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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2245/2022

ATA/151/2023 du 14.02.2023 ( PROF ) , REJETE

Recours TF déposé le 07.03.2023, rendu le 02.05.2023, RETIRE, 2C_155/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2245/2022-PROF ATA/151/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 février 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

COMMISSION DU BARREAU

et

Monsieur B______

 



EN FAIT

1) Le 4 février 2022, Monsieur B______, avocat, a sollicité de la commission du barreau (ci-après : la commission) la levée de son secret professionnel le liant à Monsieur A______ en vue de recouvrer une créance d’honoraires d’un montant total de CHF 28'931.20.

Il avait été mandaté par M. A______ dans le cadre de trois procédures pénales ainsi que quatre procédures civiles à Genève et en Valais. La relation avait commencé par le versement d’une provision, puis la facturation était devenue mensuelle. Les factures avaient dans un premier temps été honorées, mais plus aucun versement n’était intervenu depuis février 2021. Par la suite, M. A______ avait accepté de signer une reconnaissance de dette d’un montant de CHF 21'096.90 couvrant les honoraires facturés jusqu’au 28 février 2021 et non réglés.

Le client s’était engagé à verser les honoraires dus à M. B______ le jour où il vendrait un appartement dont il était propriétaire à Bordeaux. M. B______ avait continué à travailler sur les dossiers de son client de mars à octobre 2021. La vente ayant eu lieu en octobre 2021, sans qu’aucun versement n’ait été effectué, M. B______ s’était vu dans l’obligation d’entamer une procédure de recouvrement de ses honoraires.

À l’appui de sa demande, il a produit la reconnaissance de dette d’un montant de CHF 21'096.90 signée par son ancien client, les trois dernières factures d’honoraires, ainsi que les derniers échanges de courriels établissant le refus de M. A______ de lui accorder la levée du secret professionnel. Il demandait un traitement urgent de sa requête, car il avait appris que M. A______ faisait de son mieux pour se rendre insolvable en Suisse.

2) Le 2 mars 2022, M. A______ s’est opposé à cette demande.

3) Par décision du 12 avril 2022, le bureau de la commission a délié l’avocat de son secret professionnel à l’égard de M. A______ en vue de recouvrer ses honoraires d’avocat. Il a précisé qu’il appartenait à l’avocat, dans le cadre de ses demandes visant à faire constater sa créance, de respecter strictement les principes de la proportionnalité et de subsidiarité en ne révélant que les informations nécessaires à la démonstration du bien fondé de ses prétentions et de préserver la confidentialité des faits qui n’étaient pas en relation directe avec la cause. Il ne devait, en particulier, pas révéler l’existence d’éléments patrimoniaux dont il n’avait eu connaissance que dans l’exercice de son mandat.

4) Le 4 mai 2022, M. A______ a sollicité que la cause soit soumise à la plénière de la commission, en développant de nombreux arguments à l’encontre de la décision du 12 avril 2022.

5) Par courrier du 17 mai 2022, M. B______ a informé la commission qu’il contestait intégralement les allégués de fait et de droit de M. A______ et n’avait pas d’observations complémentaires à formuler. Il rappelait que son ancien client s’était engagé à payer ce qu’il lui devait une fois son appartement de Bordeaux vendu, ce que M. A______ ne contestait pas.

Cette écriture n’a pas été transmise à M. A______.

6) La plénière de la commission s’est prononcée sur la cause le 13 juin 2022. Elle a fait siennes les considérations de son bureau. M. A______ n’avait, en particulier, invoqué aucun intérêt privé susceptible de s’opposer à ce que les faits concernant la levée du secret professionnel soient révélés dans le cadre du recouvrement d’honoraires.

7) Par courrier du 18 juin 2022 adressé à la commission, M. A______ a invoqué une violation de son droit d’être entendu, au motif que le courrier de M. B______ du 17 mai 2022 ne lui avait pas été transmis.

8) Par acte déposé le 11 juillet 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a recouru contre cette décision, concluant à son annulation.

En ne l’informant pas que M. B______ avait adressé une écriture à la commission en date du 17 mai 2022, son droit d’être entendu avait été violé, dès lors qu’il n’avait pas pu se déterminer à ce sujet.

L’examen de la commission, en sa qualité d’autorité de surveillance, devait porter en premier lieu sur le fait de déterminer si, oui ou non, la révélation d’un secret était indispensable à la protection d’intérêts supérieurs publics ou privés de l’avocat demandant la levée du secret professionnel, ce qu’elle n’avait pas fait.

La commission avait violé le principe de l’interdiction de l’arbitraire en occultant l’intégralité des faits mentionnés dans son écriture du 4 mai 2022 et procédant ainsi à un établissement des faits et une appréciation des preuves arbitraires.

La révélation du secret professionnel n’était pas indispensable à la protection des intérêts supérieurs privés de M. B______, à savoir le recouvrement de ses honoraires. Dès lors qu’il avait produit la reconnaissance de dette ainsi que les trois dernières factures d’honoraires, ces documents n’étaient pas couverts par le secret professionnel, au risque de se voir reprocher une violation de ce dernier.

Il avait signé la reconnaissance de dette, prouvant qu’il s’était bien engagé à payer le montant dû, soit CHF 21'096.90 et qu’il ne s’était jamais opposé au recouvrement des honoraires.

Délier M. B______ de son secret professionnel faisait craindre qu’il ne dévoile des informations qui seraient préjudiciables à ses intérêts. La conclusion à laquelle aboutissait la commission heurtait de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité.

9) Le 4 août 2022, la commission a persisté dans les termes de sa décision.

L’écriture de M. B______ du 17 mai 2022 n’avait pas été transmise à M. A______ en raison d’une erreur de greffe. À réception du courrier du 18 juin 2022 de ce dernier, le greffe lui avait fait parvenir aussitôt cette écriture.

L’erreur de transmission n’avait cependant eu aucune incidence sur l’issue de la procédure, dès lors que l’écriture du 17 mai 2022 n’apportait aucun élément nouveau à sa demande initiale. M. A______ avait pu se déterminer largement au cours de la procédure, notamment dans sa détermination du 2 mars 2022 ainsi que dans sa demande de saisine du 4 mai 2022.

10) Le 14 juillet 2022, M. B______ a conclu au rejet du recours.

11) Dans ses observations du 5 septembre 2022, M. A______ a relevé que M. B______ n’avait apporté aucun élément, dans ses courriers du 17 mai et 14 juillet 2022, permettant de réfuter ses allégations. Ces informations correspondaient toutefois à des éléments importants dont le recourant n’avait pas eu connaissance, ce qui confirmait la violation de son droit d’être entendu.

12) Les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 [LPAv - E 6 10] ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. L'objet du litige correspond à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 142 I 155 consid. 4.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_533/2020 du 25 juin 2020 consid. 3 ; ATA/563/2020 du 9 juin 2020 consid. 2a). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/369/2020 du 16 avril 2020 consid. 3b).

b. En l’espèce, l’objet du litige porte sur le bien-fondé de la décision de la commission de lever le secret professionnel de l’avocat. Ainsi, le grief du recourant, selon lequel l’avocat aurait violé les art. 173 al. 1 (calomnie) et 174 al. 1 (diffamation) du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), en l’accusant d’avoir « organisé son insolvabilité en Suisse », est exorbitant au litige.

3) Dans un premier grief, le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendu, dès lors qu’il n’a pas pu se déterminer sur l’écriture de l’avocat du 17 mai 2022 avant que la décision litigieuse du 13 juin 2022 ne soit rendue.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

b. La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 126 I 68 consid. 2) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; ATA/1194/2019 du 30 juillet 2019 consid. 3c). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/1108/2019 du 27 juin 2019 consid. 4c).

c. Comme l'indique l'art. 61 LPA, le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle-ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit. Celui-ci implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4).

d. En l’espèce, il n’est pas contesté que l’écriture de l’avocat du 17 mai 2022 a été transmise au recourant après que la décision du 13 juin 2022 lui a été notifiée. Force est toutefois de constater que cette écriture ne contient aucun élément déterminant puisque l’avocat s’est limité à persister dans ses conclusions et à rappeler que le recourant s’était engagé à lui payer ses honoraires une fois que son appartement de Bordeaux serait vendu. Quoi qu’il en soit, même à admettre une violation de son droit d’être entendu à ce titre, celle-ci a été réparée dans la procédure de recours. En effet, l’écriture a été transmise au recourant par la commission, dès que celle-ci a eu connaissance de son erreur, soit à réception du courrier du recourant du 18 juin 2022. Ce dernier a ainsi eu la possibilité de s’exprimer à plusieurs reprises devant la chambre de céans, étant précisé que la problématique soulève des questions de fait et de droit, sur lesquelles la chambre de céans a le même pouvoir d’examen que la commission, le recours devant elle ayant un effet dévolutif complet (art. 67 LPA).

4) Le recourant conteste la levée du secret professionnel de l’avocat.

a. Selon l’art. 13 al. 1 de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61), l’avocat est soumis au secret professionnel pour toutes les affaires qui lui sont confiées par ses clients dans l’exercice de sa profession, cette obligation n’étant pas limitée dans le temps et étant applicable à l’égard des tiers.

En droit genevois, l’art. 12 LPAv prévoit que l’avocat est soumis au secret professionnel pour toutes les affaires qui lui sont confiées par ses clients dans l’exercice de sa profession ou dont il a connaissance dans l’exercice de celle-ci, cette obligation n’étant pas limitée dans le temps et étant applicable à l’égard des tiers (al. 1). Sans en avoir l’obligation, l’avocat peut toutefois révéler un secret si l’intéressé y consent (al. 2). Il en est de même si l’avocat obtient l’autorisation écrite de la commission (al. 3). L’autorisation n’est délivrée que si la révélation est indispensable à la protection d’intérêts supérieurs publics ou privés (al. 4).

b. Pour agir en recouvrement d’honoraires impayés, l’avocat doit obtenir la levée de son secret professionnel (ATF 142 II 307 consid. 4.3.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_439/2017 du 16 mai 2018 consid. 3.2 ; 6B_545/2016 du 6 février 2017 consid. 2.3 ; François BOHNET/Luca MELCARNE, La levée du secret professionnel de l’avocat en vue du recouvrement de ses créances d’honoraires, in SJ 2020 II 29 ss, p. 37 ; Benoît CHAPPUIS, L’évolution jurisprudentielle récente sur le secret de l’avocat, 2019, Bulletin CEDIDAC n. 83). L’autorité de surveillance doit procéder à une pesée de l’ensemble des intérêts en présence pour déterminer si elle doit accorder la levée du secret. Au regard de l’importance du secret professionnel du double point de vue de l’institution et des droits individuels, la levée du secret ne peut être accordée qu’en présence d’un intérêt public ou privé nettement prépondérant (ATF 142 II 307 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_101/2019 du 18 février 2019 consid. 4.3).

Lors de la pesée des intérêts, il faut prendre en considération le fait qu’un avocat a ordinairement un intérêt digne de protection à la levée du secret en vue du recouvrement de ses honoraires. Cet intérêt s’oppose en principe à l’intérêt institutionnel au maintien de la confidentialité et à l’intérêt individuel du client à tenir secrets le mandat et les informations qui s’y rattachent (ATF 142 II 307 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_439/2017 précité consid. 3.4). La justification de l’intérêt au secret ne doit pas être soumise à des exigences excessivement élevées, faute de quoi la protection du secret professionnel consacrée à l’art. 321 ch. 1 CP serait compromise (ATF 142 II 307 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_704/2016 du 6 janvier 2017 consid. 3.2).

Dans la pesée des intérêts, il faut également prendre en compte le fait que l’avocat peut en principe se faire verser une provision par le client. Il incombe ainsi à l’avocat qui sollicite la levée du secret de démontrer pourquoi il ne lui était pas possible de faire couvrir les coûts par le versement d’une provision (ATF 142 II 307 consid. 4.3.3). La procédure de levée du secret professionnel ne préjuge en rien des procédures civiles ultérieures relatives au recouvrement des honoraires. Les questions juridiques de fond n’ont pas à être examinées dans une procédure de levée du secret professionnel de l’avocat, le client étant libre de soulever des objections dans le litige de droit civil au sujet des honoraires (arrêt du Tribunal fédéral 2C_439/2017 précité consid. 3.3 ; ATA/345/2021 du 23 mars 2021 consid. 4b ; ATA/1526/2019 du 15 octobre 2019 consid. 4b).

5) En l’espèce, le recourant reproche à l’autorité précédente de ne pas avoir examiné si la levée du secret était indispensable à la protection d’intérêts supérieurs publics ou privés de l’avocat.

Certes, selon la jurisprudence et au regard de l’importance du secret professionnel du double point de vue de l’institution et des droits individuels, la levée du secret ne peut être accordée qu’en présence d’un intérêt public ou privé nettement prépondérant. Or, tel est le cas en l’espèce.

L’avocat a en effet expliqué, sans être contredit, que le recourant s’était fermement engagé à payer ce qu’il lui devait le jour où il vendrait un appartement dont il était propriétaire. Se fiant à cet engagement, il avait continué à travailler sur les dossiers de son client de mars à octobre 2021. Or, la vente avait eu lieu en octobre 2021 et il n’avait toujours pas été payé. En outre, la relation entre lui et son client avait effectivement commencé avec le versement d’une provision avant de passer à une facturation mensuelle. Les factures avaient régulièrement été payées pendant les premiers mois de la relation contractuelle, avant que le recourant ne cesse tout versement à partir de février 2021. Quand bien même les factures avaient été payées par les parents de son client, l’avocat était légitimé à penser qu’il allait continuer à être payé, dès lors que les versements avaient été correctement effectués jusque-là. L’intéressé a par ailleurs produit trois factures d’honoraires relatives à la période de novembre 2020 à octobre 2021 ainsi qu’une reconnaissance de dette signée par son ancien client, couvrant les honoraires facturés jusqu’au 28 février 2021 non réglés et par laquelle le recourant s’était également engagé à acquitter les frais et honoraires complémentaires générés dans ses dossiers à partir du 1er mars 2021. Par courriel du 25 janvier 2022 adressé à son client, l’avocat lui a rappelé son engagement relatif à la vente de son appartement de Bordeaux vendu en octobre 2021, puis lui a finalement demandé par courriel du 2 février 2022 de le délier de son secret professionnel afin de faire valoir ses droits. Partant, l’avocat n’a pas attendu la fin de son mandat pour procéder à une facturation de ses honoraires, ce qui aurait plaidé en défaveur de la levée de son secret professionnel, conformément à la jurisprudence précitée.

L’avocat a ainsi exposé les motifs pour lesquels il n’a plus perçu ses honoraires.

De son côté, le recourant n’établit pas l'existence d'éléments rendant vraisemblable qu'il disposerait d'un intérêt concret au maintien du secret. Il ne fait, en particulier, valoir aucun élément qui pourrait laisser craindre que l’avocat pourrait, dans le cadre du recouvrement de ses honoraires, dévoiler des informations qui seraient de nature à porter préjudice à ses intérêts. Il ne rend pas vraisemblable l’existence d’un tel risque et, en particulier, n’évoque ni la nature de ces informations ni la nécessité de les dévoiler dans le cadre du recouvrement d’honoraires, étant rappelé que la levée ordonnée par la commission est circonscrite aux éléments strictement nécessaires à l’établissement des prétentions en paiement de frais et d’honoraires de l’avocat concerné.

Il appert ainsi que l’autorité intimée a dûment apprécié les intérêts des parties en cause à la levée ou non du secret professionnel de l’avocat. Elle a correctement veillé à la limitation de ladite levée, en relevant qu’il appartenait à l’avocat dans le cadre du recouvrement de la créance alléguée de respecter strictement les principes de la proportionnalité et de subsidiarité en ne révélant que les informations nécessaires à la démonstration du bien fondé de ses prétentions et de préserver la confidentialité des faits qui n’étaient pas en relation directe avec la cause. Elle a également précisé que l’avocat ne devait pas révéler l’existence d’éléments patrimoniaux dont il n’avait eu connaissance que dans l’exercice de son mandat.

Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, l'autorité intimée était fondée à retenir que, dans la balance des intérêts en présence, l'intérêt de l’avocat à la levée de son secret professionnel aux fins d'agir en recouvrement de ses honoraires était nettement prépondérant.

Le grief tiré de la violation des art. 13 al. 1 LLCA et 12 LPAv sera par conséquent écarté.

6) Le recourant fait également valoir que l’avocat n’avait pas besoin de la levée du secret professionnel pour recouvrer ses créances, la reconnaissance de dette ainsi que les trois factures d’honoraires n’étant pas soumises au secret dès lors qu’elles avaient été produites devant la commission.

a. En matière de secret professionnel, l’existence même du mandat que le client a confié à son avocat et, par la même, le nom du client est un fait couvert par le secret (arrêts du Tribunal fédéral 2C_101/2019 du 18 février 2019 consid. 4.1 ; 2C_8/2019 du 1er février 2019 consid. 2.1 ; 2C_439/2017 du 16 mai 2018 consid. 3.2 ; 2C_704/2016 du 6 janvier 2017 consid. 3.1).

b. Ainsi, contrairement à ce que soutient le recourant, la reconnaissance de dette ainsi que les factures d’honoraires, en tant qu’elles révèlent l’existence d’une relation de mandat entre l’avocat et le recourant, sont couvertes par le secret professionnel. Dans la mesure où le recourant s’est opposé à la levée du secret professionnel, c’est à juste titre que l’avocat s’est adressé à la commission pour l’obtenir. En effet, conformément à la jurisprudence, l’avocat a l’obligation de demander, au préalable, la levée de son secret professionnel en vue du recouvrement de ses honoraires, au risque de se voir infliger une condamnation pénale (arrêt du Tribunal fédéral 6B_545/2016 du 6 février 2017). Le fait que, dans le cadre de cette demande, l’avocat ait produit ces pièces devant la commission, afin de démontrer son intérêt à la levée du secret professionnel, n’est pas critiquable. C’est le lieu de préciser que la commission est elle-même soumise au secret professionnel.

7) Le recourant invoque un établissement des faits et une appréciation des preuves arbitraires, au motif que la commission n’aurait pas tenu compte de tous les faits et éléments de preuves produits dans son écriture du 4 mai 2022.

a. Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst., lorsqu’elle est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable (ATF 141 I 70 consid. 2.2 ; 141 I 49 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_68/2016 du 2 juin 2017 consid. 5.1). De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4 ; 140 I 201 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_199/2015 du 31 mai 2016 consid. 6.1).

b. S'agissant de l'appréciation des preuves et des constatations de fait, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3 ; ATA/332/2022 précité consid. 4b).

c. Devant la chambre de céans, le recourant invoque de nombreux faits qui n’auraient pas été pris en compte par l’autorité intimée. Il fait valoir en particulier que la commission aurait omis de tenir compte de la reconnaissance de dettes et des trois factures d’honoraires produites par l’avocat. Il perd cependant de vue que la décision entreprise mentionne explicitement la demande de levée du secret professionnel du 4 février 2022, à laquelle étaient annexées lesdites pièces. Au demeurant, quoi qu’il en dise, le fait qu’il ait reconnu sa dette ne change rien au fait que les honoraires réclamés n’ont pas été acquittés, ce qui n’est pas contesté. Pour les mêmes motifs, l’ordonnance de nomination d’office du 11 janvier 2022, selon laquelle il disposerait de moyens suffisants, n’est pas non plus pertinente.

Le recourant ne saurait non plus être suivi lorsqu’il fait valoir que la commission n’aurait pas tenu compte du fait que, dans sa levée de secret professionnel, l’avocat avait délibérément tenté d’induire la commission en erreur, en lui faisant croire que la reconnaissance de dettes ne couvrait pas les honoraires générés après le 28 février 2021. Il ressort en effet clairement dudit document que la reconnaissance de dettes couvrait tant les frais et honoraires jusqu’au 28 février 2021 que les honoraires complémentaires à compter du 1er mars 2021. Cet élément n’est du reste pas pertinent pour l’issue du litige, ce dernier portant sur l’autorisation de la levée du secret en vue du recouvrement des honoraires, et non sur le montant de ceux-ci ou des périodes qu’ils couvrent.

N’est pas non plus déterminant le fait que l’avocat connaissait la situation financière de son client depuis le début de son mandat. Comme il a été exposé
ci-avant, même en tenant compte de ce fait, il ne saurait lui être reproché d’être resté inactif dans le cadre du recouvrement de ses honoraires. L’avocat s’est en particulier fié aux affirmations du recourant qui, bien qu’il se trouvait dans une situation financière compliquée, l’a rassuré à plusieurs reprises, lui promettant le paiement de ses honoraires une fois sa situation financière rétablie. Le fait que les honoraires avaient été réglés par les parents du recourant, et non par ce dernier, n’est pas non plus pertinent puisque, conformément aux développements précités, l’avocat pouvait s’attendre à ce que les paiements continuent. Par ailleurs, et contrairement à ce que prétend le recourant, il ne ressort pas du dossier qu’il aurait demandé à son conseil de « cesser immédiatement toute activité concernant ses procédures en cours sans son accord préalable ». Il résulte uniquement de son courriel du 4 mars 2021 que qu’il a invité son avocat à ne pas analyser une écriture spécifique, produite dans le cadre de l’une des procédures en cours, « le temps que le Tribunal statue sur sa demande d’assistance judiciaire ». Il ressort du reste du courriel de l’avocat du 2 février 2022 que le recourant lui avait « fait croire pendant des mois entiers, de mars à octobre 2021, en lui demandant de continuer à défendre [s]es intérêts dans trois procédures pénales et quatre procédures civiles en cours, le temps de vendre son appartement à Bordeaux ».

Enfin, le fait que la décision entreprise ne mentionne pas que l’avocat ait reproché à son client d’« organiser son insolvabilité » n’a aucune incidence pour l’issue du litige. Outre que cet élément résulte de la demande de l’avocat du 4 février 2022, à laquelle se réfère la décision litigieuse, il sert uniquement à fonder une éventuelle infraction pénale, ce qui est exorbitant au présent litige. Cet élément ne modifie, en tout état, pas le fait, déterminant et incontesté, que les honoraires n’ont pas été réglés.

Pour le reste, le recourant se contente d’invoquer sa propre version des faits, sans toutefois l’étayer, ni démontrer en quoi les éléments invoqués seraient de nature à modifier la décision entreprise.

Le grief tiré de l’arbitraire dans l’établissement des faits et l’appréciation des preuves sera écarté.

La décision de la commission étant conforme au droit, le recours sera rejeté.

8) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, l’intimé comparant en personne et n’exposant pas de frais pour la défense de ses intérêts (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 juillet 2022 par Monsieur A______ contre la décision de la commission du barreau du 13 juin 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à Monsieur B______ ainsi qu'à la commission du barreau.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Michel

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :