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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3856/2016

ATA/62/2017 du 23.01.2017 ( MARPU ) , REFUSE

Recours TF déposé le 30.01.2017, rendu le 15.03.2017, IRRECEVABLE, 2C_98/2017
Parties : IMPLENIA SUISSE SA / AEROPORT INTERNATIONAL DE GENEVE, HRS REAL ESTATE SA
En fait
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3856/2016-MARPU ATA/62/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 23 janvier 2017

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

IMPLENIA SUISSE SA

contre

AÉROPORT INTERNATIONAL DE GENÈVE
représenté par Me Nicolas Wisard, avocat

HRS REAL ESTATE SA
représentée par Me Daniel Guignard, avocat



EN FAIT

1. Le 3 mai 2016, l’aéroport international de Genève (ci-après : AIG) a publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève, un appel d’offres concernant des travaux de construction, soit la réalisation de la nouvelle aile Est de cet aéroport.

Les offres devaient être déposées avant le 2 août 2016. Il s’agissait d’une procédure ouverte soumise à l’accord Gatt/OMC et aux accords internationaux.

2. Selon les conditions administratives de l’appel d’offres, les critères d’adjudication étaient les suivants :

 

Un sous-critère pouvait être divisé en éléments d’appréciation. L’AIG se réservait le droit de fixer autant d’éléments d’appréciation qu’il serait nécessaire pour départager des soumissionnaires, laisser ces éléments étant en lien direct avec un des critères.

Les soumissionnaires devaient remplir un certain nombre d’annexes concernant les critères d’aptitude ou d’adjudication.

Concernant le critère « planning bien », ils devaient indiquer parmi une liste de lots ou de groupes de lots les trois lots au groupe de lots qui étaient le plus critiques et justifier leur réponse. Les qualifications des personnes clés, soit le directeur du projet et ses deux adjoints, faisaient l’objet de questions précises quant à la formation et à l’expérience professionnelle.

3. Trois offres ont été déposées dans le délai, par les sociétés HRS Real Estate SA (ci-après : HRS), Implenia Suisse SA (ci-après : Implenia) et Vinci Construction France (ci-après : Vinci).

Les éléments déterminants ressortant de ces offres seront, en tant que de besoin, repris dans la partie « en droit » de la présente décision.

4. Par décision du 1er novembre 2016, AIG a attribué le marché à HRS pour un montant de CHF 321'000'000.- hors taxes. Les deux autres concurrents ont été informés le même jour de leur éviction.

5. Par acte déposé au guichet de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 11 novembre 2016, Implenia a formé recours contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif.

Elle avait remis son offre pour un montant de CHF 313'300'000.- hors taxes, soit CHF 8'000'000.- de moins que l’entreprise à qui le marché avait été adjugé.

À réception de la décision, elle avait demandé des explications et un entretien avec des représentants de l’AIG avait eu lieu. Elle avait alors appris que des sous-critères d’évaluation supplémentaires, qui constituaient une modification du cahier des charges de l’appel d’offres, avaient été ajoutés. Certains avaient été pris en compte de manière prépondérante.

De plus, Implenia avait regroupé certains lots dans l’évaluation des lots critiques, lesquels avaient été de ce fait écartés par l’AIG, à tort. En conséquence, ce critère aurait dû être mieux noté qu’il ne l’avait été.

De même, des sous-critères avaient été ajoutés concernant le profil que devait avoir le directeur du projet de construction, lesquels n’avaient pas pu être pris en compte. La personne présentée par Implenia avait, contrairement à ce que l’AIG avait retenu, un titre équivalant à un master au vu de ses années d’expérience. Ainsi, la note 5 aurait dû lui être attribuée et non celle de 3.

La recourante reprochait à AIG de ne pas avoir respecté les principes de la délimitation transparente du marché, de la bonne foi et de la proportionnalité, un abus de pouvoir d’appréciation ainsi qu’une constatation inexacte des faits pertinents.

Le recours ayant de grandes chances de succès, l’effet suspensif devait être restitué.

6. Le 2 décembre 2016, l’AIG a répondu tant au fond que sur effet suspensif, concluant tant au rejet de la demande d’effet suspensif qu’à celui, au fond, du recours.

S’agissant du planning, Implenia avait présenté une réponse qui ne répondait pas à la question, dès lors qu’elle avait réuni des lots ne devant pas l’être. Cet élément aurait dès lors dû être contesté au stade de l’appel d’offres.

Aucun élément n’avait été neutralisé. Pour certains critères, les trois concurrents avaient été notés à zéro, respectivement à un car leur réponse n’était ni crédible ni pertinente.

C’était à tort qu’Implenia soutenait qu’un diplôme d’architecte ETS devait être assimilé à un master ; dans le système suisse, il ne pouvait être qu’assimilé à un bachelor.

Deux des références du chef de projet avaient été écartées car elles ne répondaient pas aux exigences posées par l’appel d’offres, soit que les chantiers pris en référence n’aient pas de période de superposition supérieure à six mois.

Ces références avaient été notées conformément aux annonces par l’AIG : l’importance des chantiers avait été estimée au vu de leur valeur journalière.

De plus, l’AIG ne pouvait prendre en compte une troisième référence dès lors que le cahier d’appel d’offres en mentionnait deux. Une telle prise en compte aurait avantagé indûment le concurrent concerné. Au vu de ces éléments, la demande de restitution de l’effet suspensif devait être rejetée.

7. Le 5 décembre 2016, HRS Real Estate SA, appelée en cause, a pris de conclusions similaires. Les chances de succès étaient nulles et les arguments développés par la recourante étaient infondés.

8. Le 16 décembre 2016, Implenia a exercé son droit à la réplique concernant l’effet suspensif.

L’acte de recours mettait en évidence de grossières irrégularités. Il avait de sérieuses chances de succès. Les éléments de réponse des intimés n’étaient guère convaincants.

Les réponses données par Implenia aux critères qui avaient été neutralisés étaient de meilleure qualité que celles de ses concurrentes, ce qui devait être pris en compte.

Le regroupement de lots proposés était sensé sur le plan technique et les lots concernés étaient interdépendants.

Par le jeu de sous-critères, AIG avait donné plus de poids à certains critères d’une manière inadmissible. Au surplus, les références données concernant le chef de chantier respectait les exigences d’AIG concernant la superposition temporelle dès lors que les travaux avaient commencé le 2 juillet 2012 et non pas au mois d’avril 2012.

9. Sur quoi, la cause a été gardée juger sur effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1. Le recours, interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, est prima facie recevable de ces points de vue, en application des art. 15 al. 2 de l'Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05),
3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 (L-AIMP - L 6 05.0) et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01).

2. Aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n’a pas d’effet suspensif. Toutefois, en vertu des art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, l’autorité de recours peut, d’office ou sur demande, restituer cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose.

L’examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; le but est alors de refuser l’effet suspensif au recours manifestement dépourvu de chances de succès, dont le résultat ne fait aucun doute ; inversement, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d’emblée à justifier l’octroi d’une mesure provisoire mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/793/2015 du 5 août 2015 consid. 2 ; ATA/701/2013 du 22 octobre 2013 consid. 2 ; ATA/683/2013 du 10 octobre 2013 consid. 2 ; Benoît BOVAY, Recours, effet suspensif et conclusion du contrat, in Jean-Baptiste ZUFFEREY/Hubert STÖCKLI, Marchés publics 2010, Zurich 2010, pp. 311-341, p. 317 n. 15).

La restitution de l’effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics, et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu’avec restriction (ATA/793/2015 précité consid. 2 ; ATA/60/2013 du 30 janvier 2013 consid. 5 ; ATA/85/2012 du 7 février 2012 consid. 2 ; ATA/752/2011 du 8 décembre 2011 ; ATA/214/2011 du 1er avril 2011 et la jurisprudence citée).

3. a. L’AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics, notamment des communes (art. 1 al. 1 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l’impartialité de l’adjudication
(art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des données publiques (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a et b AIMP).

b. Aux termes de l’art. 24 RMP, l'autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché ; elle doit les énoncer clairement et par ordre d'importance au moment de l'appel d'offres.

En vertu de l’art. 43 RMP, l'évaluation est faite selon les critères prédéfinis conformément à l'art. 24 RMP et énumérés dans l'avis d'appel d'offres et/ou les documents d'appel d'offres (al. 1) ; le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (al. 2) ; le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix ; outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement (al. 3) ; l'adjudication de biens largement standardisés peut intervenir selon le critère du prix le plus bas (al. 4).

c. La jurisprudence reconnaît une grande liberté d’appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6), l’appréciation de la chambre administrative ne pouvant donc se substituer à celle de ce dernier, seul l’abus ou l’excès de pouvoir d’appréciation devant être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.111/2003 du 21 janvier 2004 consid. 3.3 ; 2P.172/2002 du 10 mars 2003 consid. 3.2).

4. En l’état, et à première vue, les griefs formés par le recourant n’apparaissent pas suffisamment fondés pour autoriser la chambre administrative à restituer l’effet suspensif lié au recours.

a Concernant la compréhension du chemin critique lié au critère « planning », la question posée était « parmi ces lots ou groupes de lots (CFC 14/15/45, 211, 213, 215, 224, 23/24, 24/34, 25/35, 26, 27/37, 28/38 et 46), quels sont les trois lots ou groupes de lots qui sont les plus critiques dans le planning cité en marche ? Justifier chaque réponse (environ 5 lignes par lots ou groupe de lots). »

Implenia a répondu, dans l’ordre, CFC 213 (treize lignes de justification), CFC 23/24 (neuf lignes de justification), CFC 215 (onze lignes de justification est un schéma) et a obtenu, pour cette réponse, quatre points sur cinq.

Face à la précision de la question, le fait de ne pas avoir accordé le maximum des points possibles à Implenia alors qu’elle s’était écartée des courbes de lots demandés par AIG pour créer le sien ne peut, prima facie, être considéré comme arbitraire.

b. Concernant le directeur de projet, AIG demandait aux candidats d’indiquer tous les diplômes obtenus en rapport avec les compétences souhaitées ainsi que
« de références distinctes (c’est-à-dire deux opérations de construction et de lieux différents et n’ayant pas de superposition temporelle supérieure à six mois) d’ouvrages réalisés dans lesquels la personne précitée a agi en tant que directeur de projet de construction ». Les documents justifiant de cette expérience devaient être produits. Il était encore précisé que la productivité de ces références (calculée sur le montant du marché exécuté en francs suisses et hors taxes divisées par le délai de réalisation en jours calendaires) sera évaluée.

Implenia a indiqué que son chef de projet était porteur d’un diplôme ETS/HES. L’intéressé avait été directeur du projet OMC Extra Muros, d’un montant de CHF 52'000'000.-, du 1er mars 2011 au 21 décembre 2012. Il avait aussi été directeur du projet IAF immeuble administratif, d’un montant de CHF 40'000'000.-, du 15 novembre 2009 au 27 octobre 2011. Il était encore précisé que l’intéressé avait été le directeur du projet Floyd-JTI building, d’un budget de plus de CHF 200'000'000.- réalisé en 39 mois. Implenia ne pouvait communiquer d’informations plus précises pour des raisons de clause contractuelle de confidentialité.

À première vue, c’est à juste titre que, quelle que soit l’expérience de la personne concernée, l’AIG a retenu qu’elle avait un titre de niveau Bachelor
(cf. http://www.hes-so.ch/fr/correspondances-diplome-bachelor-93.html consulté le 25 janvier 2017). De plus, il apparaît, au vu des informations produites par Implenia, que les deux références données de manière précise se superposaient effectivement pour une période de plus de six mois, dès lors que le premier chantier s’était terminé le 27 octobre 2011 alors que le second avait commencé le 1er mars de la même année. En dernier lieu, le fait que la référence admise ait été évaluée, comme cela avait été indiqué, en divisant le montant du chantier par sa durée, justifie que le poids donné à cette référence ait été relativisé. En conséquence, les notes attribuées pour ce critère ne sont à première vue pas critiquables.

c. La recourante reproche à l’AIG d’avoir « neutralisé » certains critères.

Il ressort de la grille des évaluations des offres que les trois candidats ont reçu la même note pour les sous-critères « marge totale » (0), « moyens mis en œuvre pour permettre le respect du planning » (1) et « certification environnementale » (5).

En ce qui concerne la marge totale, Implenia a indiqué que deux groupes de lots permettaient de dégager une marge totale de six semaines sur le planning. Le premier lot qu’elle citait était l’un de ceux prévus par l’AIG, alors que le second lot qu’elle citait était un groupe de lots ne figurant pas dans ceux proposés par l’adjudicataire. Sur cette question, Vinci, en mentionnant des lots prévus par l’AIG, indiquait pouvoir dégager une marge de quatre mois alors que HRS, reprenant aussi des lots ou groupes de lots prévus par l’AIG, annonçait pouvoir dégager une marge de sept semaines. Ces éléments permettent d’admettre, sans qu’il soit nécessaire de déterminer si ce critère avait été neutralisé sans droit, qu’à première vue la recourante ne pouvait en aucun cas obtenir une note meilleure que celle des autres concurrents.

Concernant le critère « moyens mis en œuvre pour permettre le respect du planning » tant HRS qu’Implenia ont remis un tableau auquel l’AIG a attribué la note 1. Implenia n’indique pas en quoi le tableau qu’elle a présenté aurait pu ou dû obtenir une meilleure note et dès lors, toujours dans un examen à première vue, le grief doit aussi être écarté.

Vu le recours interjeté 11 novembre 2016 par Implenia Suisse contre la décision d’adjudication prononcée par l’Aéroport international de Genève le 1er novembre 2016 relative au projet de construction « Aile Est Bat. 2 » ;

vu l’art. 66 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ;

vu l’art. 7 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 21 décembre 2010 ;

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à la recourante, à Me Nicolas Wisard, avocat de l'Aéroport International de Genève ainsi qu'à Me Daniel Guignard, avocat de HRS Real Estate SA.

 

 

Le vice-président :

 

 

 

Jean-Marc Verniory

 

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :