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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1618/2022

ATA/458/2023 du 02.05.2023 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;FONCTIONNAIRE;POLICE;DEVOIR PROFESSIONNEL;VIOLATIONS DES DEVOIRS DE SERVICE;RÉSILIATION;LICENCIEMENT ADMINISTRATIF;MOTIF
Normes : LPAC.21.al3; LPAC.22; RPAC.20; RPAC.21; LPol.1; LPol.2; LProst.1.leta
Résumé : Confirmation de la résiliation des rapports de service d’un fonctionnaire de police pour motifs fondés. Substitution de motifs, non pas comme retenu dans la décision pour inaptitude à remplir les exigences du poste mais pour insuffisance de prestation. Le recourant n’a pas vraiment pris conscience de la gravité de ses manquements ou les minimise, notamment quant au devoir d’exemplarité et d’atteinte à l’image de la police ou encore à l’obstacle qu’ils représentent à l’accomplissement des buts de la LProst, soit notamment la protection des travailleuses du sexe. Il minimise également la distinction qui doit être faite entre une certaine proximité avec les administrés, tel un tenancier de salon de massage, nécessaire aux activités policières et celle qu’il a développée, uniquement dans son propre intérêt, s’agissant d’accepter des cadeaux, des conseils ou encore d’être redevable d’autres façons, allant même jusqu’à s’associer avec le tenancier pour l’achat d’un bien immobilier ou la reprise d’une activité commerciale. Les comportements découverts par l’employeur ont conduit à la rupture du rapport de confiance, rendant la poursuite des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de la police, étant rappelé que les exigences liées au comportement d’un policier excèdent celles imposées aux autres fonctionnaires. Il ne saurait dès lors être reproché à l’employeur de n’avoir pas choisi la voie disciplinaire.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1618/2022-FPUBL ATA/458/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 mai 2023

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Sylvain Savolainen, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ intimé

 



EN FAIT

A. a. M. A______, né le ______ 1982, est inspecteur de police depuis le 1er février 2007 et a été promu inspecteur principal adjoint de la police B______ le 1er février 2012.

b. Du 1er juin 2012 au 30 septembre 2016, M. A______ a été affecté au C______ à la brigade D______, devenue depuis la brigade E______ (ci-après : E______). Dans le cadre de cette fonction, il avait été amené à contrôler divers salons de massages, dont celui de M. F______.

c. Le 1er octobre 2016, M. A______ a rejoint la brigade G______. Il a été promu inspecteur principal le 1er février 2018 puis sergent le 1er juin de la même année, affecté à la brigade H______.

Entre le 29 janvier 2010 et le 22 mai 2019, M. A______ a fait l’objet d’évaluations régulières dont il découle que l’ensemble des exigences requises pour le poste étaient remplies, qu’il n’avait jamais fait l’objet d’un avertissement ou d’une sanction disciplinaire. À plusieurs reprises, M. A______ a obtenu les remerciements et les félicitations de la part de sa hiérarchie pour la qualité du travail accompli.

d. En avril 2019, la presse a fait état de ce qu’une vingtaine d’agents cantonaux et municipaux de la police genevoise étaient suspectés d’une trop grande proximité avec M. F______, patron d’enseignes érotiques actif aux I______ et arrêté après une transaction immobilière suspecte.

À la suite de cette interpellation, l’analyse de son téléphone portable avait révélé des échanges pendant plus de dix ans avec des agents, dont M. A______ tant sur son numéro professionnel que privé.

B. a. Le 9 octobre 2019, une note de service concernant M. A______ datée du 7 octobre 2019, établie par l’inspection générale des services (ci-après : IGS) a été transmise à la commandante de la police par le Procureur général. Il ressortait de ce document les éléments suivants :

-       Une procédure pénale P/1______/2018 avait été ouverte à l’encontre de M. A______ pour faux dans les titres. En 2017, M. A______ avait souhaité investir, avec deux partenaires, dans un projet d’acquisition d’une station de lavage de voitures en J______. L’un de ses deux associés était M. F______. Le troisième partenaire était un dénommé M. K______.

-       En 2019, dans le cadre de cette acquisition, Messieurs A______ et F______ avaient cosigné un acte de cession d’actions. Ce document devait permettre à M. A______ d’obtenir un prêt auprès d’une banque L______, afin de pouvoir participer à l’acquisition de la station de lavage avec ses deux partenaires. M A______ était donc soupçonné de s’être rendu coupable de faux dans les titres, en établissant ledit acte, en le signant et en l’utilisant alors que les informations y figurant étaient fausses, voire inexistantes.

-       Le 14 mai 2019, ayant été entendu par l’IGS, M. A______ avait admis avoir signé l’acte en question, mais avait nié l’avoir utilisé, expliquant que le projet d’acquisition avait finalement été abandonné et qu’il avait jeté le document. Il avait par ailleurs reconnu que le document était mal rédigé, car il laissait entendre qu’il était déjà détenteur d’actions, ce qui n’était pas le cas. Il avait signé à la hâte, sans s’apercevoir qu’il contenait une erreur.

b. Le 5 décembre 2019, la commandante a informé M. A______ que sa promotion au grade de sergent-chef ne pouvait lui être accordée, en raison de la procédure pénale ouverte à son encontre au même moment.

c. Le 21 avril 2020, le Procureur général a remis à la commandante, un rapport de l’IGS du 16 mai 2019 et ses annexes, dont il ressortait les éléments suivants :

-       Le 14 février 2019, jour de l’arrestation de M. F______, M. A______ avait été entendu en qualité de témoin par le Ministère public. À cette occasion, M. A______ avait indiqué qu’il connaissait M. F______ depuis sept ans et qu’il l’avait rencontré lorsqu’il travaillait au sein de la E______.

-       Les deux hommes ne s’étaient liés d’amitié qu’après le départ de M. A______ de la E______.

-       M. A______ avait investi la somme de CHF 12'500.- pour réserver un appartement dans un complexe résidentiel aux M______. Cet investissement, effectué en cash, n’avait pas abouti et il n’avait jamais récupéré l’argent versé de la personne à qui il l’avait remis.

Dans cette affaire, ils étaient co-investisseurs, chacun à hauteur de CHF 12'500.- avec M. F______. Ce dernier avait rendu à M. A______ les CHF 12'500.- qu’il avait payés. Il estimait devoir cette somme à M. F______ mais celui-ci considérait qu’il n’avait rien à lui rembourser.

À cette même date, le Procureur général a également transmis à la commandante un autre rapport de l’IGS daté du 10 mars 2020 lequel montrait, après analyse des messages échangés sur le téléphone de M. F______, une grande proximité entre le sergent et l’exploitant de salons de massage, tant pendant les heures de service que pendant les congés du policier.

Deux groupes N______ avaient été créés en juillet 2013 et juin 2015 avec le numéro professionnel de M. A______ et deux groupes avaient été créés avec sonnuméro privé. M. A______ apparaissait de manière indirecte dans six autres groupes en lien avec M. F______. Vingt extraits d’échanges de messages problématiques étaient joints au rapport.

d. Le 20 juillet 2020, la commandante a reçu du Procureur général un rapport adressé au Ministère public du 22 juin 2020. Il s’agissait d’un complément d’enquête en lien avec la procédure pénale P/1______/2018, devenue P/2______/2020.

e. Le 8 septembre 2020, la commandante a été informée de l’ouverture d’une procédure pénale à l’encontre de Mme A______, O______ au Ministère public, épouse de M. A______, au motif qu’elle aurait transmis à son époux, à la demande de celui-ci, des informations sur une procédure pénale en cours, qu’il aurait ensuite communiquée à M. F______.

Dans ce contexte, M. A______ avait été entendu par l’IGS le 28 mai 2020 ainsi que par le Ministère public le 3 septembre 2020 en qualité de personne appelée à donner des renseignements.

f. Le 5 novembre 2020, faisant suite aux rapports précités, le Conseiller d’État en charge du département de la sécurité, de l’emploi et de la santé, devenu depuis lors le département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : DSPS ou le département) a rendu une décision levant l’obligation de travailler de M. A______.

Un délai de dix jours a été accordé à M. A______ pour déposer ses éventuelles observations, étant précisé que l’intéressé allait être convoqué à un entretien de service

g. Par courrier du 23 novembre 2020, M. A______ a fait part de ses observations quant à la décision du 5 novembre 2020.

Cela faisait treize ans qu’il évoluait au sein de la police. Il avait fait l’objet de nombreuses évaluations, toutes positives. Il contestait que la bonne marche du service était menacée, dès lors qu’il avait continué d’exercer sa profession jusqu’à la notification de la libération de son obligation de travailler le 11 novembre 2020, sans que son service n’en soit perturbé.

À teneur de la jurisprudence, une procédure administrative avec des conclusions valables ne pouvait être envisagée avant que soient tranchées les procédures pénales citées dans la décision du 5 novembre 2020.

Il souhaitait poursuivre sa mission de policier et demandait que soit levée sans délai la mesure de libération de son obligation de travailler, qu’il contestait.

h. Le 26 novembre 2020, M. A______ a transmis un courrier de sa hiérarchie daté du 9 novembre 2020, lui adressant des félicitations dans le cadre d’une affaire de cambriolages et de vols de véhicules, démontrant que son activité au sein de la brigade n’avait en aucun cas été perturbée par les procédures en cours. Il souhaitait que le document soit transmis au Conseil d’État.

Il réitérait sa volonté de continuer sa mission de policier.

i. Le 27 novembre 2020, les collègues de M. A______, notamment les inspecteurs principaux adjoints P______ et Q______, l’inspectrice principale adjointe R______ et l’inspectrice S______ ont rédigé une note de service interne afin de témoigner en sa faveur suite à la décision de lever son obligation de travailler.

Ils ignoraient ce qui était reproché à M. A______, mais ils tenaient à témoigner de l’estime qu’ils lui portaient. Ils insistaient sur le fait que M. A______ avait su rassembler et souder le groupe autour de sa bonne humeur communicative, de son humilité et de son management à l’écoute des idées et des besoins de chacun. Ils soulignaient sa bienveillance et son expertise.

j. Par courrier du 4 décembre 2020, M. A______ a déploré le fait que la décision ait été prise sans qu’il ait pu, au préalable, exercer son droit d’être entendu. Il demeurait toujours en attente des pièces sur lesquelles il lui a été indiqué que la décision avait été fondée.

k. Le 7 décembre 2020, le chef du département a mis à disposition de M. A______ une copie de son dossier personnel. Il lui accordait un délai de sept jours, dès réception, pour lui faire part de ses éventuelles observations complémentaires, lesquelles seraient prises en considération dans la probable décision qui allait être prise par le Conseil d’État.

l. Dans le délai imparti, soit le 29 janvier 2021, M. A______ a fait part de ses observations complémentaires. Le dossier qui lui avait été remis était incomplet, certaines pièces en ayant été retranchées.

m. Par courrier recommandé du 8 février 2021, M. A______ a été convoqué à un entretien de service, le 26 février 2020. L’objectif de cet entretien était d’entendre l’intéressé quant à sa proximité avec M. F______, au vu des nombreux messages échangés, en utilisant notamment son téléphone professionnel.

n. Par ordonnance du 26 février 2021, le Ministère public a classé la procédure P/2______/2020 ouverte à l’encontre de M. A______ pour faux dans les titres.

Il ressort de la décision que le contrat litigieux ne faisait que démontrer que MM. A______, F______ et K______ avaient fait les déclarations qui s’y trouvaient, mais qu’il ne prouvait pas que ces déclarations correspondaient à leur volonté réelle ni même qu’ils reconnaîtraient le caractère obligatoire du contrat. La rédaction particulièrement fantaisiste du document ainsi que les erreurs présentes n’étaient pas de nature à lui conférer une quelconque crédibilité. À défaut de valeur probante accrue, le contrat de cession d’actions ne pouvait pas être qualifiée de titre.

o. Le 26 février 2021 s’est tenu l’entretien de service.

Entre le 11 juillet 2013 et le 27 septembre 2016, MM. F______ et A______ avaient échangé plus de 2’000 messages, ce dernier ayant fait usage de son téléphone professionnel.

Entre le 29 mai 2016 et le 12 février 2019, plus de 3’000 messages avaient été échangés entre le téléphone portable privé de M. A______ et celui de M. F______.

Entre 2013 et 2017, M. A______ apparaissait sous son numéro de portable privé, au même titre que d’autres policiers de la E______ de manière indirecte dans différents groupes N______ en lien avec M. F______.

Il ressortait des conversations par messagerie entre les deux hommes que M. A______ avait :

-       fourni à M. F______ des informations personnelles concernant des travailleuses du sexe, dont certaines couvertes par le secret de fonction ou par la protection des données personnelles, notamment le fait qu’elles étaient enregistrées ou non dans le fichier de la brigade, ainsi que probablement le nombre de jours leur restant pour l’autorisation d’exercer une activité lucrative de courte durée, information qui ne pouvait être délivrée que par l’OCPM, sur demande du gérant ;

-       facilité à M. F______ la prise de rendez-vous auprès de la E______ pour l’inscription de travailleuses du sexe, ce dernier le contactant directement par N______ en lieu et place de passer par le secrétariat de la E______, en respectant les horaires d’ouverture ;

-       laissé M. F______ exprimer sa colère en des termes inadéquats à l’encontre de certains de ses collègues de la E______, lorsque ces derniers étaient amenés à effectuer des contrôles dans le salon de massage de M. F______ et parlé de collègues en des termes peu élogieux, voire injurieux ;

-       reçu et commenté sur son téléphone professionnel, les photos de travailleuses du sexe ;

-       réceptionné et commenté, sur son téléphone professionnel ou privé, des photos et vidéos à caractère pornographique ;

-       entretenu avec M. F______ une relation pouvant être qualifiée d’amicale, alors même qu’il exerçait une fonction dont le but consistait entre autres à contrôler son activité dans le milieu de la prostitution et ce avant d’avoir quitté la E______, contrairement à ses affirmations devant l’IGS et le Ministère public, à travers notamment de nombreux repas partagés, seul ou avec des collègues ou encore avec sa famille, parfois pendant les heures de service ;

-       bénéficié de conseils en électricité donnés par M. F______ et de rabais dans le cadre de commandes faites par ce dernier pour du matériel électrique ;

-       reçu des cadeaux de la part de M. F______, sous la forme notamment de vêtements de marque, pour lui et sa famille ;

-       envoyé par N______ une photographie sur laquelle se trouvaient, en second plan, deux enfants dont la position illustrait un acte sexuel ;

-       aidé M. F______ en s’assurant qu’une collègue faisait le maximum, dans le cadre d’un cambriolage dont ce dernier avait été victime ;

-       fait état de sa fonction de policier auprès d’un débiteur, afin de se voir restituer une somme d’argent ;

-       donné à M. F______ des détails sur des missions qui lui étaient confiées ainsi que sur ses horaires de travail ;

-       aidé M. F______ à constituer un document dont le contenu était inexact, en lien avec des questions posées par le fournisseur des terminaux de paiement de ce dernier ;

-       envoyé à M. F______ une photographie illustrant, selon toute vraisemblance, une voiture prise en photo par un radar.

Les reproches cités ci-dessus ont été illustrés, lors de l’entretien, par des exemples concrets relatés par l’employeur et extraits des discussions par messagerie des deux hommes.

p. Le 29 mars 2021, M. A______ a transmis à la direction des ressources humaines, ses observations consécutives à l’entretien de service du 26 février 2021. Les faits remontaient pour la plupart à plusieurs années. Une partie des évaluations dont il avait fait l’objet depuis le mois de janvier 2010, des lettres de félicitations ainsi que la note de service du 27 novembre 2020 rédigée par ses collègues étaient retranscrits.

La proximité avec certains gérants de salon de massage qui lui était reprochée avait été considérée comme nécessaire et encouragée par sa hiérarchie, car elle permettait d’obtenir des renseignements concernant certaines affaires, les gérants de massages étant des sources d’informations importantes et potentiellement plus fiables que les travailleuses du sexe qui étaient plus méfiantes vis-à-vis des policiers. Selon la conception de l’époque, ils étaient considérés comme des partenaires dans l’activité qui devait être menée par la police. Partager des repas et des cafés avec ces gérants faisait partie de cette proximité encouragée. Adopter un langage crû, voire grossier, critiquer un collègue, accepter de recevoir des messages sur le téléphone portable, pouvait s’inscrire dans une stratégie visant à se montrer amical avec ces gérants.

La proximité entretenue avec M. F______ lui avait permis de démanteler un réseau de trafic d’êtres humains. Le succès d’une telle affaire étant rare et remarquable, il avait été choisi pour présenter à une délégation de juges thaïlandais la stratégie du canton de Genève dans la lutte contre le trafic d’êtres humains.

Cette proximité ne l’avait pas empêché d’amender M. F______ lorsque cela était nécessaire, comme lorsqu’une travailleuse du sexe avait été contrôlée le 14 février 2016, en situation irrégulière.

Les faits qui s’étaient produits entre le 6 juillet 2015 et le 5 février 2016 ne l’avaient pas rendu redevable envers M. F______.

Aucune formation pour appréhender de manière adéquate la relation que les inspecteurs de la E______ devaient entretenir avec les gérants de salon de massage n’avait été dispensée et cela malgré les risques et dangers connus et identifiés par la hiérarchie. Un changement de pratique avait eu lieu depuis.

Une ordonnance de classement avait été rendue et était entrée en force concernant la procédure pénale P/2______/2020 issue d’une disjonction de la procédure P/1______/2018, valant acquittement. Aucune allégation d’infraction ou soupçon d’infraction ne pouvait lui être reproché.

L’ensemble des faits figurant dans le rapport de l’IGS du 10 mars 2020, comprenant notamment les échanges de messages entre M. F______ et lui-même, les questions d’éventuelles infractions au secret de fonction ou à la LIPAD, d’éventuels avantages indus et celles liés à de la pornographie avaient été communiquées au Procureur général, suite à quoi une ordonnance de non-entrée en matière avait été rendue.

L’issue des procédures pénales précitées devait être prise en considération, de sorte qu’aucune infraction ni aucun manquement d’ordre déontologique ne pouvait être retenu à son encontre.

À plusieurs reprises lors de l’entretien de service, il avait exprimé ses sincères regrets et avait fait part des corrections qu’il souhaitait voir apporter au compte-rendu de l’entretien de service.

q. En parallèle, M. A______ a demandé à plusieurs reprises au département, les 5, 17 et 29 mars 2021 copie des procès-verbaux de tout entretien de la hiérarchie de la police B______, tenus devant l’IGS ou dans le cadre de toute autre procédure ayant pour objet le fonctionnement du C______, respectivement la proximité entre les policiers et gérants de salon de massage.

Le 14 mai 2021, le département a refusé de transmettre d’autres pièces que celles figurant au dossier, en raison du caractère confidentiel et individuel des procédures en cours. M. A______ a réitéré sa demande le 25 mai 2021.

r. Le 23 juin 2021, le Conseil d’État a validé la décision de libération de l’obligation de travailler de M. A______ du 5 novembre 2020.

s. Le 6 septembre 2021, une procédure de reclassement a été ouverte par le département. Après plusieurs entretiens, la procédure n’a pas abouti, ce qui a été constaté lors d’un entretien du 12 novembre 2021.

t. Le 30 mars 2022, le Conseiller d’État en charge du département a rendu une décision déclarée exécutoire nonobstant recours, résiliant les rapports de service de M. A______ avec effet au 30 juin 2022 pour inaptitude à remplir les exigences du poste.

Les remarques et observations du 29 mars 2021 avaient été prises en compte, mais n’étaient dans tous les cas, pas de nature à remettre en cause la détermination de la hiérarchie. Les observations allaient être jointes au compte rendu.

Les faits principalement reprochés à M. A______ étaient notamment la relation de proximité qu’il avait développée avec M. F______, comme déjà relaté lors de l’entretien du 26 février 2021.

Bien que le maintien d’une relation avec les acteurs du milieu de la prostitution se justifiât dans le but d’obtenir des renseignements utiles à la résolution d’enquêtes, le fait d’entretenir des liens d’amitiés avec un gérant de salon en particulier n’était ni autorisé, ni encouragé par sa hiérarchie.

Lors d’une séance pluridisciplinaire tenue le 18 juin 2013, le chef du département de l’époque avait indiqué que des « amitiés serrées » entre la police et les milieux de la prostitution étaient intolérables. Lors d’une autre séance tenue le 4 avril 2016, il avait été rappelé à tous les collaborateurs de la brigade que de tels liens d’amitié relevaient de comportements inadéquats dont les conséquences pouvaient se répercuter sur l’ensemble de la brigade et porter préjudice à l’action de la police et à son image.

En agissant de la sorte, il avait discrédité la police dans son rôle de contrôle du milieu de la prostitution et avait nui à l’image de celle-ci, ce qu’il avait reconnu lors de son entretien du 26 février 2021. Il avait reconnu que certaines travailleuses du sexe, à la vue de ces photos, pourraient être dissuadées de porter plainte auprès des policiers. Cette amitié l’avait amené à adopter un comportement non compatible avec l’exercice adéquat de sa fonction.

Quand bien même il avait sanctionné M. F______ à une ou deux reprises, en raison d’irrégularités de la situation de l’une des travailleuses du sexe travaillant pour ce dernier, cela ne diminuait en rien la gravité de ses manquements.

Les liens qu’il entretenait avec M. F______ lui avaient également permis de bénéficier d’avantages de la part de ce dernier, ce qui était de nature à le compromettre en le rendant redevable vis-à-vis du gérant. Il relevait pourtant du bon sens qu’un policier s’abstienne d’entretenir des liens de ce type avec une personne dont il était censé contrôler l’activité. Même si son comportement n’avait pas été jugé fautif au pénal, il demeurait répréhensible du point de vue de l’employeur.

La procédure administrative portait sur d’autres faits que ceux susceptibles de relever d’une condamnation pénale. L’exercice du métier de policier, dont la visibilité était très importante, reposait sur un ensemble de principes et de valeurs dont le respect et l’exemplarité étaient les fondements de la relation de confiance entre l’employeur et son collaborateur, tout comme entre le collaborateur et la population avec laquelle il interagissait.

Cette proximité avec M. F______ et son comportement à son encontre révélaient non seulement une perte de repère quant à son rôle de représentant de l’État, respectivement de la police, mais constituaient surtout de graves manquements à ses devoirs de service. Contrairement à ce qu’il prétendait, sa hiérarchie n’avait pas eu connaissance de ses réels agissements, car si tel avait été le cas, elle ne les aurait pas cautionnés.

Le fait de rappeler sa fonction vis-à-vis d’un débiteur, quand bien même il avait repris les propos de son interlocuteur. pouvait laisser croire à ce dernier, dans ce contexte, qu’il avait pour objectif de le mettre sous pression afin qu’il s’acquitte de sa dette.

Les motifs invoqués par sa hiérarchie lors de l’entretien du 26 février 2021, dans la décision incidente d’ouverture de la procédure de reclassement du 6 septembre 2021 et lors de l’entretien de clôture de la procédure de reclassement du 12 novembre 2021, étaient d’une telle gravité que le lien de confiance était irrémédiablement rompu et justifiaient dès lors la résiliation de ses rapports de service.

C. a. Par acte du 16 mai 2022, M. A______ a formé recours auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de résiliation des rapports de service, concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif, principalement à l’annulation de la décision ainsi qu’à sa réintégration.

Le DSPS avait choisi de résilier ses rapports de service pour motif fondé. Si une faute lui avait été reprochée, le DSPS aurait dû engager une procédure disciplinaire et ouvrir une enquête administrative. Du point de vue pénal, aucun reproche ne pouvait être fait à son égard. Lui reprocher des faits de nature pénale en multipliant artificiellement les références à des procédures pénales classées ou pour lesquelles le Ministère public avait décidé de ne pas entrer en matière s’avérait contraire à la bonne foi.

Depuis son entrée en fonction au sein de la police le 1er février 2007, il avait fait l’objet d’évaluations régulières et annuelles de la part de ses différents supérieurs hiérarchiques, desquelles il ressortait toujours que ses prestations et la qualité de son travail étaient saluées par tous et cela tant avant, pendant et après les faits que le Conseil d’État lui reprochait, ce qui était confirmé notamment par le certificat intermédiaire de travail du 21 juin 2019, les autres félicitations de ses supérieurs hiérarchiques, ou encore la note de service interne du 27 novembre 2020. Il était manifeste qu’il était apte à remplir les exigences de son poste et qu’aucune insuffisance de prestation ne pouvait être retenue.

Les faits qui lui étaient reprochés remontaient à plus de trois ans pour les plus récents et plus de six ans pour les plus anciens, se rapportant pour la plupart à son activité au sein du C______ entre 2012 et 2016 dans un contexte particulier inhérent à ce groupe. Au vu de l’écoulement du temps et du principe de célérité, la décision litigieuse apparaissait comme contraire au droit. Les erreurs commises à cette époque avaient été reconnues ; il les comprenait et les regrettait.

Si sa proximité avec M. F______ devait lui être reprochée, elle devait être mise en relation avec son parcours professionnel de plus de seize ans au sein de la police et ses brillants états de service. La proximité reprochée ne l’avait pas rendu redevable de M. F______. Aucun grief pour son activité depuis 2018 n’était avancé ou formulé. Aucun commentaire sur ses prestations fournies dans sa brigade actuelle ne figurait dans la décision de résiliation des rapports de service. Aucune référence aux évaluations de ses services tout au long de ses seize années de carrière au sein de la police ne figurait dans la décision ni même n’était évoquée par renvoi.

Une mesure moins sévère aurait été apte à lui permettre de mesurer le caractère inadéquat des actes que le DSPS lui reprochait ainsi que préserver l’image de la police, raison pour laquelle la résiliation de ses rapports de service violait le principe de proportionnalité.

En retenant les documents manquants au dossier, qu’il avait demandés, en raison des reproches ayant été formulés à son égard, il n’avait pas été en mesure de confirmer si le capitaine à l’époque des faits, M. T______, avait donné directement des consignes aux membres de la E______, relatives à la proximité qui aurait été souhaitée entre policiers et gérants de salons de massages. Le DSPS avait violé le principe de la bonne foi.

b. Le 13 juin 2022, le département a conclu au rejet de la requête d’effet suspensif.

c. Le 24 juin 2022, M. A______ a persisté dans ses conclusions en restitution de l’effet suspensif.

d. Par décision du 1er juillet 2022, la chambre administrative a rejeté la requête d’effet suspensif de M. A______ (ATA/702/2022).

e. Le 21 juillet 2022, le DSPS a conclu au rejet du recours.

Contrairement à ce que prétendait M. A______, sa hiérarchie n’avait jamais encouragé une proximité avec les gérants de salons de massage. Au contraire, les consignes selon lesquelles les membres de la E______ ne devaient entretenir aucun rapport de proximité avec ces gérants étaient claires et avaient été rappelées à plusieurs reprises, notamment lors de la réunion du C______ selon la note de service du CB U______ du 25 juin 2013 ainsi que par note interne du 5 septembre 2017 du CB V______. Seuls des contacts étaient admis, afin d’obtenir des informations utiles à la mission. Le recourant avait gravement contrevenu à son devoir d’exemplarité, de loyauté et de fidélité.

La prise de rendez-vous facilitée afin d’enregistrer des travailleuses du sexe dont M. F______ avait bénéficié grâce au recourant a perduré et cela malgré le rappel de M. W______ du 4 avril 2016, relatif à la procédure à suivre, puisque des rendez-vous avaient été pris par le recourant, via N______ les 16 juin et 29 juillet 2016.

L’usage qui avait été fait de son téléphone professionnel, notamment les messages envoyés et reçus sur ledit téléphone, les avantages et cadeaux reçus ainsi que tous les faits qui lui étaient reprochés étaient contraires aux devoirs de service et portaient préjudice à l’image de l’État et plus particulièrement à la crédibilité de la police.

Son comportement avait gravement porté atteinte à cette crédibilité, lui donnant une image de partialité. Une telle amitié manifeste, puisque visible dans des lieux ouverts au public, était susceptible de décourager les travailleuses du sexe de dénoncer certaines situations contraires au droit qui auraient pu se produire dans les salons de M. F______.

Ces manquements devaient être qualifiés de graves et avaient irrémédiablement rompu le lien de confiance indispensable à la poursuite des relations de services et avaient également perturbé le bon fonctionnement du service.

Sa hiérarchie n’avait jamais été au courant de ses agissements, car si tel avait été le cas, le contenu des évaluations personnelles et du certificat de travail intermédiaire demandé par le recourant aurait été bien différent.

Compte tenu des graves manquements commis par le recourant, un avertissement ou la fixation d’objectifs n’étaient pas propre à atteindre le but visé, à savoir de faire en sorte que le recourant ne fasse plus partie des forces de l’ordre, étant relevé l’importance de l’intérêt public de pouvoir conserver dans ses rangs des policiers exemplaires, impartiaux, intègres et loyaux. Il en allait de la crédibilité de la police aux yeux des administrés, dont les membres contrôlaient et réprimaient les agissements.

S’il était vrai que les faits s’étaient produits plusieurs années auparavant, les dernières pièces communiquées au département par le Ministère public l’avaient été par courrier interne du 8 septembre 2020. L’employeur n’avait pas été en mesure de traiter la présente affaire avec toute la célérité qu’il aurait souhaité, notamment en raison de toutes les procédures administratives en cours auprès du département ainsi qu’au vu de la complexité de l’affaire et du volume des pièces remises par les autorités pénales à l’intimé, ce qui justifiait le retard.

L’autorité intimée n’avait jamais refusé au recourant de lui remettre des pièces. Les pièces remises postérieurement aux observations du 13 mars 2021 n’avaient pas été transmises plus tôt, simplement parce que le département ne les avait pas reçues jusqu’alors. Certains documents n’ayant pas été remis au département, ils se trouvaient toutefois en possession du recourant, qui avait donc pu valablement exercer son droit d’être entendu. En estimant que son employeur avait délibérément retenu certaines pièces, le recourant démontrait qu’il considérait également que le lien de confiance était définitivement rompu, ce qui légitimait la décision attaquée.

f. Le 24 août 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions.

g. Le 25 août 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

3.             Le recourant conteste que ses comportements aient été contraires aux obligations découlant de ses rapports de service et ne pouvaient dès lors fonder valablement une résiliation.

3.1 Le recourant, en sa qualité de policier, est soumis à la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05) ainsi qu’au règlement sur l’organisation de la police du 16 mars 2016 (ROPol – F 1 05.01).

Selon l’art. 18 al. 1 LPol, le personnel de la police est soumis à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), et à ses dispositions d’application, sous réserve des dispositions particulières de la LPol.

3.2 Dans l'exécution de leur travail, les fonctionnaires se doivent notamment de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 - RPAC - B 5 05.01). Le fonctionnaire doit s'acquitter de sa tâche, dans la mesure qui correspond à ses fonctions, en respectant notamment la légalité et l'intérêt public. Il est important que le travail s'accomplisse dans une atmosphère de courtoisie réciproque, aussi bien à l'égard des collègues que des tiers. Le fonctionnaire doit par ailleurs veiller à la conformité au droit de ses actes ; il lui appartient d'informer ses supérieurs des problèmes qui pourraient poser et des éventuelles améliorations à apporter au service (Pierre MOOR/François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, Droit administratif, Volume III, 2e éd., 2018, n. 7.3.3.1).

L'art. 21 RPAC prévoit que les membres du personnel se doivent, par leur attitude, d’entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés, de permettre et faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a), ainsi que d'établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public (let. b). S'agissant des devoirs du personnel, les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC). Le fonctionnaire n’entretient pas seulement avec l’État qui l’a engagé et le rétribue les rapports d’un employé avec un employeur, mais, dans l’exercice du pouvoir public, il est tenu d’accomplir sa tâche de manière à contribuer au bon fonctionnement de l’administration et d’éviter ce qui pourrait nuire à la confiance que le public doit pouvoir lui accorder. Il lui incombe en particulier un devoir de fidélité qui s’exprime par une obligation de dignité. Cette obligation couvre tout ce qui est requis pour la correcte exécution de ses tâches (ATA/1088/2020 du 3 novembre 2020 consid. 4a). L'obligation de s'abstenir de tout acte qui pourrait porter préjudice à l'État signifie qu'aussi bien dans l'exercice de leurs tâches qu'au-dehors, le fonctionnaire doit se montrer digne de la considération et de la confiance que sa fonction officielle exige et doit avoir un comportement tel que la population puisse avoir confiance dans l'appareil administratif à qui est confiée la gestion des affaires publiques (Pierre MOOR/François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, op. cit, n. 7.3.3.1).

3.3 S’agissant de la police, sa mission est d’assurer l’ordre, la sécurité et la tranquillité publics (art. 1 al. 3 lit. a LPol). En tout temps, le personnel de la police donne l’exemple de l’honneur, de l’impartialité, de la dignité et du respect des personnes et des biens (art. 1 al. 2 LPol). Le personnel de la police est tenu à un strict devoir de réserve et au secret pour toutes les informations dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions, sauf exception (art. 24 al. 1 et 2 LPol). Les policiers prêtent serment de remplir avec dévouement les devoirs de leur fonction, de suivre exactement les ordres de leur hiérarchie, de dire la vérité dans les rapports de service et d’apporter à l’exécution de leurs travaux fidélité, discrétion, zèle et exactitude. Les membres du personnel de la police ne peuvent exercer une activité incompatible avec la dignité de leur fonction ou qui peut porter préjudice à l’accomplissement des devoirs de service et ils ne peuvent exercer aucune activité rémunérée sans l’autorisation du chef du département (art. 23 LPol).

Le personnel de la police, à l’époque des faits, était notamment soumis au code de déontologie de la police genevoise du 1er août 1997 (ordre de service DERS I 1.01; ci-après : OS), mis à jour le 1er janvier 2013, qui vise à arrêter les principes généraux dans lesquels s'inscrit l'action de la police et fixe le contexte éthique de l'activité de la police. Bras armé de l'État, la police agit, soit en fonction de compétences originelles, soit en concours avec les autorités compétentes de par la loi ; en axant son action sur le respect des normes juridiques démocratiquement acceptées, la police contribue à l'affirmation de la souveraineté de l'Etat et au respect des libertés et droits fondamentaux des citoyens; par là même, elle est la gardienne des valeurs intemporelles et universelles de notre culture (art. 1 OS). La police genevoise exécute les tâches qui lui sont imparties selon les priorités arrêtées dans le cadre des options stratégiques à moyen et long terme, respectivement des options opératives/tactiques (art. 2 OS).

3.4 Au vu de la diversité des agissements susceptibles de constituer une violation des devoirs de service, le Tribunal fédéral admet le recours par le législateur cantonal genevois à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs ; tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu’il est incompatible avec le comportement que l’on est en droit d’attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire, peut engendrer une sanction, étant précisé que, pour être sanctionnée, la violation du devoir professionnel ou de fonction en cause doit être imputable à une faute, intentionnelle ou par négligence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 précité consid. 4.2.2 et les références citées).

Un fonctionnaire a, pendant et en dehors de son travail, l’obligation d’adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance. Sa position exige qu’il s’abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l’État, en particulier à la confiance du public dans l’intégrité de l’administration et de ses employés, et qui pourrait provoquer une baisse de confiance envers l’employeur. Il est sans importance que le comportement répréhensible ait été connu ou non du public et ait attiré l’attention.

Les exigences liées au comportement d’un policier excèdent celles imposées aux autres fonctionnaires (arrêt du Tribunal fédéral 8C_252/2018 du 29 janvier 2019 consid. 5.2). Sous peine de mettre en péril l’autorité de l’État, les fonctionnaires de police, qui sont chargés d’assurer le maintien de la sécurité et de l’ordre publics et exercent à ce titre une part importante de la puissance publique, doivent être eux-mêmes irréprochables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_336/2019 précité consid. 3.2.2).

3.5 Dans le domaine de la prostitution, le canton de Genève a adopté la loi sur la prostitution du 17 décembre 2009 (LProst - I 2 49) notamment dans le but de garantir l’exercice de cette activité sans qu’il ne soit porté atteinte à la liberté d’action des personnes et que celles-ci ne soient pas victimes de menaces, de violences ou de pressions ou que l’on ne profite pas de leur détresse ou de leur dépendance pour les déterminer à se livrer à un acte sexuel ou d’ordre sexuel (art. 1 let. a LProst).

3.5.1 Parmi les instruments mis en place par la LProst figurent notamment l’obligation d’annonce auprès du C______ de la brigade D______ des travailleuses du sexe (art. 4 LProst) ainsi qu’une procédure d’annonce pour les exploitants de salons de massage notamment (art. 9 LProst) et la responsabilisation des tenanciers d’établissements dédiés à la prostitution avec un série d’obligations leur incombant telles que le fait de mettre à jour un registre mentionnant des informations sur les travailleuses exerçant dans leur établissement, de s’assurer que les conditions d’exercice de l’activité soient conformes à la législation, d’exploiter personnellement l’établissement ou encore d’alerter les autorités compétentes en cas d’infraction constatée.

3.5.2 L’analyse de cette loi et de ses instruments a été faite à plusieurs occasions. Ainsi, auditionnées par la commission des droits de l’Homme du Grand Conseil chargée d’étudier le rapport sur le mécanisme de coopération administrative de lutte contre la traite d’êtres humains (RD 968-A), les représentantes du Syndicat des travailleurs/euses du sexe (STTS) ont déclaré le 18 avril 2013 que la police était souvent proche des gérants des salons de massage et que cela posait problème. Un commissaire se demandait si cette proximité n’avait pas pour conséquence le silence d’éventuelles victimes. Il ne devrait jamais y avoir la moindre complicité entre les policiers et les gérants des salons. Entendu sur cette question de proximité, le chef de la police B______ a déclaré qu’il s’agissait de rumeurs insistantes mais fausses. Les liens entre les policiers et les gérants de salons étaient purement professionnels. Les collaborateurs qui travaillaient dans ce secteur ne devaient jamais être redevables envers qui que ce soit. Ils pouvaient prendre le café avec des gérants de salons sans pour autant qu’il y ait un lien plus étroits entre eux. La cheffe de la police a précisé que pour certaines brigades dites « sensibles » comme la brigade D______, les policiers ne pouvaient pas rester dans le même service durant plus de sept ans pour éviter que des liens plus étroits ne puissent s’instaurer (RD 968-A p. 26).

3.5.3 Entendu sur cette question, le Conseiller d’État en charge du département de l’époque a dit considérer ces liens d’amitié comme très graves s’ils s’avéraient véridiques. Il a évoqué la nécessité de vérifier que ces amitiés ne dérivaient pas. En outre, une demande allait être faite auprès de la Cour des comptes afin de lancer un audit d’évaluation quant à l’impact de la LProst (RD 968-A p. 35).

3.5.4 Dans le rapport no 85 de la Cour des comptes du mois de décembre 2014 portant sur l’évaluation de la politique publique en matière de prostitution (ci-après : le rapport no 85), la position des tenanciers des établissement dédiés à la prostitution a été mise en évidence par le fait que les travailleuses du sexe, souvent étrangères, rencontraient des difficultés à se loger et n’avaient d’autre solution que de se rabattre sur des intermédiaires, tels des responsable de salons et se retrouvaient ainsi tributaires de ces intermédiaires économiques. Cette situation de dépendance était ainsi encore plus forte car en cas de conflit avec les propriétaires des lieux ou en cas de dénonciation des abus aux autorités, les travailleuses risquaient de perdre non seulement leur place de travail mais également leur logement (rapport no 85 p. 55 et 90).

4.             Les faits reprochés au recourant, qui ne sont pas contestés, ont consisté à faciliter l’activité de M. F______ en lui octroyant une série de passe-droits, notamment en lui permettant de prendre des rendez-vous en dehors des horaires d’ouverture du secrétariat de la E______, en lui fournissant des informations personnelles concernant des travailleuses du sexe, en s’assurant que ses collègues faisaient le maximum dans le cadre d’un cambriolage dont il avait été victime, en donnant des détails sur des missions et sur ses horaires de travail.

D’autres actes ont consisté à entretenir une relation de proximité amicale avec M. F______, pendant que le recourant était encore affecté à la E______ et par la suite, notamment en s’échangeant près de 5’000 messages N______ en six ans, en partageant de nombreux repas, seuls ou avec des collègues ou en famille, même pendant les heures de service, également en bénéficiant de ses conseils et de rabais pour du matériel électrique ou en recevant des cadeaux pour lui et sa famille. Le recourant a également entretenu des relations d’affaires avec M. F______ en s’associant pour acquérir une station de lavage avec d’autres partenaires, projet qui a été abandonné et aussi en tentant d’acquérir un appartement avec M. F______. Dans le cadre de cette dernière opération, il lui restait redevable de CHF 12'000.-, même si le projet avait échoué.

À ces faits s’ajoute le contenu pour le moins inapproprié de certains messages N______ échangés avec son téléphone professionnel notamment, à caractère injurieux et pornographique.

En ayant agi de la sorte, même si aucun comportement ne s’est finalement avéré pénalement répréhensible, le recourant a gravement porté atteinte à l’image de la police, du moins l’a exposée à ces atteintes. De plus, même s’il le conteste, il s’est mis en situation d’être redevable à ce dernier, ne serait-ce que par le « prêt » d’une somme importante.

Les tentatives de justifications du recourant quant au contexte de ces faits, soit l’activité au sein du C______ et le fait qu’une certaine proximité avec les gérants de salons de massages était encouragée à l’époque des faits, soit entre 2016 et 2019, ne sauraient être retenues, puisqu’il est établi que des directives claires avaient été données, notamment lors de deux séances en juin 2013 et en avril 2016 et par note interne de septembre 2017 quant à ces relations. Il en allait de même quant à la procédure à suivre pour l’enregistrement des travailleuses du sexe, laquelle avait été rappelée, notamment le 4 avril 2016.

Quant à l’écoulement du temps entre les faits, leur découverte et la décision du département, qui s’explique notamment par l’ampleur des découvertes faites lors de l’arrestation de M. F______ et les procédures administratives qu’elles ont engendrées ainsi que par la durée des procédures pénales, il n’atténue pas la gravité de ces manquements lesquels n’étaient pas connus de la hiérarchie et sont susceptibles de rompre le nécessaire lien de confiance qui doit exister avec un fonctionnaire.

C’est donc à juste titre que le département a considéré que les faits ainsi établis et retenus à charge du recourant constituaient des manquements qui devaient être qualifiés de graves à ses devoirs de fonction. Les très bons états de service du recourant, qui ne sont pas contestés, ne permettent pas de minimiser la gravité des manquements établis par ailleurs.

5.             Le recourant estime que l’autorité intimée ne pouvait pas procéder à la résiliation des rapports de service mais aurait dû utiliser la voie disciplinaire. En outre, la résiliation violait le principe de proportionnalité.

5.1 L'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé (art. 21 al. 3 LPAC). Elle motive sa décision. Il y a motif fondé au sens de l'art. 22 LPAC, lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de l'insuffisance des prestations (let. a), de l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) ou de la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c).

Le motif fondé, au sens de l’art. 22 LPAC, n’implique pas l’obligation pour l’employeur de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu’elle n’est plus compatible avec le bon fonctionnement de l’administration (ATA/712/2021 du 6 juillet 2021 consid. 5c). L’intérêt public au bon fonctionnement de l’administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir, mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives à son bon fonctionnement (ATA/493/2021 du 11 mai 2021 consid. 7a ; Mémorial du Grand Conseil 2005-2006/XI A 10420).

5.2 Des manquements dans le comportement de l'employé ne peuvent constituer un motif de licenciement que lorsqu'ils sont reconnaissables également pour des tiers. Il faut que le comportement de l'employé perturbe le bon fonctionnement du service ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-897/2012 du 13 août 2012 consid. 6.3.2 ; Valérie DÉFAGO GAUDIN, Conflits et fonction publique : instruments, in Jean-Philippe DUNAND/Pascal MAHON [éd.], Conflits au travail, 2015, p. 161-162). En outre, le fait de minimiser à plusieurs reprises l'importance de manquements peut contribuer à rompre le lien de confiance (ATA/634/2016 du 26 juillet 2016 consid. 6).

5.3 L’employeur jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour juger si les manquements d’un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l’administration. Les rapports de service étant soumis au droit public, la résiliation est en outre assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité, de l’égalité de traitement, de l’interdiction de l’arbitraire et de la proportionnalité (ATA/993/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4e ; ATA/600/2021 du 8 juin 2021 consid. 9d).

Traditionnellement, ce dernier principe exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2).

5.4 L'État et les communes sont tenus, d'une part, d'agir dans l'intérêt public et, d'autre part, de prendre en considération les intérêts privés de leurs fonctionnaires. Ils doivent, dans leur politique du personnel, comparer les deux intérêts en cause. Ainsi, lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a de justes motifs de licenciement, il convient de comparer l'intérêt public à se séparer d'un collaborateur avec l'intérêt de ce dernier à conserver son emploi. Il faut en outre tenir compte de la nécessité de l'existence d'un rapport de confiance entre l'autorité et ses collaborateurs. Tenus, vis-à-vis de l'ensemble de la population, d'assurer le respect du droit, l'État et les communes doivent pouvoir s'en remettre sans hésiter aux fonctionnaires qu'ils chargent d'assumer leurs tâches (ATA/148/2018 du 20 février 2018 consid. 8g ; ATA/308/2017 du 21 mars 2017 consid. 6f et les arrêts cités ; Philippe BOIS, La cessation des rapports de service à l'initiative de l'employeur dans la fonction publique, RJN 1983 p. 27).

5.5 La chambre de céans a déjà jugé plusieurs cas dans lesquels des sanctions disciplinaires ou des mesures administratives ont été prises dans le même contexte que la présente espèce, à savoir en raison d'une trop grande proximité d'agents publics avec M. F______.

Elle a confirmé le blâme infligé à un autre caporal-chef de groupe de la police municipale. Si l'on pouvait à la rigueur admettre qu'un policier de proximité puisse à l'occasion se faire offrir un café par un commerçant du quartier sans encourir pour autant de responsabilité disciplinaire, les liens entre l'intéressé et M. F______ avaient une tout autre dimension : fréquentes pauses à l'arcade du précité, communication à celui-ci de son numéro privé, invitation à un barbecue, tutoiement systématique, détails intimes livrés par messages, demande de prêt portant sur plusieurs milliers de francs, demandes de contenus à caractère sexuel et réception de M. F______ dans les bureaux du poste des I______ démontraient qu'il existait entre les deux hommes des liens allant bien au-delà d'une fréquentation ordinaire dans un cadre professionnel. Une telle proximité était susceptible de faire perdre au recourant son objectivité vis-à-vis d'un administré à qui il pouvait facilement avoir affaire dans le cadre de ses tâches de police et avait incontestablement contribué à ternir l'image de la police municipale auprès du public. Certains des comportements reprochés au recourant auraient pu à eux seuls justifier un blâme, notamment la demande d'un prêt à hauteur de CHF 4'000.- à M. F______, qui n'était pas contestée (ATA/1082/2022 du 1er novembre 2022).

La chambre de céans a confirmé une sanction de sept services hors tour infligée à un appointé de gendarmerie. Ce dernier avait contrevenu à ses devoirs de service en entretenant une relation de proximité, inadéquate, avec M. F______, lequel était actif aux I______, quartier où il était affecté, partageant des repas avec lui et cherchant à plusieurs reprises à le rencontrer, au « poste » ou à l’« arcade », dans des lieux publics et acceptant d’être photographié en sa compagnie à l’occasion de sorties privées, également avec d’autres policiers. Une telle relation de proximité, affichée, était propre à donner l’image de privilèges donnés à un administré au détriment d’autres personnes et participait à affaiblir la confiance du public envers l’intégrité de la police, ce d’autant plus au regard du traitement de l’affaire d'une personne ayant impliqué de manière indirecte M. F______. Par ailleurs, bien qu’il n’ait pas commenté les très nombreuses photographies et vidéos reçues de M. F______ sur son numéro professionnel, il n’avait pas non plus découragé de tels messages, contraires à la bienséance et à la décence, ni demandé à son interlocuteur de ne plus lui en envoyer. À cela s’ajoutait l’utilisation de « N______ » pour la transmission de pièces d’une procédure pénale, méthode qu’il avait admis ne pas être adéquate (ATA/738/2021 du 13 juillet 2021).

Elle annulé le changement d’affectation d’office d’un caporal-chef de groupe de la police municipale de la Ville X______ qui représentait une sanction trop sévère de comportements qui ne pouvaient être qualifiés de graves. Il avait partagé à deux reprises un repas avec M. F______ avec des collègues au poste de police. Le dossier ne laissait pas transparaître une très grande proximité avec M. F______, ni le ton, ni le nombre de messages ne dénotaient une familiarité particulière. Rien ne permettait de retenir, comme l’avait fait l’autorité intimée qu’il avait laissé ses subordonnés avoir des relations de proximité avec M. F______ (ATA/117/2023 du 7 février 2023).

Elle a confirmé la résiliation ordinaire des rapports de service d'un sergent de la police cantonale qui avait noué une relation d'amitié avec M. F______, avait été condamné pénalement pour violation du secret de fonction au bénéfice de ce dernier, avait participé à un événement festif avec des travailleuses du sexe sur invitation de M. F______, avait entretenu une relation intime avec une travailleuse du sexe œuvrant dans les locaux de ce dernier, avait échangé avec lui de nombreuses photos et vidéos à caractère pornographique, et lui avait envoyé des messages contenant des propos injurieux et même parfois racistes ou menaçants pour des tiers (ATA/1168/2022 du 22 novembre 2022).

5.6 Selon le Tribunal fédéral, la violation fautive des devoirs de service n'exclut pas le prononcé d'un licenciement pour motif fondé (dit licenciement ordinaire ou administratif). Si le principe même d'une collaboration ultérieure est remis en cause par une faute disciplinaire de manière à rendre inacceptable une continuation du rapport de service, un simple licenciement, dont les conséquences sont moins graves pour la personne concernée, peut être décidé à la place de la révocation disciplinaire, étant précisé que toute violation des devoirs de service ne saurait être sanctionnée par la voie de la révocation disciplinaire. Cette mesure revêt l'aspect d'une peine et a un caractère plus ou moins infamant. Elle s'impose surtout dans les cas où le comportement de l'agent démontre qu'il n'est plus digne de rester en fonction. Dans la pratique, la voie de la révocation disciplinaire est rarement empruntée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5 ; ATA/1120/2022 précité du 8 novembre ; ATA/674/2017 du 20 juin 2017 consid. 14d ; ATA/892/2016 du 25 octobre 2016 consid. 4).

5.7 En l’espèce, au vu de ce qui précède, il ne saurait être reproché à l’autorité intimée de ne pas avoir choisi la voie disciplinaire pour sanctionner les comportements attribués au recourant, le principe même d'une collaboration ultérieure était remis en cause par des fautes disciplinaires qui rendaient inacceptable une continuation des rapports de service.

Tel a été le cas en effet puisque les comportements du recourant ont conduit, selon l’autorité intimée, à la rupture du rapport de confiance. Ils sont donc susceptibles de rendre la poursuite des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de la police.

À cet égard, il faut constater, comme l’a retenu l’autorité intimée, que le recourant n’a pas vraiment pris conscience de la gravité de ses manquements, notamment quant au devoir d’exemplarité et d’atteinte portée à l’image de la police ou encore à l’obstacle qu’ils représentent à l’accomplissement des buts de la LProst, notamment la protection des travailleuses du sexe. Le recourant minimise ses comportements en mettant en avant ses très bons états de service, omettant de tenir compte du fait que ses comportements n’étaient pas connus de sa hiérarchie au moment de leur établissement. Il minimise également la distinction qui doit être faite entre une certaine proximité avec les administrés, tel un tenancier de salon de massage, nécessaire aux activités policières de celle qu’il a développée, uniquement dans son propre intérêt, s’agissant d’accepter des cadeaux, des conseils ou encore d’être redevable d’autres façons à M. F______, allant même jusqu’à s’associer avec lui pour l’achat d’un bien immobilier ou la reprise d’une activité commerciale.

Compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont jouit l’autorité intimée pour juger si les manquements d’un policier sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de la police, elle pouvait considérer, au vu de ce qui précède, que les manquements reprochés étaient graves et incompatibles avec la fonction de policier et donc de nature à rompre le rapport de confiance qui les liait. Il sera à cet égard rappelé que les exigences liées au comportement d’un policier excèdent celles imposées aux autres fonctionnaires, les premiers assurant le maintien de la sécurité et de l’ordre publics et exerçant à ce titre une part importante de la puissance publique.

C’est dès lors de manière conforme au droit que l’intimé a constaté l’existence d’un motif fondé de résiliation des rapports de service du recourant. Ce faisant, il n’a pas violé le principe de proportionnalité ou de l’égalité de traitement, la décision étant proportionnée aux buts d’intérêt public visés, soit le bon fonctionnement du corps de police, notamment dans le cadre de l’application de la LProst. La décision prend également en compte la gravité du comportement de l’intéressé et, dans une juste mesure, les bons états de service ainsi que l’absence d’antécédents pénaux et disciplinaires de l’intéressé.

La procédure de reclassement, qui concrétise aussi le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 du 24 août 2020 consid. 4.3.3), ne souffre d’aucune critique de la part du recourant et apparaît avoir été effectuée de manière conforme au droit, compte tenu des circonstances.

Vu ce qui précède, il appert que l’autorité intimée était en droit de résilier les rapports de service du recourant pour motifs fondés, à savoir, non pas comme retenu dans la décision pour inaptitude à remplir les exigences du poste mais, par substitution de motifs, pour insuffisance de prestation comme cela a été retenu dans une situation similaire (ATA/1168/2022 précité consid. 7), dans le respect du délai fixé à l’art. 20 al. 3 LPAC, au vu de la rupture du lien de confiance, la poursuite des relations n’étant pas dans l’intérêt de l’État.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), qui ne peut se voir allouer d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

     Compte tenu des conclusions du recours, qui demandent l'annulation de la décision litigieuse et la réintégration, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 mai 2022 par M. A______ contre la décision du département de la sécurité, de la population et de la santé du 30 mars 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de M. A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sylvain Savolainen, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

Siégeant : Claudio Mascotto, Président, Jean-Marc Verniory, Francine Payot Zen-Ruffinen, Valérie Lauber et Eleonor McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

Sibilla Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

Claudio Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :