Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1900/2022

ATA/591/2023 du 06.06.2023 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 13.07.2023, rendu le 04.03.2024, REJETE, 1D_6/2023
En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1900/2022-FPUBL ATA/591/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 juin 2023

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Romain JORDAN, avocat

contre

COMMANDANTE DE LA POLICE intimée

 



EN FAIT

A. a. A______, né en 1990, a commencé son stage de policier en 2015.

b. Il possède aujourd'hui le grade d'appointé.

B. a. Le 4 février 2017 à 00h37, A______, alors encore gendarme stagiaire, a circulé, en service, au volant d'un véhicule de service de la police, sirène et feux bleus enclenchés, sur B______en direction de C______, à la vitesse de 126 km/h selon le radar fixe placé à la hauteur du numéro ______ de B______, alors que la vitesse y était limitée à 50 km/h, d'où un dépassement de vitesse de 70 km/h, marge de sécurité déduite. À bord du véhicule se trouvait également son maître de stage, D______, appointée.

b. Le 9 février 2017, le brigadier E______ a transmis au major F______, chef de la G______, une note de service selon laquelle un « délit de chauffard » avait été commis par un véhicule de police. Le lieu et l'heure de l'infraction étaient mentionnés, ainsi que le numéro du véhicule de police impliqué, mais sans référence au conducteur. Le « protocole de vitesse » était joint.

c. Le 20 février 2017, le chef de la G______ a transmis à une personne non identifiée portant le titre de « Maréchal » l'information selon laquelle l'infraction routière décrite dans le rapport joint avait été commise le 4 février 2017 à 00h37 par le conducteur du véhicule de service n° 161. Le conducteur devait remplir, dans un délai fixé au 6 mars 2017, le formulaire « note collaborateur suite infraction LCR avec véhicule de service » afin d'expliquer ce qui avait motivé la commission de cette infraction.

d. Le 1er mars 2017, l'appointée D______ a rempli le formulaire précité – en cochant, sous la rubrique « Motif(s) de l'infraction » les cases « réquisition de la centrale d'alarme » et « utilisation des avertisseurs spéciaux (feux bleus et avertisseur à deux sons) » – et l'a transmis au chef de la G______.

e. Le 17 mars 2017, l'appointée D______ a adressé au major H______, alors chef de la police de proximité et dès lors chef de service tant d'A______ que d'elle-même, une note de service intitulée « Demande d'informations complémentaires ». Elle y développait le déroulement des événements ainsi que son appréciation de la situation. Elle avait notamment dit à A______ de circuler en urgence, et estimait que la course était proportionnelle et que le gendarme A______ conduisait de façon professionnelle et prudente en respectant les consignes qui lui étaient données.

f. Le 20 mars 2017, le chef de la police de proximité a adressé au Procureur général une note décrivant les faits (avec date, heure, infraction et nom du gendarme ayant été au volant), estimant la conduite en urgence justifiée. Il résultait toutefois de différentes cases cochées que la vitesse constatée excédait plus que légèrement la limite admise et n'était ainsi pas en adéquation avec les directives du Ministère public.

C. a. Une procédure pénale (P/1______/2017) a été ouverte le 23 mars 2017.

b. Dans une note de service du 22 juin 2017 à l'attention du Ministère public, l'inspection générale des services (ci-après : IGS) a demandé l'autorisation de transmettre copie du rapport qu'établirait l'IGS ainsi que toute information pertinente à la commandante de la police, afin qu'elle puisse se déterminer sur l'ouverture d'enquêtes administratives.

Ladite autorisation (sous forme de « n'empêche ») n'a toutefois été donnée que le 6 juillet 2022.

c. L'IGS a rendu son rapport au Ministère public le 24 août 2017, parvenant à la conclusion que la vitesse atteinte en l'espèce dépassait largement les limites fixées par l'ordre général du Ministère public relatif aux courses officielles urgentes, le coefficient 1,5 trouvant à s'appliquer en l'occurrence.

d. Le Tribunal de police (ci-après : TDP) a rendu un jugement en date du 29 janvier 2019, condamnant A______ pour violation de l'art. 90 ch. 3 et 4 LCR à une peine privative de liberté d'un an avec sursis et délai d'épreuve de trois ans. La procédure pénale a ensuite fait l'objet d'un arrêt de la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : la CPAR) du 25 septembre 2019, d'un arrêt du Tribunal fédéral du 24 janvier 2020 renvoyant la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision, d'un second arrêt de la CPAR du 24 septembre 2020 et d'un second arrêt du Tribunal fédéral du 12 mai 2021 confirmant la décision de l'autorité cantonale de deuxième instance.

À l'issue de la procédure pénale, A______ a ainsi été condamné à un travail d'intérêt général de 360 heures, avec sursis et délai d'épreuve de 20 mois, pour violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière (art. 90 ch. 3 et 4 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 - LCR - RS 741.01).

D. a. Le 5 mars 2019, le Procureur général a transmis à la commandante de la police copie du jugement du TDP du 29 janvier 2019.

b. Le 22 mars 2019, une juriste de la police s'est adressée par courriel à une secrétaire générale adjointe du département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : DSPS). Le gendarme A______ ayant été condamné par le TDP pour violation de l'art. 90 ch. 3 et 4 LCR à une peine privative de liberté d'un an avec sursis, la commandante de la police estimait que le prononcé de services hors tour serait adéquat.

c. Le 3 avril 2019, la secrétaire générale adjointe du DSPS a indiqué à la juriste de la police avoir consulté le chef du département. Le dossier relevait bien de la compétence de la commandante de la police, le prononcé de services hors tour paraissant tout à fait adéquat.

d. Par décision du 23 avril 2019, la commandante de la police a ouvert une procédure simplifiée à l'encontre d'A______ et décidé de l'entendre personnellement à ce propos, en présence d'un membre du service juridique de la police.

Il était fait référence au jugement du TDP. La décision était motivée par le fait que le comportement du gendarme susmentionné constituait un manquement susceptible d'entraîner une sanction disciplinaire.

Cette décision a été notifiée à A______ le 16 mai 2019.

e. Le 1er octobre 2019, le Procureur général a transmis à la commandante de la police copie de l'arrêt de la CPAR du 25 septembre 2019.

f. A______ a été convoqué pour être entendu par la commandante le 21 décembre 2021. Cette audition a été repoussée au 14 février 2022, puis au 28 mars 2022, et a finalement eu lieu le 4 avril 2022.

g. Ont participé à cette audition A______, accompagné du président de son syndicat de police, la commandante de la police et une juriste de la police.

Un procès-verbal a été établi. Les faits reprochés ainsi que les étapes de la procédure pénale ont été rappelés. A______ a admis que sa vitesse à l'endroit où se trouvait le radar était excessive, même si quelques centaines de mètres plus loin elle aurait été admissible. Il s'est dit pleinement conscient de la gravité de ses actes. Il a admis avoir contrevenu à l'ordre de service sur les courses officielles urgentes et regrettait les faits du 4 février 2017. Si cela était à refaire, il ferait les choses différemment. Il était toutefois stagiaire au moment des faits.

À l'issue de l'audition, un délai de dix jours lui a été imparti pour formuler par écrit d'éventuelles observations.

h. Par décision du 6 mai 2022, la commandante de la police a infligé un blâme à A______.

Ce dernier n'avait pas formulé d'observations dans le délai imparti pour ce faire. La prescription disciplinaire n'était pas acquise. La procédure pénale avait été ouverte le 23 mars 2017 et s'était achevée le 12 mai 2021. Elle-même n'avait eu connaissance des faits qu'à réception du jugement du TDP le 11 mars 2019. La procédure disciplinaire avait été suspendue pendant la durée de la procédure pénale et le délai de prescription relatif d'un an n'avait donc commencé à courir que le 13 mai 2021. Le délai de prescription absolue de cinq ans avait lui aussi été suspendu pendant la procédure pénale.

Les faits pertinents étaient établis à satisfaction de droit et reconnus par l'intéressé. Le comportement reproché contrevenait notamment à quatre ordres de service. La faute d'A______ revêtait une certaine gravité. Il convenait toutefois de prendre en compte qu'il était stagiaire au moment des faits, qu'il était précédé par un autre véhicule de police et que l'excès de vitesse avait été limité dans le temps et l'espace. Il s'agissait d'un cas isolé et il y avait lieu de considérer que de tels faits ne se reproduiraient plus. L'intéressé n'avait en outre pas d'antécédent, si bien qu'il ne se justifiait pas de s'écarter de la sanction minimale, à savoir le blâme.

E. a. Par acte posté le 8 juin 2022, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant préalablement à l'ouverture d'enquêtes et à la tenue d'une « audience de comparution personnelle répondant aux réquisits de l'art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) », et principalement à l'annulation de la décision attaquée et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

L'autorité intimée s'était comportée de manière contraire à la bonne foi, attendant deux ans avant d'ouvrir une procédure simplifiée puis, sans jamais suspendre la procédure, attendant encore trois ans avant de le convoquer à une audition et de le sanctionner.

L'art. 36 al. 3 de la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05) était violé, le délai de prescription relative ayant été atteint. La date du 11 mars 2019 comme dies a quo était contestée ; il ressortait des nombreuses communications échangées peu après les faits que la commandante avait eu connaissance des faits dans les jours suivant le 4 février 2017. L'autorité compétente pour prononcer le blâme était le chef de service et non la commandante ; or le major H______ avait eu connaissance des faits dans tous les cas avant de rédiger sa note du 20 mars 2017 au Ministère public. Le délai de prescription absolu de cinq ans était un délai de péremption, qui ne pouvait être ni suspendu ni interrompu. Enfin, un recours au Tribunal fédéral n'entrait pas dans la notion de « procédure pénale portant sur les mêmes faits » au sens de l'art. 36 al. 3 LPol.

Au surplus, aucune faute ne pouvait être retenue à son encontre au vu de la dangerosité de la situation à laquelle il avait été confronté, alors même qu'il était encore stagiaire. L'écoulement de cinq années depuis les faits rendait aussi le choix de le punir disciplinairement disproportionné.

b. Le 5 septembre 2022, la commandante de la police a conclu au rejet du recours.

Le Procureur général avait bien communiqué le jugement du TDP le 11 mars 2019, et elle avait rapidement annoncé au recourant son intention de le sanctionner. Elle avait légitimement attendu de connaître l'issue pénale du dossier pour prononcer une sanction, et elle n'avait pas l'obligation de suspendre la procédure simplifiée pour ce faire. En aucun cas l'intéressé ne pouvait inférer de son comportement qu'elle avait renoncé tacitement à le sanctionner.

Elle n'avait jamais reçu la note rédigée à l'intention du Procureur général par le chef de la police de proximité le 20 mars 2020 (recte : 2017), pas plus qu'une quelconque information au sujet des faits avant de recevoir le jugement du TDP le 11 mars 2019. Elle avait envisagé dans un premier temps d'infliger des services hors tour mais pouvait également prononcer un blâme a majore ad minus, ce qu'elle avait choisi de faire uniquement après avoir entendu l'intéressé. Le délai de prescription relative n'était ainsi pas atteint, ayant commencé à courir au plus tôt le 5 mars 2019 (date de réception du jugement par sa chancellerie) et ayant été suspendu jusqu'au 12 mai 2021. À cet égard, un recours au Tribunal fédéral était aussi couvert par l'art. 36 al. 3 LPol, ne serait-ce que parce qu'il faisait échec à l'entrée en force de l'arrêt cantonal au sens de l'art. 437 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0).

Sur la prescription absolue, le grief du recourant tombait à faux, la jurisprudence de la chambre administrative étant claire sur le fait que la procédure pénale suspendait aussi le délai de prescription y relatif.

Matériellement, la faute commise était établie et admise par le recourant, qui avait indiqué avoir pleinement conscience de la gravité de ses actes. La sanction choisie était la plus faible, et elle n'avait d'effet ni sur le grade, ni sur le traitement, ni sur la progression de carrière de l'intéressé, respectant ainsi le principe de la proportionnalité.

c. Le 13 septembre 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 7 octobre 2022 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 7 octobre 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Les dates de connaissance des faits avancées par l'intimée étaient contestées. L'audition des parties et des diverses personnes ayant rédigé les notes et rapports versés au dossier se justifiait d'autant plus qu'une autorité pouvait prendre connaissance des faits autrement que par la remise d'un document écrit.

Les arrêts cités par l'intimée en lien avec le délai de prescription absolu n'étaient pas pertinents, car traitant de situations où un changement législatif était intervenu en cours de procédure. Quant au recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, il s'agissait d'une voie de droit extraordinaire.

e. Le 2 novembre 2022, l'intimée, dans une réplique spontanée, a persisté dans ses conclusions.

f. Invité par le juge délégué à exercer s'il le souhaitait son droit à la réplique, le recourant a persisté dans ses conclusions le 18 novembre 2022, concluant à ce que l'écriture du 2 novembre 2022 soit écartée du dossier.

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; ).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit du blâme infligé au recourant le 6 mai 2022.

3.             Le recourant conclut à ce que l'écriture de l'intimée du 2 novembre 2022 soit écartée du dossier.

Selon l'art. 131 al. 3 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), un juge délégué de la chambre administrative conduit la procédure et peut prendre seul les décisions incidentes y relatives. La juridiction peut autoriser une réplique et une duplique si ces écritures sont estimées nécessaires (art. 74 LPA).

3.1 En l'espèce, indépendamment du point de savoir si l'autorité est titulaire ou non du droit inconditionnel à la réplique, le juge délégué a accepté par économie de procédure l'écriture litigieuse et a donné au recourant un délai pour y répliquer, ce qu'il a du reste fait. Il n'y a dès lors pas lieu d'écarter du dossier l'écriture en cause.

4.             Le recourant sollicite à titre préalable que le dossier de l’autorité intimée soit produit, que celle-ci indique si d’autres autorités ont été consultées dans le cadre de la présente procédure et que la chambre administrative ordonne l’ouverture des enquêtes et tienne une audience de comparution personnelle conforme aux exigences de l’art. 6 CEDH.

4.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_245/2020 du 12 juin 2020 consid. 3.2.1 ; ATA/631/2020 du 30 juin 2020 consid. 2a). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement ni celui d’entendre des témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 134 I 140 consid. 5.3).

4.2 L'art. 6 § 1 CEDH donne à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Il peut être renoncé à une audience publique dans les cas prévus par l'art. 6 § 1 2ème phr. CEDH, lorsque la demande est abusive, chicanière, ou dilatoire, lorsqu'il apparaît clairement que le recours est infondé, irrecevable ou, au contraire, manifestement bienfondé ou encore lorsque l'objet du litige porte sur des questions hautement techniques (ATF 141 I 97 consid. 5.1 ; 136 I 279 consid. 1 ; 134 I 331 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_5/2019 du 4 juin 2020 consid. 3.2.2). La Cour européenne des droits de l’homme (ci-après : CourEDH) a également rappelé que l'art. 6 CEDH en dehors des limitations expressément prévues par cette disposition n'exige pas nécessairement la tenue d'une audience dans toutes les procédures. Cela est notamment le cas pour les affaires ne soulevant pas de question de crédibilité ou ne suscitant pas de controverse sur les faits qui auraient requis une audience, et pour lesquelles les tribunaux peuvent se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et d'autres pièces. Partant, on ne saurait conclure, même dans l'hypothèse d'une juridiction investie de la plénitude de juridiction, que la disposition conventionnelle implique toujours le droit à une audience publique, indépendamment de la nature des questions à trancher. D'autres considérations, dont le droit à un jugement dans un délai raisonnable et la nécessité en découlant d'un traitement rapide des affaires inscrites au rôle, entrent en ligne de compte pour déterminer si des débats publics sont nécessaires. La CourEDH a ainsi déjà considéré que des procédures consacrées exclusivement à des points de droit ou hautement techniques pouvaient remplir les conditions de l'art. 6 CEDH même en l'absence de débats publics (arrêt de la CourEdH Mutu et Pechstein contre Suisse du 2 octobre 2018 § 177 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_5/2019 précité consid. 3.2.2).

4.3 En l'espèce, l'art. 6 CEDH ne s'applique a priori pas à la présente cause, qui concerne une sanction disciplinaire non pécuniaire infligée à un détenteur de la puissance publique. L'objet du litige devant la chambre de céans porte en outre sur une question de nature juridique, qui n'apparaît pas particulièrement complexe, dans une affaire ne soulevant pas de question de crédibilité ni ne suscitant de controverse sur les faits. La cause ne requiert pas la tenue d'une audience et la chambre administrative peut se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et les pièces. Le recourant a d’ailleurs eu l'occasion, au cours de la présente procédure, de faire valoir ses arguments et de produire des pièces tant dans le cadre de son recours que de ses deux répliques. Partant, il n'y a pas lieu de procéder à son audition, dont il n’explique au demeurant pas ce qu’elle apporterait de plus. Il ne sera ainsi pas donné suite à la demande d'audience du recourant.

Pour le surplus, l’autorité intimée a produit un chargé de pièces, qui paraît complet, ce que le recourant ne critique pas. Ce dernier ne sollicite par ailleurs pas la production d’un document particulier, en sus, ni a fortiori n'étaie son utilité pour la résolution du litige. Le dossier soumis à la chambre de céans apparaît, au regard des pièces produites par les parties et des explications fournies par celles-ci, complet et lui permet de statuer en connaissance des éléments pertinents. La chambre administrative ne procédera pas à d’autres actes d'instruction, dans la mesure où ils ne sont pas de nature à influer sur l'issue du litige.

5.             Le recourant se plaint d’une violation du principe de la bonne foi, en lien avec le « revirement » qu'aurait opéré l'intimée dans le traitement de son dossier.

5.1 Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1).

5.2 Le droit à la protection de la bonne foi peut être invoqué en présence simplement d'un comportement de l'administration, notamment en cas de silence de l'autorité dans une situation de fait contraire au droit, susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 361 consid. 7.1). Entre autres conditions, l'autorité doit être intervenue à l'égard du citoyen dans une situation concrète et celui-ci doit avoir pris, en se fondant sur les promesses ou le comportement de l'administration, des dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir de préjudice (arrêt du Tribunal fédéral 9C_628/2017 du 9 mai 2018 consid. 2.2). La précision que l'attente ou l'espérance doit être « légitime » est une autre façon de dire que l'administré doit avoir eu des raisons sérieuses d'interpréter comme il l'a fait le comportement de l'administration et d'en tirer les conséquences qu'il en a tirées. Tel n'est notamment pas le cas s'il apparaît, au vu des circonstances, qu'il devait raisonnablement avoir des doutes sur la signification du comportement en cause et se renseigner à ce sujet auprès de l'autorité (ATF 134 I 199 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 5.1).

5.3 En l’espèce, le recourant ne peut être suivi quand il estime que l’autorité intimée aurait violé le principe de la bonne foi en ne le sanctionnant disciplinairement qu’à l’issue de la procédure pénale. En effet, cette situation découle de la loi, qui prévoit la suspension de la prescription durant la procédure pénale. En outre, il ne ressort pas du dossier que l’autorité intimée aurait donné au recourant l’assurance de ne pas être sanctionné au plan disciplinaire. Il ne l’invoque d’ailleurs pas.

On ne distingue ainsi dans le cas d’espèce aucune violation du principe de la bonne foi, si bien que le grief sera écarté.

6.             Le recourant soutient que l'action disciplinaire serait prescrite, de sorte que la sanction devrait être annulée.

6.1 Fonctionnaire de police, le recourant est soumis, depuis le 1er mai 2016, à la LPol, dans sa version en vigueur au moment des faits, soit avant la modification de novembre 2022, entrée en vigueur le 24 décembre 2022, ainsi qu’à son règlement.

6.2 Aux termes de l'art. 36 al. 1 LPol, selon la gravité de la faute, diverses sanctions disciplinaires peuvent être infligées au personnel de la police dont le blâme (let. a) ou les services hors tour (let. b). Le chef du service concerné, au sens de l’art. 6 LPol, est compétent pour prononcer le blâme ; le commandant inflige les services hors tour (art. 37 al. 1 LPol).

La responsabilité disciplinaire se prescrit par un an après la connaissance de la violation des devoirs de service et en tout cas par cinq ans après la dernière violation. La prescription est suspendue pendant la durée de l’enquête administrative, ou de l’éventuelle procédure pénale portant sur les mêmes faits (art. 36 al. 3 LPol).

S’agissant du dies a quo du délai d’un an, une abondante et constante jurisprudence de la chambre de céans rappelle qu’il court à compter de la connaissance des faits par l’autorité décisionnaire (ATA/175/2023 du 28 février 2023 consid. 5a ; ATA/508/2022 du 17 mai 2022 ; ATA/36/2022 du 18 janvier 2022 considérant 2c et les références citées).

L’art. 29 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) n’est pas applicable (art. 36 al. 4 cum 18 al. 1 LPol). Selon cette disposition, lorsque les faits reprochés à un membre du personnel relèvent également d’une autre autorité disciplinaire administrative, celle-ci est saisie préalablement (al. 1). Lorsque les faits reprochés à un membre du personnel peuvent faire l’objet d’une sanction civile ou pénale, l’autorité disciplinaire administrative applique, dans les meilleurs délais, les dispositions des art. 16, 21 et 27 LPAC, sans préjudice de la décision de l’autorité judiciaire civile ou pénale saisie (al. 2).

6.3 Dans l’ATA/36/2022 du 18 janvier 2022, la chambre de céans a procédé à l’interprétation de l’art. 36 al. 3 LPol, retenant que dès lors qu’une ordonnance de non-entrée en matière avait été rendue sur les mêmes faits reprochés au recourant et lui ayant valu sanction disciplinaire que ceux visés dans un rapport de l'IGS, il était conforme à la volonté du législateur d'attendre l'issue de la procédure pénale pour ouvrir une enquête administrative, l'application de l'art. 29 al. 2 LPAC étant désormais expressément exclue en cette hypothèse.

La chambre de céans a depuis confirmé cette jurisprudence à plusieurs reprises (ATA/348/2023 du 4 avril 2023 consid. 3c ; ATA/175/2023 précité consid. 5b).

6.4 Concernant le dies a quo du délai de prescription, la chambre de céans a jugé de manière constante, dans des affaires où un fonctionnaire de police avait été sanctionné d'un blâme ou de services hors tours, que l'art. 37 al. 6 aLPol faisait référence à la connaissance des faits par la cheffe de la police – la commandante –compétente, sous l'ancien droit, pour prononcer chacune de ces sanctions (art. 36 al. 2 aLPol ; ATA/244/2020 du 3 mars 2020 consid. 8c et les arrêts cités).

Le Tribunal fédéral a rappelé qu'il n'est pas insoutenable de considérer que le délai d'une année de l'art. 37 al. 6 aLPol commence à courir à partir seulement du moment où l'autorité compétente pour infliger la peine disciplinaire apprend elle-même l'existence d'une violation des devoirs de service. À la nécessité pour l'administration d'agir sans retard, on peut opposer, de manière défendable, que la prescription d'un an ne peut pas dépendre du seul comportement du supérieur hiérarchique, qui peut commettre une erreur d'appréciation sur la gravité des faits ou qui, pour d'autres motifs, tarderait à informer l'autorité compétente (arrêt du Tribunal fédéral 8C_621/2015 du 13 juin 2016 consid. 2.4, qui confirme l’ATA/652/2015 du 23 juin 2015). Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a en revanche précisé qu’il était insoutenable de considérer que l’action disciplinaire ne commencerait à courir que lorsque l’autorité compétente pour le prononcé de la sanction, qui avait connaissance de la violation des devoirs de service et des motifs d’une condamnation pénale, se ferait envoyer le dossier complet de l’intéressé. En effet, ces démarches dépendaient d’elle seule et cela lui permettrait de repousser à sa guise le dies a quo de la prescription de l’action disciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 8D_7/2021 du 5 septembre 2022 consid. 3.4).

6.5 À titre exemplatif, dans l’ATA/215/2017 du 21 février 2017, la chambre administrative a considéré qu’à teneur de l'art. 16 al. 1 let. c LPAC, dès lors que la compétence de prononcer la révocation d'un fonctionnaire appartenait au Conseil d’État, c'était le moment où celui-ci, en tant qu'autorité disciplinaire, avait eu connaissance de la violation des devoirs de service et qu'il avait pu décider de la suite à donner au dossier que le délai de prescription avait commencé à courir. Elle a ainsi retenu que le Conseil d’État, autorité compétente pour prononcer la révocation, avait eu connaissance au plus tard au jour de la demande de constitution de l'État de Genève en qualité de partie plaignante auprès du Ministère public, des différentes décisions rendues avant cette date et de l’échange de correspondance que le service ou le conseiller d'État en charge du département dont dépendait ce service avait eu avec l’employé (consid. 11e).

De même, elle a retenu qu'en cas de révocation ou de transfert dans un autre emploi, du ressort du Conseil d'État, le dies a quo était la date à laquelle ce dernier et non le conseiller ou la conseillère d'État en charge du département concerné seulement avait connaissance des faits (ATA/741/2021 du 13 juillet 2021 consid. 6).

Dans l’ATA/1235/2020 du 8 décembre 2020, la chambre administrative a considéré que le délai de prescription d'un an figurant aux art. 36 al. 3 LPol et
27 al. 7 LPAC ne pouvait, avant le prononcé de la sanction, pas être interrompu mais uniquement suspendu.

Par ailleurs, selon la jurisprudence, dans le cadre d'une action disciplinaire, le délai de prescription ne court pas pendant la procédure judiciaire (ATA/1048/2022 du 18 octobre 2022 ; ATA/36/2022 précité ; ATA/741/2021 précité consid. 9e).

6.6 La chambre de céans a déjà tranché que le délai de cinq ans devait être considéré comme un délai de prescription absolue, étant rappelé que la teneur de l’art. 37 al. 6 aLPol était identique à l’art. 27 al. 7 LPAC et était entrée en vigueur le 31 mai 2007. La modification intervenue ultérieurement avec l’entrée en vigueur au 1er mai 2016 de 36 al. 3 LPol était, en l’espèce, sans incidence. La chambre de céans a de même aussi déjà tranché le fait que le délai de prescription de cinq ans de l’art. 27 al. 7 LPAC pouvait être suspendu pendant la durée de l’enquête administrative (ATA/175/2023 précité consid. 5e ; ATA/508/2022 du 27 mai 2022 consid. 10 et références citées). À cette occasion, la volonté de permettre à l'État de sévir dans les cas où une procédure pénale est engagée parallèlement à la procédure administrative, sans risque de voir la prescription absolue de cette dernière atteinte, a été clairement exprimée par le législateur (ATA/860/2020 du 8 septembre 2020 consid. 4 ; MGC 2006-2007/VI D/29 - Séance 29 du 23 mars 2007).

6.7 Après l’échéance du délai de prescription, la sanction d’une faute professionnelle n’est plus possible, même lorsqu’elle serait utile à la sauvegarde de l’intérêt général (arrêt du Tribunal fédéral 8C_281/2017 du 26 janvier 2018 consid. 5.4.5).

6.8 S’agissant de la compétence pour ordonner un blâme, sanction la plus légère prévue par l’art. 36 LPol, celle-ci appartient en principe au chef du service concerné au sens de l’art. 6 LPol (art. 37 al. 1 LPol).

La police est organisée militairement (art. 4 al. 1 LPol). Elle est dirigée par un commandant de la police, nommé par le Conseil d’État (art. 4 al. 2 LPol). La police comprend les services d’appui et les services opérationnels, que sont notamment la police judiciaire (art. 6 let., b ch. 8 LPol).

Dans un arrêt de 2021 (ATA/601/2021 du 8 juin 2021), il a été relevé que si le directeur de la prison de Champ-Dollon était compétent pour prononcer des services supplémentaires à l'encontre d’un détenu à teneur de la législation applicable, l'office cantonal de la détention, qui comprenait la prison de Champ-Dollon, l’était également a majore ad minus, soit selon le principe « qui peut le plus peut le moins ».

En 2021 également, la même solution a été retenue dans le cadre universitaire : ainsi, si le président de la section de physique de la Faculté n’était pas le supérieur direct du recourant, un échelon de hiérarchie supplémentaire existant entre eux, il n’en restait pas moins un supérieur hiérarchique de ce dernier. Il en découlait que le blâme prononcé par ce dernier l’avait a fortiori été par une autorité compétente (ATA/739/2021 du 13 juillet 2021).

Enfin, dans l'ATA/175/2023 précité, la chambre de céans a appliqué ces principes à une espèce presque identique au présent cas, considérant que la commandante de la police pouvait prononcer un blâme à l'encontre d'une gendarme ayant commis un excès de vitesse (consid. 6a).

6.9 Les arrêts du Tribunal fédéral acquièrent force de chose jugée le jour où ils sont prononcés (art. 61 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

L'entrée en force des jugements pénaux de première et deuxième instance est réglée par l'art. 437 CPP. Les décisions contre lesquelles aucun moyen de recours n’est recevable selon le CPP entrent en force le jour où elles sont rendues (art. 437 al. 3 CPP).

Lorsqu'un recours en matière pénale est déposé auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal rendu sur appel, la force de chose jugée n'est acquise qu'au moment de la décision fédérale (ATF 144 IV 35 consid. 2.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_816/2019 du 6 août 2019 consid. 1.4.1 ; 6B_453/2018 du 4 juin 2018 consid. 2.3 ; 1B_58/2014 du 15 avril 2014 consid. 3.1).

6.10 En l'espèce, l'approche des parties diverge s’agissant du dies a quo du délai de prescription d'un an de l'art. 36 al. 3 LPol, et de la durée de la suspension de la prescription en lien avec la procédure pénale.

Se pose à titre préalable la question de la compétence pour prononcer le blâme, qui permet, au vu de la jurisprudence et des normes précitées, de fixer adéquatement le dies a quo. En effet, le blâme n’a pas été infligé par le chef de la police de proximité (au sens de l’art. 6 let. b ch. 9 aLPol) mais par la commandante. Conformément à la jurisprudence précitée (ATA/175/2023 précité), il sera retenu que le blâme a été prononcé par une autorité compétente et que la connaissance des faits par cette dernière est déterminante pour fixer le dies a quo.

Se pose ensuite la question de savoir si le législateur envisageait une suspension systématique de la prescription de l'action disciplinaire en cas de procédure pénale, respectivement ce qu’il entendait par procédure pénale.

Lors des travaux législatifs visant la modification de la LPol, le législateur a clairement exprimé sa volonté de simplifier la pratique en cours jusqu'alors, afin d'éviter qu'une enquête administrative ne soit ouverte uniquement pour suspendre le délai de prescription dans l'attente du résultat de la procédure pénale. L'exclusion de l'application de l'art. 29 al. 4 LPAC à l'art. 36 al. 4 LPol confirme cette volonté d'attendre le résultat de l'éventuelle procédure pénale diligentée avant l'ouverture d'une enquête administrative. Le terme « éventuelle » ne signifie pas que la suspension ne court pas jusqu'au terme de la procédure pénale dans l'hypothèse où une cause de responsabilité disciplinaire apparaîtrait avant son terme. Ledit mot fait davantage référence au fait qu'une action disciplinaire n'implique pas nécessairement l'ouverture d'une procédure pénale, dès lors qu'une violation des devoirs de service ne présuppose pas la réalisation d'une infraction pénale. Par conséquent, selon le législateur, ce n'est que dans le cas où les faits justifiant une sanction disciplinaire font également l'objet d'une procédure pénale, que l'action disciplinaire est suspendue (ATA/175/2023 précité consid. 6a ; ATA/1048/2022 du 18 octobre 2022 ; ATA/36/2022 du 18 janvier 2022 précité et références citées).

In casu, le recourant a été condamné définitivement par arrêt du Tribunal fédéral du 12 mai 2021, pour les mêmes faits que ceux qui lui sont reprochés au plan disciplinaire. Compte tenu de cette procédure pénale portant sur les mêmes faits reprochés pénalement et disciplinairement au recourant, ayant abouti à une condamnation pénale cantonale de dernière instance, à l’encontre de laquelle un recours a été interjeté auprès du Tribunal fédéral, il était conforme à la volonté du législateur d'attendre jusqu'à l’arrêt du Tribunal fédéral le 12 mai 2021 – à cet égard, il résulte de la jurisprudence citée plus haut que seul ce prononcé permettait l'entrée en force de l'arrêt cantonal au sens de l'art. 437 CPP – avant de le sanctionner au plan disciplinaire, l'application de l'art. 29 al. 2 LPAC étant désormais expressément exclue par la loi dans cette hypothèse.

S’agissant du dies a quo du délai de prescription relatif, la commandante de la police a eu connaissance de l’infraction commise par le recourant, selon les documents figurant au dossier, en mars 2019 avec l'envoi à son intention, par le Procureur général, d'une copie du jugement du TDP du 29 janvier 2019, de sorte que le délai relatif d’un an est respecté, la suspension de la prescription étant intervenue à l’ouverture de la procédure pénale P/1______/2017, le 23 mars 2017. Cette procédure n’a été définitivement close qu’à l’issue de l’arrêt du Tribunal fédéral du 12 mai 2021, et non par l’arrêt de la CPAR du 24 septembre 2020.

Ainsi, la responsabilité disciplinaire du recourant n'était pas prescrite au moment du prononcé de la sanction le 6 mai 2022, moins d’un an s’étant écoulé entre la connaissance des faits reprochés au recourant par la commandante et la suspension de la prescription en raison de l’ouverture de la procédure pénale.

La prescription quinquennale était, dans tous les cas, respectée au moment de la décision de sanction du 6 mai 2022, compte tenu de la suspension liée à la procédure pénale, du 23 mars 2017 (son ouverture) au 12 mai 2021 (second arrêt du Tribunal fédéral).

Ce grief doit donc être écarté.

7.             Le recourant conteste le principe et la quotité de la sanction.

7.1 Le personnel de la police est soumis à la LPAC et à ses dispositions d’application, en particulier son règlement d’application du 24 février 1999
(RPAC - B 5 05.01), sous réserve des dispositions particulières de la LPol (art. 18 al. 1 LPol ; art. 1 al. 1 let. b LPAC).

Les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC). Ils se doivent, par leur attitude, notamment d’établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public (art. 21 let. b RPAC), ainsi que de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (art. 21 let. c RPAC). Ils se doivent également de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 RPAC).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un fonctionnaire, pendant et hors de son travail, a l’obligation d’adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance, et sa position exige qu’il s’abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l’État. Il doit en particulier s’abstenir de tout ce qui peut porter atteinte à la confiance du public dans l’intégrité de l’administration et de ses employés et qui pourrait provoquer une baisse de confiance envers l’employeur. Il est sans importance que le comportement répréhensible ait été connu ou non du public et ait attiré l’attention. Les exigences quant au comportement d’un policier excèdent celles imposées aux autres fonctionnaires. Sous peine de mettre en péril l’autorité de l’État, les fonctionnaires de police, qui sont chargés d’assurer le maintien de la sécurité et de l’ordre publics et exercent à ce titre une part importante de la puissance publique, doivent être eux-mêmes irréprochables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_336/2019 du 9 juillet 2020 consid. 3.2.2 et les références citées).

7.2 Selon l’art. 1 al. 2 LPol, le personnel de la police, en tout temps, donne l’exemple de l’honneur, de l’impartialité, de la dignité et du respect des personnes et des biens. Il manifeste envers ses interlocuteurs le respect et l’écoute qu’il est également en droit d’attendre de leur part.

Le code de déontologie de la police genevoise (OS DERS I 1.01) vise à arrêter les principes généraux dans lesquels s'inscrit l'action de la police et fixe le contexte éthique de l'activité de la police. En qualité de serviteur des lois et de l'État, le policier se doit d'avoir en tout temps et en tout lieu un comportement exemplaire, impartial et digne, respectueux de la personne humaine et des biens.

7.3 Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence de faute du fonctionnaire (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., 2016, n. 1515 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2249). La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/137/2020 du 11 février 2020 ; ATA/808/2015 du 11 août 2015).

7.4 L'autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). La nature et la quotité de la sanction doivent être appropriées au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. À cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATA/998/2019 du 11 juin 2019 consid. 6b ; ATA/118/2016 du 9 février 2016 consid. 3a ; ATA/94/2013 du 19 février 2013 consid. 15 et la jurisprudence citée).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst. se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public – (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).

En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre de céans se limite à l'excès ou à l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/118/2016 précité consid. 3a ; ATA/452/2013 du 30 juillet 2013 consid. 16 et les références citées).

7.5 En l’espèce, le recourant a contrevenu aux dispositions pénales de la LCR ainsi qu'à plusieurs ordres de service, et a été condamné, en dernier lieu par le Tribunal fédéral, pour avoir circulé à 120 km/h, marge de sécurité déduite, à la sortie d’une localité où la vitesse était limitée à 50 km/h. Il se trouvait certes en course officielle nécessaire pour des raisons tactiques pour interpeller des individus suspectés de commettre des infractions contre le patrimoine, mais il n’a pas fait preuve de toute la prudence nécessaire. Dans ces conditions, le principe d’une sanction est acquis, le recourant adoptant par ailleurs un comportement contradictoire en admettant, le 4 avril 2022, avoir contrevenu à l'ordre de service sur les courses officielles urgentes, précisant qu'il regrettait les faits et en mesurait la gravité, et contestant le 8 juin 2022 avoir commis une quelconque faute.

Quant à sa proportionnalité, l'intimée a choisi la sanction la plus légère, alors même que la faute commise a valu au recourant une condamnation pénale équivalant à 90 jours de peine pécuniaire ou de peine privative de liberté. L’autorité intimée a tenu compte de l’absence d’antécédents disciplinaires, des bons états de service de l'intéressé depuis les faits et de ce qu'il était encore stagiaire au moment des faits. La sanction, la plus faible possible, n’affecte en outre ni son grade ni son traitement. Elle respecte donc le principe de la proportionnalité.

Vu ce qui précède, la commandante de la police n’a pas violé la loi, ni abusé ou mésusé de son pouvoir en prononçant la sanction en cause.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

8.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Le recours portant sur une sanction disciplinaire non pécuniaire et concluant uniquement à l'annulation de celle-ci, la valeur litigieuse est nulle.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 juin 2022 par A______ contre la décision de la commandante de la police du 6 mai 2022 ;

 

au fond :

le rejette ;

met à la charge d'A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé, s’il est formé avant le 1er juillet 2023 au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, s’il est formé dès le 1er juillet 2023 au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat du recourant ainsi qu'à la commandante de la police.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :