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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2646/2023

ATA/71/2024 du 23.01.2024 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2646/2023-FPUBL ATA/71/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 janvier 2024

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Charles PIGUET, avocat

contre

B______ intimée
représentée par Me Constansa DERPICH, avocate



EN FAIT

A. a. A______, née le ______1972, a été engagée en qualité d’aide-soignante non diplômée au sein de l’EMS B______ (ci-après : l’EMS ou B______) à compter du 1er février 2011.

b. Elle a été nommée le 11 avril 2013.

c. Ses entretiens d’évaluation et de développement (ci-après : EEDP), avant et après nomination, sont très bons, dont le plus récent, du 19 mai 2016.

d. Elle n’a pas fait l’objet de sanctions disciplinaires.

B. a. Le Président du conseil d’administration de l’EMS a, le 7 mars 2023, ordonné l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de A______.

Le conseil d’administration avait pris connaissance de sa prise de parole télévisée dans l’émission « C______ » de la X______ diffusée le 2 novembre 2022, un état de fait qui était susceptible d’entraîner sa responsabilité disciplinaire.

Elle était par ailleurs suspendue provisoirement, avec maintien de son traitement, jusqu’à l’issue de l’enquête.

b. Il ressort du rapport d’enquête administrative du 22 mai 2023 :

b.a trois captures d’écran de ladite émission, les deux premières montrant A______ au volant de son véhicule PORSCHE cabriolet décapoté, circulant probablement sur la route D______ et la troisième, en gros plan, adossée à son cabriolet avec en arrière-plan les bâtiments de l’EMS. Apparaissent sur l’écran en texte incrusté son prénom et « AIDE SOIGNANTE EMS B______ ».

b.b. l’intégralité des propos qu’elle a tenus devant la caméra. Elle s’exprimait en premier lieu sur le taux d’absentéisme, à savoir cinq absences de longue durée sur 20 aides-soignants et répondait « oui » à la question « c’est beaucoup ? ». Elle ajoutait que le matériel était défectueux et en manque « flagrant ». Les fauteuils roulants étaient en mauvais état, donc difficiles à pousser, d’où des difficultés physiques. Il n’y avait pas forcément de chariot à disposition, alors qu’ils en avaient besoin pour travailler, et parfois pas assez de draps pour changer les lits. « Enfin, je veux dire, c’est des choses qu’on ne devrait même pas demander, c’est tellement la base, quoi ! ». Le soignant n’était pas entendu dans sa plainte. Si elle venait à donner sa démission, la direction n’en chercherait pas les raisons « on est un numéro ».

b.c la teneur de l’entretien de service du 30 novembre 2022. A______ y avait confirmé ne pas avoir informé son employeur ni sollicité de quelconque autorisation (levée du secret de fonction) avant de s’exprimer. Le journaliste lui avait indiqué que la X______ avait également sollicité la participation de l’EMS à l’émission et que des démarches étaient en cours, ce qui validait le principe qu’elle puisse témoigner. Elle avait été interviewée en tant qu’aide-soignante expérimentée d’un EMS. Elle avait régulièrement vécu les situations évoquées (manque de draps, notamment), principalement les week-ends et les lundis, ce toutefois avant l’arrivée le 1er janvier 2022 de E______, infirmière responsable d’unité (ci-après : IRU), sa supérieure hiérarchique. Elle en avait averti son ancienne IRU. Il lui avait alors été rappelé que ladite IRU avait démissionné durant l’automne 2021 alors que l’interview datait de 2022. Elle avait rencontré presque quotidiennement des problèmes avec des moyens auxiliaires (fauteuils). La hiérarchie « actuelle » avait été mise au courant de l’obsolescence du matériel mais également de son manque. Elle se sentait reconnue et considérée uniquement par sa « N+1 ».

A______ n’avait ensuite pas souhaité répondre à chacune des questions liées aux circonstances dans lesquelles elle avait été sollicitée pour cette interview, aux répercussions que son intervention pouvait avoir sur les équipes de l’EMS, les partenaires du réseau ainsi que les familles de résidents.

Dans le cadre de son droit de parole, elle avait expliqué avoir été contactée par le journaliste de la X______ dans le courant du mois d’avril 2022 pour être interviewée dans le cadre d’un reportage qui engloberait résidents, familles et soignants en Suisse romande, notamment à la suite du scandale des établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (ci-après : EHPAD) Y______ en France. Elle ignorait comment le journaliste s’était procuré ses coordonnées. Elle était régulièrement contactée par diverses personnes en raison de sa longue carrière d’aide-soignante. Dans ce cas précis, la prise de contact n’était pas en lien spécifique avec son activité au sein de l’EMS. Le journaliste lui avait dit que d’autres collaborateurs de l’EMS seraient aussi interviewés mais elle n’avait pas cherché à lui demander qui d’autre était concerné par le reportage. Elle n’avait pas douté de la bonne foi du journaliste qui lui avait confirmé avoir pris contact avec la direction générale pour participer au projet et que des démarches étaient en cours. Le journaliste l’avait conviée dans les locaux de la X______ mais elle avait demandé que l’interview se fasse dans un lieu d’accès plus facile que le centre-ville. Le journaliste lui avait alors proposé que cela se fasse dans les environs de l’EMS, finalement dans le parking F______.

L’interview avait duré de 14h30 à 17h30. Les conditions de travail des soignants et les violences en EMS avaient été abordées. L’émission n’avait conservé que 48 secondes sur le premier point et 32 secondes sur le deuxième, sur 45 minutes d’émission. Concernant la maltraitance, elle avait expliqué au journaliste que le risque zéro n’existait pas, qu’il n’y avait à sa connaissance pas de cas à l’EMS et qu’au contraire elle vivait alors une banalisation de la violence faite aux soignants. Elle avait communiqué au journaliste son choix d’inscrire son prénom, sa fonction et son employeur.

Elle avait depuis le reportage été sollicitée par plusieurs familles inquiètes plutôt de la maltraitance. Elle n’en avait pas informé son « IRU », « surtout vu le contexte de méfiance à son égard », mais avait rassuré ces familles.

b.d les propos de A______ devant l’enquêteur le 6 avril 2023 et le contenu de ses échanges avec le journaliste via l’application WhatsApp.

b.e les propos de G______, directrice générale de l’EMS depuis le 1er janvier 2019, également entendue le 26 avril 2023 et selon laquelle A______ n’était pas légitimée à s’exprimer devant la presse sans « a minima » requérir et obtenir l’accord de sa hiérarchie ainsi que la levée du secret de fonction. Son témoignage face caméra avait eu pour effet que l’EMS y incarnait le reproche de maltraitance et qu’un énorme travail consistant à rencontrer toutes les familles avait dû être fait pour les rassurer. Cela avait clivé le climat de l’EMS tant du côté des familles que des collaborateurs. H______, infirmier et membre du conseil d’administration, avait reconnu à l’issue d’une séance avoir eu des contacts avec le journaliste de la X______. Elle avait appris après le reportage de la bouche de I______ [animateur socioculturel à l’EMS et président de la commission du personnel], qu’il avait lui aussi eu des contacts avec le journaliste.

b.f les propos de I______ devant l’enquêteur du 11 mai 2023. Il avait été contacté par le journaliste sur son téléphone fixe à l’EMS, ce dont il n’avait pas été surpris. Il n’en avait informé ni la hiérarchie, ni ses collègues. Il était soumis au secret, à savoir une obligation de réserve, au secret médical et au secret de fonction. Cela impliquait de ne jamais parler à l’extérieur de l’EMS d’une personne en particulier, ni de comment cela se passait à l’EMS.

b.g les propos de H______ devant l’enquêteur le 15 mai 2023. Il avait été contacté au printemps 2022 sur son téléphone portable par une journaliste de la X______ qui lui avait indiqué chercher des soignants pour « C______ », pour le compte du journaliste J______. La journaliste lui avait dit être en contact avec d’autres collègues de l’EMS, une ancienne cadre et au moins deux familles qui dénonçaient des situations problématiques. La journaliste avait arrangé un contact avec J______ qui était intervenu en mai 2022 par téléphone, puis en « présentiel ». Il n’avait pas informé la direction de l’EMS de cette prise de contact, étant alors en arrêt maladie en raison d’un épuisement professionnel sévère. Il fallait cesser de faire un faux procès à A______ car le manque de moyens était une réalité reconnue par le conseil d’administration depuis longtemps. Les lits avec des barrières n’en avaient plus, de sorte qu’ils devaient être collés contre les murs. Lorsqu’elle disait cela, A______ disait la vérité. Il comprenait que cela puisse désécuriser les familles.

b.h deux extraits d’articles de presse produits par A______, des 16 et 18 avril 2018, parus sur la X______ et dans le journal « L’événement syndical », dans lesquels elle s’exprimait, conjointement avec H______ et K______, secrétaire syndicale auprès d’L______, sur le manque de personnel dans les EMS.

b.i les faits tenus pour établis par l’enquêteur, à savoir les nombreux contacts entretenus par A______ avec le journaliste de la X______ en avril et mai 2022, l’absence de crédibilité d’une thèse de contacts solitaires et non coordonnés notamment avec H______, « la figure syndicale de la B______ », et le but de la démarche de A______ de « remettre l’église au milieu du village » au sein de l’EMS.

A______ avait, le 18 mai 2022, sans en avoir informé sa hiérarchie, participé à un tournage d’une durée de 2h30, à visage découvert, selon le choix laissé par le journaliste, à proximité de son lieu de travail, avec en arrière-plan les bâtiments de l’EMS, un cadre convenu avec le journaliste. Ce dernier lui avait d’emblée demandé de la filmer avec sa voiture dont il avait préalablement requis une photo par WhatsApp et sur cette base qualifiée de « magnifique ». Elle avait tenu des propos ciblant directement et spécifiquement l’EMS s’agissant du taux d’absentéisme, du matériel « défectueux et en manque flagrant », ainsi que de critique du management quant au « turn over ». S’il était évidemment possible qu’au vu de la durée de l’entretien certains passages favorables à l’EMS aient été coupés, ce qu’elle devait anticiper puisque cela relevait déjà raisonnablement de l’expérience générale de la vie, l’enchaînement des propos gardait une cohérence naturelle, lesdits propos n’ayant pas été coupés entre eux. Ils étaient très sévères et le ton manquait en soi singulièrement de nuance, ce qui permettait d’écarter ses explications selon lesquelles elle avait l’impression de ne participer qu’à un simple reportage sur le scandale des EHPAD Y______. Elle s’était exprimée en sa qualité d’aide-soignante à l’EMS alors qu’elle n’occupait plus aucune mission de représentation du personnel, que ce soit à l’intérieur de l’institution ou comme représentante syndicale. Le reportage avait eu des conséquences graves pour l’EMS, que ce soit dans sa perception, notamment auprès de certains partenaires (Hôpitaux universitaires de Genève notamment), et son image, ou à l’interne, puisque les résidents et les employés, cadres ou non, avaient été bouleversés.

Ces faits constituaient une violation du devoir de réserve et de fidélité ainsi qu’une violation grave du secret de fonction.

La faute devait être qualifiée d’importante.

c. A______ a fait valoir, le 15 juin 2023, que le rapport d’enquête était lacunaire et orienté. Elle avait répondu en toute honnêteté aux questions de l’enquêteur, avait répété avoir agi de bonne foi, sans volonté de nuire à son employeur, et avait fait part de ses regrets, déjà à l’entretien de service.

L’enquêteur n’avait reproduit les extraits du procès-verbal de son audition que dans la mesure qu’il jugeait utile. Il avait occulté ses observations du 20 décembre 2022. Les comptes-rendus des auditions des témoins étaient partiels et partiaux.

Son intervention dans l’émission n’était pas en lien spécifique avec son activité au sein de l’EMS, mais sa longue expérience d’aide-soignante dans plusieurs EMS en France et en Suisse. Elle avait uniquement souhaité réagir au scandale Y______ dont les problèmes de management étaient la source, alors que les soignants, qui travaillaient avec les moyens mis à disposition, étaient bien souvent montrés du doigt. Elle voulait témoigner que cette situation n’existait pas en Suisse car il y avait des garde-fous, qu’il s’agissait toutefois de maintenir, voire de renforcer.

La théorie du « complot syndical » était erronée et sans fondement. Elle contestait être intervenue dans une démarche collective initiée par le syndicat. Elle n’était pas proche des syndicats et n’avait adhéré à L______ qu’en novembre 2022, après l’ouverture de la procédure disciplinaire.

Elle n’avait eu que quelques échanges avec le journaliste, par WhatsApp, qui se limitaient à fixer un rendez-vous et préciser quelques éléments. Les autres échanges, datant d’après la diffusion du reportage, se résumaient à son amertume et sa colère après avoir réalisé qu’elle avait été trahie et manipulée.

Elle avait informé « sa cadre », qui à son tour avait informé le directeur des ressources humaines, que des journalistes cherchaient à avoir des informations sur l’EMS. Elle n’avait reçu aucun retour. De plus, le journaliste lui avait garanti qu’il avait contacté la direction.

L’enquêteur n’avait décortiqué que les 80 secondes de l’émission où elle intervenait, alors que la prise en compte de l’intégralité de son propos relativisait sa portée. Le premier des deux reportages de cette émission, durant 23 minutes, avait été introduit par la journaliste M______ qui avait évoqué la maltraitance dans les EHPAD Y______ et dans le foyer de N______ à Genève. Le ton était donné. Le sujet du reportage était le témoignage du fils d’une résidente de l’EMS, décédée, et non sa très brève intervention, tronquée. S’il en résultait un dégât d’image, c’était de par le sujet principal du reportage, la mise en scène du journaliste qui avait voulu faire du sensationnalisme autour d’une situation émotionnelle, soit les hématomes d’une mère dénoncés par son fils, sur fond de suspicion de maltraitance, et les conclusions d’M______ sur le silence de la direction de l’EMS. La responsabilité des conséquences de ce reportage, à savoir selon G______ « entre un tsunami et un tremblement de terre », ne reposait pas sur ses épaules.

Elle avait été manipulée et trompée par le journaliste qui ne lui avait pas dit faire un reportage sur des faits qui se seraient produits à l’EMS. Sur les 180 minutes de son interview où elle avait longuement parlé en général des EMS en France et en Suisse, le journaliste n’avait gardé que 80 secondes où elle avait évoqué ses conditions de travail. Si elle avait connu l’orientation du reportage, elle n’y aurait pas participé.

Les problèmes de sous-effectif, d’absences pour cause de maladie ainsi que de matériel défectueux ou en manque étaient toujours d’actualité, ce qu’elle aurait pu démontrer par l’audition de témoins durant l’enquête administrative, soit des soignants qui s’étaient exprimés dans ce sens après la diffusion de l’émission.

Elle avait témoigné à visage découvert, ce qui démontrait qu’elle ne pensait pas avoir à se cacher pour parler du sujet sur lequel elle croyait être interrogée.

Elle travaillait depuis plus de douze ans à l’EMS et aimait son travail, qu’elle prenait à cœur et au sérieux. Ses collègues lui avaient fait suffisamment confiance pour l’élire à la commission du personnel où elle avait siégé de 2015 à 2020, dont deux ans en tant que présidente. Ses états de service étaient irréprochables et elle n’avait jamais connu d’épisode disciplinaire. Elle avait agi par naïveté et avait été « prise dans une tempête » qui l’avait complétement dépassée. Elle avait pris conscience trop tard de son erreur.

d. Par décision du 22 juin 2023, l’EMS a licencié A______ pour motifs fondés, avec effet au 30 septembre 2023. Dans l’intervalle, elle était libérée de son obligation de travailler.

La durée de ses contacts avec la X______ avait été importante, à savoir de mars à novembre 2022, durant laquelle elle n’en avait à aucun moment fait part à sa hiérarchie ; elle n’avait pas été surprise d’avoir été contactée par la X______ ni n’avait cherché à savoir comment le journaliste s’était procuré son numéro de téléphone portable ; elle s’était sentie manipulée par le journaliste ; elle reconnaissait n’avoir jamais formellement demandé la levée de son secret de fonction à sa hiérarchie et s’était exprimée durant près de trois heures face caméras en tant qu’employée de l’EMS sans avoir demandé l’autorisation ; sa prise de parole avait contribué à des pertes financières importantes de l’ordre de CHF 50'000.- et engendré un dégât d’image qui avait nécessité un travail considérable d’accompagnement des résidents, de leur famille et des collaborateurs ; sa prise de parole à visage découvert était totalement consciente et voulue, pour une démarche lui apparaissant ainsi « plus forte ». Sa démarche était d’autant plus inexcusable que, par le passé, elle s’était déjà exprimée dans la presse en étant pleinement consciente du cadre limité dans lequel elle pouvait intervenir. Elle n’y avait d’ailleurs pas cité l’EMS, ses propos ne se référant alors pas aux conditions de travail, son intervention ayant une dimension sociale, alors qu’elle assumait la fonction de présidente de la commission du personnel.

Les propos tenus dans le reportage litigieux constituaient en outre une seconde violation de son devoir de réserve et de fidélité, puisqu’elle mettait en cause de manière injuste ou excessive la qualité des prestations délivrées par l’EMS par des informations infondées et l’emploi de termes dépourvus de toute nuance. Sur le fond, les éventuels dysfonctionnements internes ainsi dénoncés devaient être remontés à sa hiérarchie ou dénoncés au groupe de confiance si elle ne s’était pas sentie entendue. Rien ne justifiait d’avoir écarté l’utilisation des moyens prévus par la loi au profit d’une prise de position médiatique, sans autorisation, et à visage découvert.

Ses propos avaient choqué le public et les collaborateurs de l’EMS dont 128 avaient signé une pétition de soutien en faveur de l’établissement.

Elle était libre de solliciter le visionnage du montage avant sa diffusion, ce qu’elle ne pouvait ignorer vu ses interventions médiatiques précédentes.

Elle avait donc fautivement violé son devoir de réserve et de fidélité à deux reprises.

S’y ajoutait une grave violation du secret de fonction, puisque nombre d’éléments qu’elle avait évoqués avaient trait au fonctionnement interne de l’EMS et ne relevaient pas du domaine public. Cette violation de l’art. 9A de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) était indéfendable, tant à la forme qu’au fond, ce d’autant qu’elle portait sur des éléments sensibles, soit la nature des soins prodigués par un EMS public à une population extrêmement vulnérable, de même que son fonctionnement interne.

A______ étant collaboratrice de l’EMS depuis plus de douze ans et ayant occupé la fonction de membre puis de présidente de la commission du personnel, elle était particulièrement au fait des droits et devoirs auxquels elle était soumise en qualité de fonctionnaire d’un établissement de droit public.

C. a. A______ a formé recours contre cette décision par acte expédié le 23 août 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative). Elle a conclu préalablement à la restitution de l’effet suspensif, à la production de l’entier de son dossier, de même que du procès-verbal de la séance du conseil d’administration du 21 juin 2023, ainsi qu’aux auditions en qualité de témoins de J______ et M______. À titre principal, elle a conclu à l’annulation de la décision de licenciement, à ce qu’il soit dit que les faits qui lui étaient reprochés n’étaient pas constitutifs d’un motif fondé de licenciement et cela fait, que sa réintégration soit ordonnée à compter du 1er octobre 2023, subsidiairement proposée et, en cas de refus, à la condamnation de l’EMS à lui verser CHF 63'234.- à titre d’indemnité pour licenciement contraire au droit.

Elle revenait sur chacun de ses EEDP, excellents.

Par courriel du 3 mai 2022, J______ avait pris contact avec G______ en indiquant être en train de préparer une émission sur les questions de maltraitance/bientraitance en EMS. Il voulait aborder les questions des dysfonctionnements révélés par un audit de gestion de la Cour des Comptes de Genève en 2018 concernant la gouvernance des ressources humaines de l’EMS, les récents articles de presse faisant état du climat entre la direction et le personnel, ainsi que des cas de maltraitance soulevés par des familles des résidents. Ainsi, dès le 5 (sic) mai 2022, la direction de l’EMS était parfaitement au courant qu’une émission allait être diffusée, de même que son contenu. G______ avait, par courriel du 5 mai 2022, indiqué au journaliste être dans l’incapacité de répondre favorablement à sa demande d’interview. L’EMS ne souhaitait donc pas exprimer son avis sur le sujet de l’émission. Par courriel du 6 mai 2022, le journaliste avait insisté une nouvelle fois auprès de G______, lui laissant ainsi la possibilité de s’exprimer afin de « redorer l’image de l’EMS ». Il avait aussi attiré l’attention de G______ sur le fait qu’il était en possession de témoignages de résidents et du personnel soignant portant sur des dysfonctionnements au sein de l’EMS.

Elle-même avait, aux alentours du mois d’avril 2022, rendu attentive l’une de ses supérieures directes sur le fait que des journalistes tentaient de récolter des informations et des témoignages pour réaliser un reportage notamment sur les cas de maltraitance en EMS. La direction de l’EMS n’avait alors pas jugé utile de rappeler à ses employés leur obligation de respect de leur secret de fonction ainsi que leurs devoirs de réserve et de fidélité. S’agissant des éléments ne ressortissant pas du domaine public, elle pensait à juste titre avoir le droit de communiquer et de donner l’interview en question.

Devant l’enquêteur, I______ avait expliqué avoir constaté, lors du visionnement du reportage, qu’il était « nul et foncièrement malhonnête » et avoir pensé immédiatement que A______ s’était fait manipuler par le journaliste. Il ne faisait pas de rappel sur le devoir de confidentialité ni sur la notion de secret lors des séances de la commission du personnel.

La résiliation violait le droit et le principe de proportionnalité. Elle avait durant toute la procédure d’enquête administrative expliqué avoir été trompée par le journaliste quant à l’aval de sa direction, confirmant ainsi sa bonne foi au moment de l’interview. Elle avait aussi expliqué que les passages retenus avaient été montés afin de donner une tournure bien précise au reportage. Depuis douze ans qu’elle était employée de l’EMS, elle n’avait jamais fait l’objet de la moindre sanction disciplinaire.

À la lecture du rapport d’enquête, seule une telle sanction était évoquée et non pas une résiliation des rapports de service. Dans l’émission on question, ses propos n’étaient en aucun cas suffisants pour rompre le rapport de confiance avec l’EMS ni ne dénigraient ce dernier, ce d’autant plus qu’ils avaient été totalement sortis de leur contexte et qu’elle avait été trompée par le journaliste. Aucune procédure de reclassement n’avait été tentée ou même ouverte avant la résiliation des rapports de service. La résiliation apparaissait largement disproportionnée, puisqu’elle avait reconnu d’emblée ses erreurs, s’était sincèrement excusée et que l’EMS n’avait subi aucune conséquence de cette interview. Il ne faisait aucun doute qu’elle n’avait pas réellement perturbé la bonne marche du service. Ses prestations étaient extrêmement satisfaisantes et suffisantes et elle était tout à fait apte à remplir les exigences de son poste.

La décision attaquée, qui se référait à une disparition durable d’un motif d’engagement, était incorrecte. Aucun autre motif de licenciement ne pouvait entrer en compte. Enfin, aucune procédure de reclassement n’ayant même été tentée, sa réintégration devait être ordonnée. En cas de refus, une indemnité correspondant à un an de son dernier traitement, 13e salaire inclus, devait lui être allouée.

b. Par décision du 18 septembre 2023, la présidence de la chambre administrative a rejeté la demande d’effet suspensif.

c. L’EMS a conclu au rejet du recours.

Selon le Tribunal fédéral, la violation fautive des devoirs de service n’excluait pas le prononcé d’un licenciement pour motif fondé. Bien que l’interview de A______ telle que diffusée ait été réduite à quelques minutes, l’ensemble de ses actions menées précédemment devait être retenu comme étant en lien de causalité avec les importants dégâts d’image et financiers causés à l’institution. Vu la gravité des fautes commises, il aurait été fondé à prononcer sa révocation à titre de sanction disciplinaire, tant la continuation des rapports de service était inacceptable et la relation de confiance rompue avec la hiérarchie de même qu’avec ses collègues qui s’étaient sentis profondément trahis et lésés. Il avait toutefois estimé qu’un licenciement pour motif fondé était déjà de nature à prendre en compte la gravité de son comportement et de répondre aux but d’intérêt public visé, soit le bon fonctionnement de l’institution. La décision permettait de tenir compte, dans une mesure importante, des évaluations de A______ et de l’absence d’antécédents disciplinaires.

Il paraissait objectivement incompatible avec le bon fonctionnement de l’EMS d’exiger qu’il la déplace dans un autre service, cette mesure n’étant pas à même de rétablir la confiance entre toutes les parties concernées. Vu son comportement et les conséquences de ses manquements sur l’ensemble de ses collègues, sa hiérarchie, les résidents et leur famille, une exception au principe légal du reclassement était justifiée.

d. Dans sa réplique, A______ a rappelé les raisons pour lesquelles elle avait fait, à tort, entièrement confiance au journaliste, qui l’avait manipulée, et qu’elle n’avait en aucun cas souhaité nuire à l’EMS. Après qu’elle s’était dite choquée par la teneur finale du reportage, le journaliste lui a fait des promesses d’intervention en sa faveur pour le cas où elle serait licenciée. Elle avait toutefois été totalement « abandonnée ». Ces éléments seraient démontrés par l’audition dudit journaliste, de même que celle d’M______.

Pour autant que l’EMS ait subi un préjudice, ce qu’elle contestait, il ne serait imputable qu’au reportage dans son ensemble et à l’angle journalistique choisi. Elle avait le sentiment que l’EMS se servait de sa participation naïve, relativement anecdotique, au reportage incriminé pour masquer ses propres manquements dans la gestion de cet épisode et être le bouc émissaire destiné à masquer un problème de gestion qui la dépassait totalement.

Elle a pour le surplus réitéré ses arguments quant à l’absence de motif fondé au licenciement et à son caractère disproportionné.

e. Après réception d’une brève duplique spontanée de l’EMS, les parties ont été informées, le 8 décembre 2023, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             La recourante a conclu préalablement à la production de l’entier de son dossier, de même que du procès-verbal de la séance du conseil d’administration du 21 juin 2023, ainsi qu’aux auditions en qualité de témoins des journalistes de la X______ J______ et M______.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l’espèce, l’autorité intimée a produit à l’appui de sa réponse au recours les pièces requises par la recourante, à savoir l’intégralité de son « dossier RH », comprenant le procès-verbal de la séance du conseil d’administration de l’EMS du 21 juin 2023.

Par appréciation anticipée des preuves, comme il sera vu ci-après, il n’apparaît pas nécessaire de procéder à l’audition des deux journalistes impliqués dans le reportage diffusé le 2 novembre 2022 dans le cadre de l’émission « C______ » de la X______.

3.             L’objet du litige est la décision de licenciement de la recourante avec effet au 30 septembre 2023. Celle-ci considère qu’il n’existerait pas de motif fondé justifiant la résiliation, laquelle violerait par ailleurs le principe de proportionnalité. Cette décision devrait aussi être annulée, faute pour l’autorité intimée d’avoir même tenté un reclassement.

3.1 L'EMS est un établissement de droit public, doté de la personnalité juridique (art. 1 et 2 de la loi concernant « La B______ » du 21 mai 2001 entrée en vigueur le 1er novembre 2001 - LMV).

3.2 Son personnel est soumis au statut de la fonction publique, tel que défini par la LPAC ; art. 10 LMV), et à ses règlements d'application (art. 1 al. 1 let. a LMV), soit notamment le règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01).

3.3 Les devoirs du personnel sont énumérés aux art. 20 et 21 RPAC. Les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC).

3.4 Ils se doivent notamment, d’entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés; de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes et, par leur attitude, de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (art. 21 let. a et c RPAC).

3.5 Le fonctionnaire n’entretient pas seulement avec l’État qui l’a engagé et le rétribue les rapports d’un employé avec un employeur, mais, dans l’exercice du pouvoir public, il est tenu d’accomplir sa tâche de manière à contribuer au bon fonctionnement de l’administration et d’éviter ce qui pourrait nuire à la confiance que le public doit pouvoir lui accorder. Il lui incombe en particulier un devoir de fidélité qui s’exprime par une obligation de dignité. Cette obligation couvre tout ce qui est requis pour la correcte exécution de ses tâches (ATA/1088/2020 du 3 novembre 2020 consid. 4a). L'obligation de s'abstenir de tout acte qui pourrait porter préjudice à l'État signifie qu'aussi bien dans l'exercice de ses tâches qu'au‑dehors, le fonctionnaire doit se montrer digne de la considération et de la confiance que sa fonction officielle exige et doit avoir un comportement tel que la population puisse avoir confiance dans l'appareil administratif à qui est confiée la gestion des affaires publiques (ATA/458/2023 du 2 mai 2023 consid. 3.2 et la référence citée).

3.6 Les membres du personnel de la fonction publique sont soumis au secret de fonction pour toutes les informations dont ils ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions dans la mesure où la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD ‑ A 2 08) ne leur permet pas de les communiquer à autrui (art. 9A al. 1 LPAC). L’obligation de garder le secret subsiste après la cessation des rapports de service (art. 9A al. 2 LPAC).

3.7 Le secret au sens de l'art. 320 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), qui réprime la violation du secret de fonction, est un fait qui n'est connu que d'un nombre restreint de personnes, que le détenteur du secret veut maintenir secret et pour lequel il existe un intérêt au maintien du secret. L'infraction implique une notion matérielle du secret. Il n'est dès lors pas nécessaire que l'autorité concernée ait déclaré secret le fait en question. Est en revanche déterminant que ce fait n'ait ni été rendu public ni ne soit accessible sans difficulté et que le maître du secret ait non seulement un intérêt légitime, mais également la volonté manifestée expressément ou par actes concluants que ce secret soit maintenu (ATF 142 IV 65 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_532/2017 du 28 février 2018 consid. 2.1).

4.             4.1 La LPAC prévoit que les rapports de service peuvent être résiliés pour motif fondé (art. 21 al. 3 LPAC). Il y a motif fondé, lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de l'insuffisance des prestations (art. 22 let. a LPAC), de l'inaptitude à remplir les exigences du poste (art. 22 let. b LPAC) ou de la disparition durable d'un motif d'engagement (art. 22 let. c LPAC).

4.2 Le Tribunal fédéral a confirmé que le licenciement pour motif fondé au sens des art. 21 al. 3 et 22 let. b LPAC est une mesure administrative dont le but est de permettre la résiliation des rapports de service lorsque leur continuation n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration. Elle ne suppose pas l'existence d'une violation fautive des devoirs de service par le fonctionnaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 du 24 aout 2020 consid. 4.2 et les arrêts cités), raison pour laquelle elle n'est pas soumise à l'ouverture d'une enquête administrative préalable, au contraire de la révocation disciplinaire (art. 27 al. 2 LPAC ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_244/2014 du 17 mars 2015 consid. 5.2). Il faut que le comportement de l'employé – dont les manquements sont aussi reconnaissables pour des tiers – perturbe le bon fonctionnement du service ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 précité consid. 4.1 et 4.2).

4.3 L’intérêt public au bon fonctionnement de l’administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé ne vise pas à punir, mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives à son bon fonctionnement (ATA/1108/2023 du 10 octobre 2023 consid. 5.3 et les arrêts cités).

4.4 Selon les travaux préparatoires relatifs à la modification de la LPAC, il appartient au législateur de définir à titre exemplatif les circonstances dans lesquelles un tel motif fondé peut être retenu (MGC 2005-2006/XI A – 10420).

4.5 La notion de motifs fondés doit être concrétisée, dans chaque situation, à la lumière des circonstances du cas d’espèce (ATA/892/2016 du 25 octobre 2016 consid. 5a). L’employeur jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour juger si les manquements d’un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l’administration. En tant que les rapports de service relèvent du droit public, il doit néanmoins respecter les principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité, de l’égalité de traitement, de la proportionnalité et de l’interdiction de l’arbitraire (ATA/1108/2023 précité consid. 5.5 et les arrêts cités). Le principe de proportionnalité exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité); en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 143 I 403 consid. 5.6.3 ; 142 I 76 consid. 3.5.1; 138 I 331 consid. 7.4.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_635/2020 du 22 juin 2021 consid. 3.1).

4.6 Au vu de la diversité des agissements susceptibles de constituer une violation des devoirs de service, le recours à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs est admis. Tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu’il est incompatible avec le comportement que l’on est en droit d’attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire, peut ainsi engendrer une sanction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 du 26 juin 2020 consid. 4.2.2).

4.7 Le fonctionnaire, au sein de l'administration cantonale, qui enfreint ses devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peut faire l'objet d'une révocation, laquelle est prononcée par le Conseil d'État (art. 16 al. 1 let. c ch. 5 LPAC).

4.8 Il convient de distinguer deux types de licenciement s'agissant de la résiliation des rapports de service d'un membre du personnel : la résiliation pour des motifs objectifs liés au bon fonctionnement de l'administration, ou licenciement pour motif fondé (art. 22 LPAC) et le licenciement pour violation des devoirs de service ou révocation, lequel est une sanction disciplinaire (art. 16 al. 1 let. c ch. 5 LPAC ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_530/2020 du 1er juin 2021 consid. 3.2).

4.8.1 Selon le Tribunal fédéral, la révocation et le licenciement pour motifs graves visent des buts différents même si les deux prononcés ont pour effet de mettre un terme à l'engagement du fonctionnaire. La révocation, qui figure sous le chapitre « Responsabilité disciplinaire et sanctions » du statut communal, est une mesure de nature disciplinaire et constitue la sanction formelle d'un comportement fautif. Elle implique le constat que le fonctionnaire a violé les devoirs de sa charge, intentionnellement ou par négligence, et que la gravité de la faute justifie une sanction disciplinaire. En revanche, le licenciement pour motifs graves ne relève pas du droit disciplinaire. Il suppose l'existence de motifs graves, ce par quoi il faut entendre toutes circonstances qui, d'après les règles de la bonne foi, font admettre que l'autorité ne peut plus maintenir les rapports de service (arrêt du Tribunal fédéral 8C_631/2011 du 19 septembre 2012 consid. 7.1).

4.8.2 La violation fautive des devoirs de service n’exclut pas le prononcé d’un licenciement pour motif fondé (dit licenciement ordinaire ou administratif). Si le principe même d’une collaboration ultérieure est remis en cause par une faute disciplinaire de manière à rendre inacceptable une continuation du rapport de service, un simple licenciement, dont les conséquences sont moins graves pour la personne concernée, peut être décidé à la place de la révocation disciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_335/2021 du 23 novembre 2021 consid. 3.3), étant précisé que toute violation des devoirs de service ne saurait être sanctionnée par la voie de la révocation disciplinaire. Cette mesure revêt l’aspect d’une peine et a un caractère relativement infamant. Elle s’impose surtout dans les cas où le comportement de l’agent démontre qu’il n’est plus digne de rester en fonction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_126/2023 du 4 septembre 2023 consid. 3.1.4.)

4.9 Les justes motifs de renvoi des fonctionnaires ou employés de l'État peuvent procéder de toutes circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite des rapports de service, même en l'absence de faute. De toute nature, ils peuvent relever d'événements ou de circonstances que l'intéressé ne pouvait éviter, ou au contraire d'activités, de comportements ou de situations qui lui sont imputables (arrêts du Tribunal fédéral 8C_667/2019 du 28 janvier 2021 consid. 6.2 et les arrêts cités ; 8C_638/2016 du 18 août 2017 consid. 4.2 et les références citées). Les conditions justifiant une résiliation ne se déterminent pas de façon abstraite ou générale, mais dépendent concrètement de la position et des responsabilités de l'intéressé, de la nature et de la durée des rapports de travail ainsi que du genre et de l'importance du manquement (ATF 142 III 579 consid. 4.2). Par exemple, le fait de ne pas pouvoir s'intégrer à une équipe ou de présenter des défauts de comportement ou de caractère tels que toute collaboration est difficile ou impossible est de nature à fonder la résiliation des rapports de travail, quelles que soient les qualités professionnelles de l'intéressé (ATA/751/2023 du 11 juillet 2023 et les arrêts cités).

4.10 L’employeur jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités).

4.11 Une violation des devoirs de service ne présuppose pas la réalisation d’une infraction pénale (ATA/591/2023 précité consid. 6.10).

4.12 Le Conseil d’État, la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d’administration peut en tout temps ordonner l’ouverture d’une enquête administrative qu’il confie à une personne qui a les compétences requises. Il doit le faire dans les hypothèses visées à l'art. 16 al. 1 let. c LPAC, notamment si une révocation devait être envisagée (art. 27 al. 2 LPAC).

4.13 Le principe de la proportionnalité exige que les mesures mises en œuvre soient propres à atteindre le but visé (règle de l'aptitude) et que celui-ci ne puisse être atteint par une mesure moins contraignante (règle de la nécessité) ; il doit en outre y avoir un rapport raisonnable entre ce but et les intérêts compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 140 I 168 consid. 4.2.1 ; ATA/932/2018 du 11 septembre 2018 consid. 6).

4.14 La chambre de céans a eu à se pencher, dans les arrêts ATA/545/2021 et ATA/546/2021 du 25 mai 2021, confirmés par arrêts du Tribunal fédéral 8C_462/2021 et 8C_475/2021 du 24 novembre 2021, sur les recours contre des décisions de résiliation des rapports de service pour motif fondé, de deux auxiliaires, commises administratives 2 affectées au service des votations et élections (ci-après : SVE), appelées lors des scrutins en fonction des besoins.

L’autorité intimée ne leur reprochait pas leur démarche auprès de la Cour des comptes (lanceuses d’alerte), mais des éléments figurant dans l'ordonnance de classement du Ministère public, à savoir que leurs déclarations devant les autorités pénales avaient été fluctuantes et marquées par une certaine hyperbole, jusqu'à ce qu'elles aient admis avoir, pour l'essentiel, formulé des suppositions. La décision de résiliation des rapports de service était également motivée par le fait que leurs accusations, graves et partiellement infondées, avaient eu des répercussions non négligeables sur un collègue et avaient grandement porté atteinte à l'image du SVE, de ses membres et du service public en général. Cette atteinte avait été d'autant plus importante que les recourantes avaient publiquement mis en cause l'authenticité des résultats des élections et des votations, en se prêtant au jeu de la médiatisation, de surcroît après la conférence de presse du procureur général du 13 mai 2019, au cours de laquelle celui-ci avait signalé qu'il n'y avait aucun indice de fraude électorale, et après son audition du 10 mai 2019, lors de laquelle elles avaient admis n'avoir rien constaté de particulier et n'avoir émis que des suppositions. Cette attitude, consistant à jeter publiquement sans réserve ni retenue le discrédit sur le processus électoral, était propre à rompre le lien de confiance entre les recourantes et leur employeur. À tout le moins, ce dernier était fondé à considérer que la poursuite des rapports de service se heurtait à des difficultés objectives ou n'apparaissait pas souhaitable. Il ne pouvait pas non plus être reproché à l'employeur de ne plus avoir convoqué les recourantes et d'avoir préféré attendre l'issue de la procédure pénale avant de revoir éventuellement cette position, puis d'avoir finalement mis un terme aux rapports de service.

S'agissant du principe de la proportionnalité, le principe du reclassement et le catalogue des sanctions de l'art. 16 LPAC n'étaient pas applicables aux recourantes, celles-ci n'étant pas fonctionnaires. Même si les décisions litigieuses avaient des effets importants sur leur situation financière, l'intérêt public à leur éloignement du SVE l'emportait sur leur intérêt privé à retrouver une activité lucrative au sein dudit service.

5.             En l’espèce, la recourante ne remet pas en cause le fait qu’elle n’a pas obtenu d’autorisation de son employeur ni de levée de son secret de fonction avant de s’exprimer dans le cadre d’un reportage télévisuel diffusé le 2 novembre 2022 sur la X______. Elle dit en avoir parlé à une supérieure, sans au demeurant avoir donné l’identité de la personne en question. Quoi qu’il en soit, quand bien même elle l’aurait fait, elle n’a pas obtenu l’accord de son employeur pour aller s’exprimer face à la caméra, en particulier sur des questions concernant directement l’EMS dans lequel elle était active comme aide-soignante. Elle connaissait le sujet du reportage qui s’inscrivait en marge du scandale touchant les EHPAD Y______ en France, à savoir la maltraitance en EMS. Si elle était d’avis que son témoignage pouvait être pertinent et utile dans la mesure où elle avait été active comme aide‑soignante en EMS tant en France qu’en Suisse, elle connaissait comme déjà dit le sujet du reportage et partant qu’il porterait indéniablement sur son activité pour le compte de l’autorité intimée.

Il tombe dès lors sous le sens qu’un accord de sa hiérarchie devait être obtenu avant d’aller enregistrer une interview d’une durée de plus de 2h30 concernant spécifiquement son activité professionnelle. Ceci est d’autant plus vrai que la recourante fait grand cas dans ses écritures devant la chambre de céans du refus de la directrice générale de s’exprimer dans cette même émission, au nom de l’EMS, ce que celle-ci avait fait savoir au journaliste ayant interviewé la recourante par courriels dès le 5 mai 2022, étant rappelé que l’enregistrement de la recourante remonte au 18 mai 2022. Il ne revenait en tout état pas à la recourante d’aller s’exprimer publiquement en lieu et place de la direction générale de l’EMS. Ainsi, la recourante a, sans l’autorisation de sa hiérarchie, sciemment pris le risque et accepté de parler, face à la caméra, à visage découvert, en extérieur avec en arrière‑plan des bâtiments de l’EMS et la mention expresse figurant sur l’écran de son prénom, de sa fonction et « B______ ». Sur ce dernier point, il sera relevé qu’elle a admis avoir été expressément sollicitée par le journaliste auquel elle a indiqué qu’il fallait mentionner son prénom, sa fonction et son employeur, choix qui a été respecté.

Ce comportement est indéniablement constitutif d’une violation de son devoir de fidélité et de réserve, susceptible de porter atteinte au lien de confiance avec son employeur.

S’y ajoute qu’elle s’est notamment expressément exprimée sur des problèmes concernant spécifiquement l’EMS et dont elle avait connaissance par sa charge, touchant au taux d’absentéisme dont il est ressorti de ses propos qu’il était important, puisque touchant cinq aides-soignants sur 20, et au matériel (fauteuils, chariots, lits et draps). Et d’ajouter que le soignant n’était pas entendu dans sa plainte et que si elle venait à donner sa démission la direction n’en chercherait pas les raisons, « on est un numéro ». Ce sont là autant de critiques directes du fonctionnement de l’EMS et de sa hiérarchie que la recourante n’était pas légitimée à porter à la connaissance du public sous cette forme, étant relevé qu’elle ne prétend pas qu’elle aurait alerté la hiérarchie de ces problématiques, voire le Groupe de confiance, avant d’aller s’en ouvrir face caméras. Il sera encore relevé qu’elle ne l’a pas fait au nom de la commission du personnel, ce qu’elle ne soutient pas d’ailleurs, dont elle n’était alors plus présidente, pas plus que comme représentant syndicale. La recourante s’est comportée de manière déloyale à l’égard de son employeur.

Ces faits sont à nouveau constitutifs d’une violation de son devoir de fidélité et de réserve. Ils sont constitutifs d’une violation des devoirs de service et pourraient être constitutifs d’une violation du secret de fonction au sens de l’art. 320 CP, ce qu’il n’appartient pas à la chambre de céans de déterminer. Il sera rappelé toutefois qu’une violation des devoirs de service ne présuppose pas la réalisation d’une infraction pénale.

Il est difficile de suivre la requérante lorsqu’elle laisse entendre qu’elle n’aurait pas connaissance du secret de fonction, dans la mesure où le président de la commission du personnel n’attirerait pas l’attention des collaborateurs de l’EMS sur cette question. C’est d’autant plus difficile de trouver-là une excuse à son comportement puisque précisément elle y a siégé de 2015 à 2020, dont deux ans en tant que présidente.

Peu importe ensuite que la recourante considère avoir été trahie par le journaliste qui a conservé au montage seules quelques secondes de leur entretien filmé, portant précisément sur les propos peu élogieux visant directement son employeur. Elle ne dément pas avoir tenu ces propos. Le fait qu’ils aient été extraits de plus 2h30 d’entretien ou encore aient été insérés au milieu de plaintes d’un parent d’ancien résident de l’EMS laissant entendre que sa mère aurait pu y vivre des maltraitances n’y change rien. Au demeurant, il est notoire que les sujets filmés, qui ne sont pas diffusés en direct, sont coupés au montage et que le journaliste cible ce qu’il entend en conserver pour atteindre l’effet recherché. La recourante ne prétend pas avoir pris la précaution de demander à pouvoir visionner l’émission avant sa diffusion. Enfin, elle n’a rien trouvé à redire à la mise en scène proposée par le journaliste.

Il ressort de ce qui précède que l’autorité intimée était fondée à considérer, selon les règles de la bonne foi, ce comportement comme excluant la poursuite des rapports de service, même en l'absence de faute. La recourante pouvait éviter cet enchaînement d’évènements qui lui est imputable. De son côté, l’employeur pouvait à juste titre considérer qu’un tel comportement a eu pour effet de rompre le lien de confiance nécessaire à la poursuite d’une relation devant précisément être basée sur la confiance. Les agissements de la recourante ont également été de nature à mettre en péril l’image de l’établissement public pour lequel elle travaillait, quand bien même les retombées du reportage diffusé en novembre 2022 ne peuvent intégralement lui être imputées.

L’autorité intimée était donc fondée à considérer que la continuation des rapports de service n'était plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, condition qui ne s'apprécie pas uniquement à l'aune des critères exemplatifs mentionnés à l'art. 22 LPAC.

Les griefs de la recourante ne conduisent pas à retenir le contraire. En effet, le choix de la procédure de résiliation, en lieu et place d'une procédure disciplinaire, n'est pas critiquable, dès lors que, selon la jurisprudence précitée, la violation fautive des devoirs de service, comme en l'espèce, n’exclut pas le prononcé d’un licenciement pour motif fondé.

La qualité des prestations fournies par la recourante depuis les plus de douze années qu’elle travaillait à l’EMS, qui n'est pas remise en cause, et le fait qu'elle n'ait fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire, éléments pris en cause par l’autorité intimée dans la décision attaquée, ne suffisent pas à contrebalancer ce manquement, qui bien qu’isolé, est si grave qu’il est incompatible avec le comportement attendu d'un fonctionnaire. À cet égard, quoiqu'en dise l'intéressée, il ne saurait être considéré comme une simple erreur d'appréciation face à un piège dont elle aurait été victime. Quand bien même elle a d’emblée dit regretter son comportement, elle n’en a pas moins, au stade du recours encore, cherché à en faire porter la responsabilité à d’autres, en particulier à sa hiérarchie qui aurait été au courant qu’on l’avait abordée pour un reportage et n’aurait pas réagi, au président de la commission du personnel qui n’aurait pas rappelé aux collaborateurs leur devoir de réserve et le secret de fonction ou encore au journalise ayant organisé et participé à l’interview.

Dans ces conditions, c’est sans abuser de son pouvoir d’appréciation que l’autorité intimée a considéré qu’il y avait une rupture du lien de confiance empêchant la poursuite des rapports de service.

Le licenciement est apte à atteindre le but d’intérêt public à employer dans les établissements publics médicaux du personnel respectueux de l’institution, des collaborateurs et des tiers, de ses obligations, ainsi que de protection de la patientèle. La mesure est nécessaire pour atteindre cet objectif et proportionnée au sens étroit compte tenu, notamment, de l’absence de réelle remise en question de la recourante.

6.             La recourante reproche à l’autorité intimée de ne pas avoir initié de procédure de reclassement.

6.1 Lorsque l'autorité envisage de résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé, elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé. Les modalités sont fixées par règlement (art. 21 al. 3 LPAC). Lorsque les éléments constitutifs d'un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d'entretiens de service, un reclassement est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d'une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (art. 46A al. 1 RPAC).

6.2 Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est une expression du principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst.) et impose à l’État de s’assurer, avant qu’un licenciement ne soit prononcé, qu’aucune mesure moins préjudiciable pour l’administré ne puisse être prise. Il s'agit tout d'abord de proposer des mesures dont l'objectif est d'aider l'intéressé à retrouver ou maintenir son « employabilité », soit sa capacité à conserver ou obtenir un emploi, dans sa fonction ou dans une autre, à son niveau hiérarchique ou à un autre (arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 5.2 et les références citées). La loi n’impose toutefois pas à l’État une obligation de résultat, mais celle de mettre en œuvre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui (arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 précité consid. 5.2 et les références citées ; ATA/1043/2023 du 26 septembre 2023 consid. 6.2 et l'arrêt cité). Le principe du reclassement signifie que l'employeur est tenu d'épuiser les possibilités appropriées et raisonnables pour réincorporer l'employé dans le processus de travail et non de lui retrouver coûte que coûte une place de travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 précité consid. 6.2 et les références citées).

6.3 Selon la jurisprudence fédérale, lorsqu’un reclassement revient en fin de compte à reporter dans un autre service des problèmes de comportement reprochés au recourant, il paraît illusoire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_839/2014 du 5 mai 2015 consid. 7.1). L’employeur se doit non seulement de protéger ses intérêts financiers, mais principalement ceux des patients qu’il accueille et auxquels il doit offrir toutes les garanties quant au personnel avec qui ils entrent en contact (ATA/1143/2018 du 30 octobre 2018 consid. 9b).

6.4 Toutefois, seules les circonstances particulières, dûment établies à satisfaction de droit, peuvent justifier une exception au principe légal du reclassement et faire primer l’intérêt public et privé de nombreux employés de l’État sur l’intérêt privé, pourtant important, de la personne licenciée (ATA/1060/2020 du 27 octobre 2020 consid. 9c ; ATA/1579/2019 du 29 octobre 2019 consid. 12h).

6.5 La jurisprudence genevoise connaît une casuistique où la chambre administrative a admis l'absence de procédure de reclassement (ATA/1345/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3i et les arrêts cités). Tel a été le cas d’une gérante sociale qui avait eu de très importants problèmes de communication et de comportement, durant une période de sept ans, avec l’ensemble des catégories d’interlocuteurs, tant internes qu’externes, à son institution (ATA/1576/2019 du 29 octobre 2019 consid. 14), d’une employée eu une attitude générale inappropriée ou encore d’une employée insuffisamment respectueuse de la sphère personnelle d’autrui ayant eu des comportements inappropriés à l’égard de certaines collaboratrices, ce qui avait conduit au prononcé d’un avertissement et à la fixation d’objectifs qui n’avaient pas été réalisés, si bien que la continuation des rapports de service a été jugée incompatible avec le bon fonctionnement du département intimé (ATA/674/2017 du 20 juin 2017 consid. 19). Plus récemment encore, elle a considéré que la faute d’un cardiomobiliste du 144 qui avait lors d’une intervention à domicile intubé un enfant en bas âge alors qu’il n’en avait pas la compétence était grave. Sa hiérarchie lui avait de plus reproché quelques années plus tôt d’agir comme « un électron libre », bien qu’un net progrès avait été constaté, à savoir une attitude beaucoup plus loyale par le respect des règles et des procédures de l’unité. En lien avec l’incident reproché, c’était toutefois bien en dehors des règles de procédure qu’il avait agi. Son employeur pouvait légitimement nourrir des doutes quant aux risques que d’autres patients pourraient courir, dont la santé voire la vie étaient concernées. La problématique ne saurait dès lors être résolue par une procédure de reclassement. Au contraire, transférer le recourant dans un autre service, y compris administratif, reviendrait à déplacer le problème. Le reclassement s’avérait ainsi illusoire (ATA/1108/2023 du 10 octobre 2023).

6.6 En l’espèce, c’est sans abuser de son pouvoir d’appréciation que l’autorité intimée n’a pas cherché à procéder au reclassement de la recourante. Vu la nature des faits à la base du licenciement, on ne pouvait attendre de sa part qu’elle cherche à la maintenir en son sein. La faute de la recourante est si grave que c’est aussi à juste titre que l’autorité intimée n’a pas cherché à la replacer dans le « grand État ». La recourante s’est en effet montrée publiquement déloyale et critique envers son employeur, sans une quelconque justification. Elle ne prétend pas ni ne démontre qu’elle aurait alerté sa hiérarchie sur des dysfonctionnements internes, ni que celle‑ci n’aurait donné aucune suite à ses doléances, avant d’aller s’en ouvrir devant les caméras. Dans de telles circonstances, l’autorité intimée était légitimée à considérer qu’il y avait lieu de faire primer l’intérêt public et privé des nombreux employés de l’État sur celui de la recourante et de ne pas reporter le problème dans une autre structure.

7.             Au vu des considérants qui précèdent, il n’y a pas lieu d’examiner les conclusions de la recourante tendant à sa réintégration.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

8.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.-, tenant compte de la décision sur effet suspensif, sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à l’intimée, à la charge de la recourante (art. 87 al. 2 LPA).

9.             Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 août 2023 par A______contre la décision de l’EMS B______ du 22 juin 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

alloue une indemnité de CHF 1'000.- à l’EMS B______ à la charge de A______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Charles PIGUET, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me Constansa DERPICH, avocate de l'EMS B______.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Corinne CHAPPUIS BUGNON, Valérie LAUBER, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :