Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1336/2024 du 12.11.2024 sur JTAPI/563/2024 ( ICCIFD ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1652/2023-ICCIFD ATA/1336/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 12 novembre 2024 4ème section |
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dans la cause
A______ et B______ recourants
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
et
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 juin 2024 (JTAPI/563/2024)
A. a. B______, marié avec A______, a exploité une entreprise individuelle C______, inscrite au registre du commerce du canton de Genève en décembre 2008 et radiée le 3 janvier 2023.
b. Sur la base des déclarations fiscales, des bilans et comptes de pertes et profits de ladite entreprise qui y étaient annexés et des compléments d’informations fournis par les contribuables, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) leur a notifié, entre décembre 2013 et octobre 2020, les bordereaux et avis de taxation relatifs à l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et aux impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) des années 2012 à 2019.
Ceux-ci sont entrés en force, étant précisé que les bordereaux et avis de taxation ICC et IFD 2014 l’ont été après rectificatif consécutif à une réclamation des époux.
Les états financiers indiquaient l’existence d’une caisse, d’un compte postal, d’un compte bancaire et d’un chiffre d’affaires, pour tout ou partie de ces années fiscales, étant précisé qu’ils n’étaient pas annexés à la déclaration fiscale de 2018. Le chiffre d’affaires déclaré s’élevait à CHF 123'586.- en 2012, CHF 142'728.- en 2013, CHF 241'843.- en 2014, CHF 335'447.- en 2015, CHF 415'570.- en 2016, CHF 632'204.- en 2017, CHF 649'157.- en 2018 et CHF 423'091.- en 2019.
B. a. Le 24 août 2017, la division principale de la taxe sur la valeur ajoutée
(ci-après : TVA) de l’administration fédérale des contributions
(ci-après : AFC-CH) a, après avoir procédé à un contrôle TVA de l’entreprise individuelle pour les années 2012 à 2015, communiqué au contribuable une notification d’estimation pour cette période.
Sa comptabilité n’était pas probante. Plusieurs irrégularités dans l’enregistrement des états financiers avaient été constatées lors du contrôle sur place. Les pièces justificatives des années 2011 à 2015 n’étaient pas toutes conservées et n’avaient pas été présentées (factures de clients non comptabilisées et non décomptées). L’ensemble des pièces comptables de 2014 (banque, poste, bilan, grand-livre, factures adressées aux clients, achats et frais généraux) était manquante. Les grands-livres de 2012 à 2014 étaient manquants. La reconstitution du chiffre d’affaires de 2013 avait été effectuée sur la base des mouvements postaux (crédits) et contrôlés avec la balance des soldes déposés à l’AFC-GE. Pour 2012 et 2014, les mouvements et copies des comptes postaux étaient incomplets ou totalement absents. Sur la base de la reconstitution pour 2013, des écarts entre les encaissements en Poste et les montants encaissés cash avaient été constatés et détaillés dans l’annexe A. Les montants n’avaient pas été comptabilisés par la fiduciaire, ni décomptés à la TVA. Aucun livre de caisse n’était tenu pour toutes les années, y compris 2015. Des écarts avaient été constatés entre les mouvements bancaires et les montants saisis en comptabilité.
Dès lors, l’AFC-CH a effectué un redressement du chiffre d’affaires pour les années 2012 à 2015 en déterminant le chiffre d’affaires non comptabilisé par voie d’estimation sur la base de l’Annexe A. Elle a d’abord reconstitué le chiffre d’affaires de 2013 sur la base des écarts observés entre les mouvements postaux (crédits) et les montants selon le bilan et compte de pertes et profits, écarts qui ont été considérés comme des encaissements au comptant. Elle a conclu à un chiffre d’affaires non comptabilisé de 5% pour 2013, à savoir de CHF 7'335.-.
En l’absence de documents comptables pour 2012 et 2014, elle a procédé par extrapolation du chiffre d’affaires déclaré sur la base dudit pourcentage non déclaré qu’elle avait calculé pour 2013 (5%). Le chiffre d’affaires non comptabilisé a été fixé à CHF 6'204.- pour 2012 et à CHF 12'342.- pour 2014.
Pour 2015, elle a procédé en deux étapes. Elle a d’abord calculé le total des montants encaissés (crédits) sur le compte bancaire, totalisant la somme de CHF 353'025.48 de laquelle elle a déduit le chiffre d’affaires déclaré de CHF 335'446.- selon le bilan et le compte de pertes et profits de 2015, avec une différence de CHF 17'579.-. Puis, elle a également procédé par extrapolation du chiffre d’affaires déclaré sur la base du pourcentage précité de 5% calculé pour 2013. Le chiffre d’affaires non comptabilisé a été fixé à CHF 16'772.-.
b. Après un nouveau contrôle TVA sur place de l’entreprise individuelle, la division précitée de l’AFC-CH a, le 4 novembre 2021, communiqué au contribuable une notification d’estimation pour la période de 2016 à 2020.
Le chiffre d’affaires non comptabilisé a été estimé à CHF 36'699.- pour 2016, à CHF 68'677.- pour 2017, à CHF 66'844.- pour 2018 et à CHF 5'024.- pour 2019. Il a été reconstitué sur la base d’une marge de 75 % sur les charges et d’une marge de refacturation de 10 % pour les travaux de sous-traitance répertoriés dans l’annexe détaillant les données prises en compte. Lesdits travaux avaient été évalués à un montant total de CHF 40'000.- pour 2016, de CHF 226'478.- pour 2017, de CHF 107'600.- pour 2018 et CHF 46'577.- pour 2019.
La comptabilité n’était pas complète. Malgré les instructions données lors du précédent contrôle concernant la période 2011 à 2015 et un délai de plus de deux mois depuis l’ouverture du contrôle, le contribuable n’avait jamais présenté ses factures clients avec la date et le moyen d’encaissement mentionnés sur celles-ci. La comptabilité n’était pas régulièrement tenue à jour (inventaires des travaux en cours, débiteurs ouverts et stock non établis en fin d’année, livre de caisse non tenu à jour, etc). Aucun chiffre d’affaires au comptant n’était comptabilisé, malgré le redressement y relatif lors de toute la période du précédent contrôle. Les marges comptabilisées de 2016 à 2019 étaient inférieures à celle déterminée par l’AFC-CH pour le secteur d’activité concerné (gypserie, plâtrerie, peinture, petite maçonnerie) avec une marge comprise entre 75 % et 80 %. Le contribuable faisait régulièrement appel à des entreprises sous-traitantes dans le cadre de ses travaux.
c. Le 23 août 2022, l’AFC-GE a informé les contribuables de l’ouverture d’une procédure en rappel d’impôt et soustraction pour les années 2012 à 2019, compte tenu des informations transmises par la division principale TVA de l’AFC-CH concernant les deux contrôles TVA précités, selon lesquelles la comptabilité de l’entreprise individuelle n’était pas probante. Cela permettait d’envisager des déclarations inexactes ou incomplètes. Un délai leur était fixé pour formuler d’éventuelles observations.
L’AFC-GE annonçait les redressements suivants vu les chiffres d’affaires non déclarés qui lui avaient été communiqués par l’AFC-CH : CHF 6'204.- pour 2012, CHF 7'335.- pour 2013, CHF 12'342.- pour 2014, CHF 34'351.- pour 2015, CHF 36'699.- pour 2016, CHF 68'677.- pour 2017, CHF 66'844.- pour 2018 et CHF 5'024.- pour 2019.
d. Après un échange de correspondance, l’AFC-GE a, le 30 novembre 2022, informé les contribuables de la fin de l’instruction. Elle leur a notifié les bordereaux en rappel d’impôts ICC et IFD de 2012 à 2019 en y intégrant les montants précités des chiffres d’affaires non comptabilisés entre 2012 et 2019, ainsi que les bordereaux amende ICC de 2012 à 2019 et les bordereaux amende IFD de 2016 à 2018.
En ne déclarant pas une partie de son chiffre d’affaires, ils n’avaient pas été imposés selon leur réelle capacité contributive. La soustraction avait été commise de manière intentionnelle, à tout le moins par dol éventuel. Vu leurs situations personnelle et patrimoniale, prises en compte à titre de circonstances atténuantes, la quotité de l’amende avait été fixée à 0.75 fois le montant des impôts éludés. En matière d’ICC, l’amende infligée était de CHF 592.- pour 2012, CHF 1'052.- pour 2013, CHF 1'332.- pour 2014, CHF 3'964.- pour 2015, CHF 5'336.- pour 2016, CHF 11'396.- pour 2017, CHF 11'362.- pour 2018 et CHF 219.- pour 2019. En matière d’IFD, elle était de CHF 456.- pour 2016, CHF 2'289.- pour 2017 et CHF 2'557.- pour 2018.
C. a. Par décision du 20 mars 2023, l’AFC-GE a rejeté la réclamation des contribuables.
Vu le chiffre d’affaires 2012 à 2019, ils étaient soumis, dès l’exercice 2017, à l’obligation légale de tenir une comptabilité et de présenter les comptes énoncés dans la loi, et non de se limiter à une comptabilité des recettes, des dépenses et du patrimoine. La comptabilité du contribuable ne devait être prise en compte que si l’exactitude des faits qui y étaient consignés était garantie. Tel n’était pas le cas dans la présente espèce, de sorte que l’autorité de taxation devait procéder à une estimation du chiffre d’affaires et tenir compte de toutes les circonstances dont elle avait connaissance. Le contribuable n’avait pas tenu, à la fin de chaque exercice comptable, de livres de caisse, d’inventaire des travaux en cours, des débiteurs ouverts, ni conservé les grands-livres. Cela constituait une violation de l’obligation de tenir ses livres comptables de manière à ce que tous les faits importants pour la détermination de l’assujettissement et le calcul de l’impôt puissent y être constatés aisément et de manière sûre. Lors de l’instruction de la procédure en rappel d’impôt et soustraction ainsi que lors de l’instruction de la réclamation, il n’avait pas été en mesure de fournir à l’autorité fiscale l’ensemble des pièces justificatives (factures clients, inventaires des travaux en cours, des débiteurs ouverts et du stock, livre de caisse, etc) afin de démontrer que sa comptabilité était tenue conformément aux règles du droit commercial. Il s’était limité à lui fournir dans ses courriels des 27 et 30 janvier 2023 les extraits détaillés des années 2016 à 2019 des comptes « Chiffre d’affaires », « Achats » et « Banque Migros » ainsi que divers relevés bancaires pour justifier les paiements effectués à ses sous-traitants. Ainsi, sa comptabilité était considérée incomplète et non probante.
Dès lors et comme l’avait fait l’AFC-CH, le chiffre d’affaires avait été reconstitué sur la base des mouvements d’une marge de 75% pour les exercices 2016 à 2019. Pour les exercices 2012 à 2015, le chiffre d’affaires encaissé en cash et non comptabilisé avait été estimé à 5% des chiffres d’affaires comptabilisés. Pour l’exercice 2015, le chiffre d’affaires avait été également corrigé en prenant en compte les mouvements sur le compte bancaire qui n’avaient pas été saisis en comptabilité. Comme aucun moyen de preuve tendant à remettre en cause les reprises de l’AFC-CH n’avait été apporté depuis l’ouverture de la procédure, les reprises par l’AFC-GE s’étaient fondées sur les redressements du chiffre d’affaires effectués par l’AFC-CH. Les bordereaux en rappel d’impôts ICC et IFD de 2012 à 2019 étaient donc maintenus.
En ne tenant pas une comptabilité probante, ils avaient empêché les autorités fiscales de déterminer leurs impositions de manière exacte. Ils avaient ainsi commis un acte illicite ayant généré une perte pour la collectivité publique, réalisant ainsi les éléments constitutifs objectifs de la soustraction d’impôt. En tant qu’exploitant de longue date, l’entreprise individuelle ayant été créée en décembre 2008, le contribuable était pleinement conscient que la comptabilité n’était pas tenue selon les dispositions du code des obligations et que les déclarations d’impôt étaient incomplètes. Par ailleurs, malgré les instructions communiquées lors du premier contrôle de l’AFC-CH, le contribuable avait continué à ne pas se conformer aux règles concernant la tenue de sa comptabilité et à tout le moins à ne pas produire une documentation suffisante permettant d’établir de manière complète le revenu de son activité indépendante sous la forme de relevé des recettes et des dépenses, respectivement des prélèvements et apports privés. Ainsi, la soustraction avait été commise de manière intentionnelle, à tout le moins par dol éventuel.
Concernant la quotité de l’amende, qui avait déjà pris en compte leur situation personnelle et patrimoniale en tant que facteur atténuant, l’instruction de la réclamation n’avait pas permis d’établir une éventuelle erreur imputable à leur comptable à qui ils avaient fait confiance. En outre, sa comptabilité n’était, depuis de nombreuses années, pas tenue conformément aux règles du code des obligations malgré le premier contrôle de l’AFC-CH en 2017. La quotité fixée à 0.75 le montant de l’impôt soustrait, était donc maintenue.
b. Par jugement du 10 juin 2024, le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) a rejeté le recours contre la décision sur réclamation.
Concernant le chiffre d’affaires non déclaré, contesté par ces derniers, il existait deux méthodes de taxation par estimation que l’autorité fiscale pouvait utiliser lorsque la comptabilité était défaillante : la méthode reconstructive (visant à compléter ou reconstruire une comptabilité déficiente) et la méthode des chiffres d’expérience ou coefficients expérimentaux. L’utilisation, en matière d’impôts directs, de données d’expérience recueillies par l’AFC-CH dans le cadre d’une reprise de TVA était admise par la jurisprudence.
L’AFC-GE s’était, à juste titre, fondée sur l’estimation du chiffre d’affaires non déclaré faite par l’AFC-CH dans le cadre des contrôles de 2017 et 2021, celle-ci ayant constaté le caractère lacunaire de la comptabilité et l’absence de nombreux justificatifs. Les décisions de l’AFC-CH étaient entrées en force. Le dossier de cette autorité fédérale avait permis d’identifier des éléments imposables qui n’avaient pas été déclarés par les contribuables. Les nombreuses pièces qu’ils avaient produites devant le TAPI ne permettaient pas de « renverser cette conviction ». En particulier, les relevés de leur compte bancaire ne permettaient pas d’exclure l’encaissement par d’autres voies de montants non déclarés, par exemple en espèces. Si un grand livre avait été produit pour les exercices comptables 2016 à 2019, aucun document similaire n’existait pour les années antérieures. Comme ce grave manquement avait été constaté lors du contrôle sur place effectué en 2017 par l’AFC-CH, le TAPI ne donnait pas suite à la demande des contribuables l’invitant à contacter leur ancien comptable. Si ce dernier n’avait pas été en mesure de produire des documents conformes sept années auparavant, le TAPI voyait mal comment il serait en mesure de le faire dans le cadre de la présente procédure. Comme la comptabilité de l’entreprise était manifestement incomplète, ce que le contribuable ne contestait pas, l’AFC-CH et l’AFC-GE étaient fondées à procéder à une estimation du chiffre d’affaires non déclaré. Les reprises litigieuses liées à ce dernier étaient donc confirmées dans leur principe.
Concernant leurs montants, la méthode utilisée par l’AFC-CH était très modérée lors de son premier contrôle, ce que les contribuables ne contestaient pas. Ils ne produisaient aucun justificatif permettant de remettre en cause les reprises effectuées. S’agissant des exercices 2016 à 2019, ils ne pouvaient être suivis lorsqu’ils considéraient que les soldes reportés d’un exercice n’avaient pas été correctement pris en compte, puisque le chiffre d’affaires manquant avait été déterminé sur la base d’une marge calculée sur les charges. Le montant des reprises litigieuse était confirmé.
Le TAPI a refusé la demande des contribuables tendant à obtenir la déduction de diverses factures qu’ils alléguaient avoir payées en espèces par les retraits effectués sur leurs comptes bancaires. Indépendamment du caractère manifestement insuffisant et non probant des explications fournées et justificatifs produits, le TAPI relevait que, dans la mesure où les reprises avaient été calculées sur la base d’une marge sur certaines charges, augmenter le montant de ces dernières reviendrait à augmenter dans le même pourcentage le bénéfice imposable. Le versement de salaires en espèces n’était justifié par aucune pièce (reçus ou autre). Les rares documents produits à l’appui de cette allégation ne pouvaient en outre pas être mis en relation avec la comptabilité, puisque celle-ci était lacunaire. Les reprises litigieuses étaient donc confirmées dans leur intégralité.
Trois éléments devaient être réunis pour la réalisation d’une soustraction fiscale : la soustraction d’un montant d’impôt, la violation d’une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier qui pouvait intervenir intentionnellement ou par négligence. Les deux premiers éléments, objectifs, étaient réunis, dans la mesure où les rappels d’impôts avaient été confirmés. Concernant la faute, les contribuables invoquaient leur absence de compétences et de connaissances en matière comptable et fiscale. Ils s’en étaient remis aux professionnels qu’ils avaient mandatés pour tenir leur comptabilité, mais admettaient les défaillances de leurs comptables successifs, qui étaient d’autant plus graves que, à l’issue de son premier contrôle, l’AFC-CH les avait informés en détail de leurs obligations. De toute manière, le fait d’avoir mandaté une fiduciaire ne permettait pas de décharger le contribuable de ses obligations fiscales vu la jurisprudence. La soustraction d’impôts était donc réalisée en l’espèce.
Le TAPI a confirmé la quotité des amendes litigieuses, fixée à 0.75 fois le montant de l’impôt soustrait par l’AFC-GE qui avait retenu l’intention, à tout le moins par dol éventuel. S’il n’était pas exclu que l’attitude du contribuable puisse être qualifiée de négligence vu notamment son inexpérience en matière fiscale, il relevait, à titre de facteurs aggravants, la répétition de la soustraction pendant plusieurs années et l’importance des montants en jeu, de sorte que la quotité n’était pas disproportionnée.
D. a. Par acte remis le 11 juillet 2024 au guichet, B______ et A______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, en concluant implicitement à son annulation.
Ils énuméraient pour chaque année, entre 2012 et 2019, le chiffre d’affaires déclaré par leur comptable, le montant reçu à titre d’allocations familiales annuelles et le salaire de l’un ou l’autre des époux. Ils indiquaient également pour les années 2012 à 2015 un chiffre correspondant, selon eux, à la facturation de clients. Ils avaient regroupé toutes les factures familiales et de l’entreprise, en tout cas depuis 2014, payant en 2012 et 2013 des factures « considérées comme non comptabilisées » avec les revenus tirés des salaires et des allocations familiales. Ils contestaient pour 2014 et 2015 le montant retenu par l’AFC-CH comme non déclaré qu’ils estimaient à près de CHF 10'000.- pour chacune de ces deux années. Pour les années 2016 à 2019, l’autorité compétente pour la TVA n’avait pas pris en compte le solde initial de l’année antérieure pour la détermination du montant du chiffre d’affaires non comptabilisé. Ils se plaignaient également du fait que, pour cette même période, leur comptable avait comptabilisé les paiements de certaines factures comme des paiements et des entrées dans le chiffre d’affaires, ce qui était erroné. En particulier, un même tiers leur avait, à plusieurs reprises entre 2017 et 2018, versé des sommes situées entre CHF 30'000.- et près de CHF 43'000.- que les contribuables lui avaient reversées dans leur intégralité ou quasi-intégralité au cours de la même année. Par ailleurs, concernant l’argent liquide, le contribuable avait déjà envoyé la preuve à l’autorité fiscale du fait que cet argent avait servi à payer des employés ne détenant pas de compte bancaire, en projet « papyrus », puis à payer l’entreprise sous-traitante.
Ils avaient toujours été de bonne foi et tout mis en œuvre pour prouver leur volonté de contribuer à l’éclaircissement des faits, allant jusqu’à tenter de reconstituer un tableau synthétique remplaçant le « grand livret » 2012 et 2014 car leur comptable avait fait faillite et gardé avec lui les « livrets » sans les leur restituer. Leur nouveau comptable à partir de 2015 continuait de refuser de leur restituer le « grand livret » pour cette année-là, raison pour laquelle il avait fait un tableau synthétique. Ils avaient les « grands livrets » pour les années 2016 à 2020. Ils avaient fait de leur mieux pour fournir les « meilleurs documents possibles » avec leurs propres moyens et demandaient un traitement clément et proportionné.
b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.
Les montants déclarés et taxés au titre d’allocations familiales en 2012, 2016, 2018 et 2019 étaient inférieurs à ceux que le recourant alléguait avoir effectivement perçus dans son recours. Ce dernier mélangeait les éléments du revenu de l’activité indépendante aux autres revenus (salaire et allocations familiales), ceux-ci ayant été déclarés dans les rubriques y relatives et taxés comme tels. La tentative de reconstituer un tableau synthétique remplaçant certains des grands livres manquants était vaine dans un contexte de comptabilité déficiente, cette pièce étant non probante et dépourvue d’effet sur le sort du litige. La méthode de taxation par estimation utilisée par l’AFC-CH dans le cadre de la reprise de TVA pour déterminer les montants perçus, qui avaient été repris par l’AFC-GE, avait été validée par la chambre administrative dans une cause récente (ATA/701/2014 du 10 juin 2024).
c. Les recourants ont répliqué et maintenu leur position. Ils avaient essayé de retrouver leur premier comptable ayant fait faillite et de suppléer à l’absence des documents comptables par des tableaux synthétiques élaborés sur la base des comptes bancaires et des factures de clients qu’ils avaient. Ils estimaient que les montants des factures non comptabilisées étaient beaucoup trop élevés.
d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. La question de l’éventuelle prescription des rappels d’impôts et des amendes a été correctement examinée par le TAPI, de sorte qu’il suffit d’y renvoyer, dans la mesure où aucun des délais déterminants n’est non plus atteint devant la chambre administrative, pour les mêmes motifs que ceux dûment exposés par le jugement querellé (consid. 3 à 8). Les rappels d’impôts et amendes ne sont donc pas prescrits.
3. S’agissant de l’objet du litige, les recourants ne contestent, à juste titre, pas le principe des rappels d’impôts litigieux, soit la découverte de faits inconnus de l’AFC-GE jusqu’aux communications de l’AFC-CH portant sur l’existence d’une comptabilité défaillante de l’entreprise individuelle entre 2012 et 2019, mise en lumière par des contrôles sur place de l’AFC-CH, avec pour conséquence une taxation incomplète en matière d’ICC et IFD pour ces mêmes années compte tenu du chiffre d’affaire non comptabilisé, identifié par l’AFC-CH, pour cette période.
3.1 En effet, lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l’autorité fiscale lui permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force est incomplète ou qu’une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l’autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts (art. 151 al. 1 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 53 al. 1 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14 ; art. 59 al. 1 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).
Le rappel d'impôt est soumis à des conditions objectives. Il faut d'abord qu'une taxation n'ait, à tort, pas été établie ou soit restée incomplète, de sorte que la collectivité publique a subi une perte fiscale. Le rappel d'impôt suppose ensuite l'existence d'un motif de rappel. Un motif de rappel d'impôt peut résider dans la découverte de faits ou de moyens de preuve inconnus jusque-là, soit des faits ou moyens de preuves qui ne ressortaient pas du dossier dont disposait l'autorité fiscale au moment de la taxation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_396/2022 du 7 décembre 2022 consid. 6.1.3 et 6.1.4).
3.2 L'autorité fiscale peut, en principe, considérer que la déclaration d'impôt est exacte et complète et elle n'est pas tenue, à défaut d'indices correspondants, de rechercher des informations complémentaires. En d'autres termes, l'autorité fiscale ne doit se livrer à des investigations complémentaires au moment de procéder à la taxation que si la déclaration contient indiscutablement des inexactitudes flagrantes. Des inexactitudes qui ne sont que décelables, sans être flagrantes, ne permettent pas de considérer que certains faits ou moyens de preuve étaient déjà connus des autorités au moment de la taxation. Lorsque l'autorité fiscale aurait dû se rendre compte de l'état de fait incomplet ou inexact, le rapport de causalité adéquate entre la déclaration lacunaire et la taxation insuffisante ou incomplète est interrompu et les conditions pour procéder ultérieurement à un rappel d'impôt font défaut. Cette rupture du lien de causalité est soumise à des exigences sévères, à savoir une négligence grave imputable à l'autorité fiscale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_396/2022 précité consid. 6.1.4 et les arrêts cités).
Les contribuables n’allèguent, à raison, aucune négligence grave à l’encontre de l’AFC-GE. En effet, le contribuable doit remplir la déclaration d’impôt de manière conforme à la vérité et complète ; il doit la signer personnellement et la remettre à l’autorité fiscale compétente avec les annexes prescrites, dans le délai qui lui est imparti (art. 124 al. 2 LIFD ; art. 26 al. 2 LPFisc). Le contribuable doit faire tout ce qui est nécessaire pour assurer une taxation complète et exacte (art. 126 al. 1 LIFD ; art. 42 al. 1 LHID ; art. 31 al. 1 LPFisc). Lorsqu’il se heurte à une incertitude quant à un élément de fait, il ne doit pas la dissimuler, mais bien la signaler dans sa déclaration. Dans tous les cas, il doit décrire les faits de manière complète et objective (arrêt du Tribunal fédéral 2C_81/2022 et 2C_102/2022 du 25 novembre 2022 consid. 7.1).
4. Les contribuables ne contestent par ailleurs pas que sont imposables tous les revenus provenant de l'exploitation d'une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, de l'exercice d'une profession libérale ou de toute autre activité lucrative indépendante (art. 18 al. 1 LIFD ; art. 19 al. 1 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 - LIPP - D 3 08).
4.1 À ce sujet, il convient de rappeler que le revenu imposable de l'indépendant astreint à tenir une comptabilité (art. 18 al. 3 LIFD ; art. 19 al. 4 LIPP) résulte du solde du compte de résultats, conformément au principe de l'autorité du bilan commercial institué par l'art. 58 LIFD. Selon ce principe, le bénéfice imposable des personnes physiques et morales repose sur le bénéfice tel qu'il ressort du compte de résultats établi selon les règles du droit commercial. Les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices particulières. L'autorité du bilan commercial tombe en revanche lorsque des normes impératives du droit commercial sont violées ou que des normes fiscales correctrices l'exigent (art. 58 LIFD ; ATF 141 II 83 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_370/2016 du 28 mars 2017 consid. 2.2 et les arrêts cités). Les mêmes principes valent pour les ICC (art. 24 al. 1 let. a LHID ; art. 11 et 12 al. 1 let. a de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 - LIPM - D 3 15).
En principe, on ne peut se fonder sur la comptabilité du contribuable que si l'exactitude des faits qui y sont consignés est garantie. Tel n'est pas le cas dans deux hypothèses : d'abord, lorsque les livres ne sont pas tenus régulièrement du point de vue formel, mais aussi lorsqu'il est manifeste que les résultats comptabilisés ne concordent pas quant au fond avec l'état réel des faits, soit parce qu'il y a divergence entre ces résultats et l'évolution de la fortune du contribuable ou son train de vie, soit parce qu'il y a une divergence entre ces résultats et ceux qui, selon l'expérience, sont obtenus dans la branche de la profession en question, sans que des circonstances spéciales n'expliquent ces différences (arrêt du Tribunal fédéral 2C_370/2016 du 28 mars 2017 consid. 2.2 et les arrêts cités).
4.2 L’art. 125 LIFD indique les annexes à fournir par les personnes physiques dont le revenu provient d’une activité lucrative indépendante et les personnes morales, à son al. 2. Celles-ci doivent joindre à leur déclaration : a) les comptes annuels signés (bilan, compte de résultats) concernant la période fiscale, ou b) en cas de tenue d’une comptabilité simplifiée en vertu de l’art. 957 al. 2 CO : un relevé des recettes et des dépenses, de l’état de la fortune ainsi que des prélèvements et apports privés concernant la période fiscale. Il en va de même pour les ICC (art. 42 al. 3 LHID ; art. 29 al. 2 LPFisc).
L’art. 957 al. 2 CO dispose, à son ch. 1, que les entreprises individuelles et les sociétés de personnes qui ont réalisé un chiffre d’affaires inférieur à CHF 500'000.- lors du dernier exercice ne tiennent qu’une comptabilité des recettes et des dépenses ainsi que du patrimoine. Le principe de régularité de la comptabilité s’applique par analogie aux entreprises visées à l’al. 2 (art. 957 al. 3 CO).
4.2.1 L'art. 125 al. 2 LIFD ne précise pas les exigences auxquelles doivent répondre ces états et relevés, qui dépendent des circonstances du cas d'espèce, en particulier du type d'activité et de l'ampleur de cette dernière. Dans tous les cas, ils doivent être propres à garantir une saisie complète et fiable du revenu et de la fortune liés à l'activité lucrative indépendante et pouvoir être contrôlés dans des conditions raisonnables par les autorités fiscales (arrêt du Tribunal fédéral 2C_543/2012 du 12 novembre 2012 consid. 2.2). Cette exigence est d'autant plus importante lorsque les contribuables entendent alléguer des faits de nature à éteindre ou à diminuer leur dette fiscale (ATF 121 II 257 consid. 4c/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_651/2012 du 28 septembre 2012 consid. 4.1 ; ATA/701/2024 du 10 juin 2024 consid. 6.2).
4.2.2 Selon l’art. 957a al. 1 CO, la comptabilité constitue la base de l’établissement des comptes. Elle enregistre les transactions et les autres faits nécessaires à la présentation du patrimoine, de la situation financière et des résultats de l’entreprise (situation économique). L’al. 2 de cette norme prévoit que la comptabilité est tenue conformément au principe de régularité qui comprend notamment : 1) l’enregistrement intégral, fidèle et systématique des transactions et des autres faits nécessaires au sens de l’al. 1 ; 2) la justification de chaque enregistrement par une pièce comptable ; 3) la clarté ; 4) l’adaptation à la nature et à la taille de l’entreprise ; 5) la traçabilité des enregistrements comptables. On entend par pièce comptable tout document écrit, établi sur support papier, sur support électronique ou sous toute forme équivalente, qui permet la vérification de la transaction ou du fait qui est l’objet de l’enregistrement (art. 957a al. 3 CO).
L’art. 958c CO traite du principe de régularité. Selon son al. 1, l’établissement régulier des comptes est régi en particulier par les principes suivants : 1) la clarté et l’intelligibilité ; 2) l’intégralité ; 3) la fiabilité ; 4) l’importance relative ; 5) la prudence ; 6) la permanence de la présentation et des méthodes d’évaluation ; 7) l’interdiction de la compensation entre les actifs et les passifs et entre les charges et les produits. La présentation des comptes est adaptée aux particularités de l’entreprise et de la branche, dans le respect du contenu minimal prévu par la loi (art. 958c al. 3 CO).
4.3 En l’espèce, les communications de l’AFC-CH ont mis en évidence plusieurs manquements dans la comptabilité de l’entreprise individuelle du contribuable, détaillés plus haut, tels que l’absence de plusieurs pièces comptables, la non‑comptabilisation de factures de clients, la non-présentation de factures de clients avec la date et le moyen d’encaissement, l’absence d’une comptabilité régulièrement mise à jour, le non-établissement des postes « débiteurs ouverts » et « stock » en fin d’année, l’absence des livres de caisse entre 2012 et 2015 et l’absence de mise à jour pour les livres de caisse entre 2016 et 2019. Vu ces éléments et après deux contrôles sur place, l’AFC-CH a qualifié la comptabilité de « non probante » pour la période de 2012 à 2015 et d’ « incomplète » pour celle de 2016 à 2019, étant précisé que les deux notifications d’estimation de l’AFC-CH n’ont pas été contestées par les contribuables.
Dans ces circonstances, c’est à bon droit que l’AFC-GE a considéré que la comptabilité sur laquelle reposaient les taxations initiales ICC et IFD de 2012 à 2019 était défaillante et ne répondait pas aux exigences légales susmentionnées découlant du droit commercial.
5. Les recourants se plaignent de se voir imputer un chiffre d’affaires non déclaré, tel qu’estimé par l’AFC-CH, qui serait selon eux beaucoup trop élevé, considérant avoir tout mis en œuvre pour éclaircir les faits relatifs à leur comptabilité et subir les actes de leurs comptables alors qu’ils ne disposaient pas des connaissances spécifiques en la matière.
5.1 Outre les règles sur la répartition du fardeau de la preuve rappelées par le jugement querellé et les obligations susmentionnées relatives à la tenue d’une comptabilité, dont les exigences sont simplifiées si le chiffre d’affaires est inférieur à CHF 500'000.- (art. 125 al. 2 LIFD et 957 al. 2 CO), il convient ici de souligner la jurisprudence fédérale relevée par le TAPI, selon laquelle lorsqu'elle est confrontée au caractère déficient de la comptabilité d'une société, l'administration fiscale peut procéder à une taxation par estimation. Il existe deux méthodes de taxation par estimation auxquelles l'AFC‑CH a recours : d'une part, la méthode reconstructive, qui vise à compléter ou reconstruire une comptabilité déficiente, et, d'autre part, la méthode des chiffres d'expérience ou coefficients expérimentaux. Il appartient au contribuable de s'accommoder de l'imprécision ou de l'approximation qui résulte nécessairement d'une estimation fiscale, laquelle a elle-même été déclenchée à cause d'une tenue lacunaire de sa comptabilité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_657/2012 du 9 octobre 2012 consid. 3). La procédure par estimation vise à éviter que, les cas où le contribuable se soustrait à son obligation de coopérer ou dans lesquels les documents comptables se révèlent incomplets, insuffisants, voire inexistants, ne se soldent par une perte d'impôt. Dans la mesure où des contribuables admettaient la présence d'un chiffre d’affaires non déclaré mais contestaient les montants retenus, il leur appartenait de chiffrer et de prouver les reprises qui auraient dû être faites (arrêt du Tribunal fédéral 2C_82/2014 du 6 juin 2014 consid. 3.1 et les arrêts cités).
Par ailleurs, il convient, selon le Tribunal fédéral, de bien distinguer la fonction des coefficients expérimentaux qui permettent de vérifier la validité matérielle d'une comptabilité commerciale tenue en bonne et due forme et celle, prévue par l'art. 130 al. 2 LIFD, qui permet d'arrêter un bénéfice imposable lorsque la comptabilité n'a pas de valeur probante. Dans ce cas-ci, le coefficient expérimental ne devra être écarté que s'il est manifestement inexact, ce qu'il incombe au contribuable de démontrer (arrêts du Tribunal fédéral 2C_370/2016 du 28 mars 2017 consid. 2.3 ; 2C_419/2010 du 13 octobre 2010 consid. 3.2).
Selon l’art. 130 al. 2 LIFD, l’autorité de taxation effectue la taxation d’office sur la base d’une appréciation consciencieuse si, malgré sommation, le contribuable n’a pas satisfait à ses obligations de procédure ou que les éléments imposables ne peuvent être déterminés avec toute la précision voulue en l’absence de données suffisantes. Elle peut prendre en considération les coefficients expérimentaux, l’évolution de fortune et le train de vie du contribuable. Il en va de même pour les ICC (art. 37 al. 1 LPFisc). Le recours à des coefficients expérimentaux, la prise en compte de l’évolution de fortune et le train de vie du contribuable ne sont pas limités à la procédure de taxation d’office ; ces moyens sont également ouverts à l’autorité dans le cadre d’une taxation ordinaire (Isabelle ALTHAUS-HOURIET, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, n. 27 ad art. 130 LIFD).
5.2 Conformément à la jurisprudence fédérale citée par le TAPI, lorsqu'il mandate une fiduciaire pour remplir sa déclaration d'impôt, le contribuable n'est pas déchargé de ses obligations et responsabilités fiscales, mais doit supporter les inconvénients d'une telle intervention ; il répond en particulier des erreurs de l'auxiliaire qu'il n'instruit pas correctement ou dont il ne contrôle pas l'activité, du moins s'il était en mesure de reconnaître ces erreurs. Il ne faut pas que le contribuable qui se fait représenter soit favorisé par rapport au contribuable qui remplit sa déclaration fiscale lui-même, par la possibilité de se soustraire à sa responsabilité en se retranchant derrière son représentant pour des fautes qui lui sont imputables (arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.3 et les arrêts cités).
5.3 En l’espèce, comme le relève l’AFC-GE, face à une comptabilité déficiente, les efforts des contribuables pour tenter d’y remédier en créant après coup divers tableaux et produisant des extraits bancaires ou postaux ne changent rien aux lacunes et manquements constatés par l’AFC-CH dans la comptabilité de l’entreprise individuelle lors de ses deux contrôles. L’AFC-GE pouvait, dans ces circonstances, procéder à une taxation par estimation, les contribuables devant s’accommoder de l’imprécision ou de l’approximation susceptibles de découler d’une estimation fiscale dont la cause réside dans la tenue lacunaire de la comptabilité de leur entreprise individuelle, comme le souligne la jurisprudence susmentionnée. Les éventuelles erreurs des comptables mandatés pour établir leur comptabilité et remplir leurs déclarations fiscales doivent être imputées, conformément à la jurisprudence, aux contribuables. L’AFC-GE était ainsi fondée à s’appuyer sur les constats et estimations de l’AFC-CH, qui résultent de deux contrôles sur place de ladite entreprise et qui sont dûment étayés dans les communications d’août 2017 et de novembre 2021. C’est à bon droit que sur cette base, elle a repris les montants que l’AFC-CH avait désignés comme étant des chiffres d’affaires non comptabilisés par les contribuables, dans leurs taxations ICC et IFD de 2012 à 2019, initialement incomplètes compte tenu des défaillances de la comptabilité découvertes après coup lors des contrôles TVA par l’AFC-CH.
Les recourants n’apportent aucun élément susceptible de remettre en cause les analyses et les données prises en compte par l’AFC-CH, qu’ils n’ont d’ailleurs à l’époque eux-mêmes pas contestées. En effet, comme le relève le TAPI, les relevés de leur compte bancaire ne permettent pas d’exclure l’encaissement par d’autres voies de montants non déclarés, par exemple en espèces, ce d’autant plus en l’absence de livres de caisse dûment tenus et régulièrement mis à jour. Le fait d’avoir décidé, comme ils le soutiennent, de regrouper toutes les factures, sans distinguer les frais liés à l’activité indépendante des dépenses familiales, et d’avoir payé, comme ils l’allèguent, en argent liquide des employés qui étaient en « projet papyrus » et des entreprises sous-traitantes, ne permet pas de clarifier la situation comptable de leur entreprise, eu égard aux obligations légales – non respectées in casu – en matière de comptabilité exigeant notamment en comptabilité simplifiée un relevé des recettes et des dépenses ainsi que des prélèvements et apports privés. Il en va de même des explications relatives aux montants de plusieurs milliers de francs perçus et reversés à la même personne. Les éventuelles erreurs de leur comptable leur sont non seulement imputables, mais on ne comprend en outre pas pourquoi les contribuables ne les ont pas signalées auparavant à l’autorité fiscale, que ce soit dans le cadre des taxations initiales des ICC et IFD ou des estimations en lien avec la TVA. L’argument selon lequel les soldes reportés de l’année antérieure n’avaient pas, entre 2016 et 2019, été pris en compte pour la détermination du montant du chiffre d’affaires non comptabilisé est, comme le relève le TAPI, dénué de pertinence puisque ce montant a été déterminé sur la base d’une marge calculée sur les charges, comme cela ressort de l’estimation de novembre 2021 de l’AFC-CH. Enfin, c’est à juste titre que le TAPI considère, s’agissant des factures que les contribuables allèguent avoir payées en espèce, qu’indépendamment de la question de leur force probante, augmenter leur montant reviendrait à augmenter dans le même pourcentage le bénéfice imposable vu que les reprises litigieuses ont été calculées sur la base d’une marge sur certaines charges.
Dès lors, l’AFC-GE a procédé, conformément au droit, en fondant les reprises litigieuses relatives au chiffre d’affaires non comptabilisé entre 2012 et 2019 sur les données dûment étayées de l’AFC-CH.
6. Enfin, les recourants ne remettent pas en cause, à tout le moins en ce qui concerne leur principe, les amendes litigieuses, et ce à raison. Ils ne contestent explicitement pas non plus leur quotité, fixée à 0.75 du montant des impôts éludés, se limitant à demander un traitement proportionné et clément sans autre explication hormis celle de subir les actes de leurs comptables.
6.1 Sur ce dernier point et outre la jurisprudence susmentionnée relative à l’intervention d’un auxiliaire en matière fiscale, il convient de rappeler que la soustraction d’impôt (art. 175 al. 1 LIFD, 56 al. 1 LHID et 69 al. 1 LPFisc) est punissable aussi bien intentionnellement que par négligence, comme l’a correctement relevé le TAPI en mentionnant dans le jugement querellé la jurisprudence topique à laquelle il est renvoyé.
En règle générale, l’amende est fixée au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l'amende peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc).
Selon la jurisprudence, en présence d'une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l'amende équivaut en principe au montant de l'impôt soustrait. Ce dernier constitue donc le premier critère de fixation de l'amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d'augmentation de sa quotité (ATF 144 IV 136 consid. 7.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1 ; ATA/1208/2024 du 15 octobre 2024 consid. 2.3). En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l’impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l’auteur (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1). Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi, disposent d'un large pouvoir d'appréciation lors de la fixation de l'amende (arrêt du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 7.2.1).
Lorsqu'un contribuable signe sa déclaration fiscale, il endosse la responsabilité de la véracité des indications qui s'y trouvent ; il répond ainsi lui‑même des infractions fiscales commises si une faute lui est imputable. Pour retenir l'intention, à tout le moins par dol éventuel, il faut toutefois que le contribuable ait pu reconnaître le caractère erroné de la déclaration fiscale s'il avait agi avec la diligence requise et qu'il ait ainsi été en mesure de la faire corriger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.3 et les arrêts cités).
6.2 En l’espèce, l’AFC-GE a pris en compte la situation personnelle et patrimoniale des contribuables et réduit la quotité des amendes litigieuses à 0.75 fois le montant des impôts soustraits. Le fait de ne pas avoir des compétences comptables, à l’origine de l’intervention de comptables in casu, ne dispense pas le contribuable de communiquer à ses auxiliaires toutes les informations et pièces nécessaires et de vérifier, dès le dépôt de la déclaration fiscale, l’activité du comptable de manière à répondre aux obligations légales lui incombant, en particulier celle d’assurer une taxation complète et exacte et d’établir des états financiers complets et fiables. Les défaillances susmentionnées de la comptabilité de l’entreprise individuelle, mises en lumière lors des contrôles de l’AFC-CH, constituent des manquements graves, ayant duré huit ans, et aisément reconnaissables pour tout indépendant faisant preuve de diligence, surtout après les recommandations en matière de comptabilité faites par l’AFC-CH aux contribuables, à la suite du premier contrôle TVA, en annexe de la notification d’estimation d’août 2017. Il est regrettable que les contribuables n’aient pas, au moment du dépôt de leurs déclarations fiscales 2012 à 2019, déployé les efforts nécessaires pour s’assurer alors du caractère correct et complet des données transmises par leurs comptables ; les efforts fournis par leurs soins, après le prononcé des décisions litigieuses, pour tenter de pallier la comptabilité déficiente ne leur sont d’aucun secours.
Dans ces circonstances, l’AFC‑GE n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant une quotité de 0.75 fois le montant des impôts éludés.
Mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.
7. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 700.- sera mis à la charge solidaire des recourants et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 11 juillet 2024 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 juin 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 700.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;
communique le présent arrêt à A______ et B______, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.
Siégeant : Michèle PERNET, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
M. PERNET |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière : |