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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2929/2014

ATA/923/2014 du 25.11.2014 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2929/2014-FPUBL ATA/923/2014

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 novembre 2014

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pascal Junod, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ ET DE L'ÉCONOMIE



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1965, a été nommé gendarme le 24 juillet 1985 à l’issue de son école de gendarmerie, puis confirmé dans ses fonctions par arrêté du Conseil d’État du 13 août 1986.

2) Au fil de ses différentes promotions, il a été nommé en dernier lieu brigadier remplaçant du chef de poste dès le 1er avril 2013.

3) Le 30 juillet 2014, la cheffe de la police a ouvert une procédure disciplinaire à l’encontre de M. A______. Celui-ci avait tenu des propos virulents et inappropriés sur son « mur » du réseau Facebook à l’encontre des personnes appartenant au parti socialiste. Le 12 août 2014, elle a transmis celle-ci au département de la sécurité et de l’économie (ci-après : DSE).

4) Le 12 août 2014 également, la cheffe de la police a dénoncé M. A______ au Procureur général suite à une dénonciation formée à l’encontre de l’intéressé. Celui-ci avait diffusé des commentaires et photos sous le pseudonyme du « B______ » sur le réseau social Facebook. Les faits étaient susceptibles de constituer une infraction à l’art. 261 bis al. 2 et 4 du Code pénal suisse du
21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), réprimant la discrimination raciale.

5) Le 18 août 2014, M. A______ a été convoqué pour un entretien de service par le commandant de la gendarmerie au sujet des faits qui avaient fait l’objet de la procédure disciplinaire du 30 juillet 2014 et de ceux pour lesquels
M. A______ avait été dénoncé au Procureur général.

Le commandant de la gendarmerie a informé l’intéressé que ces faits, s’ils étaient avérés, constituaient de graves manquements aux devoirs du personnel figurant dans les ordres de service (ci-après : OS) et directives suivants :

-         OSDERS I 2.02 « discipline », OSDERS I 1.01 « code de déontologie de la police genevoise ».

Au surplus, les faits, s’ils étaient avérés, portaient sérieusement atteinte à l’image de la police et ils étaient clairement incompatibles avec la fonction de brigadier remplaçant chef de poste occupé par l’intéressé.

De son côté, M. A______ a contesté avoir violé ses obligations de service, relativisant ou expliquant les faits qui lui étaient reprochés.

Le commandant de la gendarmerie a informé ce dernier que son licenciement était envisagé pour motifs fondés. Si tel était le cas, une procédure de reclassement serait engagée.

6) M. A______, auquel un délai de quatorze jours avait été accordé pour présenter ses observations, a maintenu le 2 septembre 2014 la position qu’il avait adoptée lors de l’entretien de service.

7) Le 10 septembre 2014, le conseiller d’État en charge du DSE a notifié à
M. A______ une décision incidente d’ouverture de la procédure de reclassement.

Lors de l’entretien de service du 18 août 2014, la hiérarchie de
M. A______ lui avait reproché son inaptitude à remplir les exigences du poste respectivement son comportement incompatible avec la fonction occupée. Il avait eu l’occasion de faire valoir son droit d’être entendu après analyse des faits en cause.

Le département était cependant d’avis que les éléments constitutifs d’un motif fondé de résiliation avaient dûment été établis. Dès lors, une procédure de reclassement était ouverte. Le courrier du chef du département précisait la procédure de celui-ci. La direction des ressources humaines procéderait avec
M. A______ à des points de situation intermédiaires et dresserait un bilan définitif d’ici deux mois au plus tard. Cette décision pouvait faire l’objet d’un recours dans les dix jours dès sa réception. Elle était exécutoire nonobstant recours.

8) Le 18 septembre 2014, M. A______ a fait l’objet d’un entretien conduit par Madame B______, directrice des ressources humaines du DSE, qui a eu pour objet l’ouverture de la procédure de reclassement sur la base du curriculum vitae actualisé.

M. A______ était accompagné de son avocat. Le premier envisageait un éventuel recours contre la décision.

9) Le 25 septembre 2014, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 10 septembre 2014 reçue le 15 septembre 2014. Il concluait sur le fond à l’annulation de la décision du chef du DSE et, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif.

Le recours était recevable en raison du préjudice irréparable que cette décision lui faisait subir. Les faits à l’origine de la procédure de licenciement étaient contestés. Ils n’étaient pas constitutifs d’un motif fondé de résiliation, subsidiairement ne constituaient pas des faits d’une gravité telle qu’une cessation des rapports de travail s’imposait. La décision attaquée lui faisait subir un préjudice d’image et de réputation irréparable, doublé d’un préjudice financier, dans la mesure où il n’aurait aucune garantie qu’à l’issue de la procédure de reclassement, il retrouverait une situation dans laquelle il conserverait son traitement et ses indemnités actuelles. Ce préjudice était d’autant plus grand que la procédure aurait dû être suspendue dans l’attente de l’issue de la procédure pénale. Son droit d’être entendu avait été violé. Soit il faisait l’objet d’une sanction disciplinaire en raison d’une violation fautive de ses devoirs de fonction, soit il était licencié pour motifs fondés. Les deux procédures devaient être distinguées. Lorsqu’elles étaient menées parallèlement par l’employeur, elles devaient faire l’objet d’une instruction double et complète portant sur la violation fautive et sur ses conséquences disciplinaires d’une part et sur le motif fondé d’autre part. Dans chacune des deux procédures, l’intéressé devait être en mesure d’exercer son droit d’être entendu. Une décision de reclassement reviendrait à une double sanction dans la mesure où il avait été immédiatement transféré dans un service administratif suite à la dénonciation du 11 août 2014 sans que cela ait fait l’objet d’une décision formelle.

10) Le 20 octobre 2014, le département a conclu à l’irrecevabilité du recours. À lire le recourant, il y aurait lieu de suspendre la procédure administrative dans l’attente de l’issue de la procédure pénale. Une telle nécessité était contestée. L’objet du litige concernait une décision incidente d’ouverture d’une procédure de reclassement en vue d’un éventuel licenciement qui était indépendant du sort de la procédure pénale ouverte suite à une dénonciation de la cheffe de la police.

Le recours était irrecevable en l’absence de tout préjudice irréparable. La procédure de reclassement constituait une étape nécessaire avant une éventuelle décision de licenciement. Elle ne constituait en aucun cas une sanction déguisée. Le recourant n’avait pas fait l’objet d’une suspension au sens de l’art. 39 de la loi sur la police du 26 octobre 1957 (LPol - F 1 05). Le recourant ne souffrait pas d’un préjudice irréparable sous cet angle. Sur le fond, les manquements reprochés étaient considérés comme établis. En effet, le recourant n’avait ni contesté les propos relatés lors de l’entretien de service du 19 août 2014 ni être la personne ayant publié les photos litigieuses sur Facebook.

11) Le 31 octobre 2014, M. A______ a répliqué, persistant à demander la suspension de la procédure. Son recours était recevable. Il avait passé trente ans de bons et loyaux services au sein de la police avant d’être nommé brigadier-chef de groupe. Il se retrouvait désormais relégué à de vulgaires tâches administratives sans contact avec le public, privé de responsabilité, d’arme, d’insigne et d’uniforme. Cela constituait un préjudice irréparable d’autant plus que les faits n’avaient pas été dûment établis et qu’ils ne constituaient aucunement un motif fondé de résiliation.

12) Le 3 novembre 2014, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1) La décision d’ouvrir une procédure de reclassement d’un fonctionnaire cantonal constitue une décision incidente, susceptible de recours dans les dix jours suivant sa notification devant la chambre administrative (art. 132 al. 1 et 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA -
E 5 10 ;
ATA/293/2013 du 7 mai 2013 ; ATA/825/2013 du 17 décembre 2013).

2) a. Une décision incidente est une décision prise pendant le cours d’une procédure, qui ne représente qu’une étape vers la décision finale (arrêts du Tribunal fédéral 8C_686/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.1 ; 1C_40/2012 du 14 février 2012 consid. 2.3 ; ATA/825/2013 précité ; ATA/785/2012 du
20 novembre 2012 consid. 1 ; ATA/693/2012 du 16 octobre 2012). Compte tenu de cette caractéristique, l’art. 57 let. c LPA prévoit que seules sont susceptibles de recours les décisions incidentes qui peuvent causer un préjudice irréparable, ou dont l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

b. L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un préjudice est irréparable au sens de cette disposition, lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 p. 190 ss ; 133 II 629 consid. 2.3.1 p. 631 ; ATA/825/2013 précité). Le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée, comme un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de la procédure (ATF 135 II 30 ; 134 II 137 ; 127 II 132 consid. 2a p. 126 ; 126 V 244 consid. 2c p. 247 ss ; 125 II 613 consid. 2a p. 619 ss ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 287 n. 837 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 714 n. 2.6.3.2 ; Bernard CORBOZ, Le recours immédiat contre une décision incidente, SJ 1991,
p. 628). Le simple fait d’avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas, en soi, un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 p. 141 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b).

3) Selon l’art. 26 de la loi sur la police du 26 octobre 1957 (LPol - F 1 05), les fonctionnaires de police sont soumis à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux, du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et à ses dispositions d’application, sous réserve des dispositions particulières de la LPol et du règlement d’application de la loi sur la police du 25 juin 2008 (RPol - F 5 05.01).

4) Après la période d’épreuve, le Conseil d’État peut résilier les rapports de services d’un fonctionnaire de police pour motifs fondés, notamment en raison de l’inaptitude à remplir les exigences du poste, lorsque leur continuation n’est pas compatible avec le bon fonctionnement du corps de police (art. 35A al. 1 LPol). Ainsi que l’art. 35A al. 2 LPol le permet, cette compétence a été déléguée au chef du département (art. 2 al. 3 de la loi sur l'exercice des compétences du Conseil d'État et l'organisation de l'administration du 16 septembre 1993 - LECO -
B 1 15 ; art. 1 al. 1 RPol). Celui-ci doit agir d’entente avec l’office du personnel de l’État.

Ainsi, sont applicables par analogie à la procédure de résiliation des rapports de service d’un fonctionnaire de police, les art. 12 al. 3 LPAC (changement d’affectation intervenant comme alternative à la résiliation des rapports de services en cas de licenciement pour motif fondé), 18 et 19 LPAC (protection contre les licenciements abusifs) et 21 al. 3 LPAC (procédure de résiliation).

En vertu de l’art. 21 al. 3 LPAC, l’autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n’est plus compatible avec le bon fonctionnement de l’administration, soit notamment en raison de l’insuffisance des prestations (art. 22 let. a LPAC), l’inaptitude à remplir les exigences du poste (art. 22 let. b LPAC), la disparition durable d’un motif d’engagement (art. 22 let. c LPAC).

5) Selon l’art. 21 al. 3 LPAC, préalablement à la décision de résiliation, l’autorité compétente est tenue de proposer au fonctionnaire qu’elle entend licencier des mesures de développement et de réinsertion professionnelle et de rechercher si un autre poste au sein de l’administration cantonale correspond aux capacités de l’intéressé.

Pour les policiers, les modalités de reclassement sont réglées à l’art. 10 RPol. Ainsi, lorsque les éléments constitutifs d’un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors de l’entretien de service, un reclassement est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d’une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (art. 10 al. 1 RPol). Dans la mesure du possible, le reclassement au sein du corps de police est favorisé (art. 10 al. 2 RPol) et des mesures de développement et de réinsertions professionnelles propres à favoriser le reclassement sont proposées (art. 10 al. 3 RPol). En contrepartie, l’intéressé est tenu de collaborer (art. 10 al. 4 RPol) et bénéficie d’un délai de dix jours ouvrables pour accepter ou refuser la proposition de reclassement de même qu’un délai n’excédant pas six mois pour lui permettre d’assumer sa nouvelle fonction (art. 10 al. 5 et 6 RPol).

6) Selon le recourant, l’intimé, même s’il avait décidé d’engager une procédure de licenciement, n’était pas en droit de décider d’une procédure de reclassement dans la mesure où les faits motifs du licenciement avaient été dénoncés au Ministère public. Il aurait ainsi dû suspendre ladite procédure dans l’attente de l’issue de la procédure pénale.

Selon l’art. 14 LPA, lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions.

La formulation potestative employée dans cette disposition légale laisse un large pouvoir d’appréciation à l’autorité. Une décision de suspendre une procédure administrative comme dépendant de l’issue d’une autre procédure, qui est de nature à en prolonger la durée, doit être utilisé de manière restrictive et dans un but d’économie de procédure. Elle est envisageable lorsque la décision qui doit intervenir conditionne son issue ou qu’elle permet d’économiser des mesures d’instruction.

En l’espèce, la décision de dénoncer les faits à l’autorité pénale n’est pas le fait du département mais de la cheffe de la police. L’intention de licencier le recourant communiquée à ce dernier par le commandant de la gendarmerie le
10 août 2014 et par le chef du département le 18 septembre 2014 ne se réfère pas aux infractions pénales susceptibles d’avoir été commises mais à des violations spécifiques de plusieurs ordres de service de la gendarmerie que le commandant de la gendarmerie a rappelées à l’intéressé lors de l’entretien de service. Il n’y avait dès lors aucune obligation - et il ne s’imposait pas - de suspendre l’instruction de licenciement et, partant, la procédure de reclassement qui en constitue un élément. La procédure de licenciement étant indépendante de la dénonciation à l’autorité pénale, la décision d’engager sans attendre la procédure de reclassement ne cause aucun préjudice irréparable parce qu’elle aurait été entreprise sans attendre l’issue de la procédure pénale.

7) Le recourant soutient que la décision qui l’oblige à se soumettre à une procédure de reclassement est susceptible de lui causer un préjudice irréparable. Il invoque un préjudice d’image, soit une atteinte grave à sa réputation tant privée que professionnelle causée par des reproches dont il conteste le fondement et qui ne peuvent être qualifiés de graves au regard d’autres cas jurisprudentiels. Il invoque une atteinte à ses intérêts économiques dans la mesure où au-delà de son traitement, il perçoit d’autres prestations liées à son statut dont le maintien ne pourrait être garanti en cas de procédure de reclassement dans un autre poste de l’État.

En l’espèce, la loi impose à l’État en tant qu’employeur de procéder à une tentative de reclassement d’un fonctionnaire de police avant de lui notifier la décision de le licencier pour motif fondé. Si la notification d’une décision d’engager une procédure de reclassement constitue indubitablement un signe à l’adresse du fonctionnaire visé qu’après l’entretien de service prévu par les art. 21 al. 3 LPAC et 9 RPol, au cours duquel celui-ci a pu exercer son droit d’être entendu, la procédure de licenciement va de l’avant et qu’elle est susceptible d’aboutir au prononcé d’un tel licenciement en cas de l’échec de la procédure de reclassement (art. 11 RPol), il ne subit aucun dommage irréparable au stade de cette décision d’ouverture. Elle est au contraire destinée, dans l’hypothèse où le reclassement aboutirait, à éviter ou à atténuer les effets de la décision de licencier envisagée (ATA/293/2013 et ATA/825/2013 précités).

8) Le recourant conteste, au stade de la décision d’engager une procédure de reclassement, les reproches qui lui ont été adressés par ses supérieurs lors de l’entretien de service du 18 août 2014. Il considère être en droit de contester déjà à ce stade procédural les griefs qui lui ont été notifiés lors de l’entretien de service, sous peine de préjudice irréparable. Ce grief est prématuré donc infondé. Son licenciement n’est pas prononcé et il n’a pas subi à ce stade un tel préjudice. Selon le système mis en place par l’art. 35A LPol, c’est en effet seulement lorsqu’il se verra notifier la décision motivée de le licencier que sa situation juridique sera affectée s’agissant des rapports de fonction qu’il entretient avec l’État. Il pourra toutefois, à ce stade, faire valoir ses droits au travers d’une instruction complète du recours qu’il pourrait décider d’interjeter contre la décision finale si bien qu’il ne peut être retenu au stade de la procédure de reclassement l’existence d’un préjudice irréparable.

9) Le recourant considère que la décision querellée porte atteinte à ses intérêts économiques, dans la mesure où un reclassement dans un autre poste de l’État ne garantit pas le maintien de son traitement et des autres prestations liées à son statut. En l’espèce, la décision d’ouvrir une procédure de reclassement n’a pas porté atteinte aux prestations salariales du recourant. Le fait que, suivant l’issue de la procédure de reclassement, il voie sa situation financière péjorée à l’issue de celle-ci reste une hypothèse au stade de la décision d’ouvrir une telle procédure. Sous cet angle, le recourant n’établit aucunement l’existence d’un préjudice irréparable.

10) La deuxième condition de l’art. 57 let. c LPA, qui autoriserait d’entrer en matière sur le recours, n’est pas non plus réalisée. En effet, l’admission de celui-ci ne pourrait aucunement clore le contentieux qui, s’il subsiste parce qu’aucune mesure de reclassement n’a pu être prise, devra au contraire faire l’objet d’une procédure probatoire, vu la contestation des motifs de licenciement.

11) Sous cet angle, le recourant se plaint d’avoir fait l’objet d’une double procédure disciplinaire et de révocation menée de manière non conforme au droit par l’autorité. Selon lui, la voie du reclassement avait été envisagée faute de pouvoir démontrer la gravité d’une faute qui justifierait une sanction disciplinaire et constituerait une sanction déguisée. Cette combinaison porterait atteinte à son droit être entendu. On peut comprendre de cette argumentation que celui-ci semble tenir comme non conforme au droit le fait pour l’autorité d’avoir tout d’abord engagé une procédure disciplinaire et d’avoir opté en cours de chemin pour une procédure de licenciement pour justes motifs, ce qui conduirait à la nullité de la décision d’ouvrir une procédure de reclassement et, partant, à l’admission de son recours.

12) Ainsi que rappelé ci-dessus, un fonctionnaire de police peut faire l’objet d’un licenciement pour justes motifs conformément aux art. 35A LPol, 21 al. 3 LPAC et 9 à 11 RPol. En outre, s’il enfreint ses devoirs de service soit intentionnellement, soit par négligence, il peut faire l’objet, selon la gravité de la violation, de sanctions disciplinaires (art. 16 al. 1 LPAC par renvoi de l’art. 26 LPol). Il est susceptible d’encourir des sanctions disciplinaires spécifiques énoncées à l’art. 36 LPol, parmi lesquelles la révocation, laquelle est prononcée par le Conseil d’État (art. 36 al. 1 let. e et al. 3 LPol) à l’issue d’une procédure disciplinaire menée conformément à l’art. 37 LPol.

13) La violation fautive des devoirs de service n'exclut pas le prononcé d'un licenciement administratif. Le Tribunal fédéral a confirmé que si le principe même d'une collaboration ultérieure est remis en cause par une faute disciplinaire de manière à rendre inacceptable une continuation du rapport de service, un simple licenciement, dont les conséquences sont moins graves pour la personne concernée, peut être en principe décidé à la place de la révocation disciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 ; ATA/82/2014 du 12 février 2014).

En l’espèce, la cheffe de la police a décidé le 30 juillet 2014 de l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre du recourant qu’elle a communiquée au chef du département le 12 août 2014, en même temps qu’elle dénonçait celui-là au Ministère public pour d’autres faits susceptibles de constituer des infractions pénales. Parallèlement à cela, le recourant a fait l’objet, le 18 août 2014, d’un entretien de service mené par le commandant de la gendarmerie, qui a précédé la notification de la décision du chef du département du 10 septembre 2014. Ainsi que le Tribunal fédéral l’a rappelé, l’existence d’une procédure disciplinaire n’empêchait pas cette dernière autorité de décider l’ouverture d’une procédure de licenciement pour motif fondé. Partant, la décision d’ouvrir la procédure de reclassement n’est en aucun cas nulle. Elle s’impose en effet dans le cadre une telle procédure en vertu des art. 21 al. 3 LPAC et 10 RPol.

14) La décision attaquée ne causant au recourant aucun préjudice irréparable au sens de l’art. 57 al. 1 let. b LPA, son recours sera déclaré irrecevable.

15) Vu l’issue de la procédure, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant. Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 25 septembre 2014 par Monsieur A______ contre la décision du département de la sécurité et de l'économie du
10 septembre 2014 ouvrant une procédure de reclassement ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15’000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15’000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15’000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Junod, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité et de l'économie.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :