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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2240/2023

ATA/294/2025 du 25.03.2025 sur ATA/1154/2023 ( EXPLOI ) , REJETE

Descripteurs : RÉPONSE AU RECOURS;PARTIE À LA PROCÉDURE;DROIT DE PARTIE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;CONSTATATION DES FAITS;AUDITION OU INTERROGATOIRE;TÉMOIN;LOCATION DE SERVICES;LOI FÉDÉRALE SUR LE SERVICE DE L'EMPLOI ET LA LOCATION DE SERVICES;ORDONNANCE SUR LE SERVICE DE L'EMPLOI;PLACEMENT DE PERSONNEL;AUTORISATION D'EXERCER;NATURE JURIDIQUE;LÉGALITÉ;LIBERTÉ ÉCONOMIQUE;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;CHOSE JUGÉE
Normes : LPA.7; LPA.73.al1; LPA.74; LPA.75; Cst.29.al2; LPA.61.al1; LPA.28.al1; LPA.42.al1; LSE.1; LSE.12.al1; OSE.26; OSE.29; OSE.27; Cst.5.al1; Cst.27.al1; Cst.9
Résumé : Confirmation de l’obligation, pour la recourante, de présenter une demande d’autorisation de pratiquer la location de services en lien avec son activé, exercée à Genève, de livraison de nourriture par coursiers par le biais d’une plateforme numérique. Même si l'application numérique constitue un outil de travail mis en place par une autre société, celle-ci dispose, à travers celle-ci, d'un pouvoir de direction sur les livreurs employés par la recourante, au moins partiellement. Le critère d'une intégration des coursiers de la recourante dans l'organisation de la société ayant mis en place ladite application apparaît également réalisé. Enfin, le risque commercial de la prestation des livreurs de la recourante n'est pas supporté exclusivement par elle, mais également par l'autre société. Incompétence de la chambre administrative pour trancher la question de l’assujettissement de la recourante à la LPO, étant précisé que, selon la jurisprudence, la livraison de repas via une plateforme Internet n’y est pas soumise, alors qu’elle l’est à la LSE. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2240/2023-EXPLOI ATA/294/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 mars 2025

 

dans la cause

 

A______ Sàrl recourante
représentée par Me Tano BARTH, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET
DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé



EN FAIT

A. a. A______ Sàrl (ci-après : la société) est une société de droit suisse, inscrite au registre du commerce du canton de Genève (ci-après : RC) depuis le 25 avril 2018, ayant son siège chemin B______, ______ et dont le but social est « le commerce et la livraison de tous produits, notamment alimentaires, ainsi que toutes activités annexes ». C______ en est l’associé gérant avec signature individuelle.

Selon l’organigramme de la société, le précité en est le directeur, D______, la responsable des ressources humaines, E______, le contrôleur de qualité, F______, le formateur et une entreprise externe gérait toute sa planification, y compris l’application PlanDay. La société dispose d’un nombre non précisé de livreurs en charge de la livraison de repas, lesquels sont tous au bénéfice d’un contrat de travail sur appel.

b. Par décision du 1er mai 2020, la commission fédérale de la poste (ci‑après : PostCom) a constaté que la société remplissait les critères de la législation postale, de sorte qu’elle était soumise à la loi sur la Poste du 17 décembre 2010 (LPO ‑ RS 783.0). Un délai lui était imparti pour s’annoncer et entamer la procédure d’enregistrement à ce titre.

c. Le 9 novembre 2020, la société s’est annoncée auprès du service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV) comme « entreprise du secteur alimentaire (autre que cafés/restaurants) ».

d. Le 19 janvier 2023, la PostCom a confirmé à la société qu’elle respectait les conditions de travail usuelles dans la branche en mai 2022.

B. a. Sur demande de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) du 13 février 2023, le « groupe G______ » lui a indiqué, par courrier du 7 mars 2023 que la société avait signé un contrat avec lui et disposait de « 90 profils actifs » sur l’application H______.

b. Le 10 mars 2023, l’OCE a sollicité de la société la fourniture de renseignements et de documents afin de déterminer si son activité, par l’intermédiaire de l’application H______, constituait de la location de services susceptible d’être assujettie à autorisation.

Était joint pour information l’aide-mémoire du Secrétariat d’État à l’économie (ci‑après : SECO) relatif aux dispositions régissant la location de services.

c. Dans sa réponse du 12 avril 2023, la société a contesté faire de la location de service, en détaillant sa position et produisant plusieurs pièces concernant son activité et celle de ses coursiers.

En particulier, elle disposait d’un contrat avec environ 500 restaurants dans le canton de Genève, ainsi que d’un contrat de licence d’exploitation de la plateforme « H______ » et de prestations de services technologiques, conclu avec G______ GmbH (ci-après : G______ CH). La plateforme facilitait non seulement les commandes, mais également la facturation et l’encaissement entre les restaurants et elle-même. Elle avait par ailleurs un contrat avec G______  B.V. (ci-après : G______ B.V.) qui fournissait une licence d’exploitation de l’application H______. Cette dernière mettait en relation la société, divers commerçants et clients passant des commandes de repas et fournissait un service de facturation et d’encaissement. Elle facturait directement aux restaurants ses services de livraison, « H______ » percevant une commission sur ces factures en échange des services fournis par G______ B.V et G______ CH.

Les coursiers recevaient leurs horaires deux semaines à l’avance par le biais de l’application PlanDay. Durant leur horaire, les coursiers devaient se trouver au centre-ville. Grâce à l’application G______ Driver, ils recevaient une notification d’un restaurant pour la livraison d’un plat. Une fois le livreur arrivé au restaurant, il recevait l’adresse à laquelle le repas devait être livré. Après la livraison, le livreur recevait, par le biais de l’application, une notification si le client ayant reçu la livraison lui avait versé un pourboire afin d’en contrôler le versement sur sa fiche de salaire à la fin du mois. Les coursiers étaient rémunérés pour toute la plage horaire, même s’ils n’effectuaient aucune commande. La seule condition était que le livreur soit connecté à l’application G______ Driver et qu’il se trouve au centre-ville. Le salaire comprenait le salaire horaire, les heures de week-end, le bonus, les frais de vélo, les frais de téléphone et de nettoyage de sac, ainsi que les pourboires. La société disposait d’un système de notation des coursiers.

Les livreurs n’étaient pas impliqués dans l’organisation de travail des restaurants. Les vélos appartenaient au livreurs et les sacs de transport à la société (il était de la responsabilité du livreur de le nettoyer). La société supportait le risque entrepreneurial et effectuait la supervision des livreurs durant leurs plages horaires. Elle était également responsable que les sacs soient propres auprès du service d’hygiène. Tous ses employés étaient enregistrés sur un groupe WhatsApp nommé « A______ UE », dans lequel se faisaient toutes les communications de la société.

Il serait contradictoire de l’assujettir à la fois à la LPO et à la loi fédérale sur le service de l’emploi et la location de services du 6 octobre 1989 (LSE - RS 823.11).

 

Étaient notamment joints les documents suivants :

- le contrat de licence d’exploitation de la plateforme H______ et de prestations de services technologiques conclu entre G______ CH et G______ B.V., d’une part, et la société, d’autre part, du 8 mars 2023, selon lequel « G______ octroyait à la société, pour elle-même et ses salariés, pour la durée du contrat, une licence d’exploitation des outils H______, pour l’activité de fourniture de services de livraison en Suisse » (art. 1.1). « "Un coursier" signifiait un salarié de la société qui fournissait des services de livraison ». « La société et G______ SUISSE fixaient d’entente, chaque mois, le montant qui revenait à la société par livraison effectuée. Cette tarification évoluerait selon la livraison concernée et, de mois en mois, selon les conditions du marché. À défaut d’accord, le prix du mois précédent s’appliquait » (art. 2.2). « G______ SUISSE s’engageait à émettre au nom et pour le compte de la société et à destination d’G______ SUISSE, les factures. Les factures seraient générées de manière automatique par le biais de l’application transporteur et incluraient la TVA en cas d’assujettissement » (art. 3.2) ;

- les contrats de travail sur appel entre la société et ses livreurs.

d. Entre le 28 avril et le 8 mai 2023, l’OCE a procédé à l’audition de cinq employés de la société, hors la présence de celle-ci.

Globalement, il en ressortait que leurs horaires étaient fixés avec la société toutes les deux semaines par le biais de l’application PlanDay. Ils devaient se connecter sur l’application H______ aux horaires convenus sur PlanDay. Les livraisons s’effectuaient via l’application H______, laquelle fournissait les informations nécessaires y relatives. En cas de problème, ils disposaient d’un bouton « aide » sur celle-ci. D’autres contactaient directement C______. La société leur fournissait uniquement un sac de livraison. Ils avaient un groupe WhatsApp au nom de la société, sur lequel ils recevaient des informations générales, sur les statistiques ou la météo. Les conditions de travail étaient bonnes.

e. Après rappel de la société du 2 mai 2023 de la nécessité de sa présence lors des auditions dans le cadre de l’instruction la concernant, l’OCE lui a transmis, le 8 mai 2023, les procès-verbaux des auditions précitées, en lui impartissant un délai pour se déterminer.

f. Dans ses observations du 1er juin 2023, la société a relevé la violation de ses droits procéduraux et le ton quelque peu agressif employé par l’OCE dans ses courriers associé à la répétition constante de la soumission de l’activité de location de services à autorisation sous peine de sanctions, faisant peser le soupçon qu’il préjugeait de l’issue du dossier.

Elle payait pour l’utilisation de l’application H______, de sorte qu’elle devait s’assurer que ses coursiers réalisaient un nombre suffisant de courses par heure et qu’ils se connectaient à des endroits stratégiques. Elle rémunérait ses coursiers à l’heure, même lorsqu’ils n’avaient pas de commandes. Elle-même n’était rémunérée qu’à la commande. Elle devait donc veiller à ce que les coursiers ne refusent pas de commandes et que chaque commande soit correctement livrée. Toutes les directives et formations à ce sujet émanaient d’elle. Elle devait également s’assurer que chaque coursier disposait de matériel propre et en bon état, car elle était tenue pour responsable en cas de contrôle par le service d’hygiène. Les sacs de livraison étaient remis aux coursiers contre le paiement d’une caution. Si un livreur rencontrait un problème de connexion, il devait la contacter. En revanche, s’il avait validé une course par erreur, il devait contacter G______. Elle disposait également d’un responsable qualité, chargé d’appeler chaque semaine les coursiers n’effectuant pas suffisamment de livraisons par heure afin d’évaluer les problèmes qu’ils avaient rencontrés et de les aider à améliorer le nombre de livraisons par heure. Les bons coursiers étaient rarement en contact avec la société. Elle avait négocié avec G______ un tarif par course dont les coursiers ignoraient le montant puisqu’ils étaient rémunérés par elle. La société avait trois groupes WhatsApp pour échanger avec les coursiers.

Le livreur devait accepter toutes les commandes. En cas de refus, il devait le justifier. La société pouvait contacter le livreur si elle constatait qu’il était parti dans la mauvaise direction ou qu’il était resté trop longtemps immobile avec sa commande. L’application H______ permettait au client de contacter le livreur. Ce dernier pouvait voir le montant des pourboires qu’il avait reçus grâce à l’application. Ceux-ci lui étaient intégralement reversés. Certaines plages horaires étaient plus prisées que d’autres, mais l’organisation était faite de telle sorte qu’un livreur puisse effectuer au moins quatre heures de courses par semaine et son temps de travail par semaine ne variait jamais de plus de 20%.

Était joint le contrat de travail de E______, engagé en qualité de statisticien et de contrôleur qualité à 25% à partir du 1er janvier 2023.

g. Par décision du 9 juin 2023, l’OCE a imparti à la société un délai au 10 juillet 2023 pour lui transmettre son dossier complet aux fins d’obtenir une autorisation de pratiquer l’activité de location de services.

Au vu notamment de la jurisprudence du Tribunal fédéral concluant à l’existence d’une relation de travail entre G______ et les livreurs utilisant cette application, il fallait procéder à une analyse de l’activité de la société. Après instruction du dossier, notamment l’audition de certains de ses livreurs et la réception des déterminations de l’intéressée, il apparaissait qu’elle louait les services de ses livreurs à G______ et était ainsi entreprise bailleresse de services. Elle devait en conséquence être au bénéfice d’une autorisation de pratiquer l’activité de location de services.

Passé le délai fixé, sans dossier complet, il rendrait une décision qui pourrait être assortie du retrait de l’effet suspensif.

Suivaient la liste de différentes annexes jointes au courrier, des précisions sur la location de services, ainsi que le formulaire de demande d’autorisation.

C. a. Par acte du 3 juillet 2023, la société a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant, principalement, à son annulation et au constat qu’elle n’était pas assujettie à la LSE dans le cadre de son activité de livraison de repas. Préalablement, les auditions de F______ et C______ étaient requises.

Le recours avait ex lege effet suspensif. La recourante déplorait l’attitude de l’OCE, laquelle démontrait un grave préjugé et un parti pris : l’office avait répété dans chacun de ses courriers que l’activité de location de services serait soumise à son autorisation ; il avait montré une agressivité dès le début, utilisant le terme « exceptionnellement » à chaque fois qu’il accordait une prolongation de délai ; il avait auditionné les livreurs alors qu’il n’était pas une autorité autorisée à y procéder, de surcroît hors la présence du conseil de la société, sans même l’en informer ; il avait posé des questions orientées auxdits livreurs dans le but d’essayer de démontrer que la société serait soumise à la LSE et avait rendu une décision sans la qualifier comme telle.

Elle faisait valoir cinq griefs, soit :

- une violation de son droit d’être entendue : la décision attaquée ne comprenait aucune motivation sur les raisons conduisant l’OCE à la considérer comme bailleresse de services pour G______ et ne se prononçait pas sur ses propres arguments ;

- une constatation inexacte des faits pertinents : sur la base de faits erronés, instruits de manière biaisée, en violation du droit et sans auditionner les personnes connaissant les faits, l’OCE avait considéré qu’elle pratiquait la location de services, alors qu’elle était assujettie à la LPO, avait des salariés, les gérait et les instruisait ;

- une violation de la LSE et de la liberté économique, étant donné qu’elle n’était pas soumise à la LSE : les livreurs n’étaient pas impliqués dans l’organisation de travail d’G______. Elle déterminait les horaires durant lesquels les livreurs devaient être actifs. Les vélos et les sacs de transport, sous réserve de ceux appartenant aux livreurs, lui appartenaient, et non pas à G______. Elle était responsable auprès du service d’hygiène que les sacs de transport soient bien propres, raison pour laquelle elle rémunérait les livreurs à cette fin. Elle émettait des directives de formation à l’égard des livreurs. Elle supportait le risque entrepreneurial : elle devrait supporter la perte engendrée en cas de maladie ou d’accident d’un coursier ou si un coursier n’effectuait pas suffisamment de courses par heure pour couvrir son salaire. Elle effectuait également la supervision des livreurs durant leurs horaires. G______ n’était contactée qu’en cas de problème intrinsèque lié à l’application G______ Drivers. Elle disposait d’un responsable de qualité chargé d’appeler chaque semaine un coursier n’effectuant pas assez de livraisons par heure aux fins d’évaluation et d’amélioration du nombre de livraisons par heure. Tous ses employés étaient enregistrés sur trois groupes WhatsApp concernant les ressources humaines et les statistiques hebdomadaires mensuelles des coursiers, les problèmes liés aux commandes, ainsi que pour toutes les communications générales destinées aux coursiers ou leur permettre d’échanger leurs horaires. Les seuls contacts que les livreurs avaient avec G______ étaient lorsqu’ils appelaient sur le bouton d’assistance de l’application G______ Drivers. L’élément caractéristique du contrat de location de services (le transfert du pouvoir de direction sur l’employé) faisait défaut. L’utilité de l’application G______ Drivers dans la gestion de ses tâches ne pouvait conduire à retenir qu’G______ – dont on ignorait quelle entité en particulier – serait l’employeuse de ses livreurs ;

- une violation du principe de la bonne foi : dès lors que PostCom avait rendu une décision en force selon laquelle elle était assujettie à la LPO, l’OCE ne pouvait la contredire en essayant de l’assujettir à la LSE ;

- une violation du principe de l’autorité de la chose jugée : PostCom avait déjà constaté par une décision entrée en force qu’elle était assujettie à la LPO et les conditions pour une révision de cette décision n’étaient pas remplies.

À l’appui de ses écritures, elle produisait notamment :

- des captures d’écran de l’application PlanDay ;

- sa charte de bonne conduite à l’attention de ses livreurs, prévoyant notamment que « le livreur a l’obligation de respecter le temps de travail et il doit commencer son shift à l’heure et dans la bonne zone. À la fin de son créneau horaire, le livreur doit se déconnecter de G______ Drivers, sauf s’il a des commandes en cours ou qu’il en reçoit une nouvelle. De plus, il n’est pas autorisé à rester connecté sur G______ Drivers après, sauf s’il a des commandes en cours » (art. 5) et qu’ « au début de chaque tranche horaire, le livreur a l’obligation d’activer la pointeuse sur l’application PlanDay. À la fin de la tranche horaire, la pointeuse sera désactivée sauf si le livreur dispose de plusieurs tranches horaires consécutives, auquel cas la pointeuse devra être désactivée à la fin de la dernière plage horaire » (art. 8) ;

- copie d’un répertoire des salariés de la société à contacter en cas de problème ;

- un contrat de travail sur appel d’un livreur et une attestation de caution pour le sac isotherme mis à disposition ;

- des captures d’écran des groupes WhatsApp « Info importante A______ », « commandes annulées » et « A______ chat coursiers » du mois de juin 2023, ainsi que de quatre messages de livreurs à C______ concernant un problème de connexion ou en l’absence de réponse d’un client.

b. L’OCE a conclu à l’irrecevabilité du recours faute de décision attaquable, subsidiairement au rejet de celui‑ci.

Si le recours devait néanmoins être considéré comme étant recevable, il sollicitait un délai pour se déterminer sur le fond.

c. La recourante a répliqué en confirmant la recevabilité de son recours.

Faute pour l’intimé d’être atteint dans son autonomie, il ne pouvait pas prétendre à un droit à la duplique, son rôle étant simplement de fournir des observations. Il fallait donc retenir que l’intimé s’était contenté de fournir des observations sur la recevabilité en renonçant à fournir des observations sur le fond. Conformément au principe de l’égalité des armes et de l’égalité de traitement, l’intimé ne pouvait se voir conférer un droit de dupliquer conditionnel à la prise de décision de la chambre administrative d’une entrée en matière sur le recours.

Si l’intimé devait néanmoins se voir conférer un droit de dupliquer en étant traité comme une partie à la procédure, l’argumentation ne pourrait servir qu’à répondre aux arguments de la réplique, toute autre argumentation ne pouvant qu’être déclarée irrecevable.

d. Par arrêt du 20 octobre 2023, la chambre administrative a déclaré le recours irrecevable, en l’absence d’une décision (ATA/1154/2023).

e. Le 21 février 2024, le Tribunal fédéral a annulé l’arrêt de la chambre administrative précité et lui a renvoyé la cause pour qu’elle entre en matière sur le fond du litige (arrêt 2C_603/2023).

En instaurant un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l’intimé et la recourante, et revêtant matériellement un caractère décisionnel, le courrier du 9 juin 2023 excédait le simple renseignement donné par le biais d’un courrier-type, de sorte que la recourante devait pouvoir recourir contre cet acte. Le fait que la recourante puisse recourir contre la décision ultérieure d’autoriser de pratiquer la location de services ne pouvait la priver de la possibilité de contester l’acte du 9 juin 2023, qui lui imposait de remplir des obligations dont elle contestait le bien-fondé et dont la violation pouvait, de par la loi, faire l’objet de sanctions pénales. Si la recourante donnait suite aux injonctions de l’intimé en demandant l’octroi d’une autorisation de pratiquer la location de services, et qu’elle se voyait délivrer ladite autorisation, on voyait mal qu’elle puisse recourir ensuite contre cette décision pour contester son assujettissement à la LSE.

f. Par courrier du 5 mars 2024, la recourante a relevé, en se référant aux arrêts précités, que la cause était en état d’être jugée.

g. Par courrier du 8 avril 2024, la recourante a rappelé que, selon elle, l’intimé ne disposait d’aucun droit à formuler des observations complémentaires, dans la mesure où il avait déjà eu la possibilité de se prononcer sur le recours.

h. L’intimé a conclu au rejet du recours, en sollicitant l’audition de cinq restaurateurs travaillant avec la société.

Il convenait de prendre en considération les éléments suivants : le contrat du 8 mars 2023 ; la situation de fait ressortant réellement de la pratique quotidienne de l’activité des coursiers de la société œuvrant avec l’application H______ (sur la base des déclarations des cinq coursiers auditionnés en avril et mai 2023) ; le renvoi du contrat du 8 mars 2023 à la déclaration de confidentialité d’G______, renvoyant elle‑même à la charte de la communauté d’G______ valable pour l’Europe ; le fait que l’application G______ contrôlait factuellement l’activité des coursiers de la société et leur attribuait les tâches qu’ils devaient effectuer en détaillant la manière pour ce faire. Selon les critères légaux repris par le SECO et la doctrine, il existait une situation de location de services notamment dans les cas suivants :

- l’existence d’un rapport de subordination entre le travailleur et l’entreprise locataire de services avec pouvoir de direction (pendant toutes leurs heures d’activité, soit lorsqu’ils étaient connectés à l’application H______, ce qui était une des deux conditions pour qu’ils soient rémunérés selon la société, les coursiers de cette dernière étaient exclusivement dépendants du travail à effectuer transmis par cette plateforme. G______ ne se limitait pas à rappeler aux coursiers uniquement des exigences légales, mais leur donnait une multitude d’instructions détaillées propres à ses normes de qualité. L’obligation imposée par G______ aux coursiers d’effectuer personnellement toutes les étapes d’une livraison corroborait ce pouvoir de direction. Les coursiers de la société étaient surveillés et dirigés par G______, laquelle contrôlait le temps de livraison et fixait la tarification. À travers son application H______, G______ possédait un vaste pouvoir de direction et de contrôle sur les employés de la société, ceux-ci étant subordonnés aux multiples directives et divers autres ordres précis d’G______) ;

- l’intégration du travailleur dans l’entreprise locataire avec les outils, le matériel et les instructions de l’entreprise de mission (en tant que propriétaire et gérante de la plateforme technologique numérique comprenant entre autres des services d’assistance associés et son application, G______ recourait aux travailleurs de la société pour effectuer les livraisons par l’intermédiaire de son moyen technologique. En fournissant de nombreuses données personnelles à l’application G______, les coursiers de la société étaient dépendants de la plateforme G______ et étaient ainsi intégrés dans l’organisation de travail de cette entité. L’activité des livreurs de la société n’était possible que par l’utilisation de l’application H______. La société n’avait aucun pouvoir sur la plateforme H______. Pour le public, la marque G______ avait un effet inclusif sur les livreurs utilisant l’application, ceux-ci étant ainsi considérés comme des coursiers d’G______ pour les utilisateurs de l’application. Les moyens informatiques mis en place par la société consistaient uniquement en des outils de gestion de ses ressources humaines comme toute société bailleresse de services lui permettant seulement de connaître certaines informations administratives relatives à ses collaborateurs et non pas de diriger leur travail. Le versement des pourboires n’était effectué que quinze jours après celui du salaire afin de permettre à la société de procéder à leur évaluation en recherchant ces informations dans les données d’G______. La société ne fournissait aucun matériel aux livreurs, à l’exception d’un sac si expressément requis par ceux-ci, sous caution. Le contrat de services technologiques conclu entre G______ et la société avait pour but la mise à disposition à la première de personnel pour réaliser des livraisons contre le versement d’un montant en lien avec les livraisons effectuées. En tant que bailleresse de services, la société ne facturait pas un prix fixe convenu à l’avance pour une prestation de travail mais des heures de travail, ce qui démontrait qu’elle pratiquait la location de services. En ouvrant un compte personnel à chacun des livreurs de la société sur l’application dont elle était propriétaire, moyen crucial leur permettant d’effectuer leur travail pour elle, G______ intégrait en son sein les coursiers de la société) ;

- les risques et les responsabilités supportés par le locataire de services (G______ s’engageait juridiquement à fournir la prestation promise à l’égard des restaurateurs et des clients finaux. Il en allait de la notoriété et de la renommée d’G______ à ce que les coursiers effectuent parfaitement leur travail, afin d’augmenter sa présence sur le canton et le nombre d’utilisateurs passant des commandes par sa plateforme. L’application H______ était conçue selon le modèle graphique d’G______, sans mention de la société. G______ supportait le risque commercial telle une société locataire de services, tandis que la société n’assumait que le risque du bon choix du collaborateur en sa qualité de bailleresse de services).

Étaient notamment joints les documents suivants :

- un courrier du SECO du 14 mars 2018 à l’attention de plusieurs autorités cantonales dont l’OCE s’agissant de l’ « examen des entreprises partenaires de G______ concernant la location de services », indiquant notamment « dès que le chauffeur est inscrit dans le système G______ et qu’il réalise des courses dans le cadre de l’organisation d’G______, mais qu’il est engagé par un Fleetpartner de G______, cette activité de travail doit être qualifiée de location de services au sens de la LSE » ;

- la déclaration de confidentialité d’G______ dans sa version au 23 décembre 2022 ;

- la charte de la communauté G______, Europe et Afrique subsaharienne dans sa version du 28 avril 2021.

i. La recourante a répliqué, en persistant dans ses conclusions et précédents développements.

Les déterminations de l’intimé et les pièces produites par celui-ci devaient être écartées, faute d’avoir un lien avec l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_603/2023 précité et une contestation en bloc des allégués n’étant pas admissible.

Il était admis que l’intimé avait procédé à l’audition de cinq de ses livreurs, sans l’en avertir préalablement et hors la présence de son conseil, que l’application H______ requérait parfois un selfie pour pouvoir accéder aux services de l’application, que celle-ci notifiait aux livreurs les demandes de livraisons avec indication des adresses pour effectuer la commande, disposait d’une fonction prise de contact avec le client recevant la commande et lui permettait de laisser un pourboire au livreur, reversé ensuite par elle lors de sa prochaine paie. Les autres allégués étaient contestés : les livreurs avaient besoin d’une autre application pour effectuer les courses, G______ ne déterminait pas le tarif de la livraison et ils recevaient des directives/informations de la part de la société pour effectuer les livraisons. La charte de la communauté G______ dépendait de la législation de chaque pays et comportait des clauses générales. Les livreurs n’avaient jamais eu comme instruction de se conformer à ce document, mais à sa propre charte de bonne conduite.

L’intimé mentionnait l’application G______, alors que celle-ci n’était pas une personne morale, sans indiquer quelle serait l’entité qui louerait les services. Il ne mettait en avant aucune personne physique, au sein de l’une des entités d’G______, qui donnerait des instructions à ses livreurs. Le caractère indispensable de l’application H______ dans l’exercice de l’activité des livreurs ne permettait pas de l’assujettir à la LSE. Si l’intimé considérait qu’G______ souhaitait une bonne image de marque, celle-ci pouvait être conservée grâce à des contrats solides avec les entreprises utilisant l’application et en choisissant parmi celles-ci, celles qui partageaient les mêmes valeurs. L’intimé ne pouvait se fonder sur l’arrêt de la chambre administrative ATA/1306/2023 du 5 décembre 2023, lequel faisait l’objet d’un recours auprès du Tribunal fédéral.

Elle produisait notamment des échanges de messages et de courriels entre C______ et des personnes souhaitant devenir livreurs auprès de la société.

j. Les 29 août et 4 septembre 2024, ont eu lieu des audiences de comparution personnelle des parties et d’enquêtes, au cours desquelles ont été entendues les personnes suivantes :

k.a I______, propriétaire du restaurant J______ Sàrl, travaillait notamment avec H______, la meilleure application selon lui, pour les livraisons depuis deux ou trois ans. Il ne connaissait pas la société et n’avait jamais reçu de l’argent de la part de celle-ci ni travaillé avec elle. Il avait deux tablettes : une pour K______ et une pour H______, sur lesquelles apparaissaient les commandes des deux plateformes. Il ignorait comment le travail des livreurs était organisé auprès d’G______. Si une commande n’était pas retirée, il appelait la hotline G______. Le numéro de téléphone du livreur était disponible sur la tablette. Si le client ne recevait pas sa commande, il lui proposait de contacter directement G______. Pour être agréable aux clients, il lui arrivait de contacter parfois lui-même la hotline, car les clients associaient le nom de la plateforme au restaurant, bien qu’ils soient indépendants. Il pouvait toujours demander s’il ne souhaitait plus avoir un livreur en particulier et envoyer un courriel ou contacter la hotline. Il n’encaissait aucun montant le jour même de la livraison. Le client payait directement sur la plateforme. Son restaurant recevait un décompte en fin de semaine de la part d’G______ qui lui permettait de percevoir l’argent qui lui était dû pour les prestations faites sur la plateforme, compte tenu du chiffre d’affaires et de la commission. Il ignorait avec qui H______ collaborait pour ses livraisons. Il avait parfois vu des livreurs avec des sacs au logo différent de la société avec laquelle il travaillait.

k.b L______, cuisinier, a indiqué notamment travailler avec G______, le nom de la société lui étant inconnu. Lorsqu’un livreur se présentait, il ne regardait que le numéro de commande, lequel figurait sur la tablette correspondant à chaque plateforme. Si un livreur G______ ne récupérait pas la commande ou si un client ne la recevait pas, son fils contactait G______. Si un livreur avait un comportement incorrect, il pouvait s’en plaindre auprès d’G______, mais ne l’avait jamais fait. Quand le client commandait à H______, il devait payer immédiatement sa commande sur la plateforme. H______ encaissait ainsi les montants pour les repas vendus. G______ lui reversait ensuite l’argent.

k.c F______ travaillait déjà avec C______ chez M______, avant qu’ils ne changent d’application et travaillent avec la société. C’était uniquement l’application qui avait changé. Depuis environ huit mois ou un an, il ne travaillait plus pour la société. Au sein de celle-ci, il était en charge de la formation des livreurs pour leur expliquer comment fonctionnaient les applications G______ Drivers et PlanDay. H______ était l’application des clients et G______ Drivers, celle des livreurs. Tous les livreurs étaient intégrés aux trois groupes WhatsApp de la société. C______ et le responsable planning y figuraient également. Le planning était établi par l’application PlanDay. Lorsqu’un client donnait un pourboire via l’application H______, le livreur pouvait le consulter sur l’application G______ Drivers. Un récapitulatif journalier et hebdomadaire étaient établis. Ils étaient payés à la fin du mois et lui-même n’avait jamais constaté d’erreur. Que ce soit pour une clarification de sa fiche de salaire, un problème avec son véhicule ou un changement de planning, il contactait C______ ou le responsable du planning. La seule hypothèse dans laquelle il aurait contacté G______, aurait été en cas d’endommagement de la commande. C’était par l’application G______ Drivers qu’il savait quelle commande aller chercher et où. Tout ce qui concernait la livraison passait par l’application H______. Pour l’obtenir, après avoir signé le contrat de travail, le livreur recevait une invitation de la société pour relier son compte chauffeur à elle-même. Après avoir téléchargé l’application G______ Drivers, le livreur créait un compte en mettant ses coordonnées personnelles et sa photographie de profil. L’application G______ Drivers connaissait leurs positions géographiques, puisqu’elle leur distribuait les commandes et leur donnait une estimation du temps pour les récupérer. Chez le restaurateur, le livreur annonçait le numéro de commande qui lui permettait de la récupérer. Il n’avait jamais rencontré de personne travaillant chez G______. Il était très content de son emploi auprès de la société.

k.d N______, restauratrice, propriétaire du O______, travaillait avec plusieurs plateformes, en particulier celle d’G______. La commande était adressée par la tablette de la plateforme concernée. Il lui était arrivé deux à trois fois par année, lorsqu’il pleuvait très fort ou qu’il neigeait, qu’G______ la contacte pour l’informer de l’indisponibilité de livreurs et remboursait la commande au client. G______ transmettait systématiquement le nom et le prénom du livreur, avec une photographie de celui-ci dans la moitié des cas. Il ne lui était jamais arrivé de devoir se plaindre d’un livreur. Si tel devait être le cas, elle le ferait via la centrale d’G______. Le client payait sa commande à G______. Une semaine plus tard, elle recevait la liste de ses commandes, dont le montant lui était versé par G______, sous déduction d’un pourcentage pour le service de livraison. Elle était payée directement par G______. Elle ignorait avec quelle société G______ travaillait pour la livraison. Elle-même se demandait uniquement pour laquelle des trois plateformes le livreur venait.

k.  

l. Dans leurs observations après enquêtes, les parties ont maintenu leurs positions respectives.

Selon la société, les auditions des divers restaurateurs avaient montré qu’ils ne savaient pas quelle société de transport allait récupérer le repas pour le livrer chez le consommateur final. Toutefois, l’audition de F______ démontrait qu’il était conscient d’être engagé par elle, était satisfait de ses conditions de travail et se référait à elle en cas de problème. Il n’y avait donc pas de situation de LSE ni d’intérêt public à l’assujettir à la LSE, ce qui causerait vraisemblablement sa liquidation, voire sa faillite. Les auditions effectuées démontraient ainsi qu’elle n’était pas bailleresse de services, mais une entreprise postale effectuant de la livraison de repas depuis un restaurant auprès de clients, par le biais d’une plateforme.

Pour l’intimé, chacun des restaurateurs auditionnés avait indiqué ne pas connaître la société. Les enquêtes avaient permis de confirmer le fonctionnement de l’application H______. La question du GPS utilisé par les livreurs n’était pas décisive dans la mesure où seul comptait le fait que la commande ait bien été prise en charge et livrée dans les temps. Pour les restaurateurs auditionnés, les livreurs étaient les employés d’G______. Leurs déclarations montraient que c’était toujours G______ qui recevait tout signalement ou réclamation à l’encontre des livreurs. Par l’intermédiaire du système de notation, G______ savait directement si les livreurs œuvraient de manière satisfaisante ou pas, contrairement à la recourante. Les livreurs devaient également informer G______ s’ils faisaient face à un problème.

L’intimé a renoncé à l’audition des deux témoins qui ne se sont pas présentés, tandis que la recourante disposait d’un délai pour indiquer si elle maintenait sa demande d’audition de C______. Elle a confirmé y renoncer par courrier du 4 septembre 2024 et n’en a plus fait mention dans ses écritures du 4 octobre 2024.

m. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

n. Par courrier du 27 janvier 2025, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a informé la chambre de céans que, lors de sa séance du 18 décembre 2024, le Conseil d’État avait décidé de lui transférer les responsabilités de l’OCE en matière de placement privé et de location de services. Ainsi, la présente procédure relevait désormais de sa compétence.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente contre une décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_603/2023), le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 38 al. 1, 2 let. a et 3 LSE).

2.             Les parties ont sollicité des mesures d’instruction, à savoir l’audition de témoins et leur comparution personnelle, auxquelles il a été donné suite. Ce point est dès lors sans objet à ce stade.

3.             Concernant le déroulement de la procédure par-devant la chambre de céans, la recourante conteste la validité des écritures responsives de l’intimé sur le fond du litige, puisque, selon elle, celui-ci s’était contenté de formuler des observations initiales uniquement sur la recevabilité du recours.

3.1 Ont qualité de partie les personnes dont les droits ou les obligations pourraient être touchés par la décision à prendre, ainsi que les autres personnes, organisations ou autorités qui disposent d'un moyen de droit contre cette décision (art. 7 LPA).

3.2 L’autorité qui a pris la décision attaquée et toutes les parties ayant participé à la procédure de première instance sont invitées à se prononcer sur le recours (art. 73 al. 1 LPA). La juridiction peut autoriser une réplique et une duplique si ces écritures sont estimées nécessaires (art. 74 LPA). Dans ces cas, la juridiction administrative fixe les délais dans lesquels les parties doivent produire leurs écritures (art. 75 LPA).

L'art. 73 LPA n'impose pas d'exigences particulières auxquelles doit satisfaire la réponse au recours. Cette disposition se limite à offrir aux parties ayant participé à la procédure de première instance la possibilité de s'exprimer sur le recours et de faire valoir leurs points de vue (ATA/170/2024 du 6 février 2024 consid. 3.4 ; ATA/1194/2021 du 9 novembre 2021 consid. 2a). En outre, le délai fixé par la juridiction administrative à teneur de l'art. 75 LPA est, au sens technique, un terme, susceptible d'être prolongé (ATA/1662/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3a).

3.3 En l’occurrence, la recourante erre lorsqu’elle considère que, faute d’être atteint dans son autonomie, l’intimé ne pourrait se prononcer valablement qu’en formulant de simples observations. En tant qu’autorité ayant rendu la décision querellée, l’intimé bénéficie bel et bien de la qualité de partie à la présente procédure. Ce statut lui donne ainsi le droit de se déterminer sur le recours dont est objet.

En outre, en se référant à la jurisprudence en matière de procédure civile pour justifier l’irrecevabilité des écritures de l’intimé, la recourante semble également perdre de vue que les règles de la procédure administrative – seule applicable – sont, à l’inverse, généralement peu formalistes.

Par conséquent, dès lors qu’il concluait à l’irrecevabilité du recours, l’intimé pouvait valablement limiter ses premières écritures responsives à ce stade-là, étant précisé qu’il avait également conclu à son rejet, à titre subsidiaire, en se réservant le droit de compléter son recours sur le fond. Ce mode de procéder ne saurait être critiqué dès lors qu’il vise à éviter d’étendre inutilement le litige, dans l’hypothèse où le recours devrait être déclaré irrecevable.

Concernant le rejet des allégués de la recourante, l’intimé a détaillé, dans ses écritures responsives du 8 avril 2024 portant sur le fond du litige, les faits qu’il a pris en considération pour fonder ses propres développements. La recourante a ensuite pu répliquer afin de se déterminer à cet égard en pleine connaissance de cause. En ces circonstances, il ne saurait être reproché à l’intimé de ne pas s’être prononcé sur chacun des allégués de la recourante – mode de faire lourd et inutile en procédure administrative (ATA/1266/2024 du 29 octobre 2024 consid. 2.1 et les références citées), laquelle est généralement peu formaliste –, étant rappelé que ni la LPA, ni le droit supérieur ne lui impose une telle obligation.

Ce grief est infondé.

4.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’autorité intimée prononçant l’assujettissement de la recourante à la LSE dans le cadre de son activité de livraison de repas à domicile.

5.             À titre liminaire, la recourante fait valoir une violation de son droit d’être entendue, la motivation de la décision querellée lui paraissant insuffisante.

5.1 Le droit d'être entendu comprend le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_507/2021 du 13 juin 2022 consid. 3.1). Il n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que, procédant de manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1).

5.2 Le droit d’être entendu implique également pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision. Il suffit toutefois que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. L’autorité n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2). La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 6B_970/2013 du 24 juin 2014 consid. 3.1 et 6B_1193/2013 du 11 février 2014 consid. 1.2). Dès lors que l’on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (arrêt du Tribunal fédéral 4A.25/2007 du 25 mai 2007 consid. 3 ; ATA/1235/2018 du 20 novembre 2018 consid. 6a).

5.3 L’autorité n’a pas à attirer spécialement l’attention des parties sur les faits décisifs qui leur sont connus et qui fonderont la décision, ni sur l’argumentation juridique future de cette décision ou sur son appréciation juridique des faits allégués (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2015, p. 269-270).

5.4 Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle‑ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit qui implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_257/2019 du 12 mai 2020 consid. 2.5 ; ATA/1190/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3b et les références citées).

5.5 En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que l’intimé a retenu que la recourante louait les services de livreurs à G______, de sorte qu’elle devait être considérée comme une entreprise bailleresse de services, soumise à une autorisation de pratiquer l’activité de location de services. L’intimé a justifié sa position en se référant à la jurisprudence du Tribunal fédéral en la matière, ainsi qu’à l’instruction menée, notamment les auditions des cinq livreurs de la recourante et les déterminations subséquentes de celle-ci à ce sujet.

Dans ce contexte, la recourante ne saurait prétendre ne pas avoir été suffisamment informée de motifs retenus par l’intimé à l’appui de sa décision. Les quelque 39 pages de son acte de recours ne permettent pas davantage de considérer qu’elle n’aurait pu se déterminer en toute connaissance de cause.

Cela étant dit, en toute hypothèse, compte tenu de l’étendue du pouvoir d’examen de la chambre de céans, il y a lieu de retenir qu’un éventuel manquement aurait valablement été réparé, d’autant plus que les parties ont largement pu motiver leurs positions respectives au travers des divers échanges d’écritures.

Ce grief sera dès lors écarté.

6.             Dans un second grief, la recourante estime que les faits pertinents ont été constatés de manière inexacte, en raison d’une instruction biaisée, compte tenu de son absence lors de l’audition de certains de ses livreurs.

6.1 Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l'espèce.

6.2 Selon l’art. 28 al. 1 LPA, lorsque les faits ne peuvent être éclaircis autrement, les autorités suivantes peuvent au besoin procéder à l’audition de témoins : le Conseil d’État, les chefs de départements et le chancelier (let. a) ; les autorités administratives qui sont chargées d’instruire des procédures disciplinaires (let. b) ; les juridictions administratives (let. c). L’art. 42 al. 1 LPA prévoit que les parties ont le droit de participer à l’audition des témoins, à la comparution des personnes ordonnées par l’autorité ainsi qu’aux examens auxquels celle-ci procède.

6.3 Dans son arrêt ATA/1151/2020 du 17 novembre 2020, la chambre de céans a retenu que, les chauffeurs entendus par l’OCIRT ne l’ayant pas été par une autorité au sens de l’art. 28 al. 1 LPA, ils ne pouvaient être considérés comme des témoins. Par conséquent, l’OCIRT n’était pas tenu de convier les recourantes à leurs auditions, tandis que les procès-verbaux de celles-ci leur avaient été transmis avant la notification de la décision querellée (consid. 4ba).

Cette approche a été confirmée par le Tribunal fédéral dans son arrêt 2C_34/2021 du 30 mai 2022. Celui-ci a rappelé que la jurisprudence retenait notamment, en procédure fédérale, qu’il n’y avait pas de violation du droit d’être entendu lorsque la partie avait eu la possibilité de prendre connaissance du procès-verbal des auditions et de se déterminer à ce sujet (consid. 4.2.2 et la référence citée).

6.4 In casu, en contestant la validité des auditions menées par l’intimé hors sa présence, le recourante conteste, en réalité, le respect des règles de procédure administrative, plus que la manière dont les faits ont été constatés par l’intimé.

Or, en l’occurrence, il ne saurait être fait application de l’art. 28 al.1 LPA, dès lors que, tel que rappelé dans la jurisprudence susmentionnée, ladite disposition n’est pas applicable aux auditions de livreurs entendus par l’intimé. À cela s’ajoute que les procès-verbaux y relatifs ont ensuite été transmis à la recourante, qui a pu se déterminer à leur propos.

De surcroît, celle-ci a également pu solliciter des mesures d’instruction, dont l’audition de témoins, parmi lesquels l’ancien formateur de ses livreurs, par-devant la chambre de céans. Elle a ainsi pu y assister, poser ses propres questions et elle‑même s’exprimer par l’intermédiaire de ses représentants.

Ce grief sera ainsi également écarté.

7.             Dans un troisième grief, la recourante se prévaut d’une violation de la LSE et de sa liberté économique, contestant son assujettissement à la LSE pour son activité dans le cadre de la livraison de repas.

7.1 À teneur de l’art. 1 LSE, cette loi vise à régir le placement privé de personnel et la location de services (let. a), à assurer un service public de l’emploi qui contribue à créer et à maintenir un marché du travail équilibré (let. b) et à protéger les travailleurs qui recourent au placement privé, au service public de l’emploi ou à la location de services (let. c).

La location de services désigne des relations tripartites entre un employeur (bailleur), une entreprise locataire et un travailleur (ATF 148 II 203 consid. 3.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_132/2018 du 2 novembre 2018 consid. 4.3.2 ; message concernant la révision de la loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services, FF 1985 III 524 p. 533 s.). La location de services implique ainsi deux contrats : d'une part, un contrat de travail au sens des art. 319 ss de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) entre le bailleur de services et le travailleur (art. 19 LSE ; ATF 145 III 63 consid. 2.2.1; 119 V 357 consid. 2a) et, d'autre part, un contrat de location de services entre le bailleur et le locataire de services (art. 22 LSE ; ATF 137 V 114 consid. 4.2.1 ; Romain FÉLIX, Location de services versus autres contrats de prestations : critères de distinction, in Rémy WYLER [éd.], Panorama III en droit du travail, 2017, p. 779 ss, p. 782 ; Fabian LOOSER, Der Personalverleih, thèse 2015, p. 116 n. 350, 118 n. 355). L'existence d'un contrat de travail est ainsi une condition préalable à toute situation de location de services au sens de la LSE.

7.2 La LSE impose des exigences spécifiques aux bailleurs de services. Elle les soumet à un régime d'autorisation obligatoire (art. 12 ss LSE), les astreint à fournir des sûretés (art. 14 LSE) et leur impose une obligation de renseigner (art. 17 LSE). La publication d'offres d'emploi (art. 18 LSE), la forme et le contenu du contrat de travail conclu entre le bailleur de services et le travailleur (art. 19 LSE), ainsi que ceux du contrat de location de services entre le bailleur et l'entreprise locataire (art. 22 LSE) sont en outre réglementés strictement (ATF 148 II 426 consid. 5.2).

7.3 Selon l’art. 12 al. 1 LSE, les employeurs (bailleurs de services) qui font commerce de céder à des tiers (entreprises locataires de services) les services de travailleurs doivent avoir obtenu une autorisation de l’office cantonal du travail (al. 1), soit à Genève l'OCIRT (art. 2 de la loi sur le service de l’emploi et la location de services du 18 septembre 1992 - LSELS - J 2 05 et 1 al. 2 du règlement d’exécution de la loi sur le service de l’emploi et la location de services du 14 décembre 1992 - RSELS - J 2 05.01).

La définition de l’art. 12 al. 1 LSE est large afin d’éviter que la finalité de la loi ne soit détournée, la caractéristique principale de la location de services étant la cession à des fins lucratives, c’est-à-dire régulière et contre rémunération, de travailleurs à d’autres employeurs. Elle implique que la loi est également applicable aux entreprises dont les travailleurs exécutent des travaux pour des tiers qui s’en chargent habituellement eux-mêmes, c’est-à-dire qui sont spécifiques à la branche (FF 1985 III 524, p. 581 ss).

7.4 L’art. 26 de l’ordonnance sur le service de l’emploi et la location de services du 16 janvier 1991 (ordonnance sur le service de l’emploi, OSE - RS 823.111) précise l’activité de location de services. Est réputé bailleur de services celui qui loue les services d’un travailleur à une entreprise locataire en abandonnant à celle-ci l’essentiel de ses pouvoirs de direction à l’égard du travailleur (al. 1). On peut également conclure à une activité de location de services, notamment lorsque le travailleur est impliqué dans l’organisation de travail de l’entreprise locataire sur le plan personnel, organisationnel, matériel et temporel (let. a) ; le travailleur réalise les travaux avec les outils, le matériel ou les appareils de l’entreprise locataire (let. b) ; l’entreprise locataire supporte elle-même le risque en cas de mauvaise exécution du contrat (let. c ; al. 2). Fait commerce de location de services celui qui loue les services de travailleurs à des entreprises locataires de manière régulière et dans l’intention de réaliser un profit ou qui réalise par son activité de location de services un chiffre d’affaires annuel de CHF 100'000.- au moins (art. 29 al. 1 OSE). Exerce régulièrement celui qui conclut avec les entreprises locataires, en l’espace de douze mois, plus de dix contrats de locations de services portant sur l’engagement ininterrompu d’un travailleur individuel ou d’un groupe de travailleurs (art. 29 al. 2 OSE).

7.5 Le pouvoir de donner des instructions ne doit pas être entièrement détenu par le tiers ; pour qu'il y ait location de services, il suffit que le tiers se voie confier des compétences essentielles en matière d'instructions ; le droit de donner des instructions entre l'employeur légal (bailleur de services) et l'entreprise locataire de services est scindé (arrêts du Tribunal fédéral 2C_543/2014 du 26 novembre 2014 consid. 2.1 ; 2C_356/2012 du 11 février 2013 consid. 3.1).

Dans le cadre du contrat de location de services, le bailleur de services ne s'engage donc pas à fournir une prestation de travail déterminée qu'il fait exécuter par des auxiliaires, mais plutôt à choisir soigneusement les travailleurs correspondants et à les remettre à l'entreprise locataire de services contre rémunération, en leur octroyant un pouvoir d'instruction essentiel. La différence essentielle entre la location de services et un contrat de mandat réside dans le fait que, dans le cas du mandat, il n'existe pas de rapport de subordination au sens du droit du travail entre le prestataire de services et le destinataire de la prestation (art. 321d CO) : le mandataire recherche et acquiert ses missions pour lui-même et travaille simultanément pour différents mandants, sans être dépendant d'un seul mandant sur le plan économique ou organisationnel. En revanche, le travailleur détaché dans le cadre d'une location de services est soumis aux directives du tiers ou de l'entreprise locataire de services : il est intégré dans l'organisation de l'entreprise d'un tiers, ce dernier ayant ainsi la possibilité d'employer des personnes comme des salariés, sans conclure avec elles un rapport de travail ; le rapport de travail avec le bailleur de services subsiste (arrêts du Tribunal fédéral 2C_543/2014 précité consid. 2.2 ; 2C_356/2012 précité consid. 3.2).

La distinction entre les contrats de mise à disposition de travailleurs et ceux qui visent l’offre d’une prestation de nature différente à effectuer auprès d’un tiers n’est pas aisée, le nom que les parties donnent au contrat n’étant pas déterminant. En particulier, la distinction doit se faire dans chaque cas d’espèce, en s’appuyant sur le contenu du contrat, la description du poste et la situation du travail concrète dans l’entreprise de mission (arrêts du Tribunal fédéral 4A_500/2018 du 11 avril 2019 consid. 4.1 ; 2C_543/2014 précité consid. 2.4 ; 2C_356/2012 précité consid. 3.5).

7.6 Comme critères auxiliaires pour les questions de délimitation, la jurisprudence s'inspire également des directives et commentaires relatifs à la LSE du SECO (arrêts du Tribunal fédéral 2C_132/2018 précité consid. 4.1 ; 2C_543/2014 précité consid. 2.4 ; 2C_356/2012 précité consid. 3.5).

Celles-ci définissent différents critères, non exhaustifs, permettant de conclure à la fourniture d’une prestation de travail sous la forme de la location de services. Il en va ainsi du rapport de subordination, dans le cadre duquel le pouvoir de direction et de contrôle, caractéristique essentielle de la fourniture d’une prestation de travail, appartient à l’entreprise de mission, notamment s’agissant de la compétence de donner des instructions concernant la manière d’exécuter le travail et le choix des moyens auxiliaires. Cette condition peut déjà être remplie lorsque le bailleur de services et l'entreprise de mission se partagent le pouvoir de direction. Il en va de même de l’intégration du travailleur dans l’entreprise de mission au niveau du personnel, de l’organisation et des horaires : il travaille avec les outils, le matériel, les instruments de l'entreprise de mission, principalement au siège de celle-ci et selon ses horaires. Tel est également le cas de l’obligation d’établir le décompte des heures effectuées, le bailleur de services ne facturant pas un prix fixe convenu d’avance pour la prestation de travail. Par ailleurs, le risque commercial de la prestation de travail est supporté par l’entreprise de mission, le bailleur de services assumant le seul risque du bon choix du travailleur ; il ne garantit pas aucun résultat contractuel (quant à la qualité ou à l'achèvement du produit jusqu'à une date donnée). Si l'objectif n'est pas atteint, il ne fait pas de rabais sur le prix convenu ni ne fournit par exemple des prestations réparatoires gratuites. Finalement, le bailleur de services ne répond pas non plus des dommages que son travailleur est susceptible de causer par négligence ou intentionnellement à l'entreprise de mission ou à des tiers dans le cadre de son activité pour l'entreprise de mission (SECO, Directives et commentaires relatifs à la LSE, 2003, p. 65-66). La durée de la mission et la nature du travail ne jouent aucun rôle dans l’identification du rapport de location de services (SECO, ibid., p. 66).

Dans ce sens, il n’y a pas de contrat de location de services lorsque l’entreprise n’a pas le pouvoir de direction, que le travailleur ne se sert pas des outils, du matériel et des instruments de l’entreprise de mission, que le travailleur ne travaille pas exclusivement au siège selon les horaires de travail de l’entreprise de mission, que le contrat conclu entre l’entrepreneur et l’entreprise de mission n’a pas pour objet primordial la facturation d’heures de travail mais la réalisation d’un objectif clairement défini contre une certaine rémunération, qu’en cas de non-réalisation de cet objectif, l’entrepreneur garantit à l’entreprise de mission des prestations réparatoires gratuites ou des réductions des honoraires (SECO, ibid., p. 66). Le fait que les personnes mises à disposition se qualifient elles-mêmes d’indépendantes ou sont dites telles par le bailleur de services n’est pas déterminant, une activité étant qualifiée d’indépendante sur la base de la manière dont elle est exécutée et non pas de la nature juridique du contrat liant les parties (SECO, ibid., p. 63, p. 67).

7.7 La location de services peut prendre différentes formes.

Selon l’art. 27 OSE, elle comprend le travail temporaire, la mise à disposition de travailleurs à titre principal (travail en régie) et la mise à disposition occasionnelle de travailleurs (al. 1). Il y a travail temporaire lorsque le but et la durée du contrat de travail conclu entre le bailleur de services et le travailleur sont limités à une seule mission dans une entreprise (al. 2). Il y a mise à disposition de travailleurs à titre principal (travail en régie) lorsque le but du contrat de travail conclu entre l’employeur et le travailleur consiste principalement à louer les services du travailleur à des entreprises locataires et que la durée du contrat de travail est en principe indépendante des missions effectuées dans les entreprises locataires (al. 3 let. a et b). Il y a mise à disposition occasionnelle de travailleurs (al. 4) lorsque le but du contrat de travail conclu entre l’employeur et le travailleur consiste à placer le travailleur principalement sous les ordres de l’employeur (let. a), que les services du travailleur ne sont loués qu’exceptionnellement à une entreprise locataire (let. b) et que la durée du contrat de travail est indépendante d’éventuelles missions effectuées dans des entreprises locataires (let. c).

7.8 Selon l'art. 5 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit est la base et la limite de l'activité de l'État. Le principe de la légalité se compose de deux éléments : le principe de la suprématie de la loi et le principe de l'exigence de la base légale. Le premier signifie que l'autorité doit respecter l'ensemble des normes juridiques ainsi que la hiérarchie des normes. Le second implique que l'autorité ne peut agir que si la loi le lui permet ; son action doit avoir un fondement dans une loi (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3e éd., 2012, p. 621s, 624 et 650 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 448, 467 ss et 476 ss).

Le principe de la légalité exige que les autorités n’agissent que dans le cadre fixé par la loi (ATF 147 I 1 consid. 4.3.1). Hormis en droit pénal et fiscal où il a une signification particulière, le principe de la légalité n’est pas un droit constitutionnel du citoyen. Il s’agit d’un principe constitutionnel qui ne peut pas être invoqué en tant que tel, mais seulement en relation avec la violation, notamment, du principe de la séparation des pouvoirs, de l’égalité de traitement, de l’interdiction de l’arbitraire ou la violation d’un droit fondamental spécial (ATF 146 II 56 consid. 6.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2020 du 7 juillet 2022 consid. 7.1).

7.9 Selon l'art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique est garantie. Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). La liberté économique protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 137 I 167 consid. 3.1 ; 135 I 130 consid. 4.2). L’art. 36 Cst. exige que toute restriction d’un droit fondamental soit fondée sur une base légale (al. 1), justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2) et proportionnée au but visé (al. 3).

Les restrictions à la liberté économique peuvent consister en des mesures de police ou d'autres mesures d'intérêt général tendant à procurer du bien-être à l'ensemble ou à une grande partie des citoyens ou à accroître ce bien-être, telles des mesures sociales ou de politique sociale. Ces restrictions ne doivent toutefois pas se fonder sur des motifs de politique économique et intervenir dans la libre concurrence pour favoriser certaines formes d'exploitation en dirigeant l'économie selon un certain plan, à moins qu'elles ne soient prévues par une disposition constitutionnelle spéciale ou fondées sur les droits régaliens des cantons (arrêt du Tribunal fédéral 2A.456/2004 du 23 mai 2005 consid. 4.2).

7.10 Dans une affaire genevoise concernant G______ et H______, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de se statuer sur la question de savoir si la relation entre G______ et les restaurateurs était susceptible de relever de la location de services au sens de la LSE (arrêt du Tribunal fédéral 2C_575/2020 du 30 mai 2022 publié en partie aux ATF 148 II 426).

Après avoir retenu l'existence d'un rapport de subordination propre à la relation de travail entre G______ et ses livreurs, le Tribunal fédéral a considéré que la relation entre G______ et les restaurateurs ne relevait pas de la location de services.

La question de la location de services en lien avec les plateformes numériques de travail peut se poser d'une autre façon. Il peut s'agir en effet de savoir si la société gérant la plateforme peut recourir à des prestataires employés par des entreprises tierces, auquel cas il convient de se demander si elle-même est une locataire de services.

En se référant à cet arrêt, la chambre de céans a répondu par l’affirmative à cette question en retenant que l’ensemble des éléments pris en considération conduisait à retenir que la recourante devait être considérée, au sens des dispositions et de la jurisprudence précitées, comme une bailleresse de service et le groupe G______ comme un locataire de services (ATA/1306/2023 du 5 décembre 2023 consid. 9).

Par arrêt 2C_46/2024 du 5 février 2025, communiqué publiquement le 13 mars 2025, le Tribunal fédéral a rejeté le recours contre l’arrêt précité et confirmé qu’une entreprise de livraison de repas active dans le canton de Genève, dont les livreurs utilisent l’application H______ pour le traitement des commandes, pratique la location de services en faveur d’G______, activité soumise à autorisation.

7.11 En parallèle, dans le domaine du transport de personnes avec chauffeurs via l’application G______, le Tribunal fédéral a, par arrêt 2C_34/2021 précité, rejeté le recours d'G______ B.V. contre l'arrêt de la chambre administrative ATA/1151/2020 du 17 novembre 2020, qui avait confirmé la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) du 29 octobre 2019 la considérant comme une entreprise de transport au sens de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) et lui faisant interdiction de poursuivre son activité jusqu’au rétablissement d’une situation conforme au droit.

Par arrêt ATA/321/2024 du 5 mars 2024, la chambre de céans a confirmé que, dans la cadre de la relation entre G______ B.V. et la société concernée portant sur son activité de transport de personnes avec chauffeur, la seconde devait être considérée comme une bailleresse de service et la première comme une locataire de services. En effet, compte tenu des conditions d’utilisation de l’application d’G______ par les chauffeurs de la recourante, il fallait considérer que les critères de la location de services étaient remplis. Cet arrêt fait l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral.

7.12 En l’espèce, le cas de figure dont il est question s’agissant de la relation entre G______ et la recourante est identique à celui visé par les arrêts ATA/1306/2023 et 2C_46/2024 précités.

7.12.1 Tel que le rappelle à juste titre l’intimé, les critères permettant de retenir la location de services sont principalement les suivants :

- l’existence d’un rapport de subordination entre le travailleur (le livreur) et l’entreprise locataire de services (G______) avec transfert du pouvoir de direction ;

- l’intégration du travailleur dans l’entreprise locataire avec les outils, le matériel et les instructions de l’entreprise de mission (intégration des livreurs dans l’organisation d’G______) ;

- les risques et responsabilités supportés par le locataire de services.

7.12.2 In casu, le fonctionnement de la recourante dans le cadre de son activité de livraison de repas par l’intermédiaire de ses employés coursiers est semblable à celui évoqué dans la cause précitée. Cette circonstance ressortit, principalement au fait que, comme dans l’affaire mentionnée, la recourante utilise l’application H______ dans l’exercice de son activité.

Or, il a été démontré que ladite application, en tant qu’elle soumet les livreurs mis à disposition par les entreprises tierces à des obligations et une surveillance particulières, résultant de ses propres conditions de fonctionnement, exerce sur ceux-ci un pouvoir de direction certain.

En effet, il ressort des auditions des cinq employés de la recourante que ceux-ci s’accordent sur le fait qu’ils devaient se connecter sur l’application H______ aux horaires convenus sur l’application PlanDay. Ils effectuaient les livraisons via la première, laquelle leur fournissait les informations nécessaires y relatives. Si les livreurs pouvaient contacter le directeur de la recourante en cas de problème, ils disposaient également d’un bouton « aide » sur l’application H______. Ainsi, si la mise à disposition des livreurs en faveur d’G______ était organisée selon les plages horaires prévues par la recourante, il n’en demeure pas moins que lorsqu’ils étaient en activité, ils devaient se connecter à l’application H______, laquelle leur donnait toutes les instructions utiles jusqu’au terme de leur période d’activité. Bien que les coursiers étaient inscrits dans les trois groupes WhatsApp de la recourante laquelle leur permettait de planifier leurs horaires de travail par l’intermédiaire de l’application PlanDay, il n’en demeure pas moins que leur activité de livraison restait conditionnée par l’utilisation de l’application H______ jusqu’à la fin de leur horaire de travail.

La recourante a d’ailleurs accepté les conditions d’utilisation de l’application H______ pour les livreurs (création d’un compte, utilisation d’une photographie d’identification, surveillance des trajets et temps de livraison, notation de la part des restaurateurs). L’audition de plusieurs restaurateurs a corroboré le fait que ceux‑ci ignoraient tout de l’existence de la recourante, considérant comme seul interlocuteur G______ à qui ils s’adressaient également en cas de dysfonctionnements ou difficultés.

Il est vrai que les captures d’écran produites par la recourante montrent que nombre de personnes contactaient directement son administrateur afin de postuler pour un emploi de coursier auprès d’elle. Cette circonstance n’est pas contradictoire avec le principe même de la location de services les livreurs demeurant, en tant que tels, des employés de la société bailleresse de services qui les met à disposition de la locataire de services. Sur ce point, le SECO rappelle d’ailleurs que le bailleur de services supporte seul le risque du bon choix du travailleur, soit, en l’occurrence, le risque, pour la recourante, du bon choix du livreur.

En outre, si l’existence de contrats de travail entre la recourante et ses employés n’est pas contestée, il n’en demeure pas moins que, par l’intermédiaire de son contrat de licence d’exploitation de la plateforme H______ et de prestations de services technologiques conclu avec G______ CH et G______ B.V., ces dernières leur imposaient nombre d’obligations que ce soit dans la détermination du tarif de la rémunération basée sur le nombre de courses effectuées ou le respect de la déclaration de confidentialité et de la charte de la communauté G______. La notion même de location de services se caractérise par le fait que le bailleur de services est lié par un contrat de travail avec leur travail et par un contrat de location de services avec le locataire de services. Or, en l’espèce, la recourante indique elle‑même être liée avec la totalité de ses livreurs par un contrat de travail sur appel, tandis que sa relation avec G______ est notamment basée sur le contrat de licence d’exploitation de la plateforme H______ et de prestations de services technologiques du 8 mars 2023, lequel prévoit notamment qu’ « une flotte [de la recourante] sera créée sur la plateforme H______ afin de permettre la gestion par [la société] des coursiers de [sa] flotte » (art. 1.5) et qu’ « en faisant usage de la licence susmentionnée, [la société] autorise H______ Suisse à créer un compte pour chaque coursier et à les inclure dans la flotte [de la société], et à donner ensuite auxdits coursiers l’accès à l’application G______ Coursier afin que lesdits coursiers puissent recevoir des demandes de services de livraison » (art. 1.7). La signature dudit contrat visait donc pour la recourante à mettre à disposition d’G______ une « flotte de coursiers » utilisant l’application H______ pour effectuer leurs livraisons.

L’organisation interne de la recourante, notamment à travers l’intégration de l’ensemble de ses coursiers dans ses trois groupes WhatsApp, en particulier celui relatif à la planification des horaires, ne vient que confirmer la mise à disposition par celle-ci de livreurs à G______ durant des plages horaires définies. Toutefois, une fois le livreur en activité pendant le créneau horaire choisi, celui-ci doit se connecter à l’application H______ dont il reçoit ses instructions de livraison. Quand bien même il peut arriver qu’un livreur confronté à l’absence d’un client ait contacté l’administrateur de la recourante pour savoir que faire, il n’en demeure pas moins que celui-ci doit également le mentionner sur l’application H______ afin d’en informer G______.

7.12.3 S’agissant du second critère, à savoir l’intégration du travailleur dans l’entreprise locataire avec les outils, le matériel et les instructions de l’entreprise de mission, la recourante reconnaît que ses coursiers fonctionnaient avec leurs propres vélos et leurs sacs de transports personnels. Elle leur en mettait un à disposition si besoin. Hormis cet aspect, l’outil principal de l’activité des coursiers de la recourante consistait en l’application H______, sans laquelle le livreur ne pouvait avoir accès aux livraisons à effectuer. De plus, en adhérant aux conditions d’utilisation de l’application H______, les livreurs s’engageaient également à respecter la charte de la communauté G______. Cette dernière réglemente notamment le comportement des coursiers dans le cadre de leur activité de livraison, l’utilisation du compte sur l’application H______, ainsi que des règles de sécurité.

En revanche, la recourante ne disposait d’aucun contrôle sur les livreurs lorsque ceux-ci utilisaient l’application H______. Les pourboires n’étaient d’ailleurs pas comptabilisés directement par la société, mais perçus par G______ qui les rétrocédait aux coursiers. Ce mode de procéder est conforme au contrat de licence d’exploitation de l’application H______ et de prestations de services technologiques du 8 mars 2023, lequel prévoit qu’G______ émet au nom et pour le compte de la société les factures générées de manière automatique par le biais de l’application G______ Driver. Les factures n’étaient pas émises par la recourante elle‑même, mais par G______ sur la base des données recensées par l’intermédiaire de son application H______, plus particulièrement de l’utilisation faite de celle-ci par les livreurs de la recourante.

7.12.4 Le partage du risque commercial entre la recourante supportant le choix de mettre à disposition de bons livreurs et G______ portant la responsabilité de la représentation du service de livraison, n’exclut pas l’existence d’une situation de location de services, ce qui ressort tant des directives et commentaires du SECO que de la jurisprudence susrappelée.

Si la responsabilité de la recourante réside dans le recrutement de livreurs de qualité, il n’en demeure pas moins qu’G______ agit en tant que représentant, de sorte que ce groupe est considéré par les restaurateurs, voire également les clients, comme leur seul interlocuteur. Par conséquent, G______ supporte le risque de représentation en assumant l’image auprès du public du service de livraisons mis en œuvre via l’application H______.

Au vu des éléments qui précèdent, c’est à bon droit que l’intimé a prononcé l’assujettissement de la recourante à la LSE, en considérant que son activité dans le cadre de la livraison de repas était soumise à autorisation au sens de la LSE. Cette approche est conforme à la jurisprudence de la chambre de céans (ATA/1306/2023 précité, laquelle a récemment été confirmée par le Tribunal fédéral dans son arrêt 2C_46/2024 précité consid. 7).

7.12.5 Finalement, la décision attaquée repose sur une base légale claire laquelle fonde la restriction à la liberté économique (art. 2 LSE). De plus, la protection des travailleurs et le maintien d’un marché équilibré constituent des objectifs d’intérêt public qui justifient la limitation de droits fondamentaux, tels que la liberté économique (art. 1 let. c LSE ; art. 8 OSE). La décision litigieuse ne porte enfin pas une atteinte disproportionnée aux intérêts de la recourante, laquelle demeure une entreprise mettant à disposition des coursiers afin d’effectuer de la livraison de repas. Elle pourrait d’ailleurs elle-même développer son activité, sans servir de bailleresse de services, en développant par exemple sa propre plateforme numérique. Compte tenu de ces éléments, la décision attaquée ne porte pas atteinte à l’essence de la liberté économique de la recourante.

7.12.6 Dans un ultime argument, la recourante a excipé du recours pendant dans la cause 2C_46/2024 auprès du Tribunal fédéral pour solliciter un délai dans la notification du présent arrêt. Contrairement au cas de la décision ATA/995/2024 du 21 août 2024 dans lequel les parties, en particulier la recourante, avaient sollicité la suspension de la procédure, la recourante ne l’a pas formellement requise ici. Dite demande est toutefois désormais devenue sans objet compte tenu des considérations qui précèdent.

8.             Finalement, dans deux griefs visant tous deux le respect de l’autorité de chose décidée de la décision de la PostCom assujettissant la recourante à la LPO, cette dernière fait valoir une violation des principes de la bonne foi et de l’autorité de chose décidée.

8.1 Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le justiciable, à certaines conditions, dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration. Un renseignement ou une décision erronés de celle-ci peuvent l'obliger à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 149 V 203 consid. 5.1 ; 146 I 105 consid. 5.1.1 ; 143 V 95 consid. 3.6.2).

8.2 Selon la doctrine, une distinction peut être faite entre autorité de chose décidée, qui se rapporte à la stabilité d’une décision d’une autre administration entrée en force, et autorité de chose jugée, qui se rapporte à celle d’une décision prise sur recours ou par une juridiction saisie d’une action. Dans le premier cas, la question est simplement celle de la modification d’une décision administrative. La révocation partielle ou totale d’une décision exige une pesée de l’intérêt à une application correcte du droit objectif, qui plaiderait par hypothèse pour une modification de la décision, et de l’intérêt à la sauvegarde de la sécurité du droit, qui favorise le maintien de la décision. Dans le second cas, le réexamen approfondi de l’affaire qui a dû être effectué sur recours ou par la juridiction saisie d’une action justifie de reconnaître une plus grande portée à l’autorité de chose jugée : les points tranchés sur recours ou par une juridiction ne pourront être revus, en ce qui concerne les mêmes parties, les mêmes faits et les mêmes motifs, que si des motifs de révision (art. 80 LPA) sont présents. À cet égard, il faut souligner que l’autorité de chose jugée ne se rapporte qu’aux points effectivement tranchés par l’autorité de recours ; il y aura donc lieu de se référer aux motifs de sa décision pour définir la portée de l’autorité de la chose jugée (Thierry TANQUEREL, op. cit, n. 867 à 869).

8.3 Une nouvelle jurisprudence doit s'appliquer immédiatement et aux affaires pendantes au moment où elle est adoptée (ATF 142 V 551 consid. 4.1 ; 135 II 78 consid. 3.2 ; 132 II 153 consid. 5.1 ; 122 I 57 consid. 3c/bb). Pour la sécurité du droit, il ne saurait être question de l’appliquer rétroactivement aux décisions entrées en force (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1066/2013 consid. 3.3).

8.4 Dans son communiqué de presse du 11 janvier 2024 concernant ses arrêts du 3 janvier 2024 dans les causes A-4721/2021 et A-4350/2022, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) a indiqué que la livraison de repas via une plateforme Internet ne constituait pas un service postal. Sur contestation d’G______ B.V. et P______ GmbH de la décision de la PostCom de les soumettre à l’obligation d’annonce en assimilant la livraison de repas à un envoi postal, le TAF a estimé que le législateur n’entendait pas déroger à la Constitution fédérale en soumettant les services express et de courrier à la LPO, de sorte que le transport de colis et de marchandises – dont les repas livrés – n’entrait pas dans le champ d’application de cette loi. La livraison de repas ne pouvait donc être assimilé à un envoi postal. Vu l’absence d’envois postaux, G______ B.V. et P______ GmbH n’étaient pas soumis à l’obligation d’annonce faite aux prestataires de services postaux.

8.5 En l’espèce, il n’appartient pas à la chambre de céans de trancher la question de l’assujettissement de la recourante à la LPO.

Cela étant, tant le TAF que le Tribunal fédéral ont retenu que, d’une part, la livraison de repas via une plateforme Internet n’était pas soumise à la LPO et que, d’autre part, dite activité devait être considérée comme de la location de services et en tant que telle soumise à la LSE.

Par conséquent, la décision de la PostCom du 1er mai 2020, contredisant les éléments qui précèdent, ne saurait être prise en considération afin de contredire l’assujettissement de la recourante à la LSE.

Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

9.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 3'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 juillet 2023 par A______ Sàrl contre la décision de l’office cantonal de l’emploi du 9 juin 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 3'000.- à la charge de A______ Sàrl ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Tano BARTH, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY



Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :