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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3971/2023

ATA/506/2024 du 23.04.2024 ( TAXIS ) , REJETE

Descripteurs : CONDITION DE RECEVABILITÉ;COMMUNICATION;NOTIFICATION DE LA DÉCISION;DÉLAI;OBSERVATION DU DÉLAI;CHAUFFEUR;TAXI;PROFESSION;AUTORISATION D'EXPLOITER UN SERVICE DE TAXI;DEVOIR DE COLLABORER;LIBERTÉ ÉCONOMIQUE;USAGE COMMUN ACCRU
Normes : LTVTC.13.al1; LTVTC.12.al2; LTVTC.13.al7; RTVTC.21; RTVTC.5; LPA.16; Cst.29.al1
Résumé : Recours d’un chauffeur de taxis exploitant deux taxis au moyen de deux plaques d’immatriculation bénéficiant chacune d’autorisation d’usage accru du domaine public, contre la décision constatant la caducité de ses autorisations d’usage accru du domaine public. Il n’avait pas respecté le délai pour solliciter le renouvellement de l’autorisation d’usage accru du domaine public concernant ces deux plaques d’immatriculation, malgré un rappel reçu de la part de l’autorité. Il n’a invoqué aucun cas de force majeure au sens de la jurisprudence imposant une restitution de délai, indiquant simplement avoir commis « une erreur ». Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3971/2023-TAXIS ATA/506/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 avril 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé

_________



EN FAIT

A. a. A______, chauffeur de taxi, a obtenu le 21 décembre 2017 deux autorisations d’usage accru du domaine public (ci-après : AUADP), correspondant aux plaques d’immatriculation GE 1______ et GE 2______, valables jusqu’au 20 décembre 2023.

b. Par courrier du 31 mai 2023, envoyé en « A+ », le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a informé A______ qu’une requête en renouvellement de ses AUADP devait être déposée au moyen de la formule officielle au plus tôt le 1er août 2023 et au plus tard le 31 août 2023.

Il n’entrerait pas en matière sur les requêtes en renouvellement déposées en dehors du délai. À défaut de procéder dans les délais précités, ses AUADP prendraient fin à leur date d’échéance, sans possibilité de renouvellement.

À teneur du suivi postal des envois, ce pli a été distribué le 1er juin 2023 à 12h18.

c. Par décisions séparées du 22 novembre 2023, le PCTN a constaté la caducité des deux AUADP liées aux plaques d’immatriculation GE 1______ et GE 2______ délivrées le 21 décembre 2017 et ordonné à A______ de déposer les plaques précitées auprès de l’office cantonal des véhicules, une fois les décisions entrées en force.

Ce dernier n’avait pas demandé le renouvellement des AUADP dans le délai légal fixé aux art. 13 al. 9 let. b de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) cum 21 al. 2 du règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31 01).

S’il souhaitait requérir une nouvelle autorisation d’usage accru du domaine public, il lui appartenait de former une demande d’inscription sur la liste d’attente au moyen du formulaire correspondant avec les pièces requises.

B. a. Par acte du 28 novembre 2023, complété le 3 décembre 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), contre les décisions précitées, concluant principalement à leur annulation ainsi qu’à l’octroi « d’un délai pour déposer son dossier ».

Il avait acquis en 2017 deux plaques d’immatriculation de taxis, pour la somme de CHF 80'000.-. Il était chauffeur de taxi depuis 1989. Il avait deux chauffeurs qui s’acquittaient des prestations sociales. À la suite de la « nouvelle loi », ces derniers avaient reçu leurs propres plaques. Depuis lors, il avait deux nouveaux chauffeurs-employés. Il attendait un courrier du PCTN pour le renouvellement. Il pensait le recevoir « ces derniers jours ». Il avait commis une erreur et aurait dû réagir plus tôt. La perte de ces deux plaques d’immatriculation lui causerait un gros préjudice financier et mettrait deux chauffeurs au chômage.

b. Dans ses observations du 16 janvier 2024, le PCTN s’est référé à ses décisions et a conclu au rejet du recours. Il a transmis son dossier.

Le recourant avait été clairement informé de la nécessité de renouveler ses AUADP et de la période pour le faire. Il lui avait indiqué qu’à défaut de procéder dans le délai indiqué, les autorisations concernées prendraient fin à leur échéance sans possibilité de renouvellement. La demande tendant à la restitution du délai pour renouveler ses autorisations devait être rejetée, le recourant ne justifiant pas d’un cas de force majeure.

c. Dans sa réplique, le recourant a persisté dans ses précédentes explications et conclusions. Il était nécessaire de trouver une solution pour « faire travailler ces plaques ».

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant se plaint implicitement d’une violation de la LTVTC.

2.1 L’art. 13 LTVTC règle les modalités de l’AUADP. Selon son al. 1, les AUADP sont limitées en nombre et en durée, en vue d’assurer un bon fonctionnement des services de taxis, par une utilisation optimale du domaine public, et en vue de garantir la sécurité publique. L’al. 2 prévoit qu’elles sont attribuées moyennant le respect des conditions de délivrance, selon des critères objectifs et non discriminatoires, l’al. 3 qu’elles sont strictement personnelles et intransmissibles, l’al. 4 que le Conseil d’État en fixe le nombre maximal en fonction des besoins évalués périodiquement, détermine les modalités d’attribution et définit la notion d’usage effectif. Il ressort de l’art. 13 al. 5 LTVTC que l’AUADP est délivrée sur requête pour six ans à une personne physique ou morale aux conditions énumérées sous let. a à c. Chaque immatriculation correspond à une autorisation d’usage accru du domaine public (art. 12 al. 2 LTVTC).

Selon l’art. 13 al. 7 LTVTC, l’AUADP est renouvelée lorsque la requête en renouvellement est déposée 3 mois avant l’échéance de l’autorisation (let. a) ; les conditions de l’al. 5 sont toujours réalisées (let. b).

2.2 L’art. 21 RTVTC prévoit que le PCTN informe les titulaires six mois avant l'échéance de l’AUADP de la nécessité de déposer une requête en renouvellement (al. 1). La requête peut être formée au plus tôt quatre mois avant sa date d'échéance, mais doit être formée au plus tard trois mois avant sa date d'échéance (al. 2). Le PCTN n'entre pas en matière sur les requêtes en renouvellement déposées en dehors du délai (al. 3). La requête en renouvellement doit être déposée au moyen de la formule officielle correspondante, dûment complétée et accompagnée des documents mentionnés dans ladite formule (al. 4). L'art. 5 est applicable pour le surplus (al. 5).

Selon l’art. 5 RTVTC, les requêtes en autorisation doivent être déposées auprès du PCTN au moyen de la formule officielle correspondante, dûment complétée par la requérante ou le requérant, et accompagnée de toutes les pièces mentionnées dans ladite formule (al. 1). La requête ne réalisant pas les conditions de l'al. 1 est retournée à la requérante ou au requérant, sans fixation d’un délai pour la compléter (al. 2). Les requêtes en autorisation valablement déposées sont traitées dans un délai de 2 mois (al. 5).

2.3 La chambre constitutionnelle a rappelé que l’AUADP octroyée aux taxis ne conférait généralement pas de droits acquis, à moins de garanties spécifiquement obtenues concernant la poursuite de l’activité de location de plaques, ce qui n’était pas le cas dans les affaires dont elle était saisie (ACST/26/2022 du 22 décembre 2022 ; ACST/27/2022 du 22 décembre 2022).

2.4 Un délai fixé par la loi ne peut être prolongé. Les cas de force majeure sont réservés (art. 16 al. 1 LPA). Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/47/2022 du 18 janvier 2022 consid. 2b; ATA/138/2021 du 9 février 2021 consid. 3a et b ; ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b). L'empêchement doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ibidem).

L’art. 16 al. 1 LPA s’applique aux délais prévus par les art. 13 al. 7 LTVTC et 21 al. 2 RTVTC (ATA/1110/2023 du 10 octobre 2023 consid. 4.5).

2.5 Le fardeau de la preuve de la notification d’un acte et de sa date incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 129 I 8 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_634/2015 du 26 avril 2016 consid. 2.1).

La jurisprudence établit la présomption réfragable que les indications figurant sur la liste des notifications de la Poste, telle que notamment la date de la distribution du pli, sont exactes. Cette présomption entraîne un renversement du fardeau de la preuve au détriment du destinataire : si ce dernier ne parvient pas à établir l’absence de la distribution attestée par le facteur, la remise est censée être intervenue à cette date (ATF 142 IV 201 consid. 2.3 ; ATA/852/2022 du 23 août 2022).

2.6 La prestation « A+ » offre la possibilité de suivre le processus d’expédition du dépôt jusqu’à la distribution. Elle comporte également l’éventuelle réexpédition à une nouvelle adresse, ainsi que le retour des envois non distribuables. Lors de l’expédition par « Courrier A + », l’expéditeur obtient des informations de dépôt, de tri et de distribution par voie électronique via le service en ligne « Suivi des envois ». Les envois « Courrier A + » sont directement distribués dans la boîte aux lettres ou dans la case postale du destinataire. En cas d’absence, le destinataire ne reçoit pas d’invitation à retirer un envoi dans sa boîte aux lettres (ATF 142 III 599 consid. 2.1).

Dans le cas de la pose dans la boîte aux lettres ou dans la case postale d’un courrier A+, comme d’un avis de retrait d’un pli recommandé, une erreur dans la notification par voie postale ne saurait être d’emblée exclue. Pareille erreur ne peut toutefois pas non plus être présumée et ne peut être retenue que si des circonstances particulières la rendent plausible. L’allégation d’un justiciable selon laquelle il est victime d’une erreur de notification par voie postale et par conséquent sa bonne foi ne peuvent être prises en considération que si la présentation qu’il fait des circonstances entourant la notification en cause est concevable et repose sur une certaine vraisemblance (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_382/2015 du 21 mai 2015 consid. 5.2 ; 2C_570/2011 du 24 janvier 2012 consid. 4.3 et les références citées).

2.7 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 p. 9 ; 134 II 244 consid. 2.4.2). Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d'égalité de traitement et n'est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine).

2.8 En l’espèce, le recourant était au bénéfice de deux AUADP à compter du 21 décembre 2017 et échéant le 20 décembre 2023. Le PCTN lui a explicitement indiqué dans son courrier du 31 mai 2023 qu’il n’entrerait pas en matière sur les requêtes de renouvellement déposées en dehors du délai, fixé entre le 1er et le 31 août 2023 et qu’à défaut de procéder à temps, ses AUADP prendraient fin à leur date d’échéance, sans possibilité de renouvellement. Le recourant ne soutient à juste titre pas qu’il aurait adressé sa demande de renouvellement dans le délai indiqué dans le courrier de l’autorité intimée du 31 mai 2023. Le délai fixé par le PCTN dans ce pli est conforme à la LTVTC et à son règlement. Le recourant ne conteste d’ailleurs pas son erreur, admettant ne pas avoir renouvelé ses AUADP en temps utile, nonobstant les courriers du PCTN du 31 mai 2023 l’informant des délais à respecter. Il n’a pas contesté non plus avoir reçu les décisions querellées. Le recourant n’invoque enfin aucun cas de force majeure au sens de la jurisprudence imposant une restitution de délai.

Face à ces éléments, c’est à juste titre que l’autorité intimée a constaté la caducité des AUADP liées aux plaques GE 1______ et GE 2______ délivrées le 21 décembre 2017, en application de l’art. 13 LTVTC.

Bien que les conséquences qu’entrainent ces décisions puissent être sévères pour les chauffeurs-employés et le recourant, elles visent toutefois à assurer une égalité de traitement entre tous les candidats au renouvellement de leur AUADP. Autrement dit, si le recourant, actif comme chauffeur de taxi depuis plus de 30 ans, avait respecté le délai fixé par la loi, il aurait vu ses autorisations renouvelées. Enfin, il existe encore la possibilité pour le recourant de requérir une nouvelle AUADP en formant une demande d’inscription sur la liste d’attente tenue par l’autorité intimée, conformément à ce qui figure dans les courriers de l’autorité intimée.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 novembre 2023 par A______ contre les décisions du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 22 novembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie MONTANI, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :