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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3024/2020

ATA/1208/2020 du 01.12.2020 ( MARPU ) , REJETE

Parties : E-SECURE SARL / DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES DE L'ETAT
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3024/2020-MARPU ATA/1208/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er décembre 2020

 

dans la cause

 

E-SECURE Sàrl

contre

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES DE L'ÉTAT

 



EN FAIT

1) Le 28 juillet 2020, l'État de Genève, représenté par sa direction générale des finances et plus particulièrement la centrale commune d'achats (ci-après : CCA), a publié sur le site Internet www.simap.ch un appel d'offres en procédure ouverte, soumis aux accords internationaux, pour l'acquisition de deux systèmes de serveurs informatiques Fortisandbox 3000 E avec le support et la maintenance.

Le délai souhaité pour poser des questions par écrit était fixé au 25 août 2020. La récapitulation des questions et réponses serait téléchargée sur la plateforme www.simap.ch le 28 août 2020. Le délai de clôture pour le dépôt des offres était fixé au 14 septembre 2020 à midi, et aucun délai supplémentaire ne serait accordé.

Sous point 3.1 intitulé « conditions de participation », il était indiqué que certaines pièces mentionnées devaient se trouver dans l'offre au moment de son dépôt, sous peine d'élimination de l'offre. Il s'agissait notamment de trois attestations sociales justifiant que la couverture du personnel en matière d'assurances sociales obligatoires était garantie conformément à la législation en vigueur au siège social de l'entreprise et que celle-ci était à jour avec le paiement de ses cotisations (soit les attestations en matière d'assurance-vieillesse et survivants [ci-après : AVS] et assurances y associées ; en matière d'assurance accidents [ci-après : LAA] ; et en matière de prévoyance professionnelle [ci-après : LPP]), ainsi que d'une attestation émise par l'autorité fiscale compétente, justifiant que le soumissionnaire s'était acquitté de ses obligations en matière d'impôts à la source retenus sur les salaires du personnel qui y était soumis ou qu'il n'avait pas de personnel soumis à cet impôt.

Au point 5 du dossier d'appel d'offres, intitulé « conditions de participation », la rubrique « remarque » mentionnait que pour être valables, les pièces susmentionnées ne devaient pas être antérieures de plus de trois mois à la date du dépôt de l'offre.

2) E-Secure Sàrl (ci-après : E-Secure) est une société à responsabilité limitée sise au Grand-Saconnex et inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève depuis le 27 juin 2000. Elle pour but statutaire : commerce dans l'informatique et l'électronique, notamment achat, vente, importation et exportation de software et hardware ainsi que formation d'opérateurs et consultants dans ces domaines.

3) E-Secure a soumis une offre dans le cadre du marché public précité.

4) Par décision du 18 septembre 2020, la CCA a exclu E-Secure du marché.

Quatre des attestations fournies étaient antérieures au 14 juin 2020, et dataient donc de plus de trois mois par rapport à la date du dépôt de l'offre (attestation AVS : 28 avril 2020, attestation LAA : 18 avril 2020, attestation LPP : 30 avril 2020, et attestation fiscale : 6 mai 2020). L'offre était donc lacunaire et ne pouvait ainsi pas être prise en considération.

5) Par acte du 28 septembre 2020, E-Secure a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), demandant à ce qu'il soit revenu sur la décision d'exclusion et à ce que son offre soit évaluée.

Certains des documents nécessaires à la participation avaient échappé à sa vigilance, et elle avait joint des pièces qui n'étaient pas à jour et dataient de plus de trois mois. La période avait été quelque peu mouvementée avec la crise sanitaire, et ses collaborateurs étaient pour la plupart en télétravail, ce qui avait causé ce manque de coordination et de validation.

Elle avait cependant remédié immédiatement à la situation et remettaient en annexe l'ensemble des documents à jour. Elle était un partenaire sérieux qui travaillait avec l'État de Genève depuis près de vingt ans, et c'était la première fois qu'une telle situation se produisait.

6) L'acte de recours n'ayant été signé que par l'une des deux personnes habilitées à signer collectivement à deux, le juge délégué a imparti à E-Secure un délai au 23 octobre 2020 pour remédier à cette informalité, ainsi que pour dire si elle entendait bien faire recours contre la décision attaquée, un arrêt caviardé portant sur un cas similaire étant joint à l'envoi.

7) Par courrier du 16 octobre 2020, E-Secure a renvoyé une copie dûment signée de son acte de recours et a confirmé sa volonté de recourir.

8) Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 21 octobre 2020, et aucun échange d'écritures n'a été ordonné.

EN DROIT

1) Interjeté contre une décision d'exclusion, en temps utile et devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 15 al. 1 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 -AIMP - L 6 05 ; 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01).

2) Le droit des marchés publics a pour but d'assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires et de garantir l'égalité de traitement et l'impartialité de l'adjudication à l'ensemble de ceux-ci (art. 1 al. 3 let. a et b AIMP). En particulier, le principe d'égalité de traitement doit être garanti à tous les candidats et soumissionnaires dans toutes les phases de la procédure (art. 16 al. 1 et 2 RMP ; ATA/165/2011 du 15 mars 2011).

3) a. L'art. 32 al. 1 RMP, intitulé « conditions de participation », prévoit que ne sont prises en considération que les offres accompagnées, pour le soumissionnaire et ses sous-traitants, des documents suivants : a) attestations justifiant que la couverture du personnel en matière d'assurances sociales est assurée conformément à la législation en vigueur au siège du soumissionnaire et que ce dernier est à jour avec le paiement de ses cotisations ; b) attestation certifiant pour le personnel appelé à travailler sur territoire genevois : 1° soit que le soumissionnaire est lié par la convention collective de travail de sa branche, applicable à Genève, 2° soit qu'il a signé, auprès de l'office cantonal, un engagement à respecter les usages de sa profession en vigueur à Genève, notamment en ce qui concerne la couverture du personnel en matière de retraite, de perte de gain en cas de maladie, d'assurance-accident et d'allocations familiales ; c) attestation de l'autorité fiscale compétente justifiant que le soumissionnaire s'est acquitté de ses obligations en matière d'impôt à la source retenu sur les salaires de son personnel ou qu'il n'a pas de personnel soumis à cet impôt ; d) déclaration du soumissionnaire s'engageant à respecter le principe de l'égalité entre femmes et hommes.

b. L'art. 32 al. 3 RMP précise que pour être valables, les attestations visées à l'al. 1 ne doivent pas être antérieures de plus de trois mois à la date fixée pour leur production, sauf dans les cas où elles ont, par leur contenu, une durée de validité supérieure.

4) L'offre est écartée d'office lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non conforme aux exigences ou au cahier des charges (art. 42 al. 1 let. a RPM). Les offres écartées ne sont pas évaluées. L'autorité adjudicatrice rend une décision d'exclusion motivée, notifiée par courrier à l'intéressé, avec mention des voies de recours (art. 42 al. 3 RPM).

5) Le droit des marchés publics est formaliste, ce que la chambre administrative a rappelé à plusieurs reprises (ATA/243/2020 du 3 mars 2020 consid. 4d ; ATA/970/2019 du 4 juin 2019 et les références citées), notamment lorsqu'elle a confirmé des décisions d'exclusion d'offres fondées sur la non-production des attestations requises dans l'appel d'offres au titre de condition de participation à la procédure de soumission (ATA/291/2014 du 29 avril 2014). L'autorité adjudicatrice doit procéder à l'examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme, qui permet de protéger notamment le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l'art. 16 al. 2 RMP (ATA/243/2020 précité consid. 4d ; ATA/794/2018 du 7 août 2018 et les références citées ; ATA/1446/2017 du 31 octobre 2017). Le respect de ce formalisme est nécessaire pour concrétiser l'obligation d'assurer l'égalité de traitement entre soumissionnaires dans la phase d'examen de la recevabilité des offres et de leur évaluation. La conformité au droit de cette approche formaliste a été confirmée par le Tribunal fédéral (ATA/102/2010 du 16 février 2010, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.4).

6) Toutefois, l'interdiction du formalisme excessif, tirée de l'art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), interdit d'exclure une offre présentant une informalité de peu de gravité ou affectée d'un vice qui ne compromet pas sérieusement l'objectif visé par la prescription formelle violée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité consid. 6.1 ; 2D_50/2009 du 25 février 2010 consid. 2.4). Ainsi, des erreurs évidentes de calcul et d'écriture peuvent être rectifiées (art. 39 al. 2 RMP) et des explications peuvent être demandées aux soumissionnaires (art. 40 et 41 RMP). Le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires impliquent de ne procéder à ce type de questionnement que de manière restrictive. L'autorité adjudicatrice dispose d'un certain pouvoir d'appréciation quant au degré de sévérité dont elle désire faire preuve dans le traitement des offres (ATA/384/2018 du 24 avril 2018 ; ATA/490/2017 du 2 mai 2017). L'interdiction du formalisme excessif ne l'oblige cependant pas à interpeller un soumissionnaire en présence d'une offre défaillante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité consid. 6.5).

Ces principes valent notamment pour la phase d'examen de la recevabilité des soumissions, lors de laquelle l'autorité adjudicatrice examine si les offres présentées remplissent les conditions formelles pour participer à la procédure d'évaluation et il est exclu d'autoriser un soumissionnaire à modifier la présentation de son offre, à y apporter des compléments ou à transmettre de nouveaux documents. En matière d'attestations à produire, l'autorité adjudicatrice peut attendre du soumissionnaire qu'il présente les documents requis, rédigés d'une manière qui permette de déterminer, sans recherche complémentaire, si celui-ci remplit les conditions d'aptitude ou d'offre conformes à ce qui est exigé dans le cahier des charges (ATA/588/2018 du 12 juin 2018 consid. 3b).

7) En l'espèce, l'autorité intimée, dans le dossier d'appel d'offres, a expressément demandé à chaque soumissionnaire de produire une série d'attestations, en précisant, d'une part, que celles-ci ne devaient pas avoir été émises plus de trois mois avant le dépôt de l'offre, reprenant par-là l'obligation énoncée à l'art. 32 al. 3 RMP, et, d'autre part, que la non-production des attestations requises entraînerait l'exclusion de l'offre de la procédure d'évaluation, conformément à l'art. 42 al. 1 let. a RMP. La recourante ne s'est pas conformée à ces exigences. Il lui était demandé de produire des attestations ne datant pas de plus de trois mois pour vérifier, en fonction de données actualisées, qu'elle remplissait les conditions de participation.

Le pouvoir adjudicateur était donc, sur le principe, non seulement fondé à prendre une décision d'exclusion, mais il ne pouvait prendre une autre décision sous peine, vu le texte clair de l'art. 42 al. 1 RMP, de contrevenir au principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires. La remise subséquente d'attestations à jour n'y peut rien changer.

8) La recourante invoque enfin la situation sanitaire pour justifier la production d'attestations obsolètes.

La législation sur les marchés publics ne contient toutefois aucune disposition permettant de restituer la possibilité de remettre de telles attestations à jour une fois le délai de production des offres échu.

On relèvera par ailleurs d'une part qu'au moment du dépôt des offres et depuis à tout le moins le milieu du mois de juin 2020, presque toutes les restrictions liées à la crise sanitaire étaient levées, et d'autre part que même lors du semi-confinement des mois de mars et avril 2020, le Conseil fédéral avait suspendu les délais judiciaires, tout en ménageant une exception pour ceux qui ne bénéficiaient pas de suspensions pascales selon les lois de procédure applicable (art. 1 al. 1 a contrario de l'ordonnance sur la suspension des délais dans les procédures civiles et administratives pour assurer le maintien de la justice en lien avec le coronavirus [COVID-19], du 20 mars 2020), ce qui est précisément le cas des délais en matière de marchés publics selon l'art. 63 al. 2 let. b LPA.

La situation sanitaire ne saurait dès lors justifier de consacrer une exception à la jurisprudence constante de la chambre de céans en matière de remise d'attestations, si bien que le recours, manifestement mal fondé, sera rejeté sans instruction préalable (art. 72 LPA).

9) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 septembre 2020 par E-Secure Sàrl contre la décision de la direction générale des finances de l'État du 18 septembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de E-Secure Sàrl un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s'il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à E-Secure Sàrl, à la direction générale des finances de l'État ainsi qu'à la commission fédérale de la concurrence.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :