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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3583/2023

ATA/3/2024 du 04.01.2024 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3583/2023-FPUBL ATA/3/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 4 janvier 2024

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Isabelle PONCET, avocate

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE intimé

 



Vu, en fait, la décision, déclarée exécutoire nonobstant recours, du département du territoire (ci-après : DT) du 20 octobre 2023, informant A______ de l’ouverture d’une procédure de reclassement ; que la décision relève les nombreuses absences pour cause de santé de la précitée et le refus de celle-ci de se présenter au service de santé du personnel de l’État (ci-après : SPE) ; que les motifs ayant conduit le DT à la libérer de son obligation de travailler lui avaient été exposés le 21 avril 2023 et validés par arrêté du Conseil d’État le 10 mai 2023 ; qu’elle avait reconnu le caractère déplacé de son comportement envers B______B______ le 11 mars 2023 ; qu’elle avait présenté des excuses à son supérieur hiérarchique à la suite des messages écrits et vocaux qu’elle lui avait adressés les 13 et 15 mars 2023 ; qu’elle avait critiqué son service ainsi que sa hiérarchie auprès d’une juriste en congé maternité, qui s’apprêtait à reprendre son travail, ce qui était inadéquat ; qu’il n’y avait pas lieu de procéder à une médiation, l’intéressée étant seule à l’origine des actes qui lui étaient reprochés ; que les manquements aux devoirs de service avaient compromis la bonne marche du service et le cadre de travail harmonieux et porté atteinte à la santé et sécurité de ses collègues et étaient, ainsi, incompatibles avec le poste qu’elle occupait et constitutifs d’un motif de résiliation ; que, partant, une procédure de reclassement était ouverte, pour une période de deux mois ; qu’il serait tenu compte du certificat médical du 20 septembre 2023 ; qu’elle était tenue de collaborer, à effectuer toute démarche utile pour trouver un nouvel emploi, que ce soit dans le secteur privé ou public, et que des points de situation intermédiaires ainsi qu’un bilan définitif seraient établis ;

vu le recours interjeté le 31 octobre 2023 par A______ auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre cette décision, dont elle demande l’annulation, concluant à sa réintégration ; qu’employée depuis 2003 auprès de l’État, elle occupait un poste de juriste depuis 2009 auprès de l’E______ (ci-après : E______) ; qu’atteinte dans sa santé, elle avait accusé des absences entre l’automne 2019 et l’été 2021 ; qu’entre le 1er octobre 2021 et le 6 mars 2023, elle avait travaillé à 100%, sans absence notable ; qu’elle avait eu un comportement inadéquat envers B______ le 13 mars 2023, lié au fait qu’elle nourrissait des craintes quant à la structure du bâtiment qui abritait les locaux de l’E______, et s’était excusée par la suite ; que les messages adressés à son supérieur étaient ceux d’une fidèle collaboratrice, malade, qui ne comprenait pas que celui-ci ne prenne pas de ses nouvelles alors qu’elle était absente depuis une semaine ; que l’entretien de service avait été agendé et maintenu, alors qu’elle était en arrêt de travail ; qu’elle avait été libérée de son obligation de travailler le 21 avril 2023, alors qu’un échange avait eu lieu en vue de son retour au travail ; qu’elle avait indiqué le 27 avril 2023 pouvoir reprendre son activité à 40% ; que finalement, elle était restée en incapacité de travail entière depuis le 17 avril 2023, avec une hospitalisation de plusieurs mois ;

que son recours était recevable, dès lors que les motifs ayant conduit à l’entretien de service étaient considérés comme établis ; que trois jours après la réception de la décision, elle avait dû être hospitalisée, de sorte qu’elle demandait à pouvoir compléter son recours ; que lors de l’incident du 11 mars 2023, elle était malade et, ainsi, pas pleinement consciente de ses actes ; qu’il en allait de même des messages adressés à son supérieur ; qu’elle ne voyait pas pourquoi une médiation ne pouvait avoir lieu ; qu’elle avait, à quelques mois d’intervalle, perdu ses parents, été actionnée en divorce et son enfant avait subi un accident ; que, compte tenu de son hospitalisation, le délai de deux mois de la procédure de reclassement n’avait pas encore commencé à courir ;

qu’elle a, par la suite, produit un certificat médical établi le 13 novembre 2023 par le Docteur C______, directeur médical adjoint de la Clinique D______, exposant que pour des « raisons médicales aigües », elle n’était pas apte à participer aux entretiens pour son processus de reclassement, que son état clinique était réservé et qu’il fallait décaler ledit processus de deux mois ;

que le DT a conclu au rejet de la requête d’effet suspensif ; que la recourante avait été en incapacité de travail partielle ou complète entre le 24 août 2019 et le 30 juin 2021 pendant 391 jours ; qu’après l’avoir rencontrée le 27 janvier 2022, la responsable des ressources humaines (ci-après : RH), avait pris contact avec le SPE, l’intéressée présentant un état de santé inquiétant et dépressif et ayant demandé de l’aide à son employeur ; que, le 13 mars 2023, elle avait agressé B______, dans un lieu public et devant témoins, insinuant devant le mari de celle-ci qu’il ne l’aimait pas, indiquant à la précitée qu’elle lui conseillait de se mettre en arrêt maladie, car elle faisait mal son travail et avait critiqué le secrétaire général du DT et la directrice générale de E______, car on lui refusait des informations concernant l’état du bâtiment dans lequel elle travaillait ; que le 13 mars 2023, son supérieur avait informé la responsable RH du DT que la veille, le dimanche 12 mars 2023, il avait reçu dès 8h00 cinq SMS ainsi que des tentatives d’appels téléphoniques de la part de A______, lui reprochant de ne pas avoir pris de ses nouvelles et indiquant notamment « si je te fais chier, il faut me le dire » ; qu’elle s’était ensuite excusée d’avoir parlé abruptement ; que malgré son arrêt de travail à compter du 13 mars 2023, la recourante s’était rendue à plusieurs reprises sur son lieu de travail pour y récupérer des effets personnels, un ordinateur et une fois pour s’enfermer dans son bureau avec une collègue ; qu’elle n’avait pas signé l’autorisation en faveur du SPE de levée du secret médical de ses médecins traitants et que l’examen médical du SPE n’avait pas pu avoir lieu ; qu’en avril 2023, elle avait appelé une collègue pour lui dire que son retour au travail après un congé maternité serait compliqué, car c’était « le bordel » à l’E______, le secrétariat ne travaillant pas assez et le supérieur hiérarchique n’ayant pas suffisamment de compétences juridiques ; qu’elle s’était rendue à un apéritif auquel participaient des membres de l’E______ le 30 mars 2023, alors qu’elle était en arrêt de travail ; qu’elle était restée en incapacité de travail entière, avec une hospitalisation du 13 août au 18 octobre 2023, et avait déposé une demande de rente d’invalidité ; que le premier entretien de reclassement s’était fait par écrit, le 8 novembre 2023, comme l’entretien de clôture, du 28 novembre 2023, dont le compte rendu avait été adressé à la recourante ; que celle-ci ne subissait pas de préjudice irréparable du fait de la procédure de reclassement, pouvant si celle-ci aboutissait à un licenciement, contester celui‑ci ; que l’incapacité de travail totale de la recourante dispensait l’intimé de poursuivre la procédure de reclassement ;

que dans sa réplique sur effet suspensif, la recourante a relevé que le DT, après avoir annoncé trois entretiens pour la procédure de reclassement, était revenu sur ce planning et lui avait fait parvenir le 16 novembre 2023 une seconde et dernière liste d’offres d’emploi et prétendu qu’il n’y avait aucun poste au sein de l’administration cantonale correspondant à ses compétences, alors qu’il y avait au moins deux, voire trois postes de juriste ; que son conseil avait reçu une « convocation » trois jours avant l’entretien du 28 novembre 2023, ce qui ne lui avait pas permis de s’y préparer ; que la recevabilité du recours devait être examinée au fond et non sur effet suspensif, comme l’avait retenu la chambre administrative dans un arrêt du 26 septembre 2023 (ATA/1066/2023) ; qu’aucun intérêt public n’imposait l’exécution immédiate de la décision querellée ;

que, sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de celles-ci, par une juge ;

qu'aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/795/2021 du 4 août 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020) ;

qu'elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que lors de l'octroi ou du retrait de l'effet suspensif, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que dans sa jurisprudence rendue avant 2017, la chambre de céans a en général nié l'existence d'un préjudice irréparable en cas d'ouverture d'une procédure de reclassement, une telle décision étant au contraire destinée, dans l’hypothèse où le reclassement aboutirait, à éviter ou à atténuer les effets de la décision de licencier envisagée (ATA/1149/2015 du 27 octobre 2015 ; ATA/923/2014 du 25 novembre 2014) ;

que le Tribunal fédéral a néanmoins admis l'existence d'un préjudice irréparable dans un cas dans lequel le recourant n'avait eu d'autre choix que d'accepter une rétrogradation comme alternative à son licenciement, si bien que l'irrecevabilité prononcée revenait à priver le recourant de la possibilité de contester les motifs qui avaient conduit à son changement d'affectation (au sens de l'art. 12 al. 3 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 - LPAC - B 5 05), et que le recourant ne pouvait en définitive les contester que s'il provoquait la résiliation de ses rapports de service, en s'opposant d'emblée à tout reclassement ou en cas d'échec d'un reclassement (ATF 143 I 344 consid. 7 et 9) ;

que plus récemment, la chambre de céans a admis la recevabilité d'un recours interjeté contre une décision d'ouverture d'une procédure de reclassement (ATA/37/2022 du 18 janvier 2022 consid. 2b), tandis que dans d'autres cas elle a déclaré les recours sans objet ou irrecevables, soit parce que la décision au fond avait été rendue dans l'intervalle (ATA/1356/2021 du 14 décembre 2021 consid. 2 et les arrêts cités), soit parce que la partie recourante n'avait pas de perspectives concrètes de reclassement (ATA/1019/2023 du 19 septembre 2023 ; ATA/821/2023 du 9 août 2023), ou encore a laissé la question de la recevabilité ouverte (ATA/1260/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2c) ;

que le recours contre une décision d'ouverture d'une procédure de reclassement, préalable au prononcé d'un licenciement administratif, n’est ouvert qu’à des conditions restrictives (ATF 143 I 344 consid. 7.5 et 8.3 ; ATA/1260/2020 du 15 décembre 2020 consid. 3), dès lors qu’il s’agit d’une décision incidente au sens de l’art. 57 let. c LPA ;

que la chambre administrative a refusé la restitution de l'effet suspensif à un recours formé contre une décision d'ouverture d'une procédure de reclassement, considérant que l’intérêt public à la poursuite de la procédure de reclassement en cours apparaissait d'autant plus important que la libération de l’obligation de travailler de la fonctionnaire concernée durait depuis huit mois (ATA/807/2022 du 16 août 2022) ;

qu’en l’espèce, la question de savoir si les conditions restrictives permettant de recourir contre une décision incidente sont remplies est délicate ; qu’il n’apparaît, à ce stade, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, pas d’emblée que le recours soit recevable, la procédure de reclassement n’ayant pas (encore) abouti, la clôture de la procédure de classement semblant uniquement envisagée, mais non prononcée ;

que, cela étant, même si le recours était recevable, il conviendrait de rejeter la requête de restitution de l’effet suspensif ;

qu’en effet et contrairement au souhait de la recourante, aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit de poursuivre une procédure de reclassement en cas d’incapacité de travail du fonctionnaire concerné (ATA/1117/2022 précité consid. 8 ; ATA/544/2021 du 25 mai 2021 consid. 12d) ;

que suivre le raisonnement de la recourante, selon laquelle la procédure ne pourrait être engagée ou poursuivie tant qu'elle serait en incapacité de travail, permettrait de repousser indéfiniment ladite procédure (ATA/1066/2023 du 26 septembre 2023 consid. 9) ;

que, par ailleurs, l’intérêt public à la poursuite de la procédure de reclassement est in casu d’autant plus important que la recourante a été libérée de son obligation de travailler depuis plus de huit mois ;

qu’au vu des éléments qui précèdent, la requête de restitution de l’effet suspensif sera rejetée ;

qu’il sera statué avec la décision au fond sur les frais de la présente décision.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de restitution d’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la présente décision avec l’arrêt au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Lausanne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Isabelle PONCET, avocate de la recourante, ainsi qu'au département du territoire.

 

 

La vice-présidente :

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

Genève, le  la greffière :