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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3478/2024

ATA/1344/2024 du 15.11.2024 ( MARPU ) , ACCORDE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3478/2024-MARPU ATA/1344/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 15 novembre 2024

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Me Yves DE COULON, avocat

contre

AÉROPORT INTERNATIONAL DE GENÈVE intimé



Vu, en fait, l’appel d’offres en procédure ouverte soumis aux accords internationaux publié le 25 juin 2024 sur Simap par l’AÉROPORT INTERNATIONAL DE GENÈVE (ci-après : AIG) portant sur la réalisation, par une entreprise totale, de l’extension du satellite 10 ;

que les critères d’adjudication indiqués dans la publication étaient : (B) montant de l’offre, pondération 38%, (C) organisation, pondération 35% ; (D) qualité technique de l’offre, pondération 27% ; que le dossier d’appel d’offres reprenait ces critères, les énonçant par ordre décroissant, le critère n° 3 étant composé de trois sous-critères ;

que les conditions générales de participation et les critères d’aptitude étaient définis par les conditions administratives de l’appel d’offres ; que celles-ci reprenaient les critères B, C et D, y ajoutant des sous-critères et les faisant précéder du critère A « ancienneté du soumissionnaire », non pondéré ;

que la check-list indiquait comme preuve de l’« ancienneté du soumissionnaire » (critère A) : « copie de l’extrait du registre du commerce ou preuve de l’inscription sur un registre professionnel reconnu officiellement » ;

que l’annexe A portant sur l’« Aptitude » indiquait au titre de la description des sous-critères que « le soumissionnaire exerce une activité en rapport avec celle dont relève le présent appel d’offres, à savoir une activité de construction régulière et référencée depuis plus de 3 ans au moment du dépôt de l’offre. La date d’inscription au Registre du commerce (ou similaire) faisant foi » ; la même annexe précisait s’agissant des pièces jointes attendues : « Attestation liée à son profil telle que décrite à la lettre A du chapitre 3 du Dossier de dépôt de l’offre (par. Ex. Registre du commerce). » ;

que A______ SA (ci-après : A______) a déposé une offre, qui comportait en annexe un extrait du registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Vaud indiquant qu’elle avait été inscrite le 12 juillet 2022, avait son siège à B______ dans le canton de Vaud et envisageait la reprise d’actifs de CHF 152'961'444.- au minimum et de passifs envers les tiers de CHF 143'061'444.- au maximum de A______ SA à Zurich, soit un actif net de CHF 9'900'000.- ;

que par décision du 8 octobre 2024, l’AIG a exclu A______ du marché au motif qu’elle ne répondait pas au critère d’aptitude A « Ancienneté du soumissionnaire » ;

que par acte remis à la poste le 18 octobre 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et au prononcé de son admission à la procédure d’appel d’offres ; qu’à titre préalable, l’effet suspensif devait être restitué au recours ;

que A______ AG avait été fondée en 1948, était inscrite au registre du commerce du canton de Zurich depuis 1980, était active comme prestataire de services immobiliers de premier plan spécialisée dans le développement de la réalisation de projets de construction ; que jusqu’en janvier 2022 ses activités étaient divisées en business units ou départements spécifiques, dont le plus actif était le département ET/EG Région Ouest regroupant toutes les activités d’entreprise totale et générale pour la Suisse romande et le Canton de Berne ; que ces activités étaient exercées principalement depuis le siège de la succursale vaudoise de A______ AG, qui se trouvait depuis décembre 2013 à B______, ainsi qu’il résultait des extraits des RC vaudois et zurichois de A______ AG et de sa succursale, qu’elle produisait ; que A______ SA avait été constituée aux fins de faire du Département ET/EG Ouest de A______ AG une filiale indépendante, par un contrat de transfert de patrimoine du 28 septembre 2022 qu’elle produisait, qui était librement accessible sur le site du RC de Zurich et qui créait une continuité parfaite entre le Département ET/EG Ouest jusqu’au 28 septembre 2022 et la recourante depuis le 29 septembre 2022, en ce qu’il avait impliqué le transfert des actifs et des passifs du Département ET/EG Ouest ainsi que de son capital humain, avec tout le savoir-faire, l’expérience et la compétence des 178 collaborateurs rattachés jusqu’alors pour la plupart au Département ET/EG Ouest ; que les cadres de la recourante étaient auparavant tous cadres du Département ET/EG Ouest ; que les projets en cours et en phase de garantie avaient été repris et continués par la recourante, ainsi qu’il ressortait d’un tableau de continuité qu’elle produisait ; qu’elle avait produit avec son offre une notice explicative retraçant l’histoire de A______ depuis sa fondation et précisant que depuis juillet 2022 le Département ET/EG Ouest avait été filialisé sous le nom de A______ SA, filiale à 100% de A______ AG ; que l’autorité adjudicatrice avait ainsi eu son attention attirée sur le fait que ses activités étaient bien antérieures à 2022 ; qu’elle avait également indiqué qu’elle tenait à la disposition de l’AIG les chiffres d’affaires annuels de A______ AG et du Département ET/EG Ouest pour la période où les activités étaient conduites au sein de A______ AG ; qu’elle avait enfin précisé que la filialisation avait permis à A______ AG de vendre par la suite son activité d’entreprise pour l’Ouest de la Suisse au groupe français D______ ; que son offre était ainsi complète et qu’elle remplissait notamment le critère d’aptitude ;

que le 29 octobre 2024, l’AIG a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif ; que le recours était dénué de chances de succès ; que le critère A n’avait pas été attaqué lors de la publication de l’appel d’offres ; que l’extrait du RC vaudois n’indiquait qu’une reprise envisagée à la fondation de la recourante en juillet 2022 ; que l’extrait du RC zurichois de A______ AG ne parlait d’aucune reprise de biens ni envisagée ni effective ; que la loi fédérale sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine su 3 octobre 2003 (LFus - RS 221.301) prévoyait que le transfert de patrimoine déployait ses effets dès son inscription au RC ; que rien de tel n’était inscrit ; que la recourante n’avait fourni toutes les pièces et explications qu’une fois l’exclusion prononcée ; que l’AIG ne pouvait en tenir compte au moment d’examiner la recevabilité de l’offre ; que l’augmentation des passagers après la pandémie de covid-19 avait rendu les infrastructures insuffisantes et qu’elles devaient être adaptées rapidement, un retard impliquant des retards en cascade dans tous les projets suivants ;

que le 12 novembre 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions en restitution de l’effet suspensif ; que son appartenance au groupe A______ avant 2022 était notoire et que la filialisation en vue de vendre l’activité de construction avait été rapportée par les media ; qu’elle avait informé tous ses partenaires du transfert de patrimoine et de la continuation de son activité par un courrier du 5 octobre 2022, dont avait reçu copie C______ SA, soit l’assistante à la maîtrise de l’ouvrage (ci-après : AMO) de l’AIG en charge du marché public objet de la procédure ; que lors de son acquisition par le groupe D______, la presse avait rappelé qu’elle était forte de plus de 100 ans d’histoire ; que les relations contractuelles et précontractuelles entre son équipe de direction et l’AIG et son AMO étaient antérieures à sa constitution ; que l’AIG ne pouvait ignorer la continuité parfaite de ses activités ; que son offre était de loin la moins chère des trois offres présentées dans le délai imparti ;

que le 12 novembre 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, qu’interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, le recours est, a priori, recevable (art. 15 al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01) ;

que les mesures provisionnelles sont prises par le président ou la vice-présidente de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA – E 5 10 ; art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020) ;

qu'aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n'a pas d'effet suspensif ; toutefois, en vertu des art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, l'autorité de recours peut, d'office ou sur demande, octroyer cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose ;

que l'examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; l'effet suspensif doit être refusé au recours manifestement dépourvu de chances de succès et dont le résultat ne fait aucun doute ; inversement, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d'emblée à justifier l'octroi d'une mesure provisoire, mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/987/2021 du 24 septembre 2021 ; ATA/217/2021 du 1er mars 2021 consid. 2 ; ATA/1349/2019 du 9 septembre 2019) ;

que lorsqu'une autorité judiciaire se prononce sur des mesures provisoires, elle peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2 ; 131 III 473 consid. 2.3) ;

que la restitution de l'effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu'avec restriction (ATA/1349/2019 précité ; ATA/446/2017 précité consid. 2 ; ATA/62/2017 du 23 janvier 2017 consid. 2 ; ATA/793/2015 du 5 août 2015 consid. 2) ;

que l'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP) ; qu’il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP) et assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) ;

que selon l'art. 42 RMP, l’offre est écartée d'office lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non-conforme aux exigences ou au cahier des charges (al. 1 let. a) ; les offres écartées ne sont pas évaluées ; l'autorité adjudicatrice rend une décision d'exclusion motivée, notifiée par courrier à l'intéressé, avec mention des voies de recours (al. 3) ;

que le droit des marchés publics est formaliste, ce que la chambre administrative a rappelé à plusieurs reprises (ATA/1200/2024 du 15 octobre 2024 consid. 3.3 ; ATA/349/2023 du 4 avril 2023 consid. 3.2.1 ; ATA/1208/2020 du 1er décembre 2020 consid. 5 ; ATA/243/2020 du 3 mars 2020 consid. 4d ; ATA/970/2019 du 4 juin 2019 et les références citées) ; que l'autorité adjudicatrice doit procéder à l'examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme, qui permet de protéger notamment le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires, dans la phase d'examen de la recevabilité des offres et de leur évaluation (ATA/102/2010 du 16 février 2010, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.4) ;

qu’en l’espèce, la recourante a produit avec son offre l’extrait du RC vaudois mentionnant sa création en 2022, mais également une reprise de biens de A______ SA à Zurich ; que cette reprise est certes qualifiée d’envisagée, mais porte sur des montants conséquents et mentionne la raison sociale, qu’elle reprend en partie, d’une entreprise connue de longue date et qui conduisait ses activités pour l’Ouest de la Suisse au siège actuel de la recourante ; qu’elle a ajouté dans ses écritures que l’AMO de l’intimé avait été informée de sa filialisation et de la continuité de son activité ;

qu’elle fait valoir qu’elle est la mieux disante, de sorte que ses chances de succès dans l’attribution ne sont pas nulles et que son préjudice pourrait être important si le marché était adjugé avant droit connu au fond ;

que l’intimé a estimé pour sa part que la reprise effective n’était pas établie par l’extrait du RC et n’avait pas été autrement documentée par la recourante ; que par ailleurs le critère A n’avait pas été attaqué lors de la publication de l’appel d’offres ;

que pourrait se poser la question du formalisme excessif dans l’examen par l’AIG de la portée de la pièce produite à l’appui de réalisation du critère A, laquelle ne peut toutefois être tranchée à ce stade de la procédure, mais doit encore être instruite avec le fond ;

que le recours n’apparaît ainsi pas dénué de chances de succès ;

que l’urgence invoquée par l’AIG n’est pas évidente, une réplique sur le fond étant attendue pour le 29 novembre 2024 et la cause pouvant raisonnablement être jugée au début de l’année 2025 ;

que la demande de restitution de l’effet suspensif sera ainsi admise ;

que celle-ci a pour effet que l’AIG ne peut ni signer le contrat ni attribuer le marché jusqu’à droit connu au fond ;

que le sort des frais sera réservé jusqu’à droit connu au fond ;

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

octroie l’effet suspensif au recours ;

dit qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

si elle soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Yves DE COULON, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'AÉROPORT INTERNATIONAL DE GENÈVE.

 

La vice-présidente :

F. PAYOT ZEN RUFFINEN

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :