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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/707/2023

ATA/510/2024 du 23.04.2024 sur JTAPI/516/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/707/2023-PE ATA/510/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 avril 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Lida LAVI, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 mai 2023 (JTAPI/516/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1987, est ressortissant d'Albanie.

b. Selon ses dires, il serait arrivé en Suisse en 2011.

B. a. Par décision du 25 mai 2021, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de soumettre avec un préavis positif à l'attention du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) sa requête de régularisation de son séjour déposée le 11 février 2021. En outre, son renvoi de Suisse était prononcé et un délai au 25 juillet 2021 lui était imparti pour quitter le pays.

b. Par jugement du 12 novembre 2021, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a rejeté le recours de A______ à l'encontre de cette décision.

Ce dernier avait échoué à démontrer un séjour continu en Suisse entre 2010 et 2014, et c'était seulement à partir de 2015 que l'on pouvait considérer qu'il s'était réellement installé en Suisse, alors qu'il était âgé de 28 ans et qu'il avait ainsi passé dans son pays d'origine toute sa jeunesse et ses premières années de vie d'adulte. Il s'était certes intégré professionnellement à Genève, mais il n'existait strictement aucun élément permettant de discerner en quoi cette intégration serait exceptionnelle par rapport à la moyenne des étrangers séjournant illégalement à Genève.

Ce jugement est devenu définitif, faute d'avoir été contesté.

C. a. Par courrier du 14 novembre 2022, A______ a saisi l'OCPM d'une demande de réexamen de la décision du 25 mai 2021.

Il était arrivé en Suisse en 2011 et avait depuis lors régulièrement travaillé auprès de différentes entreprises, principalement dans le domaine du bâtiment et du nettoyage. Il travaillait depuis 2019 auprès de la même entreprise et les clients de cette dernière étaient très satisfaits de la qualité de son travail. À l'appui de sa demande de réexamen, il produisait un rapport médical établi par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) le 24 mai 2022, le décrivant comme très dépressif et souffrant d'une forte anxiété. Il souffrait également d'insomnies et de douleurs thoraciques. Il s'agissait à l'évidence de signes de détresse liés à sa situation irrégulière sur le territoire suisse et du fait d'être sous la menace permanente d'une expulsion. Une telle mesure aurait d'ailleurs des répercussions importantes sur sa famille vivant en Albanie, qui était très dépendante de l'aide financière qu'il pouvait lui apporter. Il était en outre sous traitement médicamenteux régulier et faisait l'objet d'une surveillance régulière de son médecin traitant.

b. Par décision du 27 janvier 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, l'OCPM a accepté d'entrer en matière sur sa demande de reconsidération étant donné les problèmes de santé dont il faisait état. Cependant, sous l'angle des dispositions relatives au cas individuel d'extrême gravité, il apparaissait, selon le rapport médical du 24 mai 2022, que A______ avait été soumis à une séance d'hypnose, suite à laquelle le traitement avait pris fin. En outre, il existait en Albanie différents centres de santé psychiatrique. Ainsi, il n'existait aucun élément permettant de conclure que son renvoi dans son pays ne serait pas exigible. Enfin, il était rappelé qu'il faisait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse du 25 mai 2021 à laquelle il était tenu de se conformer sans délai.

D. a. Par acte du 28 février 2023, A______ a recouru auprès du TAPI contre cette décision, concluant principalement à son annulation et préalablement à son audition, ainsi qu'à la restitution de l'effet suspensif au recours.

La décision violait les dispositions légales sur le cas individuel d'extrême gravité, car il s'était bien intégré et avait toujours travaillé depuis son arrivée en Suisse. Il respectait l'ordre juridique et avait véritablement tourné le dos à son pays d'origine, avec lequel il ne partageait plus aucune valeur depuis plusieurs années. Il serait confronté à de sérieuses difficultés pour se réinsérer professionnellement dans son pays, alors qu'il bénéficiait en Suisse d'une situation professionnelle stable avec un salaire confortable.

La décision litigieuse violait la libre appréciation des preuves et le principe de l'interdiction de l'arbitraire, car l'autorité intimée n'avait pas pris en considération de manière suffisante son état de santé, se contentant d'affirmer qu'il existait en Albanie des centres de santé prenant en charge des troubles psychologiques. Par une telle affirmation, l'autorité intimée ne prenait visiblement pas en considération la gravité de son état de santé.

À l'appui de son recours, il a produit notamment une convocation pour un rendez‑vous en date du 11 octobre 2022 auprès d'une spécialiste en médecine générale, sans mention de la raison de ce rendez-vous, ainsi que différentes factures pharmaceutiques et ordonnances médicales, dont une, datée du 7 mars 2022, prescrivant de la Duloxetine.

b. Le 13 mars 2023, l'OCPM s'est opposé à la restitution de l'effet suspensif et, sur le fond, a conclu au rejet du recours en renvoyant pour l'essentiel à sa décision litigieuse.

Quand bien même le traitement médical dont bénéficiait l'intéressé ne serait pas terminé, la gravité de ses troubles n'était en l'occurrence pas démontrée, ni le fait qu'il ne pourrait soigner ses angoisses et sa détresse psychique dans son pays d'origine et y recevoir un traitement adéquat.

c. Par jugement du 9 mai 2023, le TAPI a rejeté le recours.

C'était en vain que A______ fondait son recours sur la durée de son séjour en Suisse, qu'il faisait débuter en 2011, ainsi que sur son intégration socioprofessionnelle, ou encore sur les répercussions économiques que son retour en Albanie pourrait avoir sur lui et sa famille, ainsi que sur ses difficultés pour se réintégrer dans ce pays. En effet, ces questions avaient déjà été traitées par l'OCPM dans sa décision du 25 mai 2021, laquelle était entrée en force suite au jugement rendu le 12 novembre 2021, qui la confirmait.

A______ ne démontrait pas avoir besoin, pendant une longue période, de soins permanents ou de mesures médicales ponctuelles d’urgence. En effet, il ne produisait qu'une ordonnance du 7 mars 2022 pour un antidépresseur (Duloxetine), une attestation des HUG du 24 mai 2022 faisant état d'un diagnostic de dépression et une convocation pour un rendez-vous auprès d'une spécialiste de médecine générale pour la date du 11 octobre 2022, laquelle ne mentionnait nullement la raison de ce rendez-vous. Il ne s'agissait pas d'éléments suffisants pour prouver qu'il avait besoin de soins permanents. Quand bien même on retiendrait que ce serait le cas en raison d'un état dépressif, la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral retenait que cette maladie pouvait être prise en charge dans une mesure suffisante en Albanie, de sorte qu'elle ne saurait suffire pour admettre l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité.

E. a. Par acte posté le 12 juin 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant préalablement à son audition, et principalement à l'annulation de la décision du 27 janvier 2023, à l'octroi d'une autorisation de séjour et à l'allocation d'une indemnité de procédure.

Il remplissait tous les critères légaux d'octroi d'une autorisation de séjour pour cas d'extrême gravité. L'OCPM n'avait pas pris en compte suffisamment son état de santé et les pièces justificatives fournies.

b. Le 13 juillet 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments soulevés dans celui-ci n'étant pas de nature à modifier sa position.

c. Le 2 août 2023, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 15 septembre 2023 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 15 septembre 2023, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires.

e. Le recourant ne s'est quant à lui pas manifesté.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant sollicite son audition à titre préalable.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l'espèce, le TAPI a indiqué que le recourant ne mentionnait pas en quoi son audition serait nécessaire. La même constatation doit être faite par la chambre de céans, qui ne voit par ailleurs pas, sur la base du dossier, ce qu'une telle audition pourrait apporter de plus que les éléments déjà présents au dossier.

Il ne sera donc pas procédé à l'acte d’instruction sollicité et il sera retenu que le TAPI n’a pas violé le droit d’être entendu du recourant en n'y procédant pas.

3.             Est litigieux le refus de l’OCPM de retenir l’existence d’un cas de rigueur justifiant l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après cette date sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

3.2 La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants d'Albanie.

3.3 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

Dans sa teneur depuis le 1er janvier 2019, l’art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 - état au 1er septembre 2023, ch. 5.6.10 [ci-après : directives LEI] ; ATA/756/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.4).

3.4 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 6c). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/92/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4d).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

3.5 Selon la jurisprudence, des motifs médicaux peuvent, selon les circonstances, conduire à la reconnaissance d'un cas de rigueur lorsque la personne concernée démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation. De même, la personne étrangère qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour réclamer une telle exemption (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6860/2016 du 6 juillet 2018 consid. 5.2.2 ; ATA/628/2023 du 13 juin 2023 consid. 3.5).

3.6 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

La question est de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (ATA/756/2023 précité consid. 2.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.7 En l’espèce, le recourant soutient séjourner en Suisse de manière ininterrompue depuis 2011. Outre qu'il n'a pas dûment prouvé un séjour ininterrompu aussi long, la durée dudit séjour doit être fortement relativisée au regard du fait qu’il a été entièrement effectué dans l’illégalité.

Le recourant ne peut se prévaloir d’une intégration sociale remarquable. Certes, il est financièrement indépendant, ne fait pas l'objet de poursuites et dit n'avoir pas recouru à l’aide sociale. Il ne soutient toutefois pas avoir noué à Genève des liens affectifs ou amicaux d’une intensité telle qu’il ne pourrait les poursuivre par le biais de moyens de télécommunication modernes une fois de retour en Albanie. Il ne fait pas non plus valoir qu’il s'investirait d’une quelconque manière dans la vie associative, sportive ou culturelle à Genève.

Il n’est pas contesté qu’il a œuvré à Genève dans le domaine du bâtiment et du nettoyage. Ces activités ne présentent toutefois pas une spécificité telle qu’il ne pourrait être exigé de sa part de les poursuivre dans son pays d’origine. Au contraire, il apparaît que le recourant pourra, en cas de retour dans son pays, mettre à profit l’expérience professionnelle et les connaissances de la langue française acquises durant son séjour en Suisse. Le recourant a vécu en Albanie au moins jusqu'en 2011, de sorte qu’il y a passé son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte. Il connaît donc les us et coutumes de son pays et ne prétend pas qu'il n'en parlerait pas la langue. Ainsi, quand bien même après plusieurs années passées à l’étranger, il traversera à son retour dans son pays une nécessaire phase de réadaptation, sa réintégration socio‑professionnelle ne paraît pas gravement compromise sur le long terme.

S'agissant enfin de son état de santé, le recourant n'établit aucunement que le suivi médical dont il a besoin ne serait pas disponible dans son pays d'origine, ceci alors même que selon la jurisprudence fédérale, les maladies psychiatriques telles que la dépression peuvent être soignées en Albanie (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-5711/2018 du 16 décembre 2020 consid. 7).

Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’OCPM n’a pas violé le droit ni abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que le recourant ne remplissait pas les conditions restrictives permettant l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, en particulier sous l'angle des éléments nouveaux d'ordre médical qui seuls justifiaient la reconsidération de sa précédente décision.

4.             Il convient encore d’examiner si le renvoi prononcé par l’OCPM est fondé.

4.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

4.2 L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiées et réfugiés de la violence », soit aux personnes étrangères qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugiée ou réfugié parce qu'elles ne sont pas personnellement persécutées, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, éd., Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, 2017, p. 949). En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; arrêt du TAF E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

S'agissant plus spécifiquement de l'exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse, celle-ci ne devient inexigible que dans la mesure où ces dernières ne pourraient plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. L'art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne saurait en revanche être interprété comme impliquant un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse (ATAF 2011/50 consid. 8.3). La gravité de l'état de santé, d'une part, et l'accès à des soins essentiels, d'autre part, sont déterminants. Ainsi, l'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du TAF F-1602/2020 du 14 février 2022 consid. 5.3.4).

4.3 Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci‑après : CourEDH), l'exécution du renvoi ou de l'expulsion d'un malade physique ou mental est exceptionnellement susceptible de soulever une question sous l'angle de l'art. 3 CEDH si la maladie atteint un certain degré de gravité et qu'il est suffisamment établi que, en cas de renvoi vers l'État d'origine, la personne malade court un risque sérieux et concret d'être soumise à un traitement interdit par cette disposition (ACEDH N. c. Royaume-Uni du 27 mai 2008, req. n° 26565/05, § 29 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_3/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.2). C'est notamment le cas si sa vie est en danger et que l'État vers lequel elle doit être expulsée n'offre pas de soins médicaux suffisants et qu'aucun membre de sa famille ne peut subvenir à ses besoins vitaux les plus élémentaires (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42; ATF 137 II 305 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_14/2018 du 13 août 2018 consid. 4.1; 2C_1130/2013 du 23 janvier 2015 consid. 3).

Le renvoi d'un étranger malade vers un pays où les moyens de traiter sa maladie sont inférieurs à ceux disponibles dans l'État contractant reste compatible avec l'art. 3 CEDH, sauf dans des cas très exceptionnels, en présence de considérations humanitaires impérieuses (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42 ; Emre c. Suisse du 22 mai 2008, req. n° 42034/04, § 89). Dans un arrêt du 13 décembre 2016 (ACEDH Paposhvili c. Belgique, req. n° 41738/10, § 173 ss, not. 183), la Grande Chambre de la CourEDH a clarifié son approche en rapport avec l'éloignement de personnes gravement malades et a précisé qu'à côté des situations de décès imminent, il fallait entendre par « autres cas très exceptionnels » pouvant soulever un problème au regard de l'art. 3 CEDH les cas d'éloignement d'une personne gravement malade dans lesquels il y a des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou de défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie ; ces cas correspondent à un seuil élevé pour l'application de l'art. 3 CEDH dans les affaires relatives à l'éloignement des étrangers gravement malades. La CourEDH a aussi fixé diverses obligations procédurales dans ce cadre (ACEDH Savran c. Danemark du 7 décembre 2021, req. n° 57467/15, § 130).

4.4 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l'intimé devait en principe prononcer son renvoi. Les problèmes de santé du recourant, qui peuvent comme déjà vu être pris en charge en Albanie, n'atteignent pas le degré de gravité prévu par la jurisprudence précitée pour entraîner l'inexigibilité de son renvoi.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 juin 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 mai 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Lida LAVI, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Valérie MONTANI, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.