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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1841/2021

ATA/1190/2021 du 09.11.2021 ( MARPU ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1841/2021-MARPU ATA/1190/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 novembre 2021

 

dans la cause

 

A______ SA
représentée par Mes Guillaume Francioli et David Bensimon, avocats

contre

OFFICE CANTONAL DES BÂTIMENTS



EN FAIT

1) Le 23 mars 2021, l’office cantonal des bâtiments du canton de Genève
(ci-après : OCBA) a adjugé à A_______ SA (ci-après : A_______) le lot n° 1_______ portant sur les travaux de béton armé et de maçonnerie dans le cadre de la rénovation et de la surélévation du collège B_______, pour un montant de CHF 3'548'029.85 toutes taxes comprises (ci-après : TTC).

L’offre de A_______ avait été retenue car elle était économiquement la plus avantageuse par rapport aux critères d’adjudication énoncés dans l’appel d’offres.

En vue d’établir le contrat et de régler les détails d’adjudication, A_______ était invitée à faire parvenir au mandataire les attestations de paiement des cotisations sociales et des primes d’assurance responsabilité civile 2021 pour elle et ses sous-traitants.

Était arrivé en deuxième position un consortium formé des entreprises C_______ SA et D_______ SA (ci-après : le consortium), avec une offre de CHF 4'229'829.45 TTC.

2) Le 3 mars 2021, A_______, faisant suite à une demande de clarification de l’OCBA sur les moyens de levage reçue le 1er mars 2021 – qui rappelait que le cahier des charges des moyens de levage / grue prévoyant une flèche de 75 m devait être intégralement respecté et observait que la grue proposée ne répondait pas à cette exigence –, avait confirmé qu’elle installerait une grue qui répondrait au cahier des charges, transmettait les plans d’installation pour les phases nos 1 et 2 ainsi que la fiche technique de la grue de modèle « Liebherr 280 ECH12 litronic » et confirmait qu’elle maintiendrait ses prix unitaires relatifs aux moyens de levage tels que prévus dans son offre.

3) Par courriel du 9 avril 2021, A_______ a indiqué au mandataire de l’OCBA que, dans le cadre de la mise au point des installations de chantier et de sa demande de supprimer la dépose des dallettes, elle proposait de ramener le montant adjugé brut à CHF 3'467'915.95 hors-taxes (ci-après : HT). Elle proposait également d’installer une grue unique en position centrale, avec pour effet de ramener le montant total à CHF 3'446'874.95 HT.

4) Par courriel du 12 avril 2021, le mandataire de l’OCBA a indiqué qu’il envisageait de faire réaliser par une autre entreprise la dépose des dallettes et d’accepter la proposition de grue centrale à la condition que celle-ci n’engendre aucune plus-value autre que celles liées au travail le samedi, sinon le maître de l’ouvrage exigerait de revenir à la solution de base de deux grues, incluse dans l’offre de base.

5) Par courriel du 13 avril 2021, A_______ a rappelé qu’avec son courriel du 3 février 2021, elle avait confirmé l’ensemble de ses prix unitaires ainsi que le montant total de son offre.

La volonté de supprimer une prestation sur laquelle elle comptait ne lui permettait plus de réaliser le chantier dans les conditions qu’elle avait envisagées.

Concernant la grue, la position G1 puis la position G2 nécessitaient des
plus-values, non décrites en soumission, pour les fonctions et les montages et démontages le samedi. Afin de limiter cet impact, elle avait proposé, dans un souci d’optimisation, de monter la grue en position centrale.

Elle confirmait donc sa proposition de monter la grue en position centrale avec une moins-value sur le montant adjugé de CHF 21'041.- bruts HT, y compris la suppression du poste 222.001, soit un montant contractuel de CHF 3'446'875.95 bruts HT.

Si l’OCBA souhaitait maintenir la position de la grue en G1 pour déplacement en G2, elle devrait lui proposer une plus-value sur le montant adjugé de CHF 25'440.- bruts HT, portant le montant contractuel à CHF 3'493'355.95 bruts HT.

Si l’OCBA lui laissait la pose des dallettes, elle devrait ajouter CHF 20'000.- à ces montants.

« Malheureusement suivant toutes autres conditions, [elle ne pourrait] réaliser le chantier dans les conditions envisagées et [elle serait contrainte] de décliner la réalisation de ce chantier, et [lui facturerait] uniquement les prestations déjà effectuées ».

Enfin, au terme de la séance du 9 avril 2021, elle avait prévu de venir installer des clôtures de chantier dès le 16 avril 2021, de sorte qu’elle attendait son accord au plus tard le 14 avril 2021 pour maintenir cette intervention.

6) Par courrier du 15 avril 2021, A_______ a indiqué à l’OCBA avoir pris bonne note de sa correspondance du 13 avril 2021 et souhaiter supprimer du contrat la dépose des dallettes.

Suite aux séances de démarrage des travaux et concernant l’installation du chantier, elle confirmait que des travaux complémentaires étaient nécessaires. Ces surcoûts étaient inhérents aux travaux le samedi, aux doléances des exploitants du site, à la gestion du voisinage, aux travaux non décrits ou non quantifiés dans l’appel d’offres et à la modification du planning et transmis dans celui-ci.

Deux devis étaient joints, proposant des travaux complémentaires de montage des grues en G1 et G2 pour un montant de CHF 199'020.-, respectivement des travaux complémentaires de montage d’une grue en position centrale pour un montant de CHF 152'539.-.

Elle attendait la détermination de l’OCBA et demandait que la solution retenue soit intégrée dans le contrat d’entreprise à établir avant le démarrage des travaux.

7) Le 16 avril 2021, l’OCBA a indiqué à A_______ qu’il maintenait sa décision de lui adjuger les travaux, à l’exclusion de la dépose des dallettes. Il lui transmettrait un contrat le même jour et lui demandait de le lui retourner signé au 20 avril 2021.

Il était tout à fait interdit après adjudication d’intégrer dans le contrat des
plus-values qui auraient dû figurer dans l’offre et avec lesquelles le candidat n’aurait peut-être pas été adjudicataire. Elle avait eu la possibilité, lors de la soumission et dans le cadre des questions le 3 février 2021, de mentionner que des positions ou des articles de la soumission étaient de son point de vue manquants ou erronés. Or, elle ne l’avait pas fait. En déposant son offre, elle avait confirmé que celle-ci était conforme aux exigences du cahier des charges et incluait toutes les prestations justifiées pour l’exécution du marché et son bon déroulement, ce qui comprenait également les mesures à prendre pour respecter les dispositions relatives à la santé et la sécurité.

Son ingénieur avait procédé à l’analyse des demandes de compléments et ses calculs avaient abouti à environ CHF 11'050.-, auxquels il serait éventuellement ajouté un complément pour le travail le samedi – toutes choses à traiter dans le cadre des métrés, des négociations étant en cours avec le département de l’instruction publique, de la jeunesse et des sports (ci-après : DIP) pour réaliser les travaux du samedi durant la semaine.

8) Le 19 avril 2021, A_______ a retourné à l’OCBA le contrat non signé.

Elle ne signerait pas « un contrat dans lequel [était supprimé le poste de la dépose des dallettes], qui faisait partie intégrante de [son] offre ainsi qu’un avenant pour les travaux complémentaires des installations de chantier résultant des séances de démarrage et mise au point [qu’ils] avaient fait, malgré l’absence de contrat ».

9) Le 20 avril 2021, le mandataire de l’OCBA a remis à A_______ le contrat d’entreprise du lot 211.0 « Travaux de béton armé et de maçonnerie » au montant de CHF 3'548'029.95 TTC ainsi que les conditions générales, la priant de lui retourner ces deux documents signés au plus tard le 22 avril 2021. La prestation de dépose des dallettes (position 222.001) était incluse.

10) Le 23 avril 2021, le mandataire de l’OCBA et A_______ ont convenu de déduire la dépose des dallettes (- CHF 19'800.- HT) et la pose de clôtures
(- CHF 7'000.- HT) et d’ajouter un complément pour containers complémentaires des lieux de vie des ouvriers (+ CHF 13'880.- HT). Tout complément éventuel dans l’installation du chantier et des fondations des grues (micropieux, décaissements, protection des chambres existantes et affinement du radier en béton) était inclus dans le forfait. Le solde à déduire du prix était de
– CHF 12'920.- HT.

11) Le 26 avril 2021, l’OCBA a adressé à A_______, pour signature, une nouvelle version du contrat d’entreprise du lot 211.0 « Travaux de béton armé et de maçonnerie » au montant de CHF 3'534'811.00 TTC ainsi que les conditions générales, l’invitant à lui retourner ces documents signés à sa plus proche convenance.

12) Le 6 mai 2021, A_______ a informé le mandataire de l’OCBA que, à la suite de la séance relative aux polluants présents sur le bâtiment du 5 mai 2021 et en vertu de l’art. 365 al. 3 de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) et de l’art. 25 al. 1 et 2 de la norme SIA, elle interviendrait dans les zones polluées de catégorie 1 et 2 uniquement après dépollution, pour des raisons de sécurité et de santé de son personnel. Elle avait pris note de la confidentialité des diagnostics amiante souhaitée par le maître de l’ouvrage, mais ceux-ci devaient également être remis à son contremaître sur place avant le début des travaux et elle sollicitait que lui soit remise la dérogation écrite du service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) et celle de la caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accident (ci-après : SUVA).

13) Le 12 mai 2021, l’OCBA a indiqué à A_______ que, lors de la séance du 5 mai 2021, celle-ci avait reconnu n’avoir pas pris en compte, dans l’établissement de son offre, les conditions générales relatives aux polluants du bâtiment et aux interventions sur ceux-ci, documents qu’elle avait néanmoins signés et qui faisaient partie intégrante de son offre.

Dans son courrier du 6 mai 2021, A_______ interprétait une partie de ses conditions générales concernant les polluants sans tenir compte de l’ensemble du document qui était par ailleurs particulièrement détaillé.

Les locaux de catégorie 1 et 2 correspondaient à des zones dans lesquelles des travaux d’assainissement seraient menés par une entreprise spécialisée en zone confinée complète ou allégée. Au préalable, les interventions qui lui incombaient dans ces locaux consistaient à réaliser des travaux préparatoires de démontage de mobilier et de curage d’installations tels que des faux plafonds, étant précisé que ces travaux ne concernaient que des éléments et des installations pollués. La SUVA avait confirmé qu’il était d’usage de procéder ainsi.

D’autre part, le paragraphe 4.2.1 décrivait de manière détaillée les interventions coordonnées entre les entreprises traditionnelles, telles que A_______, et les entreprises spécialisées pour les travaux ponctuels de pose ou de dépose d’équipements sur des revêtements pollués (amiante ou PCB) et de dépose des encadrements de fenêtres avec joints d’encadrement contenant des PCB (laquelle intervention coordonnée ne concernait que le façadier). Le protocole pour ces interventions était conforme aux exigences de la SUVA.

L’ensemble des interventions prévues sur le collège B_______ était décrit dans les conditions générales et était conforme aux directives en vigueur et aux règles de l’art et elle devait s’y conformer.

Elle pouvait obtenir un exemplaire papier, moyennant la signature de l’annexe S1, de quatre diagnostics et plans amiante, PCB et HAP. Le mandataire de l’OCBA avait procédé à des contrôles et des tests complémentaires ainsi qu’à une compilation de l’ensemble des études existantes, de sorte que tous les types et la localisation des éléments pollués étaient identifiés et répertoriés sur les plans de l’annexe 2 des conditions générales, lesquels faisaient foi.

La SUVA était informée du dossier et aucun procédé d’intervention qui ne réponde strictement aux conditions générales signées ne serait accepté et ce sans aucune plus-value.

Si elle refusait de réaliser les prestations décrites, il ferait appel à une entreprise tierce et les frais induits seraient intégralement déduits de ses demandes d’acomptes et de sa facture finale. Elle serait par ailleurs tenue pour responsable de tout retard engendré.

Un ultime délai au 14 mai 2021 à 17h00 lui était imparti pour retourner le contrat signé.

14) Le 17 mai 2021, l’OCBA a révoqué l’adjudication du 23 mars 2021 à A_______ et adjugé le marché au deuxième candidat, en application de l’art. 48 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007
(RMP - L 6 05.01).

Après de nombreux échanges, il devait constater qu’il ne serait pas possible de conclure avec elle un contrat conforme à l’offre qu’elle avait rendue.

Il se réservait également d’exiger réparation de sa part du dommage causé.

15) Le même jour, l’OCBA a informé le consortium que, n’ayant pu contracter avec l’entreprise adjudicataire, il lui adjugeait le marché pour un montant de CHF 4'229'829.45 conformément à l’offre déposée le 30 novembre 2021, l’invitant à remettre les attestations de paiement des cotisations sociales et des primes d’assurance responsabilité civile 2021.

Le concurrent arrivé initialement en troisième position a été avisé le même jour.

16) Par acte déposé au guichet le 28 mai 2021, A_______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation ainsi qu’à l’annulation de toute décision d’adjudication en faveur d’un autre soumissionnaire et à la confirmation de la décision du 23 mars 2021 lui adjugeant le marché public litigieux. Préalablement, l’effet suspensif devait être accordé au recours et interdiction devait être faite, jusqu’à droit jugé au fond et sous la menace de la peine prévue à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937
(CP - RS 311.0), à l’OCBA de notifier à tout soumissionnaire la décision de révoquer l’adjudication, de procéder à une nouvelle adjudication et de conclure tout contrat avec tout soumissionnaire. M. E______, directeur du gros œuvre, devait être entendu.

Elle s’était vu adjuger le marché le 23 mars 2021. Le 12 mai 2021, elle avait signé le contrat d’entreprise qu’elle avait retourné le 18 mai 2021. Le 19 mai 2021, soit près de deux mois après la décision d’adjudication du marché public litigieux et postérieurement à la signature du contrat d’entreprise, elle avait, contre toute attente, reçu une décision de révocation. Celle-ci n’était d’aucune manière motivée. L’annonce de la décision d’adjuger le marché public au second soumissionnaire alors que la révocation n’était pas encore définitive et exécutoire était par ailleurs prématurée. Elle avait annoncé qu’elle recourait, faisant interdiction à l’OCBA, « jusqu’à droit jugé au fond, sous menace de la peine d’amende prévue à l’art. 292 CP », de notifier la décision litigieuse, de procéder à l’adjudication du marché public et de conclure tout contrat. Elle avait également réservé ses droits vu les dispositions organisationnelles qu’elle avait engagées, pour un total de six cent quarante-six heures, soit encore CHF 104'553.68. Elle avait notamment présenté le chantier, créé des plans, commandé des travaux exécutés, demandé une autorisation pour un obstacle à la navigation aérienne, installé des clôtures, commandé des armatures, des profilés spéciaux et des tuyaux en béton et mobilisé son personnel.

Son droit d’être entendue avait été violé. Elle n’avait été ni interpellée ni entendue avant le prononcé de la décision. Celle-ci ne contenait aucune motivation de la révocation de l’adjudication.

L’art. 42 RMP, par renvoi de l’art. 48 RMP, permettait certes à l’autorité adjudicatrice de révoquer l’autorisation, pour un motif qu’elle continuait d’ignorer, mais ne la dispensait pas de respecter le principe de proportionnalité, la révocation constituant l’une des sanctions les plus sévères. Or, elle avait engagé des dispositions organisationnelles.

La situation ne souffrait pas d’une urgence particulière et il n’était pas nécessaire que le contrat soit conclu immédiatement. Son intérêt à conclure le contrat l’emportait sur l’intérêt de l’OCBA à en conclure un autre immédiatement.

17) Le 28 mai 2021, la chambre administrative a fait défense à l’OCBA, jusqu’à droit jugé sur la requête en restitution de l’effet suspensif, de conclure un nouveau contrat d’exécution de l’offre et de communiquer à tout tiers la révocation de l’adjudication du 23 mars 2021, cette interdiction s’étendant aux éventuels mandataires, qu’il lui incombait d’informer sans délai.

18) Le 4 juin 2021, l’OCBA a conclu au rejet de la requête en restitution de l’effet suspensif et à ce qu’il soit autorisé à conclure le contrat avec le consortium.

Avant l’adjudication, il s’était assuré que A_______ avait correctement chiffré les articles concernant l’installation de la grue et il avait obtenu confirmation que les prix de son offre comportaient bien les prestations décrites dans la soumission.

Or, A_______ avait élevé le 13 avril 2021 des prétentions supplémentaires relatives au montage de la, respectivement des, grues. Il les avait rejetées et avait exigé le retour du contrat pour le 20 avril 2021. Un nouveau délai au 22 avril 2021 pour retourner le contrat signé n’avait pas été respecté.

Le dossier d’appel d’offres contenait un cahier intitulé « Conditions générales relative aux polluants du bâtiment et aux interventions sur des polluants », établi par un bureau spécialisé, qui identifiait et localisait les éléments pollués présents dans le bâtiment et indiquait aux entreprises comment elles devaient intervenir, notamment comment elles devaient collaborer avec l’entreprise spécialisée mandatée pour l’assainissement.

Son mandataire avait organisé le 5 mai 2021 une séance en présence de A_______, du maître de l’ouvrage et du bureau spécialisé, au cours de laquelle le représentant de A_______ avait indiqué ne pas avoir pris en compte, dans le calcul de l’offre, les exigences du concept d’intervention sur les polluants.

Le lendemain, A_______ avait écrit qu’elle refusait d’effectuer des travaux avant l’intervention de dépollution, alors que son offre comportait ces travaux, ce qu’il lui avait rappelé le 12 mai 2021, lui fixant un ultime délai au 14 mai 2021 à 17h00 pour lui retourner le contrat signé.

Le 17 mai 2021, le contrat n’étant toujours pas retourné signé, il avait décidé de révoquer l’adjudication et d’adjuger le marché au soumissionnaire placé en deuxième position.

Les travaux à charge du maçon comportaient des travaux préparatoires, tels que les installations de chantier, les moyens de levage et les protections, indispensables au démarrage du chantier prévu le 28 juin 2021. Le planning de ce chantier particulièrement complexe, consistant à rénover et surélever un bâtiment scolaire en activité, était très serré et ne supportait aucun retard.

L’attitude de la recourante durant les pourparlers pour la conclusion du contrat l’avait conduit à constater que celle-ci ne pouvait aboutir dans des délais permettant le démarrage du chantier dès la fin des examens scolaires. Il était donc en droit de révoquer l’adjudication et la recourante connaissait pertinemment les motifs de cette révocation, puisqu’elle n’avait pas respecté les différents délais qui lui avaient été impartis pour retourner son contrat signé et devait s’attendre à des conséquences. Il disposait d’un large pouvoir d’appréciation dans l’application de l’art. 48 RMP. Le motif de la révocation était l’impossibilité de conclure un contrat avec l’adjudicataire aux conditions de son offre et il était clairement indiqué dans la décision. Aucune autre mesure ne pouvait être prise, vu l’écoulement du temps et les enjeux d’un chantier aussi important.

L’intérêt de l’État, mais également du corps enseignant et des élèves, à ce que le chantier se déroule conformément au planning et à ce que les travaux de dépollution soient effectués pendant les vacances scolaires de l’été 2021, de même que toutes les interventions les plus bruyantes, était prépondérant. Si l’effet suspensif était restitué au recours, aucun travail ne pourrait être effectué durant l’été et le chantier serait reporté d’une année, ce qui porterait également préjudice aux autres entreprises adjudicataires qui avaient pris leurs dispositions pour intervenir dès le 28 juin 2021.

19) Le 21 juin 2021, A_______ a répliqué sur restitution de l’effet suspensif.

Afin d’éviter des plus-values, elle avait proposé une solution économique en montant la grue en position centrale. Lors d’une séance de clarification le 23 avril 2021, elle avait expressément renoncé à réclamer les plus-values dérivant de ses prestations complémentaires liées aux installations de chantier et avait accepté de les inclure dans le prix forfaitaire du contrat d’entreprise.

Lors de la séance du 5 mai 2021, elle s’était conformée à son obligation d’aviser la direction des travaux concernant l’exécution des travaux de désamiantage préalablement à celle des prestations de démontage et ce conformément à la loi.

Rien ne permettait d’exiger d’elle qu’elle exécute ses prestations de démontage préalablement aux travaux de désamiantage comme l’affirmait à tort l’OCBA.

L’OCBA lui reprochait de n’avoir retourné le contrat signé que le 18 mai 2021, et non dans le délai du 14 mai 2021. Or, des séances de préparation de chantier avaient eu lieu et des fournitures avaient été commandées postérieurement à la décision d’adjudication, de sorte que le contrat d’entreprise avait d’ores et déjà été conclu par actes concluants, dans la mesure où les parties s’étaient au préalable mises d’accord sur les éléments essentiels du contrat, soit la désignation des parties, une détermination suffisante de l’ouvrage et le principe de la rémunération forfaitaire pour la réalisation de celui-ci, la loi n’exigeant au demeurant aucune forme particulière pour la conclusion d’un tel contrat.

Aucun motif de révocation n’était réalisé. Elle avait toujours été, et était toujours, en mesure d’exécuter le marché public litigieux aux conditions de son offre.

Les plus-values auxquelles elle avait prétendu correspondaient à des travaux non décrits en soumission, soit le montage et le démontage, le week-end, des micropieux sous la grue en position G1 et la protection des chambres de canalisations. Elle avait en outre renoncé le 23 avril 2021 à ces plus-values.

Elle était en droit d’exiger le maintien dans le contrat de la dépose des dallettes.

Le cahier de soumission prévoyait que l’assainissement de l’ensemble des éléments pollués devrait être réalisé avant la démolition par une entreprise spécialisée. Elle avait mis le doigt sur un point sensible de l’appel d’offres, qui pourrait être évité avec le second soumissionnaire, en toute hypothèse plus flexible sur cette question, en vue de la préservation du calendrier des travaux. La décision violait le principe de proportionnalité et l’interdiction du formalisme excessif. Aucun des motifs invoqués n’était dans un rapport raisonnable avec le but visé par la révocation. Même à considérer que tel eût été le cas, la mesure avait été mise en œuvre de façon très agressive et disproportionnée, dès lors que dans son dernier courrier du 12 mai 2021, l’OCBA n’avait en aucune manière indiqué son intention de révoquer la décision d’adjudication. Il allait de soi qu’avec un tel avertissement, elle aurait pris la peine de reprendre langue avec l’OCBA pour éviter la survenance d’une telle situation.

En toute hypothèse, les travaux préparatoires ne seraient pas achevés d’ici le 28 juin 2021 en raison du dépôt du recours, avec pour corollaire que le chantier ne serait pas lancé à cette date et qu’il appartiendrait à la direction des travaux de replanifier son exécution.

20) Le 24 juin 2021, la présidence de la chambre administrative a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif, compte tenu des chances insuffisantes du recours à première vue et de l’intérêt public prépondérant à l’exécution immédiate du marché, le chantier, visant la mise à disposition d’un établissement scolaire, devant être reporté d’un an si le calendrier n’était pas respecté.

21) Le 7 juillet 2021, l’OCBA a conclu au rejet du recours.

Il avait fait preuve d’une grande tolérance à l’égard de la recourante. Son offre contenait une erreur relative au prix, qu’il avait accepté de corriger. La grue offerte ne respectait pas le cahier des charges. La recourante avait émis plusieurs revendications et retardé la conclusion du contrat depuis l’adjudication. Rarement, il avait rencontré autant de difficultés pour la conclusion d’un contrat de marché public.

Il était fondé à confier l’enlèvement des dallettes de béton de la toiture des salles de gymnastique à une entreprise tierce, dès lors que le caractère général de l’ouvrage ne s’en trouvait pas modifié. La recourante avait persisté à refuser de signer le contrat après qu’il avait renoncé à déduire cette prestation.

La recourante avait finalement refusé de réaliser des travaux avant la dépollution, en contradiction avec son offre, qui intégrait un document prévoyant des interventions coordonnées, qu’elle avait signé, confondant les travaux de démolition et de démontage.

C’était à bon droit qu’il avait conclu que les pourparlers ne pourraient aboutir et avait révoqué l’adjudication, disposant d’une grande liberté d’appréciation dans l’application de l’art. 48 RMP.

Les conclusions subsidiaires en indemnisation étaient contestées. La recourante avait mal étudié l’implantation de la grue et prétendait voir indemniser le travail d’un collaborateur à plein temps durant seize semaines. Les matériaux commandés, pour lesquels aucune facture n’était produite, pouvaient être réutilisés.

22) Le 11 août 2021, A_______ a persisté dans ses conclusions.

Ses prétentions étaient fondées, des ouvriers ayant dû installer les clôtures de chantier, préparer le matériel notamment pour le montage de la grue, les techniciens, le chef de chantier et le directeur ayant dû préparer le chantier et formuler les demandes administratives, dans l’urgence.

Elle n’avait à aucun moment mal étudié l’installation de la grue, et c’était en accord avec la direction des travaux qu’elle avait étudié une position centrale pour limiter les coûts.

Elle avait accepté d’exécuter une solution plus économique en renonçant à réclamer les plus-values dérivant des prestations complémentaires et en acceptant de les intégrer dans le prix forfaitaire.

Les acquisitions de matériel étaient documentées par des factures, qu’elle produisait. Le matériel était spécifiquement destiné au chantier et ne pouvait être réutilisé. Elle avait pu faire annuler certaines commandes et réduisait ses prétentions à CHF 85'592.67.

Toutes les heures passées sur le chantier du 5 mars au 18 mai 2021 ainsi que les dépenses étaient suffisamment étayées.

23) Le 12 août 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 15 al. 1 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. f et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01).

2) La recourante a conclu préalablement à l’audition de M. E______, son directeur du gros-œuvre. L’intimé, sans y conclure formellement, évoque l’audition de témoins au sujet du désamiantage.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ;
140 I 285 consid. 6.3.1).

b. En l’espèce, la recourante a pu exposer ses arguments et produire toute pièce pertinente à l’appui de son recours dans ses différentes écritures. La controverse au sujet du désamiantage peut être résolue par référence aux pièces de la soumission. La chambre de céans dispose d’un dossier complet et il ne sera pas donné suite aux demandes d’actes d’instruction.

3) La recourante se plaint de la violation de son droit d’être entendue, faute d’avoir été invitée à se déterminer avant le prononcé de la révocation de l’adjudication. La décision attaquée ne contenait par ailleurs aucune motivation « sous-jacente à la révocation ».

a. Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 133 III 235 consid. 5.3). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 I 195 consid. 2.2). Garanti par l'art. 29 Cst, il comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_656/2016 du 9 février 2017 consid. 3.2 et les références citées).

Le droit d’être entendu comprend également le droit d’obtenir une décision motivée. Il suffit que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. Elle n’a pas l’obligation de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties mais peut se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_404/2019 du 5 décembre 2019 consid. 4.2.1).

b. Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle-ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 61 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Celui-ci implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_257/2019 du 12 mai 2020 consid. 2.5 : ATA/1036/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3 et les références citées).

c. En l’espèce, le RMP ne prévoit pas de procédure particulière en matière de révocation d’une adjudication. Certes, l’intimé aurait pu indiquer les conséquences dont il prévoyait d’assortir une nouvelle inobservation par la recourante des échéances imparties. Cela étant, la recourante ne pouvait ignorer que ses propositions et revendications s’écartaient, comme il sera vu plus loin, de son offre, et que ses refus successifs de signer les contrats ou de les renvoyer signés dans les délais impartis, retardaient leur conclusion et le début des travaux alors même que le chantier devait débuter sans retard. L’ultime délai imparti par l’intimée à la recourante pour retourner le contrat signé ne pouvait être compris, dans les circonstances du cas d’espèce, que comme comportant à tout le moins le risque d’une rupture des relations en cas d’inobservation. Ce même délai pouvait par ailleurs être mis à profit par la recourante pour se déterminer une dernière fois, ce qu’elle n’a pas fait.

Pour les mêmes motifs, la décision attaquée, si elle comporte une motivation relativement sommaire, expose cependant que la conclusion du contrat apparaît impossible après des pourparlers infructueux. Or, la recourante connaissait bien les pourparlers auxquels se référait la motivation, puisqu’elle y avait pris part et ne saurait ainsi soutenir qu’elle ignorait les raisons qui avaient poussé l’intimé à révoquer l’adjudication.

Le droit d’être entendue de la recourante n’a pas été violé.

4) Le recours a pour objet le bien-fondé de la décision du 17 mai 2021 par laquelle l’OCBA a révoqué l’adjudication du 23 mars 2021 à A_______. En cas de constat d’illicéité de la décision attaquée, sont examinées les prétentions de la recourante en indemnisation (art. 3 al. 3 L-AIMP).

5) Le droit des marchés publics a pour but d’assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires et de garantir l’égalité de traitement et l’impartialité de l’adjudication à l’ensemble de ceux-ci (art. 1 al. 3 let. a et b AIMP). En particulier, le principe d’égalité de traitement doit être garanti à tous les candidats et soumissionnaires dans toutes les phases de la procédure (art. 16 al. 1 et 2 RMP ; ATA/165/2011 du 15 mars 2011).

6) Selon l’art. 42 RMP, l’offre est écartée d’office lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non conforme aux exigences ou au cahier des charges (al. 1 let. a), ne répond pas ou plus aux conditions pour être admis à soumissionner (al. 1 let. b), a fourni de faux renseignements (al. 1 let. c), a conclu un accord qui porte atteinte à une concurrence efficace (al. 1 let. d), n'a pas justifié les prix d'une offre anormalement basse (al. 1 let. e), fait l'objet, à la date du dépôt de l'offre ou en cours de procédure, d'une sanction entrée en force prononcée en application de l'art. 13 de la loi fédérale concernant des mesures en matière de lutte contre le travail au noir du 17 juin 2005 (LTN - RS 822.41), d'une sanction entrée en force prononcée en application de l'art. 9, al. 2, let. b, ch. 2, c ou e, de la loi fédérale sur les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés en Suisse et sur les mesures d'accompagnement du 8 octobre 1999 (LDét - RS 823.20), ou d’une mesure exécutoire prononcée en application de l’art. 45, al. 1, let. a ou c, de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05 ; al. 1 let. f). L'autorité adjudicatrice peut également écarter l'offre d'un soumissionnaire qui n'est pas à jour dans le paiement de ses impôts (al. 2 let. a), ne respecte pas les prescriptions concernant la santé et la sécurité au travail (al. 2 let. b), ne remplit pas les garanties de bienfacture, de solvabilité et de correction en affaires (al. 2 let. c), ne respecte pas les obligations légales en matière de protection de l'environnement (al. 2 let. d), a commis des infractions graves dans le cadre de son activité professionnelle (al. 2 let. e) ou ne respecte pas la liberté d'association ou le droit de grève (al. 2 let. f).

7) Le droit des marchés publics est formaliste, ce que la chambre administrative a rappelé à plusieurs reprises (ATA/243/2020 du 3 mars 2020 consid. 4d ; ATA/970/2019 du 4 juin 2019 et les références citées), notamment lorsqu’elle a confirmé des décisions d’exclusion d’offres fondées sur la non-production des attestations requises dans l’appel d’offres au titre de condition de participation à la procédure de soumission (ATA/188/2021 du 23 février 2021 consid. 5 ; ATA/1208/2020 du 1er décembre 2020 consid. 5). L’autorité adjudicatrice doit procéder à l’examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme, qui permet de protéger notamment le principe d’intangibilité des offres remises et le respect du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l’art. 16 al. 2 RMP (ATA/243/2020 précité consid. 4d ; ATA/794/2018 du 7 août 2018 et les références citées ; ATA/1446/2017 du 31 octobre 2017). Le respect de ce formalisme est nécessaire pour concrétiser l’obligation d’assurer l’égalité de traitement entre soumissionnaires dans la phase d’examen de la recevabilité des offres et de leur évaluation. La conformité au droit de cette approche formaliste a été confirmée par le Tribunal fédéral (ATA/102/2010 du 16 février 2010, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.4).

8) Toutefois, l’interdiction du formalisme excessif, tirée de l’art. 29 Cst. interdit d’exclure une offre présentant une informalité de peu de gravité ou affectée d’un vice qui ne compromet pas sérieusement l'objectif visé par la prescription formelle violée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité consid. 6.1 ; 2D_50/2009 du 25 février 2010 consid. 2.4). Ainsi, des erreurs évidentes de calcul et d’écriture peuvent être rectifiées (art. 39 al. 2 RMP) et des explications peuvent être demandées aux soumissionnaires (art. 40 et 41 RMP). Le principe d’intangibilité des offres remises et le respect du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires impliquent de ne procéder à ce type de questionnement que de manière restrictive. L’autorité adjudicatrice dispose d’un certain pouvoir d’appréciation quant au degré de sévérité dont elle désire faire preuve dans le traitement des offres (ATA/384/2018 du 24 avril 2018 ; ATA/490/2017 du 2 mai 2017). L’interdiction du formalisme excessif ne l’oblige cependant pas à interpeller un soumissionnaire en présence d’une offre défaillante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité consid. 6.5).

Ces principes valent notamment pour la phase d’examen de la recevabilité des soumissions, lors de laquelle l’autorité adjudicatrice examine si les offres présentées remplissent les conditions formelles pour participer à la procédure d’évaluation et il est exclu d’autoriser un soumissionnaire à modifier la présentation de son offre, à y apporter des compléments ou à transmettre de nouveaux documents (ATA/1208/2020 précité consid. 6 ; ATA/588/2018 du 12 juin 2018 consid. 3b).

9) a. Selon l’art. 48 RMP, l'adjudication peut être révoquée, sans indemnisation, pour l'un des motifs énoncés à l'art. 42 RMP. Il peut notamment s’agir de motifs propres à l’adjudicataire, telles les exigences générales de participation à un marché public, relatives au respect des conditions sociales de travail, de paiement des impôts et des cotisations sociales (ATA/232/2016 du 15 mars 2016 consid. 5 ; Étienne POLTIER, Droit des marchés publics, 2014, n. 364 p. 230 ; Martin BEYELER, Der Geltungsanspruch des Vergaberechts, 2012, n. 2738 p. 1501). Il doit s’agir de motifs qui rendent la conclusion d’un contrat avec l’adjudicataire impossible, inexigible ou contraire au droit des marchés publics (ATA/232/2016 précité consid. 5 ; Martin BEYELER, ibid.).

L’art. 48 RMP utilisant une formule potestative concernant l’exercice du droit de révocation, une liberté d’appréciation est reconnue au pouvoir adjudicateur dans la prise d’une telle décision, que celui-ci exerce à la suite d’une pesée des intérêts pour respecter le principe de la proportionnalité (ATA/490/2017 du 2 mai 2017 consid. 5 ; ATA/232/2016 précité consid. 5 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, n. 2.4.3.1 p. 383). Il est admis que d’autres motifs de révocation peuvent être invoqués, par référence notamment aux cas non exhaustifs d’interruption (arrêt du Tribunal fédéral 2C_876/2014 du 4 septembre 2015 consid. 6.2 ; Étienne POLTIER, op. cit., n. 363 p. 230).

Selon l’art. 47 al. 1 RMP, la procédure peut par ailleurs être interrompue pour de justes motifs ou raisons importantes, notamment lorsque l'autorité adjudicatrice a reçu un nombre insuffisant d'offres pour adjuger le marché dans une situation de concurrence efficace (let. a) ; les offres ont été concertées (let. b) ; un abandon ou une modification importante du projet est nécessaire (let. c) ; toutes les offres dépassent le montant du budget prévu ou octroyé pour le marché (let. d).

b. La chambre de céans a admis la révocation d’une adjudication, alors même que l’adjudicataire ne pouvait se voir reprocher aucun manquement, dans un cas où un concurrent mieux-disant avait initialement été écarté à tort pour avoir produit une attestation de paiement des cotisations sociales dont le caractère probant avait finalement été admis. La décision d’exclusion, annulée par l’autorité adjudicatrice, était irrégulière et portait atteinte au principe d’égalité des concurrents, et il se justifiait qu’elle entraîne l’annulation de l’adjudication (ATA/965/2021 du 21 septembre 2021 consid. 10).

Dans un cas portant sur la restitution de l’effet suspensif, le Tribunal administratif du canton de Saint-Gall a jugé compréhensible, au vu des circonstances, que l’autorité n’ait pas été prête à conclure le contrat avec l’adjudicataire, ce qui rendait la révocation prima facie admissible, le recourant n’ayant pas fait valoir que la procédure qui avait conduit à cette situation se révélait rétrospectivement irrégulière. Selon l’autorité, l’adjudicataire n’était pas prêt à adapter le projet aux exigences de la mandante et à améliorer ou retravailler les points critiqués par le jury (arrêts du Tribunal administratif de Saint-Gall B 2018 42 et 44 du 14 février 2018, cités in Marchés public 2020, n. 320
pp. 206-207).

10) En l’espèce, l’OCBA a révoqué l’adjudication au motif que, après de nombreux échanges, il constatait qu’il ne serait pas possible de conclure avec la recourante un contrat conforme à l’offre soumise.

a. Il ressort de la procédure que la recourante a fait valoir, le 13 avril 2021, des coûts supplémentaires de CHF 25'440.- brut liés à l’installation des deux grues, proposant comme alternative l’installation d’une grue centrale, avec une
moins-value de CHF 21'041.- bruts, précisant qu’elle ne pourrait réaliser le chantier dans les conditions envisagées et serait contrainte d’en décliner la réalisation. Apprenant que la pose de dallettes ne lui serait pas confiée, la recourante a soumis le 15 avril 2021 deux devis proposant des travaux complémentaires de montage des grues en G1 et G2 pour un montant de CHF 199'020.-, respectivement des travaux complémentaires de montage d’une grue en position centrale pour un montant de CHF 152'539.-. L’OCBA a objecté que la soumission devait être respectée. L’adjudicataire a invoqué un défaut d’information dans l’appel d’offres. L’OCBA a rappelé que toutes les informations complémentaires avaient pu être demandées lors de la séance de questions du 3 février 2021. Le 16 avril 2021, il a soumis un contrat écrit que la recourante a refusé de signer.

Il résulte de cette séquence que c’est à juste titre que l’OCBA se prévaut de l’irrespect par la recourante de son offre, étant observé qu’entre le 1er et le 3 mars 2021, soit avant l’adjudication, un échange avait déjà eu lieu au sujet du respect des exigences de l’appel d’offres en matière d’installation du dispositif de levage, et que la recourante avait à cette occasion certainement dû prêter une attention accrue à cette prestation et ensuite pris expressément l’engagement de respecter le cahier les charges.

b. Une tentative du mandataire de l’OCBA de soumettre à la signature de la recourante le 20 avril 2021 de nouveaux contrats, comprenant à nouveau la prestation d’enlèvement des dallettes (position 222.001), s’est heurtée à un refus.

Les parties ont alors ajusté certaines prestations, le 23 avril 2021, et le 26 avril 2021, l’OCBA a adressé à la recourante un nouveau contrat tenant compte de cet ajustement.

Le 6 mai 2021, la recourante a indiqué à l’OCBA qu’elle n’accomplirait ses prestations dans certaines zones qu’après désamiantage.

Le 12 mai 2021, l’OCBA a rappelé à la recourante qu’elle avait expressément souscrit à l’échéancier des travaux et lui a fixé un ultime délai au 14 mai 2021 à 17h00 pour retourner le contrat signé, délai qui n’a pas été respecté.

Il résulte de cette séquence que c’est à juste titre que l’OCBA se prévaut du refus de la recourante de conclure le contrat. L’offre soumise par cette dernière (pièce 16 intimé) opère en effet une distinction claire entre éléments à démonter et évacuer par la soumissionnaire, d’une part, et éléments contaminés par l’amiante à déposer et évacuer par des entreprises tierces spécialisées, d’autre part (par ex. : position 411.001 pp. 19-20 ; position 545.06 p. 30, position 561.001 p. 34 ; position 561.002 p. 35). Le protocole d’intervention sur les polluants établi par la société spécialisée Alterego et son annexe recensant les locaux concernés ont par ailleurs également été contresignés par la recourante le 27 novembre 2020. La question du démontage des éléments du bâti pollués ne pouvait dans ces circonstances justifier le refus de l’adjudicataire de retourner le contrat signé. Il n’est ainsi point besoin d’interroger des témoins pour déterminer si, comme le soutient l’intimé, la recourante avait admis lors d’une séance du 5 mai 2021 n’avoir pas pris en compte dans le calcul de son offre les exigences liées à l’intervention sur les polluants.

c. La recourante soutient que le contrat avait en réalité déjà été conclu par actes concluants, puisqu’elle avait commandé des matériaux, ce que l’intimé savait.

Elle ne saurait être suivie. La forme écrite était en effet explicitement exigée par l’intimé, qui a soumis à plusieurs reprises des contrats écrits à la signature de la recourante. Celle-ci a par ailleurs refusé explicitement, à une reprise au moins, de les signer. Le déroulement des pourparlers indique enfin que les parties ne considéraient pas avoir conclu le contrat, la recourante renvoyant d’ailleurs l’exemplaire signé le 18 mai 2021. L’OCBA était ainsi fondé à retenir le 14 mai 2021 dès 17h00 que la recourante avait refusé de conclure le contrat.

Celle-ci fait valoir qu’elle a finalement signé le contrat le 12 mai 2021 et l’a retourné à l’intimé le 18 mai 2021. Cette circonstance – qui suggère qu’elle considérait bien que la forme écrite était requise – ne lui est d’aucun secours, puisque le dernier délai imparti par l’intimé était alors échu, dans un contexte de pourparlers difficiles et de refus successifs de sa part de conclure, et que la révocation avait été prononcée le 17 mai 2021.

d. Il résulte des considérations qui précèdent que l’OCBA était fondé dès le 14 mai 2021 à 17h00 à retenir que le contrat ne pourrait être conclu dans le respect de l’offre et de l’adjudication et à révoquer cette dernière.

e. La recourante se plaint de la violation du principe de proportionnalité, la révocation étant selon elle la sanction la plus sévère.

Elle ne saurait être suivie. La révocation a, en l’espèce, été décidée compte tenu de l’impossibilité de conclure le contrat conformément à l’offre retenue, alors que le chantier devait impérativement s’ouvrir à la date planifiée. On ne voit pas qu’une mesure moins incisive eût été envisageable, étant observé que la loi n’en prévoit pas et que les procédures de marchés publics doivent quoi qu’il en soit observer le principe d’intangibilité des offres.

f. L’art. 48 RMP prévoit que l’adjudication « peut être révoquée, sans indemnisation ». Cette formulation ne laisse pas de place à l’application du principe de proportionnalité s’agissant du principe, et a fortiori de la quotité, de l’indemnisation, étant observé que la conclusion d’un contrat conforme à l’offre s’est avérée impossible du fait de la recourante, qui a négligé de retourner le contrat signé dans l’ultime délai imparti.

Il n’y a ainsi pas lieu d’entrer en matière sur les conclusions de la recourante en paiement au titre de l’indemnisation à hauteur de CHF 85'591.67, telles que réduites dans sa réplique sur le fond.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

11) Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87
al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 mai 2021 par A_______ SA contre la décision de l’office cantonal des bâtiments du 17 mai 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de procédure de CHF 2’000.- à la charge de A_______ SA ;

dit qu’aucune indemnité de procédure n’est allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guillaume Francioli, avocat de la recourante, à l’office cantonal des bâtiments ainsi qu’à la commission de la concurrence COMCO.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :