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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4028/2022

ATA/1376/2024 du 26.11.2024 sur JTAPI/132/2024 ( LCI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4028/2022-LCI ATA/1376/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 novembre 2024

3ème section

 

dans la cause

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

et

A______
B______ SA
C______ Sàrl
D______ SA

représentés par Me François BELLANGER, avocat recourants

contre

E______
F______
G______
H______
I______
J______
représentés par Me Damien TOURNAIRE, avocat intimés

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 février 2024 (JTAPI/132/2024)


EN FAIT

A. a. C______ Sàrl (ci-après : C______), inscrite le 15 novembre 2018 au registre du commerce du canton de Genève (ci-après : RC), a pour but l’achat, la vente, la location, le pilotage, le courtage, la promotion de tous biens immobiliers, ainsi que toutes prestations de conseils et services dans le domaine de l’immobilier, à l’exclusion de toutes les opérations prohibées par la loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger du 16 décembre 1983 (LFAIE - RS 211.412.41).

b. D______ SA (ci-après : D______), inscrite le 12 novembre 2018 au RC genevois, a exactement le même but.

c. Elles sont copropriétaires depuis avril 2023 de la parcelle n° 4'980, feuillet 1__, d’une surface de 284 m2, au __, rue de K______, dans la commune de L______ (ci‑après : la commune). Sur cette parcelle est érigé un garage privé.

d. B______ SA (ci-après : B______), inscrite le 22 décembre 2016 au RC genevois, a pour but le développement et la production hardware et software, la distribution et la concession de licences pour la gestion d’énergie. Elle peut notamment effectuer soit pour son propre compte, soit pour le compte de tiers, toutes opérations financières, commerciales, industrielles et mobilières, en Suisse et à l’étranger, se rattachant directement ou indirectement au but principal.

e. C______, D______ et B______ sont copropriétaires de la parcelle n° 5'438, feuillet 1__ d’une surface de 3'201 m2 de la commune, laquelle présente une forte déclivité en direction du lac et se situe au centre du village, entre la route de M______ (en aval), la rue de K______ (en amont) et la rue N______ (perpendiculaire aux deux voies précitées au sud-est). Une villa individuelle, un garage ainsi que diverses annexes y sont érigés.

f. O______, A______, la commune, P______ Sàrl (ci-après : P______), Q______ SA (ci-après : Q______) sont copropriétaires de la parcelles n° 6'031 de la commune à l’adresse __, route de M______.

g. E______ (ci-après : l’Association) est une association à but non lucratif, fondée en 2004, dont le but social est de veiller à la maîtrise du développement du village de L______, notamment par le suivi des projets de construction importants sur la commune et le suivi du respect des projets de construction d’une architecture en harmonie avec le caractère villageois.

h. F______, G______ et H______, I______ et J______ (ci-après : les voisins) sont respectivement copropriétaires des parcelles nos 6'106, 6'315 et 4'917 aux adresses 12, rue de K______, 2, rue de K______ et 5, rue N______.

i. Les parcelles précitées sont sises en zone 4B protégée.

B. a. Le 27 août 2019, l’office des autorisations de construire, rattaché au département du territoire (ci-après : le département) a accusé réception d’une demande d’autorisation de construire (DD 2______) déposée par A______, C______ et D______ portant sur la « construction de trois immeubles de logements avec bureaux - parking souterrain - sondes géothermiques - abattage d’arbres » sur les parcelles nos 4'980, 5'438 et 6'031.

Le même jour, une demande d’autorisation de démolir (M 3______) relative aux constructions présentes sur la parcelle n° 5'438 (une habitation, un garage, des annexes et une installation SIG) a été déposée auprès du département.

b. Dans le cadre de l’instruction de la demande DD 2______, qui a conduit à plusieurs modifications du projet (cinq versions au final), les préavis suivants ont notamment été délivrés :

-          le 1er octobre 2019, l’office de l’urbanisme (ci-après : OU, à l’époque direction de la planification directrice cantonale et régionale, SPI) a émis un préavis favorable, sans observations ;

-          le 15 octobre 2019, s’exprimant sur la première version du projet, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci‑après : CMNS) a demandé sa modification.

En 2014, dans le cadre d’une consultation, la commune l’avait sollicitée pour préaviser quant aux possibilités de densification de la parcelle concernée. Ce dossier avait fait l’objet d’une longue mise au point, puis le développement de la parcelle avait fait l’objet d’une demande préalable (DP 4______) et d’une demande de démolition (M 5______).

En regard de ce contexte particulièrement sensible, l’examen du nouveau dossier déposé montrait que la densité du projet générait une morphologie inadaptée à l’échelle du tissu environnant et problématique par l’impact de sa volumétrie dans le site. Les objectifs du programme cadraient mal avec les caractéristiques du site. Elle demandait ainsi de développer un projet modifié en tenant compte notamment de diverses remarques. Le projet tel que développé ne respectait pas les lois et règlements en vigueur et sa faisabilité était subordonnée à l’octroi d’une « dérogation 106 LCI ». Elle demandait un projet modifié qui s’inscrive intégralement dans le gabarit légal de construction. Il conviendrait de revoir le projet dans le sens d’une diminution générale du programme et de la volumétrie difficilement compatible avec les caractéristiques du site. Une solution plus respectueuse de la topographie existante devait être étudiée quant à la réalisation du sous-sol. Il convenait de reconsidérer l’accroche du bâtiment avec le terrain naturel, limiter au maximum l’emprise du sous-sol en profondeur, supprimer les espaces extérieurs encaissés, éviter la création de talus inadaptés au périmètre protégé et renoncer à la réalisation de l’ensemble des logements implantés sous le niveau du terrain naturel. En outre, l’ensemble du projet était réglé sur un niveau d’étage unique générant une hauteur de façade sur la route de M______ trop importante (R+3+attique). La forte déclivité de la parcelle devait être prise en considération et le projet adapté au profil du terrain naturel en réalisant le ou les décrochements nécessaires. Afin de réduire l’impact du bâtiment dans la perspective de la route de M______ et assurer le retrait nécessaire à la bonne intégration du projet dans le site, il fallait reculer la façade sur rue, aligner précisément le nu extérieur des balcons dans le prolongement du mur de soutènement formant un socle le long de la parcelle adjacente. L’interstice entre le futur bâtiment et les immeubles existants devait être réalisé par une articulation permettant de régler en hauteur et en profondeur la relation entre les volumes. II convenait donc de diminuer d’un étage la hauteur du volume de l’articulation, afin de supprimer le dépassement entrant en conflit avec la toiture en pente du bâtiment voisin ;

-          Le 11 mai 2020, se prononçant sur la deuxième version du projet, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) a requis sa modification.

Après analyse du dossier, les modifications apportées au projet ne répondaient pas aux directives émises par la CMNS dans son préavis du 15 septembre [recte : octobre] 2019. Le projet demeurait résolument problématique par l’impact de sa volumétrie dans le site protégé et la densité du programme générait une morphologie et un gabarit inadaptés à l’échelle du tissu bâti environnant. Il ne pouvait par conséquent que réitérer les termes du préavis de la CMNS et demander un projet modifié répondant notamment à diverses remarques. En particulier, tel qu’il était développé, le projet ne respectait toujours pas les lois et règlements en vigueur (gabarit théorique du bâtiment non respecté, distance à la limite de parcelle non respectée, vues droites non respectées) et sa faisabilité était subordonnée à l’octroi d’une « dérogation 106 LCI ». Il demandait ainsi un projet modifié s’inscrivant intégralement dans le gabarit légal de construction (pas de dérogation) ;

-          le 19 mai 2020, l’office cantonal de l’environnement, et plus particulièrement le service de géologie, sols et déchets (ci-après : GESDEC), s’est prononcé favorablement, sous conditions et avec souhaits ;

-          le 16 février 2021, la CMNS a requis la modification du projet. Elle avait pris connaissance de la troisième version du projet qui ne répondait que partiellement aux remarques de son premier préavis. Le projet demeurait problématique par l’impact de sa volumétrie dans le site et la densité du programme restait trop dense.

Dès lors, afin de faire évoluer le projet dans une voie positive, elle demandait un projet modifié, précisant d’ores et déjà qu’elle était favorable à l’octroi d’une dérogation selon l’art. 106 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) concernant uniquement les distances entre bâtiments projetés ; le gabarit théorique du bâtiment, les distances aux limites de parcelles et les vues droites devront être respectés (pas de tiers lésés). Le nouveau bâtiment implanté perpendiculairement à la pente n’avait toujours pas été réduit dans sa longueur, comme demandé, mais simplement déplacé vers le haut de la parcelle. Afin d’assurer une bonne intégration dans le site et améliorer la relation des logements avec le domaine public et le tissu ancien présent sur le haut de la parcelle, elle demandait de réduire sensiblement la longueur du bâtiment, de reculer la façade et de rétablir précisément la distance initiale entre le projet et la rue de K______. Elle rappelait que l’intérêt patrimonial de la zone protégée de L______ résidait notamment dans la qualité de la relation que les bâtiments entretiennent avec les rues du village, notamment à travers leur cour ou leur jardinet et relevait que la configuration du projet, induisait toujours une modification importante du profil du terrain naturel. Si le projet modifié tendait à éviter les espaces extérieurs encaissés, elle réitérait sa demande de développer un projet respectueux de la topographie existante et de renoncer à la réalisation de l’ensemble des logements implantés sous le niveau du terrain naturel et de supprimer la création de hauts talus. Concernant la création d’un niveau de parking supplémentaire en sous-sol, elle pourrait admettre cette proposition à titre tout à fait exceptionnel, uniquement si elle contribuait à la réalisation de places de stationnement destinés au public et aux visiteurs de la commune. Par ailleurs il conviendrait de fournir un plan d’aménagement paysager (ci-après : PAP) détaillé, afin de pouvoir se prononcer de manière circonstanciée sur l’ensemble des propositions concernant les aménagements extérieurs : revêtements de sol, cheminements, arborisation, mobilier, éclairage extérieur, etc. Dans la zone 4B protégée, une mise en œuvre de matériaux traditionnels adaptés aux caractéristiques esthétiques des villages genevois était requise. L’ensemble des choix de teintes et de matériaux concernant le bâtiment et les aménagements extérieurs devrait être soumis au SMS pour approbation avant commande ;

-          le 25 février 2021, la commune a préavisé favorablement, appréciant l’attention apportée au rapport avec l’espace public et aux questions énergétiques et de développement durable. Ce préavis faisait suite à un premier préavis favorable du 17 octobre 2019, lequel mentionnait que le projet était conforme, puisque les aménagements extérieurs correspondaient à ses souhaits émis dans le cadre de son plan directeur communal (ci-après : PDCom) ;

-          le 26 juillet 2021, le SMS a émis un préavis favorable, sous conditions. Après analyse des modifications apportées au projet (quatrième version), les solutions adoptées répondaient dans une large mesure aux directives émises par la CMNS le 16 février 2021. « [L]’octroi d’une dérogation selon l’article 106 LCI [avait] fait l’objet d’un avis favorable de la CMNS dans son préavis du 16 février 2021 (pas de tiers lésés ; distance entre bâtiments projetés sans entre liaison hormis socle selon préavis de la DAC [direction des autorisations de construire (ci‑après : DAC)]) » et il n’avait plus d’objection quant au principe de l’intervention sous réserve des conditions, qu’il détaillait, concernant l’exécution ;

-          le 28 janvier 2022, la DAC, qui a émis un préavis pour chacune des versions du projet, s’est prononcée favorablement, sous conditions et avec dérogations de l’art. 106 LCI concernant la distance entre bâtiments et les jours croisés en attique. Elle a relevé que les distances limite de parcelles, vues droites, pente de toiture, vide d’étage étaient respectés. Elle ne s’est pas prononcée sur le respect ou non du gabarit théorique du bâtiment.

Dans son premier préavis du 16 septembre 2019, elle s’était prononcée de manière favorable quant à l’octroi d’une dérogation selon l’art. 106 LCI quant au gabarit théorique du bâtiment, non respecté, et avait requis la production de pièces complémentaires. Dans son second préavis du 21 avril 2020, elle avait noté que le gabarit théorique du bâtiment n’était pas respecté mais n’avait pas préavisé favorablement à une dérogation pour ce motif et avait requis que l’accord du propriétaire de la parcelle n° 6'031 concernant le projet soit produit. Dans son troisième préavis du 12 janvier 2021, elle ne s’était pas prononcée sur le respect ou non du gabarit théorique du bâtiment, préavisant favorablement à une dérogation selon l’art. 106 LCI pour la distance entre bâtiments. Dans son quatrième préavis du 1er juillet 2021, elle ne s’était pas non plus prononcée sur le respect ou non du gabarit théorique du bâtiment, préavisant favorablement à une dérogation selon l’art. 106 LCI concernant la distance entre bâtiments et les jours croisés en attique ;

-          le 22 février 2022, l’office cantonal des transports (ci-après : OCT) a émis un préavis favorable, sous conditions et avec souhaits, rappelant que son préavis était conditionné aux engagements pris par la commune de mettre en œuvre une discussion avec l’office cantonal du génie civil (ci-après : OCGC) et lui-même en faveur du réaménagement de l’espace public cantonal et privé communal le long de la route de M______ à proximité du projet et à la mise à disposition de 36 places de stationnement pour automobiles, actuellement situées en surface, dans le parking souterrain à réaliser. Ce préavis faisait suite à des préavis des 1er mars et 17 août 2021 demandant la modification du projet et des pièces complémentaires.

c. Par décisions du 17 octobre 2022, considérant que l’ensemble des préavis rendus était favorable, avec ou sans réserve au projet, le département a délivré l’autorisation de construire sollicitée ainsi que l’autorisation de démolir liée à cette dernière, lesquelles ont été publiées le même jour dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO).

En son point 5, la décision d’autorisation de construire précisait que les conditions figurant dans les différents préavis recueillis au cours de l’instruction devaient être strictement respectées et faisaient partie de la décision globale.

C. a. Par acte du 16 novembre 2022, l’Association et les voisins ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) à l’encontre de ces deux décisions, concluant à leur annulation, subsidiairement au renvoi de la cause au département pour instruction. Préalablement, un transport sur place devait être ordonné.

Le département avait abusé de son pouvoir d’appréciation en s’écartant sans motif des préavis émis par la CMNS et la DAC. En effet, aucun des préavis rendus par la CMNS n’était favorable au projet. Si elle avait énoncé, dans son préavis du 16 février 2021, qu’elle serait favorable à l’octroi d’une dérogation selon l’art. 106 LCI, celle-ci portait exclusivement sur la distance entre les bâtiments. Or, la DD 2______ accordait explicitement une seconde dérogation concernant les jours croisés en attique. De plus, la CMNS conditionnait la dérogation à de nombreuses modifications du projet au sujet desquelles elle n’avait toutefois plus été consultée, respectivement qui n’avaient pas été réalisées. Ainsi, non seulement la CMNS n’avait pas favorablement préavisé le projet, mais encore elle ne s’était pas prononcée sur la DD 2______ autorisant une version n° 5 du projet. Le préavis du SMS du 26 juillet 2021 n’était à cet égard d’aucun secours, la compétence de la CMNS en la matière ne pouvant être déléguée. Le préavis du SMS était au demeurant basé sur une fausse appréciation des faits, puisqu’il partait du principe que la CMNS avait préavisé favorablement la dérogation selon l’art. 106 LCI.

La commune n’avait pas plus favorablement préavisé la dérogation selon l’art. 106 LCI, ses préavis portant exclusivement sur les aménagements extérieurs, la relation avec l’espace public et le développement durable.

Le département n’avait pas motivé le fondement des dérogations accordées selon l’art. 106 LCI. Or, il était manifeste que les immeubles autorisés ne s’inscrivaient pas dans une démarche de sauvegarde du caractère villageois au vu du traitement des droits à bâtir, des vides d’étages, des attiques, des gabarits, des emplacements et orientations choisis. À cet égard, le projet était contraire à la loi en ce sens que sa hauteur excédait le gabarit maximal autorisé en 4e zone et que son implantation était contraire à la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10).

Ils s’étonnaient pour le surplus des vides d’étages du bâtiment principal et relevaient plusieurs problèmes s’agissant de l’accessibilité des constructions et installations. La DD 2______ laissait par ailleurs l’impression d’avoir traité la problématique de l’excavation liée au chantier comme si on se trouvait dans une zone de développement dont la seule vocation était d’absorber la pénurie de logements par une densification maximum, alors que la zone 4B nécessitait une attention particulière, sauf à voir son patrimoine bâti gravement endommagé.

Le département avait enfin fait un mauvais usage de son pouvoir d’appréciation en ne subordonnant pas l’octroi de l’autorisation de démolir M 3______ à celui d’une autorisation de construire, contrairement à la condition clairement formulée de la CMNS.

b. Le 5 décembre 2022, à la demande du TAPI, l’Association a notamment transmis la liste de ses membres, ses rapports d’activité 2020 et 2021, le procès-verbal de l’assemblée générale du 27 février 2020 ainsi que celui du comité du 6 novembre 2022.

c. Invités à se déterminer sur le recours par le TAPI, O______, la commune, P______ et Q______ n’ont pas donné suite.

d. Le 6 février 2023, A______, B______, C______ et D______ ont conclu au rejet du recours.

e. Le même jour, le département a conclu au rejet du recours.

f. Le 2 mars 2023, l’Association et les voisins ont persisté dans leurs conclusions.

Ils admettaient que la parcelle n° 5'438 n’était pas située dans la zone de protection des rives du lac. L’irrecevabilité de certains griefs ne pouvait être soulevée, le TAPI appliquant le droit d’office. Contrairement aux allégués des intimés, le SMS n’avait pas compétence pour émettre le préavis du 26 juillet 2021, subsidiairement, la compétence nécessaire ne lui avait pas été déléguée par la CMNS. En tout état, il avait manifestement mésusé du pouvoir d’appréciation et de la latitude de jugement que lui avait délégués la CMNS, au vu de son préavis défavorable du 16 février 2021. En effet, les modifications essentielles y requises n’avaient tout simplement pas été apportées au projet. Ainsi, les bâtiments projetés n’avaient pas été sensiblement réduits dans leur longueur, leur assiette n’avait pas été modifiée, il n’avait pas été renoncé à la création des logements en dessous du niveau du sol et, outre la distance dérogatoire entre les bâtiments projetés, ceux-ci dérogeaient aux normes relatives à la hauteur des gabarits, aux vides d’étage, aux jours croisés, à la LRoutes et à l’accessibilité des bâtiments.

Les dérogations accordées en vertu de l’art. 106 LCI, non motivées et injustifiables, ne contribuaient en aucun cas à sauvegarder le caractère architectural du village de L______, ce que le TAPI pourrait constater en se référant à la modélisation 3D des bâtiments projetés qu’ils versaient à la procédure.

Aucune des conditions impératives à l’octroi d’une dérogation à teneur de l’art. 11 al. 1 let. a ou b LCI n’était satisfaite et les gabarits des bâtiments projetés consacraient une violation de l’art. 32 LCI.

L’autorisation délivrée violait enfin les art. 11 al. 2 LRoutes, 49 al. 1 et 109 LCI. La dérogation selon l’art. 11 al. 3 LRoutes n’était en effet mentionnée ni dans l’autorisation ni dans les préavis, pas plus d’ailleurs que celles aux art. 49 al. 1 (vides d’étage) et 109 LCI (accessibilité des constructions). Qualifier a posteriori ces violations de la loi de dérogations implicites ne guérissait pas les vices juridiques dont l’autorisation était affectée.

g. Le 24 mars 2023, A______, B______, C______ et D______ ont dupliqué, persistant dans leurs développements et conclusions.

h. Le 27 mars 2023, le département a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

i. Le 27 avril 2023, l’Association et les voisins se sont déterminés sur ces écritures.

Il ne pouvait être sérieusement allégué que les dérogations auraient pour but d’intégrer les bâtiments projetés à ceux, massifs, réalisés sur les parcelles nos 6’029 à 6’031, suite à la construction desquels la zone protégée avait été adoptée le 6 avril 1962. C’était d’autant plus vrai que le bâtiment projeté contigu à celui érigé sur la parcelle n° 6'031 n’aurait ni la même altitude ni une toiture de pente identique. Ils rappelaient enfin l’une des caractéristiques de la zone protégée du village de L______, à savoir l’aspect « en escalier » des toitures qui, calquées sur la topographie naturelle, présentaient des altitudes inférieures à celles des constructions en amont. Or, les bâtiments projetés rompraient cette harmonie lorsqu’on les contemplerait depuis la rue N______ et la route de l’R______. Le décrochement des toitures briserait l’harmonie du tissu architectural, ce qui n’avait pas échappé à la CMNS.

j. Le 8 mai 2023, A______, B______, C______ et D______ ont présenté de nouvelles observations.

k. Le 26 mai 2023, l’Association et les voisins ont encore relevé que les écritures précitées n’apportaient aucun élément nouveau et que la cause était en état d’être jugée.

l. Par jugement du 15 février 2024, le TAPI a déclaré irrecevable le recours interjeté par l’Association et les voisins contre l’autorisation de démolir M 3______. Il a toutefois admis leur recours contre l’autorisation de construire DD 2______ et l’a annulée.

F______, G______ et H______, I______ et J______ étaient voisins et copropriétaires de parcelles adjacentes ou situées à proximité directe de la parcelle n° 5'438. Ils se prévalaient par ailleurs de dispositions de droit public des constructions susceptibles d’avoir une incidence concrète sur leur situation de fait, en particulier l’art. 106 LCI. Ils avaient donc un intérêt personnel digne de protection à ce que la décision entreprise soit annulée. Leur qualité pour recourir contre l’autorisation de construire devait donc être admise.

Il en allait de même de l’Association, constituée en 2004, dont le but social était la maîtrise du développement du village de L______, notamment par le suivi des projets de construction importants sur la commune, le suivi du respect des projets de construction d’une architecture en harmonie avec le caractère villageois. Au terme de l’art. 2 de ses statuts, celle-ci se donnait la mission de veiller à la maîtrise du développement du village de L______, de ses hameaux et de l’ensemble du territoire communal. Il s’ensuivait que la qualité pour recourir contre l’autorisation de construire devait lui être reconnue au sens de l’art. 145 al. 3 LCI, comme l’avait d’ailleurs déjà reconnu le TAPI par jugement du 1er septembre 2016 (JTAPI/867/2016 consid. 3 et ss) s’agissant d’un recours contre une autorisation de construire un bâtiment avec neuf logements et la pose de panneaux solaires en toitures, rue de K______.

En revanche, les recourants ne disposaient pas de la qualité pour recourir à l’encontre de l’autorisation de démolir. Le TAPI ne voyait pas quel avantage de fait ou de droit leur procurerait le maintien des bâtiments dont l’autorisation prévoyait la démolition, respectivement, le TAPI peinait à imaginer quel préjudice ils subiraient du fait de leur disparition. Certes, les travaux de démolition entraîneraient selon toute vraisemblance des nuisances en matière de bruit et de poussière, mais celles-ci seraient limitées dans le temps et ne sauraient à elles seules fonder un intérêt pratique à recourir, ce que les intéressés ne prétendaient du reste pas. Au contraire, bien que leur recours fût dirigé contre les deux décisions du département, ils ne faisaient état de griefs qu’en rapport avec l’autorisation de construire. En conséquence, ne pouvant retirer d’avantage pratique et concret de l’annulation de l’autorisation de démolir, la qualité pour recourir devait leur être déniée.

Le dossier contenait les éléments nécessaires et suffisants à l’examen des griefs et arguments mis en avant par les parties. Les reportages photographiques ainsi que les informations et les outils disponibles sur le système d’information du territoire à Genève (ci-après : SITG) permettaient en particulier de visualiser la parcelle ainsi que les éléments litigieux. Le transport sur place sollicité aurait pour objet ces mêmes éléments d’appréciation, de sorte que cette mesure d’instruction, en soi non‑obligatoire, ne fournirait pas d’informations pertinentes supplémentaires.

La CMNS n’avait pas préavisé favorablement le projet, en sa troisième version, dans la mesure où elle avait formellement requis en date du 16 février 2021 que celui-ci soit modifié. Elle avait certes indiqué à cette occasion être favorable, à certaines conditions, à l’octroi d’une dérogation selon l’art. 106 LCI, mais avait précisé que cette dérogation ne concernerait que les distances entre bâtiments projetés et non le gabarit théorique du bâtiment, les distances aux limites de parcelles et les vues droites, celles-ci devant être respectées afin qu’aucun tiers ne fût lésé.

Par la suite, le 26 juillet 2021, le SMS avait préavisé favorablement le projet, dans sa quatrième version, en considérant que les modifications apportées répondaient dans une large mesure aux directives émises par la CMNS. À cet égard, l’Association et les voisins erraient en alléguant que ce préavis n’était d’aucun secours puisque la compétence de la CMNS en la matière ne pouvait être déléguée. En effet, les dispositions légales et la jurisprudence laissaient apparaître qu’il était expressément prévu que la CMNS ne se prononçait en principe qu’une fois par projet et que le SMS rendait les éventuels préavis complémentaires. Ce dernier était donc parfaitement justifié à se prononcer sur la quatrième version du projet. De fait, ce n’était que de cas en cas, selon les circonstances, qu’une violation de l’obligation de préavis de la CMNS pouvait être constatée, à savoir lorsque le projet préavisé par le SMS s’écartait manifestement des demandes et exigences formulées par la CMNS. Or, les intéressés échouaient à démontrer un tel écart. Au contraire, le SMS ne s’était nullement détourné en l’espèce des exigences formulées par la CMNS. En effet, il avait rappelé que l’octroi d’une dérogation selon l’art. 106 LCI avait fait l’objet d’un avis favorable de la CMNS le 16 février 2021 et avait précisé « pas de tiers lésés ; distance entre bâtiments projetés sans entre liaison hormis socle selon préavis de la DAC », réitérant ainsi, de manière certes laconique, que la dérogation selon l’art. 106 LCI ne concernait pas le gabarit théorique du bâtiment, les distances aux limites de parcelles et les vues droites. Le fait que S______ avait siégé auprès de la CMNS et était chargée du suivi de la procédure pour le SMS, ce qui avait assuré un continuum dans le suivi du dossier, renforçait l’idée qu’il n’y avait aucune modification majeure d’analyse entre la CMNS et le SMS. Il en allait de même du fait que chaque nouveau préavis se référait au précédent. Dans ces circonstances, force était de retenir que la dérogation selon l’art. 106 LCI ne portait, pour la CMNS, représentée ensuite par le SMS, que sur la distance entre bâtiments et pas sur le gabarit théorique du bâtiment.

Dans ses deux préavis favorables, la commune ne s’était pas prononcée sur une quelconque dérogation selon l’art. 106 LCI, indiquant uniquement être favorable au projet dans sa première version, du fait que les aménagements extérieurs correspondaient aux souhaits qu’elle avait émis dans son PDCom, respectivement, dans sa troisième version, car elle avait apprécié l’attention apportée au rapport avec l’espace public et aux questions énergétiques et de développement durable. Dans ces circonstances, il ne saurait être retenu qu’elle avait préavisé favorablement une dérogation selon l’art. 106 LCI.

La DAC, dont le préavis n’était pas obligatoire au sens de l’art. 106 al. 1 LCI, s’était déterminée sur les dérogations selon l’art. 106 LCI. Dans un premier temps, elle avait constaté que le projet, première version, ne respectait pas le gabarit théorique du bâtiment et s’était prononcée favorablement quant à une dérogation à ce sujet. Dans son second préavis du 21 avril 2020, postérieur au préavis de la CMNS du 15 octobre 2019, elle avait constaté à nouveau que le projet, seconde version, ne respectait pas le gabarit théorique du bâtiment. Elle n’avait, cette fois, pas préavisé favorablement une dérogation selon l’art. 106 LCI, tenant vraisemblablement compte de la position exprimée par la CMNS dans son premier préavis, mais avait enjoint de requérir l’accord du propriétaire de la parcelle n° 6'031. Tel accord n’avait jamais été produit ; au contraire, les propriétaires de la parcelle précitée avaient recouru contre la décision querellée. Par la suite, la DAC ne s’était plus déterminée sur la question du respect ou non du gabarit théorique du bâtiment, se déclarant favorable à des dérogations selon l’art. 106 LCI pour d’autres points. Dans ces circonstances, force était de constater que la DAC n’avait pas non plus préavisé favorablement une dérogation selon l’art. 106 LCI en ce qui concernait le gabarit théorique du bâtiment.

Au surplus, il ne résultait d’aucun préavis au dossier ni de la décision entreprise qu’une dérogation au sens des art. 10 et 11 LCI eût été octroyée au projet autorisé. En outre, les parcelles en cause ne se situaient pas dans le périmètre d’un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ).

Au vu de ce qui précède, aucune dérogation n’avait été délivrée s’agissant du gabarit des bâtiments projetés alors que ces derniers ne respectaient pas l’art. 32 al. 3 LCI. Il ressortait en effet des quatre plans de coupes A-A’, B-B’, C-C’ et D‑D’ visés ne varietur que les deux bâtiments dépassaient une hauteur de 10 m. Le département l’avait d’ailleurs reconnu dans ses observations du 6 février 2023, mais avait affirmé qu’il avait été considéré qu’une dérogation pouvait être accordée sur la base des préavis rendus par la CMNS, le SMS et la commune.

Le TAPI ne pouvait toutefois le suivre sur ce dernier point, lequel constituait un excès de son pouvoir d’appréciation. En effet, la CMNS et le SMS s’étaient tous deux prononcés pour un respect strict du gabarit légal, tandis que la commune n’avait pas traité de cette thématique, de sorte qu’il ne pouvait être admis qu’elle se fût déterminée positivement sur l’octroi d’une dérogation en ce sens, étant d’ailleurs rappelé qu’un préavis devait être motivé selon l’art. 106 al. 3 LCI. En tout état, même à considérer que tel serait le cas, le département aurait été confronté à deux préavis divergents et aurait alors dû, conformément à la jurisprudence, donner la prééminence à celui de la CMNS. En dernier lieu, la DAC avait initialement retenu qu’une dérogation selon l’art. 106 LCI était nécessaire, avant de passer sous silence cette problématique dans ses trois derniers préavis. À ce sujet, son dernier préavis du 28 janvier 2022 étant postérieur au préavis favorable du SMS du 26 juillet 2021, le TAPI en déduisait que la DAC avait compris que la dérogation selon l’art. 106 LCI accordée par le SMS ne concernait que la distance entre bâtiments projetés, raison pour laquelle elle ne s’était pas à nouveau prononcée favorablement à une telle dérogation comme elle l’avait fait dans son tout premier préavis.

Les préavis n’avaient certes qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi non réalisées en l’espèce, et le département demeurait libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Or, en l’occurrence, si le département s’était écarté des préavis de la CMNS et du SMS, il ne résultait pas du dossier qu’il se fût fondé pour ce faire sur des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. En effet, il avait exposé dans ses observations que si la hauteur de la ligne verticale du gabarit avait été dépassée, c’était parce qu’il avait été considéré, sur la base des préavis de la CMNS, du SMS et de la commune, qu’une dérogation pouvait être accordée. Pourtant, aucune de ces instances de préavis ne s’était prononcée en faveur d’une telle dérogation ; au contraire, la CMNS respectivement le SMS s’y étaient opposés.

En définitive, en refusant de suivre les préavis des diverses instances composées de spécialistes sans exposer les motifs pertinents et l’intérêt public supérieur l’ayant conduit à s’en écarter, le département avait excédé de son pouvoir d’appréciation en accordant l’autorisation de construire sollicitée.

Il n’apparaissait enfin pas que l’on serait dans un cas où il pourrait être renoncé à sanctionner l’absence de dérogation fondée sur l’art. 106 al. 1 LCI dès lors qu’il n’était nullement évident et manifeste que les conditions d’octroi d’une telle dérogation étaient ici réalisées hors de tout doute raisonnable.

D. a. Par acte du 20 mars 2024, le département a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) concluant à son annulation.

Le TAPI n’avait pas correctement appréhendé les dispositions relatives au calcul du gabarit et à la dérogation qui pouvait éventuellement être mise en œuvre dans les villages protégés.

En effet, les gabarits proposés, quelle que soit la façade concernée, respectaient les conditions légales et réglementaires. La coupe A-A’ permettait de constater que le gabarit légal était respecté, notamment du côté de la route de M______ (qui était le plus péjorant), dès lors que les constructions projetées s’intégraient parfaitement dans le gabarit théorique dessiné (en vert) par l’ingénieur géomètre officiel, sur la base des informations disponibles. Conformément à l’art. 21 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01), la construction proposée s’intégrait dans le gabarit théorique, même si la façade côté route de M______ s’élevait au-delà de l’alignement de façade de 10 m. Cela valait pour l’ensemble des autres coupes.

Si le département avait indiqué dans ses écritures du 6 février 2023 que la « hauteur de la ligne verticale du gabarit avait été dépassée », c’était sur la base de la dérogation que la CMNS avait accepté d’octroyer pour ce qui concernait la distance proposée entre ces deux nouvelles constructions. En acceptant la distance proposée entre ces constructions, la CMNS avait, en réalité, accepté qu’elles soient édifiées en respectant un gabarit plus important que celui qui aurait pu être mis en œuvre sur la base des dispositions légales applicables.

La CMNS, suivie en cela par le SMS, avait exigé, au vu de la situation complexe de ce périmètre, que le gabarit de ces nouvelles constructions vienne s’insérer dans celui des constructions existantes, en ne péjorant pas les intérêts des tiers. Or, la coupe D-D’ permettait de constater que tel était le cas, dès lors que toutes les constructions anciennes et nouvelles s’inscrivaient dans un gabarit de toiture qui culminait à 417.60 m, ce qui avait amené le SMS à préaviser favorablement la dernière version du projet.

Il était peu probable que la CMNS aurait accepté que les constructions proposées offrent un gabarit inférieur à celui des constructions existantes. C’était probablement pour cette raison également que le SMS n’avait pas remis en cause le léger dépassement du gabarit théorique qui apparaissait sur la coupe C-C’, au niveau de la toiture, étant précisé qu’une réduction du volume de la toiture – pour le supprimer – aurait irrémédiablement eu une incidence sur l’homogénéité recherchée.

Par apport à la coupe B-B’, ce qui semblait sortir du gabarit théorique était, en réalité, un avant-toit (il était en-dessous du gabarit de toiture), qui pouvait être valablement autorisé, selon l’art. 25 RCI.

Enfin, la DAC s’était également déclarée favorable à la mise en œuvre de l’art. 106 LCI et la commune avait préavisé favorablement le projet sans émettre aucune critique. Or, un préavis globalement favorable sur un projet nécessitant une dérogation mais ne faisant mention d’aucune observation à ce sujet, pouvait être considéré comme favorable également à l’octroi de la dérogation. Cela valait d’autant plus lorsque l’octroi de la dérogation relevait de la seule compétence du département et que la loi l’obligeait uniquement à consulter au préalable les instances spécialisées et non à en obtenir leur accord.

b. Par acte du même jour, A______, B______, C______ et D______ ont également interjeté recours auprès de la chambre administrative concluant à son annulation et au rétablissement de l’autorisation de construire DD 2______. Subsidiairement, le dossier devait être renvoyé au TAPI pour qu’il se prononce sur les griefs restants et nouveau jugement.

Aucun dépassement de gabarit n’existait, si bien qu’aucune dérogation à la hauteur n’était nécessaire sous l’angle de l’art. 32 al. 3 LCI.

L’art. 32 LCI n’avait pas de portée propre ou indépendante. La hauteur maximale théorique qu’il fixait ne servait qu’à déterminer ensuite le point de départ du gabarit théorique de la toiture selon l’art. 36 LCI, dans lequel devrait s’inscrire le gabarit réel du bâtiment. La dalle de couverture ou la toiture pouvait ainsi se situer en‑dessous ou au-dessus de cette hauteur maximale théorique de 10 m, tant que la construction restait à l’intérieur du gabarit théorique « complet ». Le TAPI n’avait pas explicité ses calculs ou son raisonnement avant de conclure à l’existence d’un prétendu dépassement. Les plans démontraient l’absence de dépassement de la hauteur des 10 m théoriques. Aucune dérogation n’était ainsi nécessaire.

Les écritures du département sur lesquelles s’appuyait le TAPI faisaient référence au léger dépassement en toiture, et non à la hauteur.

Certains éléments de la toiture dépassaient très légèrement le gabarit de la toiture. Toutefois, le TAPI n’avait pas traité cette question, de sorte que le dossier devait lui être renvoyé. Sur la coupe C-C’, le dépassement du toit du bâtiment projeté était minime et ponctuel. Le SMS et la CMNS, lesquels avaient spécialement insisté sur la question, n'auraient pas manqué de signaler un éventuel problème sur ce point.

À supposer qu’une dérogation eût été nécessaire, le TAPI aurait dû demander aux instances de préavis et au département de se déterminer sur l’étendue de la dérogation au sens de l’art. 106 LCI compte tenu de son devoir d’établir les faits d’office.

c. Le 29 avril 2024, le département s’est rallié à la position de A______, B______, C______ et D______.

Le même jour, ces derniers ont informé la chambre administrative qu’ils soutenaient le recours du département.

d. Le 29 avril 2024, l’Association et les voisins ont conclu au rejet des recours.

Les dépassements avaient été admis par l’ensemble des parties prenantes. Ils ne faisaient aucun doute à l’examen des plans et ne pouvaient pas faire l’objet d’une dérogation. La CMNS avait requis de nombreuses modifications qui n’avaient jamais été réalisées, contrairement à ce que laissait entendre le SMS dans son préavis du 11 mai 2020. En toute hypothèse, les autres griefs soulevés justifiaient l’annulation de l’autorisation de construire.

e. Le 11 juin 2024, l’Association et les voisins se sont opposés à l’audition de l’architecte proposée par A______, B______, C______ et D______ dans le corps de leur recours. Si la CMNS et le SMS s’étaient prononcés en faveur d’une dérogation de hauteur afin que l’un des bâtiments s’inscrive dans la continuité de ceux existants, il aurait logiquement été exigé que la toiture du bâtiment à édifier présente également une continuité avec les toitures existantes. Or, afin de maximiser les droits à bâtir, la toiture du bâtiment à édifier était nettement moins pentue que celles de la barre d’immeubles existante.

f. Le 14 juin 2024, le département s’est déterminé sur la réponse de l’Association et des voisins, persistant dans ses conclusions.

Les plans permettaient de constater que le gabarit théorique de l’ensemble des façades présentées avait bien été respecté, à l’exception d’un léger dépassement au niveau de la coupe C-C’. Il n’était pas contesté qu’une dérogation au sens de l’art. 106 LCI avait dû être mise en œuvre compte tenu de la distance séparant les deux nouvelles constructions.

g. Le 25 juin 2024, A______, B______, C______ et D______ ont persisté dans leurs conclusions.

L’Association et les voisins entretenaient une confusion entre la hauteur théorique du bâtiment (gabarit hors toiture) et le gabarit théorique (gabarit de toiture inclus). Le TAPI avait annulé l’autorisation de construire au seul motif d’un prétendu dépassement de la hauteur théorique, sans examen du gabarit théorique de la toiture. Il était faux de soutenir que A______, B______, C______ et D______ auraient admis un dépassement de la hauteur du bâtiment durant la procédure de première instance, en dehors du léger dépassement de gabarit en toiture, autorisé et autorisable.

À la suite du premier préavis de la CMNS du 15 octobre 2019, la toiture, la volumétrie et le dernier étage du bâtiment projeté au nord-est avaient été révisés pour s’adapter au bâtiment existant voisin et pour reprendre la même expression architecturale (pente et lucarnes). Il était de plus évident que les plans avaient été minutieusement examinés par la CMNS et le SMS, y compris la toiture.

Le très léger dépassement de la toiture mis en évidence ne portait aucunement atteinte à l’esthétique du quartier, sachant que ce dépassement était minime et qu’il permettait d’assurer l’uniformité de la toiture, sans être perceptible par le public.

h. Le 16 août 2024, l’Association et les voisins ont relevé que les dispositions citées par le département (art. 35 al. 2 LCI et 20 al. 2 RCI) n’étaient pas applicables dans la mesure où il ne s’agissait pas de constructions en bordure de voies en pente. Seul l’art. 20 al. 1 RCI était applicable.

La dérogation portait sur la distance entre les bâtiments et non sur leur hauteur. La dérogation accordée ne légitimait en rien le dépassement des gabarits théoriques, qu’il s’agisse des gabarits théoriques des bâtiments ou des toitures.

Le bas du gabarit du bâtiment projeté se trouvait à une altitude de 405 m. Le haut de la façade pignon s’élevait à 417.6 m et excédait donc de 2.6 m la hauteur maximale du gabarit. Une part importante du bâtiment autorisé excédait donc le gabarit légal (la hauteur maximale de 10 m) sur les plans en coupes C-C’ et D-D’.

Il était contradictoire de plaider d’une part le respect des gabarits légaux et le préavis favorable du SMS validant les dépassements de gabarit.

L’art. 106 al. 2 LCI n’autorisait pas le département à accorder une dérogation portant sur la hauteur des bâtiments en zone 4B protégée.

Une dérogation portant sur la distance entre les bâtiments ne modifiait en rien le caractère contraignant des normes portant sur la hauteur des gabarits. Celle-ci démontrait en outre que le département avait considéré que chacune des constructions devait répondre à leur gabarit propre.

L’autorisation de construire DD 2______ excédait le potentiel constructible de la zone. La demande préalable (DP 4______) – devenue caduque – représentait le développement maximum de la parcelle autorisé par la loi.

Les bâtiments projetés étaient disproportionnés. Ils portaient atteinte au patrimoine bâti protégé par la zone 4B protégée et les dérogations accordées ne visaient pas à sauvegarder le caractère architectural et l’échelle du village de L______.

Ils demandaient la pose de gabarits dont les dimensions seraient attestées par un géomètre officiel, puis un transport sur place.

i. Le 2 septembre 2024, A______, B______, C______ et D______ ont indiqué que les plans montraient une absence de passerelle et que des arbres seraient plantés entre les bâtiments projetés. L’Association et les voisins confondaient toujours la hauteur théorique (hors toiture) et le gabarit théorique, toiture incluse. La coupe pertinente pour la vérification du gabarit du bâtiment projeté au nord-est était la coupe B-B’, laquelle démontrait que le gabarit était bien respecté.

Le projet était bien situé sur une parcelle en pente. Il convenait d’utiliser la moyenne des altitudes du terrain adjacent, cela quelle que soit la zone où l’on se trouvait.

Ils n’avaient pas produit de plan illustrant les gabarits sur la base de l’art. 35 al. 2 LCI.

Tant la CMNS que le SMS avaient prêté une attention particulière à tous les éléments du projet.

Il était enfin incorrect d’alléguer que la commune se serait prononcée sans avoir une parfaite connaissance du projet, étant relevé qu’elle disposait d’un service technique (architecte) qui examinait systématiquement les plans des projets soumis avant de formuler ses recommandations.

j. Le 16 septembre 2024, l’Association et les voisins ont encore relevé que les écritures précitées étaient intégralement contestées et que la cause était en état d’être jugée.

k. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 149 LCI).

2.             Les recourants sollicitent, dans le corps leur recours, l’audition de l’architecte du projet. Celle-ci serait utile pour connaître les discussions entre celui-ci et la CMNS, respectivement le SMS à propos de la hauteur des bâtiments. Les intimés demandent eux la pose de gabarits dont les dimensions seraient attestées par un géomètre officiel, puis un transport sur place.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s’étend qu’aux éléments pertinents pour l’issue du litige et n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n’implique pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En droit genevois, la procédure administrative est en principe écrite ; toutefois, si le règlement et la nature de l’affaire le requièrent, l’autorité peut procéder oralement (art. 18 LPA). L’autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties (art. 20 al. 1 LPA). S’il y a lieu, elle peut notamment recourir à l’interrogatoire des parties (art. 20 al. 2 let. b LPA) et aux témoignages de tiers (art. 20 al. 2 let. c LPA).

Lorsque les faits ne peuvent être éclaircis autrement, les juridictions administratives peuvent au besoin procéder à l’audition de témoins (art. 28 al. 1 let. c LPA). Afin de constater un fait par elle-même, l’autorité peut notamment ordonner le transport sur place (art. 37 let. c LPA).

2.3 En l’espèce, les recourants et les intimés se sont vu offrir la possibilité de faire valoir leurs arguments par écrit devant l’autorité intimée, puis le TAPI et la chambre de céans, et se sont exprimés de manière circonstanciée sur l’objet du litige.

En outre, l’audition de l’architecte pour connaître le contenu des discussions sur la hauteur des bâtiments n’apparaît pas indispensable dans la mesure où la position de la CMNS, respectivement du SMS, ressortent de leurs différents préavis.

Enfin, le dossier contient déjà de nombreux plans du projet et des photographies. Sur ceux-là et comme il le sera expliqué ci-dessous figurent les côtes, de sorte qu’il sera possible de se prononcer sur la question des gabarits. Le dossier est également complété par les données disponibles sur le SITG, qui permettent de se rendre compte de la situation de fait, de sorte qu’un transport sur place n’apparaît pas nécessaire pour trancher le présent litige.

Au vu de ces éléments, la chambre de céans considère que le dossier est complet et est en état d’être jugé sans qu’il soit nécessaire de procéder aux actes d’instruction sollicités par les recourants et les intimés. Il n’y sera donc pas donné suite.

3.             L’objet du litige consiste à déterminer si le TAPI a à juste titre annulé l’autorisation de construire DD 2______ délivrée le 17 octobre 2022.

4.             Les recourants soutiennent que le TAPI n’a pas correctement appréhendé les dispositions relatives au calcul du gabarit et à la dérogation qui pouvait être mise en œuvre dans les villages protégés.

4.1 Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas la compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exceptions prévues par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisées dans le cas d’espèce.

4.2 Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3). Il y a excès du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité dépasse le cadre de ses pouvoirs. En outre, celle-ci doit exercer son libre pouvoir d’appréciation conformément au droit, ce qui signifie qu’elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité. Si elle ne respecte pas ces principes, elle abuse de son pouvoir (ATA/827/2018 du 28 août 2018 consid. 2b ; ATA/845/2015 du 20 août 2015 consid. 2b ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3e éd., 2012, p. 743 ss et les références citées).

Une décision est arbitraire lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. À cet égard, il n’y a lieu de s'écarter de la solution retenue par l’autorité précédente que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 128 I 177 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4P.149/2000 du 2 avril 2001 consid. 2 et les arrêts cités).

4.3 En procédure administrative, les règles relatives à l’établissement des faits sont prévues aux art. 18 ss LPA sous le chapitre III. Selon l’art. 19 LPA, l’autorité établit les faits d’office. Elle n’est pas limitée par les allégués et les offres de preuves des parties.

Conformément à l’art. 20 LPA, l’autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties (al. 1). Elle recourt s’il y a lieu aux moyens de preuve suivants (al. 2) : a) documents ; b) interrogatoires et renseignements des parties ; c) témoignages et renseignements de tiers ; d) examen par l’autorité ; e) expertise. L’interrogatoire des parties est réglé par l’art. 23 LPA, selon lequel les parties dont l’interrogatoire a été ordonné comparaissent personnellement ; les personnes morales désignent pour être interrogées une personne physique ayant la qualité d’organe et qui a personnellement connaissance des faits de la cause. Concernant la production de documents par les parties, l’art. 24 LPA prévoit que l’autorité peut inviter les parties à la renseigner, notamment en produisant les pièces en leur possession ou à se prononcer sur les faits constatés ou allégués et leur fixer un délai à cet effet (al. 1).

4.4 Selon la jurisprudence de la chambre de céans, rappelée dans l’ATA/414/2017 du 11 avril 2017 (consid. 4a), le TAPI, peut, sur la base des art. 19 et 20 LPA, demander toutes précisions écrites à une instance de préavis, au même titre qu’il peut l’entendre en audience de comparution personnelle ou la convoquer à un transport sur place pour qu’elle détaille sa position (ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3b ; ATA/636/2015 du 16 juin 2015 consid. 4). La production d’un nouveau préavis ne viole le droit d’être entendu et ne contrevient au principe du double degré de juridiction que s’il est émis après la décision de la juridiction saisie. Il ne respecte pas non plus, dans ce cas, le principe de l’économie de procédure (ATA/703/2010 du 12 octobre 2010 consid. 3).

4.5 Selon l’art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton de Genève, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever notamment en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a),

4.6 Selon l’art. 19 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), la 4ezone est destinée principalement aux maisons d’habitation, comportant en principe plusieurs logements. Lorsqu’elles ne sont pas susceptibles de provoquer des nuisances ou des inconvénients graves pour le voisinage ou le public, des activités peuvent également y être autorisées (al. 2). Elle est divisée en deux classes : la 4e zone urbaine (4e zone A) (al. 2 let. a) et la 4e zone rurale (4e zone B) applicable aux villages et aux hameaux (al. 2 let. b).

4.7 Le gabarit de hauteur des constructions sises en 4e zone est réglé aux art. 30 et ss LCI.

4.8 Selon l’art. 31 LCI, les constructions ne doivent en aucun cas dépasser un gabarit limité par un alignement et une ligne verticale de façade dont la hauteur est définie à l’art. 32 LCI (al. 1). Le même gabarit doit être appliqué à toutes les faces d’une construction, à l’exception des murs en attente (al. 2).

L’art. 32 prévoit qu’à front ou en retrait des voies publiques ou privées, la hauteur du gabarit ne peut dépasser la moitié de la distance fixée entre alignements augmentée de 1 m (H ≤ ½ D + 1) (al. 1). La hauteur du gabarit est calculée, par rapport aux limites de propriétés privées, conformément aux dispositions de l’art. 34 (H ≤ D + 1) (al. 2). La hauteur de la ligne verticale du gabarit ne peut dépasser nulle part 15 m en zone urbaine et 10 m en zone rurale ; restent toutefois réservées les dispositions des art. 10 et 11 et celles des PLQ au sens de la loi sur l’extension des voies de communication et l’aménagement des quartiers ou localités du 9 mars 1929 (LExt - L 1 40) et de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35 ; H ≤ 15 ou H ≤ 10) (al. 3).

Conformément à l’art. 35 LCI, la hauteur de la ligne verticale du gabarit se mesure, pour chaque construction, à partir du niveau moyen du sol adjacent (al. 1). Sur les voies en pente, la façade d’une construction d’une longueur supérieure à 25 m est divisée en sections de 25 m au maximum et la hauteur de la ligne verticale du gabarit se mesure séparément pour chaque section, comme s’il s’agissait de constructions distinctes (al. 2).

L’art. 36 LCI précise que les constructions peuvent être couvertes par une toiture comprenant un niveau habitable avec d’éventuels prolongements en galerie, qui doivent s’inscrire dans un gabarit limité par une ligne horizontale de base partant du sommet du gabarit défini aux art. 19, 23, 27 et 32 et son prolongement en saillie de 1.50 m au maximum (let. a), une ligne oblique nette formant un angle de 35° avec la ligne de base (let. b), une ligne horizontale de faîtage (brute) située à 4.80 m au maximum de la ligne de base (let. c).

Les distances entre deux constructions ne peuvent être inférieures à la somme des distances qui seraient exigibles entre chacune de ces constructions et une limite de propriété passant entre elles (art. 45 al. 1 LCI).

4.9 Aux termes de l’art. 20 RCI, pour le calcul du gabarit, le point de référence au sol est mesuré conformément aux dispositions du plan d’aménagement ou des prescriptions du département ou, à défaut, à partir du niveau moyen du terrain naturel adjacent (al. 1). En bordure des voies en pente, le point de référence est mesuré à l’axe des sections de façades, conformément aux dispositions des art. 35 al. 2 et 63 al. 2 LCI (voir croquis n° VI ; al. 2). Le point de référence du sol du gabarit des constructions situées à l’angle de deux rues en pente est mesuré du niveau moyen des deux rues (al. 3). Pour les constructions basses ou de peu d’importance, édifiées à la limite de propriété, le niveau considéré est celui de la parcelle sur laquelle elles reposent (al. 4).

Dans les quatre premières zones, les constructions doivent s’inscrire dans un gabarit théorique défini par le gabarit mesuré conformément aux dispositions de la loi pour chaque zone et le gabarit de toiture défini à l’art. 36 LCI (voir croquis n° I, II et III) (art. 21 al. 1 RCI).

Selon l’art. 24 al. 1 RCI, les toitures ne doivent pas dépasser le gabarit fixé au croquis n° IX.

Tant sur rue que sur cour, les constructions ne doivent pas dépasser les gabarits figurés au croquis n° III (voir également : modes de calcul, art. 20 à 31 RCI) (art. 238 RCI).

4.10 Le RCI comporte en annexes les croquis I à IX :

Le croquis n° III règle le rapport des gabarits et les distances sur rue et sur cour en 4e zone A et B et fait référence aux art. 32, 34, 36 et 45 LCI et art. 21 et 238 RCI. Il illustre les gabarits théorique et réel que doivent avoir les bâtiments. En 4e zone B, les dimensions légales des rapports de distances sont : hauteur ≤ distances entre alignements/2 + 1 ≤ 10 m et distances aux limites de propriétés ≥ hauteur – 1 m ≥ 5 m.

Le croquis n° IX concerne les « toitures et superstructures ». Il fait référence à l’art. 36 LCI, applicable aux zones 1 à 4, et à l’art. 24 RCI applicable à toutes les zones. Il distingue le gabarit réel du bâtiment et le gabarit théorique.

4.11 Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu’un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/462/2020 du 7 mai 2020 consid. 18 et les références citées).

Les préavis recueillis au cours de la procédure d’autorisation ne lient ni l’autorité exécutive cantonale, ni les autorités judiciaires. Ils sont en principe sans caractère contraignant pour l’autorité administrative, étant précisé que cette dernière ne saurait faire abstraction des préavis exprimés dans des conditions prévues par la loi (Stéphane GRODECKI, La jurisprudence en matière d’aménagement du territoire et de droit public des constructions rendue par le Tribunal administratif genevois en 2008, in RDAF 2009, n° 2, p. 130).

Chaque fois que l’autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, les juridictions de recours observent une certaine retenue, lorsqu’il s’agit de tenir compte des circonstances locales ou de trancher de pures questions d’appréciation (ATF 136 I 265 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_579/2015 du 4 juillet 2016 consid. 5.1). Elles se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 29 mars 2015 consid. 8.2 ; ATA/258/2020 du 3 mars 2020 consid. 3c).

4.12 L’autorité administrative jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans l’octroi de dérogations. Cependant, celles-ci ne peuvent être accordées ni refusées d’une manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l’équité et se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs. Quant aux autorités de recours, elles doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l’administration accorde ou refuse une dérogation. L’intervention des autorités de recours n’est admissible que dans les cas où le département s’est laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Les autorités de recours sont toutefois tenues de contrôler si une situation exceptionnelle justifie l’octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu’elle est commandée par l’intérêt public ou d’autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu’elle est exigée par le principe de l’égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATA/95/2022 du 1er février 2022 consid. 7d ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4d).

4.13 En l’espèce, le TAPI a retenu qu’aucune dérogation n’avait été délivrée s’agissant du gabarit des bâtiments projetés alors que ces derniers ne respectaient pas l’art. 32 al. 3 LCI. Selon les quatre plans de coupes A-A’, B-B’, C-C’ et D-D’ visés ne varietur, les deux bâtiments dépassaient une hauteur de 10 m. Le département l’avait d’ailleurs reconnu dans ses observations du 6 février 2023, mais avait affirmé qu’il avait été considéré qu’une dérogation pouvait être accordée sur la base des préavis rendus par la CMNS, le SMS et la commune.

Comme le soulignent justement les recourants, la hauteur maximale théorique fixé par l’art. 32 LCI ne sert qu’à déterminer le point de départ du gabarit théorique de la toiture selon l’art. 36 LCI, dans lequel devra s’inscrire le gabarit réel du bâtiment. La dalle de couverture ou la toiture peuvent ainsi se situer en-dessous ou au-dessus de cette hauteur maximale théorique de 10 m, tant que la construction reste à l’intérieur du gabarit théorique.

Or, les différentes coupes A-A’, B-B’, C-C’ et D-D’ visés ne varietur le 17 octobre 2022 montrent que les bâtiments projetés s’inscrivent dans le gabarit théorique, figurant en vert sur les plans contrairement à ce qu’a retenu le TAPI.

En effet, le terrain étant en pente, les altitudes de référence au sol doivent faire l’objet d’une moyenne (art. 35 LCI). L’altitude de la dalle de couverture est identique pour les bâtiments projetés, à savoir 413.77 m. La coupe A-A’ indique une altitude de référence de 407.92 m du côté de la rue de K______, de sorte que la ligne verticale théorique est de 417.92 m (407.92 m + 10 m). Cette même coupe mentionne une altitude de 403.42 m du côté de la route de M______, ce qui signifie que la ligne verticale théorique est de 413.42 m (403.42 m + 10 m). Toutefois, force est de constater que les art. 36 LCI et 24 RCI offrent la possibilité que la dalle de couverture soit placée au-delà des 10 m à la condition que la construction projetée s’inscrive à l’intérieur du gabarit de toiture ce qui est bien le cas en l’espèce. La coupe B-B’ indique une altitude de 404.62 m (côté route de M______) et 405.85 m (côté rue de K______), la ligne verticale théorique est donc de 414.62 m (404.62 m + 10 m) et 415.85 m (405.85 m + 10 m). Se situant à 413.77 m, la dalle de couverture est bien en-dessous de ces deux valeurs. Il en est de même de la coupe C‑C’ avec une altitude de référence de 404.84, la dalle de couverture se situant à 413.77 en deçà des 10 m (414.84 m). Enfin, la coupe D-D’ mentionne des altitudes de 407.06 m et 407.01 m, si bien que la dalle de couverture indiquée à 413.77 m est bien en-dessous des 10 m de l’art. 32 LCI (417.06 m et 417.01 m).

Il n’existe ainsi aucun dépassement et aucune dérogation n’était nécessaire en matière de hauteur de gabarit.

Les observations du département du 6 février 2023 sur lesquelles s’est appuyé le TAPI dans son raisonnement n’ont pas la force de persuasion qu’il leur prête. En effet, le département explique que sa phrase « la hauteur de la ligne verticale du gabarit a ainsi été dépassée » doit s’entendre en relation avec la dérogation que la CMNS avait accepté d’octroyer en ce qui concernait la distance proposée entre les deux nouvelles constructions, étant souligné que le gabarit se calcule sur la base de la distance entre les constructions (art. 45 LCI). Le préavis de la CMNS du 16 février 2021 indique d’ailleurs qu’elle est favorable à l’octroi d’une dérogation selon l’art. 106 LCI concernant les distances entre les bâtiments projetés.

Si l’on peut regretter que la DAC n’ait pas complété la case relative à la question du gabarit théorique du bâtiment respecté, les plans figurant au dossier suffisent à retenir que le gabarit théorique des bâtiments projetés est bien respecté. En toute hypothèse, conformément à la jurisprudence précitée, le TAPI, soumis à la maxime d’office pour l’établissement des faits pertinents, aurait pu, sur la base des art. 19 et 20 LPA, demander toutes précisions écrites à la DAC, au même titre qu’il pouvait l’entendre en audience de comparution personnelle ou la convoquer à un transport sur place pour qu’elle détaille sa position sur la problématique du gabarit.

Le grief doit donc être admis.

Cela relevé, il ressort des plans visés ne varietur que des éléments de la toiture dépassent le gabarit de la toiture (sur les coupes B-B’ et C-C’). Afin de préserver le double degré de juridiction et de permettre à la chambre administrative d’exercer sa fonction de contrôle (art. 69 al. 3 LPA), la cause sera renvoyée au TAPI, pour qu’il se prononce sur cette question et les autres griefs soulevés par les intimés qui n’ont pas été examinés par la juridiction de première instance.

Les recours sont donc partiellement admis et le jugement attaqué est annulé.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge solidaire de l’Association et des voisins (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à A______, C______ et D______, pris solidairement, à la charge solidaire l’Association et des voisins (art. 87 al. 2 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au département qui n’y a, à raison, pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 20 mars 2024 par le département du territoire ‑ OAC et A______, B______ SA, C______ Sàrl et D______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 février 2024 ;

 

au fond :

les admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 février 2024 ;

renvoie la cause au Tribunal administratif de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge solidaire d’E______, F______, G______, H______, I______ et J______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à A______, B______ SA, C______ Sàrl et D______ SA, pris solidairement, à la charge solidaire d’E______, F______, G______, H______, I______ et J______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me François BELLANGER, avocat de A______, B______ SA, C______ Sàrl et D______ SA, à Me Damien TOURNAIRE, avocat d’E______, F______, G______, H______, I______ et J______ , au département du territoire ‑ OAC, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Philippe KNUPFER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :