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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2996/2023

ATA/1068/2024 du 10.09.2024 sur JTAPI/152/2024 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS;LOI FÉDÉRALE SUR LES ÉTRANGERS ET L'INTÉGRATION;RESSORTISSANT ÉTRANGER;AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;PARENTÉ;RESPECT DE LA VIE FAMILIALE;ADMISSION PROVISOIRE;RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.30.al1.letb; LEI.64.al1.letc; LEI.83; CEDH.3; LEI.96.al1; OASA.31.al1
Résumé : Recours d’une ressortissante de la République du Congo contre un refus d’octroi d’une autorisation de séjour pour elle et ses enfants. Les conditions du cas de rigueur, notamment sous l’angle médical, et de l’admission provisoire n’étant pas remplies, le recours est rejeté. Les autorités en charge du renvoi sont toutefois invitées à s’assurer que la famille ne quitte pas la Suisse sans qu’une assistance médicale et pédopsychiatrique soit mise en place avec les autorités congolaises.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2996/2023-PE ATA/1068/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 septembre 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______, agissant pour elle-même et ses enfants mineurs, B______ et C______ recourants
représentés par le Centre social protestant, soit pour lui Sandra LACHAL, mandataire

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 février 2024 (JTAPI/152/2024)


EN FAIT

A. a. Selon la base de données CALVIN de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) :

- A______, née le ______ 1999, est ressortissante de la République du Congo (ci-après : Congo) ;

- B______, né le ______ 2012, est également ressortissant du Congo ;

- D______, lui aussi ressortissant du Congo, né le ______ 1961, est le père de A______ et de B______. Il a été fonctionnaire de la Mission permanente du Congo et a séjourné à Genève du 16 août 2019 au 30 juillet 2021, date de son départ.

b. A______ et B______ ont été mis au bénéfice d’une carte de légitimation délivrée par le département fédéral des affaires étrangères, le 11 mars 2020. Ils sont arrivés en Suisse au mois de février 2020.

c. Le ______ 2023, A______ a donné naissance, à Genève, à C______, de nationalité congolaise. L’identité officielle du père de cette enfant n’est pas établie.

B. a. Le 1er septembre 2021, A______ a déposé une demande d’octroi d’un titre de séjour auprès de l’OCPM. Sur le formulaire M de demande d’autorisation de séjour était indiqué le nom de son père et celui de sa mère, E______.

b. Le même jour, B______, a effectué la même démarche. Sur ledit formulaire M, étaient mentionnés, outre le nom de son père, celui de sa mère, E______.

c. Le 1er juin 2022, A______ a requis l’octroi d’un permis de séjour avec activité lucrative. Elle souhaitait travailler, pour une durée indéterminée, à un taux d’occupation de 75% et pour un salaire mensuel brut de CHF 3’000.-, dans un magasin exploité par la société F______ SA.

C. a. Par courriel du 4 août 2022, l’OCPM a informé A______ que tant que son père était en fonction auprès d’une mission permanente à Genève, elle ne pouvait se voir délivrer un permis de séjour de type B, étant rappelé que les périodes de séjour effectuées au bénéfice d’une carte de légitimation n’étaient pas comptabilisées en vue de l’obtention d’un permis de séjour. De plus, dès lors qu’il avait été porté à sa connaissance qu’elle ne travaillait plus pour F______ SA depuis 2021, aucun permis « de type Ci avec activité lucrative » ne pouvait être établi en sa faveur. Partant, sa demande de « permis Ci » était classée sans suite.

D. a. Le 9 mai 2023, se référant aux demandes de titres de séjour déposées le 1er septembre 2021, l’OCPM a informé A______ de son intention de refuser d’y donner une suite favorable et de prononcer son renvoi ainsi que celui de B______. Un délai de trente jours leur était imparti pour faire usage de leur droit d’être entendu.

Ils auraient dû déposer une demande d’entrée en Suisse pour un long séjour auprès de la représentation diplomatique helvétique la plus proche de leur lieu de résidence et attendre la décision y relative à l’étranger. La durée de leur séjour à Genève n’était pas déterminante puisqu’elle n’avait été que de trois ans. Ils s’étaient contentés de déposer un formulaire M de demande d’autorisation de séjour directement auprès de l’OCPM, alors que leur père était en fonction. Après le départ de Suisse de D______, ils avaient été hébergés au foyer des Tattes. Aucun élément constitutif d’une situation d’extrême gravité n’avait été invoqué et ils ne pouvaient se prévaloir d’aucun droit à l’obtention d’un titre de séjour selon le droit ordinaire. Dès lors que leur père, de même que leur frère aîné, avaient quitté la Suisse, il était permis de penser qu’il n’existait pas d’obstacles à leur retour de leur pays d’origine.

b. A______ s’est déterminée.

Elle était la mère de B______ auquel elle avait donné naissance alors qu’elle n’avait que 13 ans. Étant donné son jeune âge, son père, D______, avait reconnu cet enfant comme son fils. Elle avait rejoint son père à Genève en février 2020, avec son fils ainsi que ses frères et sœurs, et avait été mise au bénéfice d’une carte de légitimation. Elle avait déposé une demande de permis de séjour pour pouvoir travailler. Son père avait ensuite quitté Genève pour se rendre temporairement au Congo mais « aurait toutefois été victime sur place d’un AVC puis de menaces » et n’était pas revenu à Genève. L’ensemble de la famille, qui dépendait du statut et des ressources de son père, s’était retrouvé dans une grande précarité et elle avait fait appel à l’Hospice général (ci-après : l’hospice) afin d’être logée avec son fils. Durant l’automne 2022, elle était tombée enceinte d’un ami qui vivait en France. Au vu de cette grossesse non désirée dans un contexte social très difficile, elle souffrait d’un épisode dépressif nécessitant un suivi par le service de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Un suivi pédopsychiatrique rapproché était également indispensable afin de renforcer ses capacités parentales et de travailler sur la stimulation des enfants pour assurer leur bon développement. Son renvoi risquait de fortement la déstabiliser psychiquement, avec pour conséquence qu’elle ne pourrait plus subvenir de manière adéquate aux besoins de ses enfants. Enfin, le père de sa fille, qui vivait en France, ne l’avait pas reconnue car il était en attente des documents nécessaires auprès de son État d’origine.

b.a. Était notamment joint à cette écriture un certificat de naissance établi le 2 juin 2023 par l’État civil congolais. Il en ressort que D______ est le père de B______, mais également que A______ est sa mère. Ce certificat se réfère à la transcription, le 1er mai 2023, de la réquisition aux fins de déclaration tardive de la naissance de B______ auprès d’un tribunal congolais le 27 mars 2023 et indique, s’agissant de D______ et de A______, une adresse identique à L______, la situation matrimoniale des parents étant « l’union libre ».

b.b. Selon un rapport médical portant l’en-tête du secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) complété le 30 juin 2023 par la docteure G______ du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent des HUG, C______ « était le second enfant de ses parents », qui vivaient séparés, le père séjournant en France avec son épouse et « leurs deux enfants ». A______, sans emploi et dépendante de l’aide sociale, vivait avec ses deux enfants au foyer des Tattes. La famille était très isolée socialement, même si une amie les soutenait. La rubrique « Douleurs et troubles annoncés » précisait : « précarité psycho-sociale, autres difficultés liées à l’entourage immédiat, y compris la situation familiale ». S’agissant du « statut », la patiente présentait un développement harmonieux et une bonne santé habituelle. Elle était intéressée par les interactions et savait bien exprimer ses besoins. Quant à l’évolution de la situation, depuis sa grossesse, la mère présentait des symptômes dépressifs qui entravaient ses compétences parentales. Depuis la naissance d’C______, sa mère assurait les soins de base de manière adéquate. Toutefois, ses difficultés psychiques l’empêchaient de mettre en place un environnement favorable à la stimulation de ses enfants permettant de leur assurer un bon développement psychique et cognitif. Bien que A______ entretenait un bon lien avec ses enfants, la charge de travail y relative était élevée pour elle en raison de sa dépression, ce d’autant qu’elle n’était pas aidée par « son ex-conjoint ». Aussi, le contexte social précaire et l’isolement social vécu par la famille étaient des facteurs de stress supplémentaires. Dès lors, elle avait besoin de soutien dans sa parentalité et d’aide quant à la stimulation adéquate d’un bébé. Le diagnostic était « Difficultés en lien à l’acculturation ; autres difficultés liées à l’entourage immédiat, y compris la situation familiale et difficultés liées à une grossesse non désirée ». Le traitement d’C______, pour une durée indéterminée depuis sa naissance, était un suivi pédopsychiatrique mère-bébé bimensuel centré sur le travail des capacités parentales de A______, des stimulations et des besoins de ses enfants afin de leur assurer un bon développement. Le traitement nécessaire et adéquat consistait en la poursuite de ce suivi centré sur les capacités parentales et le soutien à la parentalité de la mère. Dans ce but, un suivi rapproché était indispensable sur le plan pédopsychiatrique, les premiers mois de vie d’un bébé étant déterminants pour le devenir psychique et le développement de celui-ci. Un suivi psychiatrique régulier était également indispensable pour traiter la psychopathologie de la mère. En l’absence de suivi pédopsychiatrique, il y avait un risque élevé de sous-stimulation pour C______. En outre, au vu de la dépression de sa mère, des difficultés psycho-affectives étaient également très probables pour l’enfant. Aucun médecin ni structure médicale n’étaient connus dans le pays d’origine. Irait à l’encontre d’un traitement médical dans ce pays le fait qu’un renvoi risquait de fortement déstabiliser la mère, laquelle, lorsqu’elle allait moins bien, peinait à subvenir de manière adéquate aux besoins de ses enfants. Elle peinerait probablement également à se rendre aux rendez-vous si ses symptômes psycho‑pathologiques venaient à s’exacerber. Elle n’y avait enfin pas de ressources qui pourraient l’aider à la mise en place d’un suivi régulier.

c. A______ a transmis à l’OCPM le rapport médical portant l’en-tête du SEM, complété le 10 juillet 2023 par la docteure H______, médecin psychiatre, cheffe de clinique aux HUG.

Selon les déclarations de A______, elle avait deux frères qui vivaient en France et une demi-sœur qui vivait à Genève, avec lesquels elle n’avait pas de contacts. À la suite de la séparation de ses parents, lorsqu’elle avait 14 ans, sa mère était restée au Congo alors qu’elle était venue avec son père en Suisse en 2020, en raison notamment du climat d’insécurité politique au Congo. Son père avait été licencié et avait dû rentrer au Congo en 2021. Son fils avait été élevé par sa grand-mère puis par son grand-père maternels. Elle avait été réunie avec son fils lors de leur arrivée en Suisse en 2020. Cet enfant avait eu de nombreux soucis de santé en Afrique. Le géniteur de ses deux enfants était un ressortissant congolais qui vivait en France. Il n’était pas investi dans sa parentalité et ne les avait pas reconnus. Elle avait vécu de 2020 à 2022 avec un ami puis chez une amie. Depuis septembre 2022, elle vivait avec son fils dans une chambre du foyer des Tattes et bénéficiait d’une aide mensuelle de l’hospice de CHF 600.-. Scolarisée jusqu’à 17 ans, elle avait ensuite commencé une formation de visagiste en Suisse, qu’elle n’avait pu achever faute de moyens financiers, puis avait travaillé comme caissière durant cinq mois avant d’être licenciée faute de titre de séjour. Ses enfants étaient suivis par le service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) avec son accord, afin de l’aider dans sa parentalité. Elle n’avait pas rapporté de tentative de suicide, de symptôme dépressif, de prise de psychotropes, de suivi psychiatrique et psychologique ni d’hospitalisation en psychiatrie. Elle rapportait des troubles dépressifs en lien avec l’arrivée au foyer des Tattes en septembre 2022, des insomnies dues aux nuisances sonores des voisins et externes, des bagarres et de la consommation d’alcool de sorte qu’elle ne se sentait pas en sécurité car cette insécurité était similaire à celle qui l’aurait poussée à fuir le Congo. Elle rapportait aussi des pleurs quotidiens, un faible appétit et des douleurs somatiques. Elle sollicitait un soutien psychologique et un changement de lieu de vie ; malgré le fait qu’elle avait changé trois fois de chambre, les difficultés persistaient. Lors du dernier entretien, elle avait indiqué que son trouble dépressif était également en lien avec l’absence de situation économique stable et la séparation d’avec son père, qui serait retourné un Congo, où il se cachait du gouvernement et aurait fait un AVC, dont il aurait conservé des séquelles motrices sans pouvoir payer les soins médicaux nécessaires. Constituait un facteur de stress supplémentaire l’absence de soutien de la part du géniteur de ses enfants, l’isolement social à Genève et les multiples pertes à la suite du retour de son père au Congo. Quant au « statut », avaient notamment été constatés un discours cohérent et structuré, de multiples plaintes somatiques, des ruminations et un trouble du sommeil mais aucune anxiété physique, idées noires ou suicidaires, ni éléments psychotiques. Malgré un suivi extrêmement régulier et la prise du traitement, les symptômes dépressifs persistaient avec peu d’évolution.

Le diagnostic posé et le traitement proposé seront repris dans la partie en droit.

d. Le 18 juillet 2023, l’OCPM a refusé de délivrer un titre de séjour en faveur de A______ et de ses deux enfants, a prononcé leur renvoi et leur a imparti un délai au 18 novembre 2023 pour quitter la Suisse. Les motifs étaient ceux mentionnés dans son courrier d’intention du 9 mai 2023.

D. a. Par acte du 14 septembre 2023, A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) concluant, principalement, à son annulation et à ce qu’il soit constaté qu’elle-même et ses enfants remplissaient les conditions d’octroi d’un titre de séjour, subsidiairement à ce qu’ils bénéficient d’une admission provisoire.

Afin de ne pas aggraver ses symptômes de façon trop brutale, l’annonce de la décision de renvoi avait dû être réalisée en présence du corps médical, dans un espace sécurisé des HUG. Ses symptômes semblaient s’aggraver à la suite de cette décision et la prise en charge en cours n’était pas suffisante. Un réseau s’était constitué à Genève autour d’elle et de ses enfants en raison des risques sanitaires existants pour tous les trois. En cas de renvoi, elle ne pourrait compter sur sa famille sur place pour l’accueillir avec ses enfants. Son père souffrait de séquelles physiques liées à son AVC et « serait menacé de mort » et sa mère vivait chez l’un de ses fils, qui ne disposait ni de la place ni des ressources suffisantes pour les accueillir. Le père de sa fille, qui vivait toujours en France, était venu à Genève durant l’été pour la rencontrer et effectuer des démarches en vue de la reconnaître.

Sa situation et celle de ses enfants constituait un cas de rigueur. En raison de ses symptômes dépressifs importants, elle avait délaissé son fils et avait eu besoin d’un important suivi psychiatrique et d’un accompagnement poussé centré sur la périnatalité. Dès la naissance de sa fille, un suivi global de la famille avait été instauré et un signalement avait été effectué auprès du SPMi, avec son accord. Elle acceptait les différents traitements et avait conscience de leur importance. Le suivi actuellement en place leur était nécessaire pour assurer leur santé et éviter toute forme de négligence involontaire. De plus, l’intérêt supérieur de ses enfants commandait qu’ils puissent rester vivre en Suisse auprès d’elle dans un environnement leur offrant la stabilité indispensable à leur épanouissement, ce qui ne serait très vraisemblablement pas le cas au Congo.

Subsidiairement, pour les mêmes motifs, leur renvoi était inexigible, dès lors que tous trois ne pourraient bénéficier au Congo de l’encadrement et du traitement médical nécessaires à leur santé physique et psychique, en particulier s’agissant des enfants, notamment au regard du suivi spécifique de périnatalité nécessaire.

Était notamment joint un nouveau certificat médical établi le 13 septembre 2023 par la Dre H______ et I______, psychologue, selon lequel A______ avait présenté, depuis le dernier rapport médical du 11 juillet 2023, une légère amélioration de son trouble dépressif avec une diminution de l’apathie et de l’aboulie. Malheureusement lors du dernier rendez-vous, la thymie était de nouveau abaissée et la patiente présentait un important ralentissement psychomoteur, une hypomimie, un discours très peu loquace et des troubles du sommeil. Elle avait besoin de continuer des soins psychiatriques deux fois par mois avec un spécialiste en périnatalité. Son traitement antidépresseur devait également être poursuivi et ajusté selon l’évolution clinique et le suivi pédopsychiatrique de B______ et C______ - par un spécialiste en périnatalité pour cette dernière - était également indispensable. Le SPMi était impliqué, depuis la naissance d’C______, afin d’apporter des ressources supplémentaires, les seuls suivis psychiatrique et pédopsychiatrique étant insuffisants. Une demande d’action éducative en milieu ouvert pour la petite enfance (ci-après : APE) était en cours via le SPMi pour les deux enfants. À la naissance d’C______, une demande d’intégration dans un foyer mère-enfant avait été faite mais la patiente n’avait pas souhaité y aller, en raison de l’éloignement avec l’école de B______. Une relance en vue d’une intégration dans un foyer mère-enfant avait été effectuée, en raison de l’état clinique de la patiente. En cas de retour au Congo, cette dernière pourrait probablement bénéficier d’un traitement antidépresseur équivalent et de soins psychiatriques. Il était douteux que la fréquence des rendez-vous psychiatriques/pédopsychiatriques proposés soit adaptée aux besoins de la famille. Il en allait de même quant à l’expérience en périnatalité des spécialistes dans ce pays, ce domaine étant déjà peu développé en Suisse, et de la présence d’aides éducatives à domicile ou de foyers mère-enfant susceptibles de soutenir et de développer la parentalité de la patiente. En cas de renvoi, il était à craindre que les symptômes dépressifs de la patiente s’aggravent au point qu’elle développe une telle apathie qu’elle ne serait plus capable de s’occuper de ses enfants et pourrait involontairement faire preuve de négligence vis-à-vis d’eux. Ainsi, B______ devait parfois se faire à manger seul ou d’autres habitants du foyer prenaient soin de lui. La prise en charge ne pouvait être allégée, surtout avec un nouveau-né. C______ bénéficiait d’un suivi bimensuel centré sur les capacités parentales et le soutien à son développement. B______ – qui présentait une thymie triste et une grande inquiétude pour sa mère – assistait également aux consultations le temps qu’un suivi individuel soit mis en place pour lui également. La situation s’était améliorée ces dernières semaines mais depuis la nouvelle du renvoi, une aggravation des symptômes avait été constatée chez toute la famille. Il était nécessaire que les enfants continuent d’être suivis sur le plan pédopsychiatrique et puissent acquérir une stabilité de vie.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours. L’intéressée séjournait seule avec ses deux enfants à Genève dans une grande précarité sociale et économique et était aidée pour la prise en charge de ces derniers. Elle n’avait aucun lien avec la Suisse, où elle résidait depuis peu. Prise en charge sur le plan psychiatrique depuis le 31 janvier 2023, elle souffrait de troubles dépressifs en lien notamment avec son arrivée au foyer des Tattes, sa situation socio-économique, sa séparation d’avec son père et son isolement social à Genève, en lien avec sa seconde grossesse. Elle souffrait d’un épisode dépressif moyen et son traitement médical consistait en la prise d’un antidépresseur. Aucun rapport médical relatif à la santé des enfants n’avait été produit. Ces éléments n’étant pas à eux seuls constitutifs d’un cas de rigueur, le prononcé du renvoi, raisonnablement exigible, était maintenu. L’état de santé de l’intéressée ne s’opposait pas à son retour au Congo, étant relevé que sa détresse psychique apparaissait principalement liée à sa situation personnelle en Suisse. Son pays d’origine, dans lequel elle avait vécu jusqu’à son arrivée en Suisse, lui était complètement familier. Si ses parents et les autres membres de sa famille au pays ne pouvaient pas la loger ou l’aider financièrement, ils pouvaient néanmoins la soutenir pour sa réinstallation et la prise en charge de ses enfants.

c. A______ a persisté dans ses arguments.

L’OCPM examinait sa situation et celle de ses deux enfants uniquement sous l’angle de ses propres besoins médicaux sans tenir compte des conséquences de son état de santé sur ses deux enfants, alors même que c’était précisément les besoins des enfants, en relation avec son état de santé, qui justifiaient la poursuite du séjour en Suisse de la famille. De plus, il ressortait clairement des rapports médicaux des 30 juin et 13 septembre 2023 qu’un renvoi au Congo serait dangereux pour les enfants, eu égard au risque qu’elle ne soit elle-même plus capable de les prendre en charge adéquatement. Les intervenants du SPMi qui accompagnaient les enfants attestaient en outre qu’il était impératif que les différents suivis mis en place se maintiennent sans interruption. Ayant fui le Congo en raison du climat d’insécurité politique qui y régnait, elle avait toujours indiqué aux médecins qu’elle ne pourrait bénéficier de l’aide de sa famille sur place, ce d’autant que le soutien nécessaire serait particulièrement exigeant, vu son état de santé et le jeune âge de sa fille. Le rapport de l’office suisse d’aide aux réfugiés (ci-après : OSAR) relatif à la situation socio-économique des mères célibataires au Congo daté de mars 2014 démontrait les nombreuses difficultés auxquelles ces dernières étaient confrontées et l’absence de soutien financier ou social étatique, avec pour conséquence qu’elles ne pouvaient compter que sur le soutien de leur famille. En outre, comme démontré par le rapport annuel rédigé en décembre 2023 par le centre d’actions pour le développement (ci‑après : CAD) établi au Congo, l’accès à la santé et à l’eau était limité dans ce pays. Enfin, le père de ses deux enfants, qui vivait toujours en France, ne les avait pas reconnus et le SPMi était en contact avec lui afin qu’il respecte ses obligations légales vis-à-vis de ces derniers. Ainsi, eu égard à son état de santé psychique, à l’accompagnement médical et social nécessité par la famille et le jeune âge d’C______, les difficultés auxquelles ils seraient confrontés en cas de retour au Congo iraient au-delà du lot habituel de la population locale et seraient propres à les conduire irrémédiablement à un dénuement complet, à la famine et à une grave dégradation de leur état de santé, voire à la mort.

Étaient notamment joints :

- un courriel de la Dre H______ du 13 décembre 2023, à teneur duquel, à la suite de la demande de suivi adressée par I______ à l’office médico‑pédagogique (ci-après : OMP), A______ était toujours dans l’attente d’un rendez-vous pour B______ ;

- un courrier rédigé le 11 décembre 2023 par deux intervenants en protection de l’enfant du SPMi indiquant accompagner la famille de A______ depuis plusieurs mois dans le cadre d’un appui éducatif, soit sans mandat du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE). La famille traversait une période difficile. La mère, bien que soucieuse du bien-être de ses enfants, semblait parfois empruntée par les responsabilités de leur prise en charge. Le contexte dans lequel les enfants grandissaient, à savoir le foyer des Tattes, fragilisait leur situation. La présence et l’intervention des nombreux professionnels - qui tenaient un rôle crucial - étaient indispensables pour assurer un environnement stable et sécurisant aux enfants et contribuaient à pallier les lacunes. Le maintien de ces suivis sans interruption était impératif et l’implication continue de ces professionnels était essentielle pour garantir l’intérêt supérieur des enfants en veillant à leur développement émotionnel, social et éducatif. Il était impératif que les autorités reconsidèrent une éventuelle procédure de renvoi et permettent à ces enfants de vivre de manière sereine et « sécure » avec l’encadrement nécessaire.

d. Par jugement du 22 février 2024, le TAPI a rejeté le recours. Il a retenu que l’OCPM n’avait pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en estimant que l’intéressée et ses deux enfants ne satisfaisaient pas aux conditions restrictives prévues pour la reconnaissance d’un cas de rigueur. Leur renvoi était par ailleurs possible, licite et raisonnablement exigible.

Les considérants de ce jugement seront repris dans la partie en droit.

E. a.  

E. a. Le 10 avril 2024, A______, agissant pour elle-même et ses enfants, a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative). Elle a conclu à son annulation, ainsi qu’à celle de la décision du 18 juillet 2023, et au constat qu’elle et ses enfants remplissaient les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour. Subsidiairement, ils devaient être mis au bénéfice d’une admission provisoire.

Elle a repris en grande partie les griefs et arguments qu’elle avait développés devant le TAPI, insistant sur le fait que le jugement en cause devait être annulé car il était basé sur une appréciation incomplète et erronée des faits pertinents. Le TAPI avait examiné de manière distincte l’état de santé des deux enfants et le sien et conclu à l’absence de problèmes médicaux d’une gravité telle qu’elle justifierait la délivrance d’un permis humanitaire ou le prononcé d’une admission provisoire. Le TAPI considérait que rien ne laissait penser que la vie ou le bien-être des enfants seraient menacés s’ils vivaient avec elle au Congo et qu’on ne pouvait tenir compte des risques d’aggravation de son symptôme dépressif en cas de renvoi. Or, il fallait tenir compte des conséquences directes de son état de santé psychique sur la santé psychique des enfants qui avaient besoin de leurs propres soins médicaux. Si aucun rapport médical n’avait encore été établi concernant B______, les Dres H______ et G______ avaient toujours indiqué qu’il avait besoin d’un suivi individuel, ce qui démontrait que l’atteinte à sa santé psychique était sérieuse. Un suivi par l’OMP avait enfin pu être mis en place pour lui. Quant à C______, la Dre G______ affirmait que son développement était à haut risque sur le plan cognitif et psycho-affectif si la prise en charge en cours venait à s’arrêter.

La Dre H______ avait expliqué qu’elle ignorait s’il serait possible d’accéder aux traitements nécessaires au Congo. Il fallait néanmoins tenir compte des rapports du CAD et de l’OSAR. Elle avait fui le Congo en raison du climat d’insécurité politique qui y régnait. Son père se cachait du gouvernement et sa mère n’avait pas de domicile propre. Elle avait toujours indiqué qu’elle ne pourrait pas avoir d’aide de la part de sa famille en cas de retour, d’autant plus que le soutien dont elle avait besoin était exigeant compte tenu de son état de santé et du jeune âge de sa fille. Ainsi, au vu de l’absence de ressources familiales au Congo et de l’accès limité aux soins dans ce pays, il était peu vraisemblable qu’elle pourrait bénéficier du suivi médical qui lui était nécessaire en cas de renvoi. Elle se trouverait par ailleurs seule avec ses deux enfants, dont un bébé, dans une situation de grande précarité. Comme ses médecins l’avaient indiqué, un renvoi lui faisait courir un risque majeur de décompensation psychique qui affecterait négativement ses compétences parentales et la rendrait indisponible pour ses enfants. À Genève, elle avait trouvé un logement, ce qui allait grandement améliorer l’environnement social de la famille.

Enfin, l’établissement du lien de filiation était un droit inhérent à la personnalité protégé par l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Le père d’C______ ne l’avait toujours pas reconnue et semblait peu concerné par l’établissement du lien de filiation. Elle n’avait pas reçu en retour les documents qu’elle lui avait envoyés. Si la situation perdurait, un curateur devrait être nommé afin que cette enfant puisse intenter une action en paternité. En cas de renvoi au Congo, il serait impossible de faire établir ce lien, le père vivant en France. L’art. 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 (CDE - RS 0.107) serait également violé.

Ella a notamment produit une attestation de parcours scolaire dans l’enseignement public genevois du 31 octobre 2023 selon laquelle B______ était scolarisé à l’école de J______ depuis mars 2020 ainsi qu’un rapport médical, concernant C______, portant l’en-tête du SEM, complété le 27 mars 2024 par la Dre G______ et un certificat médical la concernant, établi le 9 avril 2024 par la Dre H______.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours. Il apparaissait que l’intéressée pourrait bénéficier d’un soutien au Congo-L______, notamment auprès du service de psychiatrie du centre hospitalier universitaire (ci-après : CHU) de L______, ville dont elle était originaire. Pour le reste, il convenait de se référer à ses précédentes écritures.

c. A______ a persisté dans ses conclusions et versé à la procédure un compte rendu établi le 25 juin 2024 par deux psychologues de l’OMP en charge du suivi de B______ qui avait commencé un bilan psycho-affectif le 6 mars 2024. Le contenu de ce document sera détaillé dans la partie en droit. Elle a également versé à la procédure la copie d’un courrier du 3 juillet 2024 adressé au TPAE par lequel elle sollicitait la nomination d’un curateur pour C______, le père de celle-ci, K______, qui vivait en France, ne l’ayant toujours pas reconnue.

d. Les parties ont été informées le 8 juillet 2024 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit du refus de l’OCPM, confirmé par le TAPI, d’octroyer à la recourante ainsi qu’à B______ et C______ un permis de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité et prononçant leur renvoi de Suisse.

3.             Il ressort de la base de données CALVIN que D______ est le père de la recourante et de B______. Selon cette même source officielle la recourante est la mère d’C______, l’annonce de naissance établie par les HUG figurant par ailleurs au dossier. Il n’apparaît par contre pas sur la base de données CALVIN que la recourante est la mère de B______. Elle l’affirme toutefois et elle a versé à la procédure un certificat de naissance établi le 2 juin 2023 par l’État civil congolais qui atteste de sa maternité. Le présent litige sera ainsi jugé en tenant compte de cette allégation qui n’est pas contestée.

4.             La recourante soutient que le jugement querellé devrait être annulé au motif qu’il serait basé sur une appréciation incomplète et erronée des faits pertinents. Elle reproche au premier juge, après avoir devant ce dernier soulevé le même grief à l’égard de l’intimé, d’avoir examiné de manière distincte l’état de santé des deux enfants et le sien plutôt que d’avoir tenu compte des conséquences directes de son état de santé psychique sur la santé psychique des enfants qui avaient besoin de leurs propres soins médicaux.

5.             Selon l’art. 61 LPA, le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que constatation inexacte des faits (al. 1). La chambre administrative ne connaît en revanche pas de l’opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une mesure de contrainte (al. 2 ; art. 10 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario ; ATA/867/2024 du 23 juillet 2024 consid. 4.1 et les arrêts cités).

6.             Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées après le 1er janvier 2019, soit comme en l’espèce le 1er septembre 2021, sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

6.1 L’art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d’admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.

L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse. Si le séjour illégal a été implicitement toléré jusque-là par les autorités chargées de l’application des prescriptions sur les étrangers et de l’exécution (communes ou cantons), cet aspect pèsera en faveur de l’étranger (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 [ci‑après : directives  LEI] - état au 1er juin 2024, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L’autorité doit néanmoins procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce pour déterminer l’existence d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

L’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d’origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu’on ne peut exiger de sa part qu’elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d’une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d’exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n’exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d’un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/163/2020 du 11 février 2020 consid. 7b).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

La reconnaissance de l’existence d’un cas d’extrême gravité implique que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral
C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269).

6.2 Selon la jurisprudence, des motifs médicaux peuvent, selon les circonstances, conduire à la reconnaissance d’un cas de rigueur lorsque la personne concernée démontre souffrir d’une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d’urgence, indisponibles dans le pays d’origine, de sorte qu’un départ de Suisse serait susceptible d’entraîner de graves conséquences pour sa santé.

Le seul fait d’obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d’origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation.

En l’absence de liens d’une certaine intensité avec la Suisse, l’aspect médical et les éventuelles difficultés de réintégration de la personne concernée dans le pays d’origine ne sauraient justifier, à eux seuls, l’octroi d’un permis humanitaire pour cas de rigueur. Le cas échéant, ces critères ne peuvent en effet être pris en considération que dans le cadre de l’examen de la licéité et de l’exigibilité de l’exécution du renvoi (arrêt du Tribunal administratif fédéral F‑4125/2016 du 26 juillet 2017 consid. 5.4.1 ; ATA/506/2023 du 16 mai 2023 consid. 7.7 ; ATA/41/2022 du 18 janvier 2022 consid. 9).

6.3 Dans l’examen d’un cas de rigueur concernant le renvoi d’une famille, il importe de prendre en considération la situation globale de celle-ci. Dans certaines circonstances, le renvoi d’enfants peut engendrer un déracinement susceptible de constituer un cas personnel d’extrême gravité. D’une manière générale, lorsqu’un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d’origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1700/2022 du 10 janvier 2024 consid. 7.5 ; ATA/365/2024 du 12 mars 2024 consid. 2.5). Avec la scolarisation, l’intégration au milieu suisse s’accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l’âge de l’enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l’état d’avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter, dans le pays d’origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l’école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L’adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a). Sous l’angle du cas de rigueur, il est considéré que cette pratique différenciée réalise la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, telle qu’elle est prescrite par l’art. 3 al. 1 CDE ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; ATA/434/2020 du 31 avril 2020 consid. 10).

7.             Aux termes de l’art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger ainsi que de son intégration.

Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

8.             En l’espèce, le premier juge a longuement examiné la situation de la recourante et de ses enfants. Le jugement litigieux apparaît complet et motivé, de sorte qu’il est possible de s’y référer comme l’admet la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 1C_642/2022 du 7 novembre 2023 consid. 4.6.2). Contrairement à ce que soutient la recourante, le premier juge a correctement tenu compte des conséquences de son état de santé psychique sur la santé psychique de ses enfants. Il ressort en effet du jugement que le TAPI, après avoir considéré que les enfants n’étaient pas malades, a mis en évidence les carences de la recourante quant à ses capacités parentales dues à son état dépressif moyen. Le premier juge a également examiné les possibilités de prises en charge des enfants au Congo (jugement litigieux, consid. 17, p. 17 et 18 notamment).

8.1 Le TAPI retient d’abord à juste titre que la durée du séjour de la recourante n’est pas déterminante dès lors qu’elle est arrivée en Suisse en février 2020, il y a quatre ans et demi seulement. Le jugement litigieux retient également de manière pertinente que son intégration socioprofessionnelle ne peut être qualifiée de bonne. Il ressort en effet du dossier qu’elle n’a exercé une activité professionnelle, en qualité de caissière selon le rapport médical de la psychiatre des HUG du 10 juillet 2023, que durant cinq mois et qu’elle n’a pas terminé une formation de visagiste qu’elle avait commencée. La recourante ne conteste pas ne pas avoir été active, depuis son arrivée dans le canton, au sein d’associations ou dans le cadre d’activités bénévoles, ni ne pas s’être créé un cercle de connaissances et d’amis à Genève. Il ressort des rapports médicaux des 30 juin et 10 juillet 2023 qu’elle souffre d’un isolement social certain en Suisse. Sa situation financière est précaire dès lors qu’à teneur de sa demande d’assistance juridique, elle perçoit une aide de l’hospice à hauteur de CHF 1'072.- par mois et des allocations familiales mensuelles de CHF 622.-. Arrivée en Suisse à l’âge de 20 ans, la recourante a passé son enfance et son adolescence, périodes décisives pour la formation de la personnalité, ainsi que le début de sa vie d’adulte et la majeure partie de son existence au Congo. Elle y a en outre, selon ses explications à la psychiatre des HUG, été scolarisée jusqu’à l’âge de 17 ans. Elle a en conséquence conservé des attaches dans son pays et en maîtrise les us et coutumes.

Il n’est pas contesté qu’à tout le moins la mère et un frère de la recourante vivent au Congo. Elle allègue dans son recours que sa mère serait séparée de son père, qu’elle habiterait chez son frère et que la famille ne disposerait ni de place ni de ressources suffisantes pour l’accueillir. Elle ne le prouve toutefois pas. Elle ne pouvait pourtant pas ignorer qu’il lui revenait d’étayer ses allégations devant la chambre de céans, le TAPI ayant à plusieurs reprises rappelé qu’elle supportait le fardeau de la preuve à ce propos. Quant à son père, la recourante confirme devant la chambre de céans qu’il souffrirait des séquelles d’un AVC et qu’il serait menacé de mort au Congo. Elle ajoute dans son recours qu’il aurait fui au Cameroun. Cette fois encore, ses affirmations ne sont pas prouvées. La recourante ne contredit par ailleurs pas le premier juge lorsqu’ils met en évidence que les problèmes de santé et les menaces de mort dont ferait l’objet son père au Congo n’ont pas empêché celui-ci d’effectuer en mars, puis en juin 2023, auprès des autorités congolaises, une réquisition de déclaration tardive de la naissance de B______ puis de faire établir le certificat de naissance de cet enfant, sur lequel figure une adresse au Congo concernant tant la recourante que son père alors même qu’elle vivait à Genève en 2023. Rien ne permet en conséquence de s’écarter du jugement litigieux qui retient que si le père de la recourante a récemment été en mesure d’effectuer des démarches administratives auprès des autorités de son pays et a accepté de se déclarer comme étant le père du fils de la recourante pour la soutenir, rien ne permet de penser que ce dernier ne sera pas en mesure de l’aider, tant s’agissant de sa réintégration qu’avec la prise en charge de ses enfants, étant relevé qu’il ressort du rapport médical du 10 juillet 2023 qu’il s’est en outre chargé de B______ durant une certaine période avant son arrivée en Suisse. Il en va de même s’agissant de la mère de la recourante, qui a également, selon le rapport précité, pris en charge B______ au Congo jusqu’à ce que le père de la recourante prenne le relai. Même à retenir comme étant fondée l’allégation, non prouvée, selon laquelle la mère de la recourante vivrait chez l’un de ses fils, l’on ne voit pas en quoi cela l’empêcherait de soutenir la recourante et ses enfants en cas de retour. Partant, au vu des éléments précités, rien ne laisse à penser que la recourante ne pourra pas bénéficier de l’aide et du soutien de sa famille et de ses proches demeurant au Congo, comme cela a été le cas par le passé, pour s’y réintégrer avec ses enfants.

Le jugement litigieux retient ensuite à juste titre que les arguments avancés quant aux conditions de vie générale au Congo, soit notamment le climat de tensions politiques et le manque d’accès à l’eau, ne sauraient être déterminants, dès lors qu’il s’agit là d’éléments touchant l’ensemble de la population vivant dans ce pays, conformément à la jurisprudence citée ci-dessus. Quant à l’argument selon lequel les conditions de vie d’une mère célibataire seraient très difficiles au Congo, il sera relevé à la suite du TAPI que la recourante possédait déjà, depuis la naissance de B______, un tel statut avant son arrivée en Suisse et que celui-ci ne l’a pas empêchée de vivre dans son pays durant plus de sept ans.

8.2 Pour sa part, C______ est âgée d’un an et quatre mois. Elle est née à Genève et y a toujours vécu. Comme le retient le jugement en cause, cette dernière dépend intégralement de la recourante et, au vu de son jeune âge, ne peut se prévaloir de difficultés d’intégration dans un autre pays, ce d’autant si ce départ a lieu en compagnie de sa mère, qui prend soin d’elle depuis sa naissance. Pour le surplus, la durée du séjour de cette enfant en Suisse, effectué en intégralité au bénéfice d’une simple tolérance des autorités, ne saurait être qualifiée de longue. Ainsi, un renvoi au Congo ne saurait présenter des difficultés d’intégration insurmontables pour cette enfant, qui n’est, en tout état, pas encore scolarisée et dont il n’apparaît pas qu’elle fréquenterait une crèche.

Quant à B______, arrivé en Suisse à l’âge de 7 ans et demi, il est âgé de 12 ans et vient donc seulement d’entrer dans l’adolescence. Une nouvelle fois à juste titre, il a été retenu en première instance que B______, né au Congo, y a passé le début de son enfance et la majeure partie de son existence à ce jour. Partant, il y a sans doute conservé des attaches, en parle la langue et en maîtrise les us et coutumes. C’est également dans ce pays que vivent notamment ses grands-parents qui, comme cela vient d’être vu, ont participé à son éducation, de sorte qu’il est certainement attaché à ces derniers.

8.3 Le TAPI a retenu, à juste titre, que les enfants ne sont pas malades. En effet, s’agissant d’C______, il ressort du rapport médical établi le 30 juin 2023 que l’enfant présente un développement harmonieux et une bonne santé habituelle. Dans le rapport médical du 27 mars 2024, il est indiqué qu’elle suit un développement normal au niveau moteur et cognitif, bien qu’au niveau psycho-affectif elle présente des signes de tristesse et a besoin de plus de temps que les enfants de son âge pour rentrer en relation avec l’adulte. Ce rapport précise encore que lorsqu’elle est invitée à la stimulation, l’enfant finit par y répondre favorablement et semble avoir du plaisir dans les échanges même si peu de boucles d’échanges sont initiées par elle par rapport à ce que l’on peut attendre d’un enfant de son âge. Si dans le rapport du 30 juin 2023, la médecin faisait état de précarité psycho-sociale et autres difficultés liées à l’entourage immédiat, y compris la situation familiale, dans celui du 27 mars 2024, elle fait état de risques pour le développement cognitivo-moteur et psycho-affectif de l’enfant. La médecin y mentionne un développement à haut risque pour l’enfant, alors qu’elle retenait un risque élevé dans son rapport du 30 juin 2023. Cela ne signifie pas qu’C______ serait maintenant malade, le traitement nécessaire et adéquat à entreprendre demeurant d’ailleurs, à l’instar de ce qui était proposé dans le rapport du 30 juin 2023, la poursuite d’un suivi en pédopsychiatrie et en psychiatrie pour la mère, les suivis devant être centrés sur le travail des capacités parentales de cette dernière.

Pour ce qui concerne B______, le premier juge avait relevé qu’aucun rapport médical n’avait alors été versé au dossier le concernant spécifiquement. Une demande de suivi pédopsychiatrique individuel de ce dernier – qui présentait, selon le rapport médical du 13 septembre 2023, une thymie triste et une grande inquiétude pour sa mère – avait été requis. Devant la chambre de céans, la recourante a versé à la procédure un compte rendu établi le 25 juin 2024 par deux psychologues de l’OMP en charge du suivi de B______, celui-ci ayant commencé un bilan psycho-affectif le 6 mars 2024. Au cours des séances, il avait été constaté que l’enfant présentait des troubles du sommeil et de l’alimentation qui avaient occasionné une perte de poids significative. Malgré de très bons résultats scolaires, il manifestait un manque de motivation à se rendre à l’école. Cette baisse de motivation était liée au contexte social stressant dans lequel il se trouvait au moment de la consultation (instabilité du statut et logement pas encore attribué), contribuant à sa détresse psychologique. Elles observaient une bonne réponse au traitement et aux changements sociaux (déménagement du foyer des Tattes vers un appartement transitoire plus adéquat). Le trouble réactionnel au contexte social ainsi que les symptômes avaient diminué laissant la place à une amélioration de la thymie avec un retour de l’appétit et du sommeil ainsi qu’une meilleure motivation. Un contexte stable et continu offrait à l’enfant « un environnement pour se développer dans la norme ». Il ne connaissait que le système scolaire suisse et bénéficiait d’un contexte familial adéquat et contenant. Ce compte rendu ne met pas non plus à mal la conclusion du premier juge dès lors qu’il n’apparaît pas que B______ serait malade. Par conséquent, il ne saurait être retenu, concernant les enfants de la recourante, l’existence d’une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse au sens de la jurisprudence applicable. Partant, l’état de santé des enfants de la recourante ne saurait justifier la délivrance d’un titre de séjour pour cas de rigueur.

8.4 Il est constant que la recourante suit un traitement médical. Le premier rapport médical versé au dossier est celui rédigé le 30 juin 2023 par la pédopsychiatre d’C______. On peut y lire que depuis sa grossesse, la recourante présente des symptômes dépressifs qui entravent ses compétences parentales et empêchent la mise en place d’un environnement favorable à la stimulation de ses enfants permettant de leur assurer un bon développement psychique et cognitif. Le traitement nécessaire et adéquat consiste, comme cela vient d’être examiné, en la poursuite d’un suivi pédopsychiatrique mère-bébé bimensuel centré sur les capacités parentales et le soutien à la parentalité de la recourante, laquelle doit en outre poursuivre son propre suivi psychiatrique régulier. Le rapport suivant est celui établi le 10 juillet 2023 par la médecin psychiatre des HUG qui pose le diagnostic d’un épisode dépressif moyen. Le traitement, depuis le 31 janvier 2023 et pour une durée indéterminée jusqu’à la disparition des symptômes dépressifs, consistait en du Sertraline 150 mg/jour. Était nécessaire la poursuite du traitement psychiatrique et psychothérapeutique deux fois par mois ainsi que la prise en charge pluridisciplinaire avec l’équipe de pédopsychiatrie de périnatalité, l’assistante sociale et le SPMi. Le pronostic sans traitement était réservé alors qu’il était, avec traitement, également réservé et, dans le futur, plutôt favorable. Aucun médecin ni structure médicale susceptible d’assurer le suivi nécessaire au Congo n’était connu. Allait à l’encontre d’un traitement médical dans ce pays, la nécessité d’un suivi médical avec des compétences psychiatriques et psychothérapeutiques, d’un accès au traitement psychotrope de type antidépresseur compatible avec l’allaitement, de coordonner le suivi avec pédopsychiatrie ou pédopsychologie et de la mise en place d’une aide éducative à domicile pour les enfants. Dans leur rapport établi le 13 septembre 2023, la psychiatre des HUG et une psychologue confirment la nécessité de poursuivre ce traitement, le diagnostic posé n’étant pas remis en cause. Selon le dernier certificat médical versé à la procédure, soit celui établi le 9 avril 2024 par la psychiatre des HUG, le diagnostic reste celui d’un trouble dépressif moyen, la dose de Sertraline étant toutefois augmentée à 250mg/jour.

Il découle de ce qui précède que la maladie dont souffre la recourante ne peut être qualifiée de grave. Il n’est à tout le moins pas démontré qu’elle souffrirait d’une sérieuse atteinte à la santé qui nécessiterait, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d’urgence indisponibles au Congo de sorte qu’un départ de Suisse serait susceptible d’entraîner de graves conséquences pour sa santé. Il ne ressort en effet pas des attestations ou certificats médicaux produits que les soins qu’elle reçoit ici ne seraient pas disponibles dans son pays d’origine. Les professionnels de la santé indiquent en effet qu’elle pourra probablement bénéficier d’un traitement antidépresseur équivalent et de soins psychiatriques au Congo, tout en émettant des doutes quant à la fréquence des rendez‑vous (certificat médical du 13 septembre 2023). La psychiatre des HUG a précisé le 9 avril 2024 qu’elle ne connaissait pas le système de santé de ce pays et qu’elle ne pouvait affirmer qu’un suivi serait possible. Quant à l’intimé, il a mis en évidence qu’un service de psychiatrie existe au sein du CHU de L______, ville dont la recourante est originaire. Si on ne peut exclure que les prestations médicales obtenues en Suisse sont supérieures à celles proposées dans le pays d’origine, cela ne permet toutefois pas, selon la jurisprudence, de justifier la reconnaissance d’un cas de rigueur. Enfin, dès lors que la recourante ne peut, au sens de la jurisprudence, se prévaloir de liens d’une certaine intensité avec la Suisse, ses problèmes médicaux et d’éventuelles difficultés de réintégration au Congo ne permettent quoi qu’il en soit pas de justifier à eux seuls l’octroi d’un permis pour cas individuel d’extrême gravité. Ces éléments, ainsi que la nécessité de mettre en place des mesures pour combler les lacunes éducatives et parentales de la recourante seront toutefois pris en compte dans le cadre de la licéité et de l’exigibilité du renvoi.

C’est ainsi à juste titre que l’intimé puis le TAPI ont considéré que la recourante et ses enfants ne pouvaient pas prétendre à l’octroi de titres de séjour pour cas individuels d’extrême gravité, faute pour eux de répondre aux conditions strictes requises par la loi et la jurisprudence. La nécessité pour C______ de faire établir son lien de filiation n’est pas remis en cause par cette conclusion. On ne voit en effet pas en quoi elle serait empêchée d’entreprendre les démarches utiles au Congo, d’autant que, si l’on en croit les déclarations faites par la recourante à la psychiatre des HUG telles qu’elles figurent dans le rapport médical du 10 juillet 2023, si le père de l’enfant vit en France, il serait de nationalité congolaise.

9.             La recourante sollicite subsidiairement l’octroi d’une admission provisoire pour elle et ses enfants.

9.1 Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, toute personne étrangère dont l’autorisation est refusée, révoquée ou qui n’est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyée. La décision de renvoi est assortie d’un délai de départ raisonnable (art. 64d let. d al. 1 LEI).

9.2 Selon l’art. 83 LEI, le SEM décide d’admettre provisoirement l’étranger si l’exécution du renvoi n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (al. 1). L’exécution n’est pas possible lorsque l’étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (al. 2). L’exécution n’est pas licite lorsque le renvoi de l’étranger dans son État d’origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (al. 3). L’exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l’expulsion de l’étranger dans son pays d’origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4). L’admission provisoire peut être proposée par les autorités cantonales (al. 6).

L’art. 83 al. 4 LEI s’applique en premier lieu aux « réfugiées et réfugiés de la violence », soit aux personnes étrangères qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugiée ou réfugié parce qu’elles ne sont pas personnellement persécutées, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 949). En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d’emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

9.3 S’agissant plus spécifiquement de l’exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse, celle-ci ne devient inexigible que dans la mesure où ces dernières ne pourraient plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d’existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d’urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. L’art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne saurait en revanche être interprété comme impliquant un droit général d’accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l’infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d’origine ou de destination de l’intéressé n’atteignent pas le standard élevé qu’on trouve en Suisse. La gravité de l’état de santé, d’une part, et l’accès à des soins essentiels, d’autre part, sont déterminants. Ainsi, l’exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s’ils ne sont pas tels qu’en l’absence de possibilités de traitement adéquat, l’état de santé de l’intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d’une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1602/2020 du 14 février 2022 consid. 5.3.4).

9.4 Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (ci‑après : CourEDH), l’exécution du renvoi ou de l’expulsion d’un malade physique ou mental est exceptionnellement susceptible de soulever une question sous l’angle de l’art. 3 CEDH si la maladie atteint un certain degré de gravité et qu’il est suffisamment établi que, en cas de renvoi vers l’État d’origine, la personne malade court un risque sérieux et concret d’être soumise à un traitement interdit par cette disposition (ACEDH N. c. Royaume-Uni du 27 mai 2008, req. n° 26565/05, § 29 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_3/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.2). C’est notamment le cas si sa vie est en danger et que l’État vers lequel elle doit être expulsée n’offre pas de soins médicaux suffisants et qu’aucun membre de sa famille ne peut subvenir à ses besoins vitaux les plus élémentaires (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42 ; ATF 137 II 305 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_14/2018 du 13 août 2018 consid. 4.1 ; 2C_1130/2013 du 23 janvier 2015 consid. 3).

Le renvoi d’un étranger malade vers un pays où les moyens de traiter sa maladie sont inférieurs à ceux disponibles dans l’État contractant reste compatible avec l’art. 3 CEDH, sauf dans des cas très exceptionnels, en présence de considérations humanitaires impérieuses (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42 ; Emre c. Suisse du 22 mai 2008, req. n° 42034/04, § 89). Dans un arrêt du 13 décembre 2016 (ACEDH Paposhvili c. Belgique, req. n° 41738/10, § 173 ss, not. 183), la Grande Chambre de la CourEDH a clarifié son approche en rapport avec l’éloignement de personnes gravement malades et a précisé qu’à côté des situations de décès imminent, il fallait entendre par « autres cas très exceptionnels » pouvant soulever un problème au regard de l’art. 3 CEDH les cas d’éloignement d’une personne gravement malade dans lesquels il y a des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l’absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou de défaut d’accès à ceux-ci, à un risque réel d’être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie ; ces cas correspondent à un seuil élevé pour l’application de l’art. 3 CEDH dans les affaires relatives à l’éloignement des étrangers gravement malades. La CourEDH a aussi fixé diverses obligations procédurales dans ce cadre (ACEDH Savran c. Danemark du 7 décembre 2021, req. n° 57467/15, § 130).

Par ailleurs, la péjoration de l’état psychique est une réaction qui peut être couramment observée chez une personne dont la demande de titre de séjour ou d’admission provisoire a été rejetée, sans qu’il faille pour autant y voir un obstacle sérieux à l’exécution du renvoi (arrêts du Tribunal administratif fédéral D‑2160/2023 du 27 avril 2023 consid. 7.10 ; D-372/2023 du 3 avril 2023 consid. 3.3.1 et la jurisprudence – notamment européenne – citée ; ATA/332/2024 du 5 mars 2024 consid. 3.6).

9.5 En l’espèce, il a été vu que la maladie dont souffre la recourante ne peut être qualifiée de grave et que des solutions pour sa prise en charge médicale et médicamenteuse semblent exister au Congo, notamment au CHU de L______ comme le mentionne l’intimé. Cela étant, les attestations médicales versées à la procédure mettent en garde contre un arrêt de ses traitements par la recourante, pour elle‑même, mais aussi pour ses enfants, ses compétences parentales dépendant, selon les médecins, de la poursuite d’un traitement adéquat. Si rien n’indique que la recourante ne pourra recevoir des soins essentiels au sens de la jurisprudence précitée, ce point n’a pas été établi de manière suffisamment certaine par les instances précédentes. Il conviendra dès lors de mettre en place une assistance et une coordination médicales au moment de l’exécution du renvoi, celui-ci restant possible, licite et raisonnablement exigible au vu de la situation médicale de la recourante, qui n’est pas gravement malade et qui ne peut se prévaloir d’une qualité des soins par hypothèse moins élevée au Congo qu’en Suisse.

Il a également été retenu que les enfants n’étaient pas malades. En revanche, ils bénéficient à Genève de divers suivis dus aux carences parentales de leur mère du fait de l’épisode dépressif moyen dont elle souffre, étant précisé qu’aucune mesure de curatelle ou de placement n’a été prononcée, la recourante possédant l’autorité parentale et le droit de garde sur ses enfants. L’importance de ce suivi ressort des attestations médicales versées à la procédure. La psychiatre des HUG et la psychologue ont exposé, dans leur certificat médical du 13 septembre 2023, qu’elles ne pensaient pas que les spécialistes congolais avaient une expérience en périnatalité, ce domaine étant déjà peu développé en Suisse. S’il faut une nouvelle fois rappeler que, selon la jurisprudence, la recourante et ses enfants ne peuvent prétendre, ni à ce que le suivi pédopsychiatrique se passe nécessairement en Suisse, ni à ce que la qualité de ce suivi soit du même niveau qualitatif au Congo, il importe toutefois de s’assurer que les enfants ne quitteront pas la Suisse sans que, comme pour les soins dispensés à leur mère, une assistance et une coordination soient mises en place avec les autorités compétentes au Congo, la possibilité et les modalités d’une prise en charge pédopsychiatrique ne ressortant pas du dossier en l’état. On peut enfin attendre de la recourante qu’elle prête son concours à la recherche des solutions adéquates en vue de son retour dans son pays d’origine.

Il découle de ce qui précède que c’est conformément au droit que l’intimé puis le TAPI ont renoncé à proposer l’admission provisoire, l’exécution du renvoi de la recourante et de ses enfants vers le Congo était possible, licite et raisonnablement exigible.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

10.         Malgré l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante, qui plaide au bénéfice de l’assistance juridique (art. 87 al. 1 LPA ; art. 13 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée dès lors qu’elle succombe (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 avril 2024 par A______, agissant pour elle-même et au nom de ses enfants mineurs B______ et C______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 février 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt au Centre social protestant, soit pour lui Sandra LACHAL, mandataire de la recourante et de ses enfants, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.