des actes sortant de l’ordinaire (gage immobilier) ou, en matière bancaire, lorsqu’il existe un risque de conflit d’intérêts (Christine CHAPPUIS, in Pascal PICHONNAZ/Bénédicte FOËX/Christiana FOUNTOULAKIS [éd.], Commentaire romand - Code civil I - Art. 1-456 CC, 2e éd., 2024, n. 14 ad art. 304).

3.4 Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) implique notamment l’obligation pour l’autorité de motiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 ; 141 V 557 consid. 3.2.1). Il suffit cependant que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 142 II 154 consid. 4.2). L’autorité n’est pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties et peut se limiter aux questions décisives (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 142 II 154 consid. 4.2).

Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1). En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel lorsqu'elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2).

La violation du droit d'être entendu doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recours sur le fond (ATF 141 V 495 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_740/2017 du 25 juin 2018 consid. 3.2). Une réparation devant l'instance de recours est possible si celle-ci jouit du même pouvoir d'examen que l'autorité précédente (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_46/2020 du 5 mai 2020 consid. 6.2). Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle-ci dispose d’un libre pouvoir d’examen en fait et en droit (art. 61 LPA). La réparation dépend cependant de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 3.1). Elle peut se justifier en présence d'un vice grave notamment lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2). Enfin, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de la violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir eu le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/616/2025 du 3 juin 2025 consid. 3.3 ; ATA/151/2023 du 14 février 2023 consid. 3b).

4.             En l'espèce, D______ est âgée de 2 ans et n'a ainsi pas la capacité de discernement. Ce sont donc ses parents qui sont habilités à la représenter dans le domaine médical. Ces derniers exerçant l'autorité parentale conjointe, chacun d'eux dispose du droit de consulter le dossier médical de leur fille, ce qui n'est plus contesté.

À la suite d'une demande qu'il a déposée le 2 décembre 2024, le père de D______ a obtenu de la Dre D______ une copie du dossier médical de sa fille, qui lui a été remis en mains propres. La recourante reproche toutefois à la pédiatre de ne pas l'en avoir informée.

La commission a estimé que le parent détenteur de l'autorité parentale disposait du même droit aux renseignements et à l'information que celui conféré à celui qui ne détient pas l'autorité parentale (art. 275a CC) et en a inféré que la Dre B______ n'avait commis aucune violation de ses devoirs professionnels en remettant au père de D______ des renseignements tirés de son dossier médical.

D'un point de vue formel, on peut se demander si la motivation de la commission ne procède pas d'une violation du droit d'être entendu de la recourante, la commission ne s'étant pas prononcée directement sur le grief de l'intéressée, qui s'est plainte, non pas seulement du fait que son époux a eu accès au dossier médical de leur fille, mais également de ne pas avoir été informée de la transmission du dossier de sa fille à son époux. Cette question pourra toutefois souffrir de demeurer indécise. En effet, une éventuelle violation devrait être considérée comme étant réparée devant la chambre de céans. D'une part, une telle réparation est, sur le principe, admissible puisque la chambre de céans dispose du même pouvoir d'examen que la commission en matière de classement des plaintes (en faits et en droit ; art. 61 LPA), celle-ci ne statuant pas en opportunité dans ce domaine. D'autre part, la recourante a pu, à l'occasion de plusieurs échanges d'écritures, faire valoir ses arguments devant celle‑là aussi efficacement qu'elle aurait pu le faire devant la commission et le renvoi constituerait une vaine formalité aboutissant à un allongement inutile de la procédure, les faits pertinents étant suffisamment établis et non contestés et la chambre de céans appliquant le droit d'office (art. 69 al. 1 LPA ; ATA/87/2025 du 21 janvier 2025 consid. 5.3 ; ATA/1493/2024 du 18 décembre 2024 consid. 3).

Sur le fond, aucune loi n'impose au médecin d'informer l'un des parents du fait que l'autre parent, avec qui il partage l'autorité parentale sur l'enfant mineur, a consulté le dossier de leur enfant, même si ces derniers sont séparés. Une telle obligation ne peut pas non plus être déduite de l'art. 275a al. 1 CC, dont la recourante se prévaut, cette disposition consacrant le droit d'information et d'être entendu du parent qui ne détient pas l'autorité parentale, ce qui n'est le cas ni de la recourante ni de son époux.

L'art. 275a al. 2 CC ne fournit pas non plus d'informations dans le sens voulu par la recourante. S'il consacre certes le droit du parent qui ne détient pas l’autorité parentale de recueillir notamment auprès du pédiatre de son enfant des renseignements sur l'état et le développement de celui-ci, il n'impose pas au médecin le devoir d'informer l'autre parent du fait que le parent qui ne détient pas l'autorité parentale a consulté le dossier de leur enfant. A fortiori, on ne saurait imposer au médecin un tel devoir d'information lorsque, comme en l'espèce, les deux parents sont détenteurs de l'autorité parentale.

Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la recourante, l'art. 304 al. 2 CC n'entre pas en ligne de compte in casu puisque le parent qui souhaite avoir accès au dossier médical de son enfant mineur ou incapable de discernement n'a pas besoin du consentement de l'autre parent à cet effet (art. 275a CC et la jurisprudence y relative). Aucune levée du secret médical émanant des deux parents n'est d'ailleurs nécessaire.

Pour le surplus, la recourante se plaint de ce que son époux n'a pas utilisé le résumé à des fins médicales, mais pour le litige qu'il menait contre elle devant le TPI. Or, pour autant que ce grief s'inscrive dans l'objet du litige, il n'appartenait pas à la Dre B______ de se renseigner sur l'utilisation que le père de D______ ferait dudit dossier, ce d'autant plus que la recourante ne conteste plus le droit de son époux de consulter le dossier.

Au vu de ce qui précède, la Dre B______ n'avait pas l'obligation d'avertir la recourante de ce que son époux avait consulté le dossier médical de leur fille et n'a violé aucun droit de patient de l'intéressée en s'en abstenant. Par conséquent, le classement de la plainte par la commission est conforme au droit.

Le grief sera écarté et le recours, mal fondé, sera rejeté.

5.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA), la Dre D______ n'y ayant en toute hypothèse pas conclu.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 mars 2025 par A______ contre la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 17 mars 2025 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à la docteure D______ ainsi qu'à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, Justine BALZLI, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :