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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2010/2023

ATA/1019/2023 du 19.09.2023 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2010/2023-FPUBL ATA/1019/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 septembre 2023

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Virginie JAQUIERY, avocate

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE intimé



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1969, a été engagé dès le 1er octobre 2003, à plein temps, comme architecte ETS spécialiste auprès du service d'entretien et transformation du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement. Dès le 1er janvier 2004, il a été transféré en tant que collaborateur scientifique auprès du service cantonal de l'énergie (ci-après : OCEN) du département de l'intérieur, de l'agriculture et de l'environnement, dont les activités ont été reprises par la suite par le département du territoire (ci-après : le département).

Il a été nommé fonctionnaire le 1er octobre 2006.

b. Le 9 janvier 2017, il a fait l’objet d’une autorisation d’exercer une activité accessoire dans le domaine de la psychothérapie à la suite de sa certification de Gestalt-praticien. L’autorisation était valable une année.

c. A______ a fait l’objet d’entretiens d’évaluation du personnel (ci‑après : EEDP) les 14 septembre 2016 et 17 octobre 2018. Son travail était qualifié de « satisfaisant ». Il avait progressé dans l’adaptation, mais devait poursuivre ses efforts. Son investissement était mesuré, mais il accomplissait les tâches confiées dans le cadre de son cahier des charges. Il était une force de proposition car créatif, mais ne menait pas toujours ses projets à leur terme. Il avait une grande capacité organisationnelle qu’il pourrait mettre à profit au quotidien pour s’investir davantage.

d. Il a accumulé 337 jours d’absence en 2019, 126 en 2020, 14 en 2021 et 338 jours en 2022.

e. Selon ses médecins traitants, A______ est apte à travailler à raison de 20% depuis le 30 mai 2022, dont un jour en télétravail, et à 30%, à la même condition, dès le 1er août 2022.

B. a. Le 7 décembre 2020, A______ a déposé une demande d'ouverture d'investigation auprès du Groupe de confiance (ci-après : GdC) à l'encontre de B______.

b. Le 28 janvier 2021, le GdC a convoqué les deux protagonistes à une séance de conciliation.

c. Le 7 juillet 2021, le responsable des ressources humaines (ci-après : RRH) a fait savoir au conseil de A______ que ce dernier avait mis fin de sa propre initiative au processus de conciliation auprès du GdC, pourtant soutenu et souhaité par le département et sa hiérarchie.

d. Le 23 novembre 2021, le GdC a considéré que les faits allégués par A______ ne pouvaient constituer ni un harcèlement psychologique ni une atteinte d’une certaine gravité à sa personnalité. Il a refusé l’ouverture d’une investigation.

C. a. Lors de l'entretien de service du 12 février 2021, B______ a fait part à A______ de ce qu'il envisageait de résilier les rapports de service au vu des faits qui lui étaient reprochés, à savoir : a) ne pas avoir, dans le délai fixé au 24 avril 2020, retourné le rapport sur ses activités ; b) avoir remis en cause l'utilité d'un nouvel EEDP ; c) ne pas avoir traité une autorisation de construire en procédure accélérée (ci-après : APA) dans le délai ; d) avoir eu un comportement inacceptable durant la séance du 3 décembre 2020.

b. Par décision du 7 juillet 2021, l'OCEN a infligé un blâme à A______ au vu des plaintes circonstanciées reçues des deux partenaires externes en lien avec son attitude lors de la séance du 3 décembre 2020.

Sur recours hiérarchique formé par A______, le conseiller d'État en charge du département a confirmé le blâme infligé le 7 juillet 2021.

Le 31 mai 2022, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours interjeté par l’intéressé contre la sanction précitée (ATA/571/2022).

c. Le 25 mai 2022, la hiérarchie a informé A______ qu’elle ne pouvait pas donner une suite favorable à la demande de reprise à 20 % de son taux d’activité, notamment pour des raisons organisationnelles et fonctionnelles. Elle lui demandait de reprendre au minimum à 90%, la période étant critique, le nouveau règlement d’application de la loi sur l’énergie étant entré en vigueur le 1er septembre 2022.

A______ a refusé de donner suite à la demande de sa hiérarchie et a repris son activité à 20% jusqu’au 31 juillet 2022, puis à 30%.

d. Un entretien de service s’est tenu le 5 avril 2023. Il était reproché à A______ son inaptitude à remplir les exigences du poste en raison notamment de ses différentes absences pour cause d’incapacité de travail complète ou partielle, son inaptitude à entretenir des relations correctes avec sa hiérarchie ainsi que l’exercice d’une activité accessoire durant un arrêt de travail valant manquements à son devoir de fidélité.

Son taux d’activité de reprise thérapeutique n’était pas en adéquation avec les besoins organisationnels et fonctionnels du service. Seule la reprise à 90% de son taux d’activité pouvait être prise en considération. Plusieurs exemples de comportement, définis comme inaptes à entretenir des relations correctes avec la hiérarchie, étaient décrits, le premier le 19 juin 2013, le dernier le 10 juin 2022, date à laquelle A______ avait, dans un courrier, formulé des attaques contre les agissements de son RRH et de sa hiérarchie. Des manquements au devoir de fidélité lui étaient reprochés, l’intéressé pratiquant une activité accessoire durant son arrêt de travail. Durant l’année 2022, A______ avait publié sur son site Internet des informations concernant des groupes de soutien sur la thématique du « burn out » qu’il organisait mensuellement et s’était présenté comme spécialiste « CPMM burnout et haut potentiel » en proposant des activités les 16 février, 9 et 16 mars, 27 avril, 11 mai et 8 juin 2023.

e. Par décision du 2 juin 2023, après avoir pris connaissance des observations de l’intéressé, le conseiller d’État en charge du DT a ouvert une procédure de reclassement.

D. a. Par acte du 13 juin 2023, A______ a interjeté recours contre la décision d’ouverture de la procédure de reclassement auprès de la chambre administrative. Il a conclu à son annulation, au constat de l’inexistence d’un motif fondé de résiliation de ses rapports de service et à ce qu’il soit renoncé à une procédure de reclassement. Préalablement, l’effet suspensif devait être octroyé au recours.

Il encourait un préjudice irréparable compte tenu de son âge, 53 ans, et de son parcours, soit près de 20 ans au sein de la fonction publique. Ses chances de trouver un emploi en dehors de l’administration étaient extrêmement réduites. Pour autant qu’un poste puisse lui être proposé dans le cadre de la procédure de reclassement, il serait très probablement contraint de l’accepter, quel qu’il soit, afin de s’assurer de conserver un emploi, même s’il devait s’agir d’une importante rétrogradation. Il serait alors privé de l’accès au juge pour l’examen du bien-fondé de la décision qu’il contestait, singulièrement l’existence d’un motif fondé de résiliation. Il faisait référence à la jurisprudence du Tribunal fédéral.

De surcroît, une décision de la chambre administrative éviterait la mise en place d’une procédure de reclassement coûteuse, voire en cas de licenciement, une procédure de recours suite à la procédure de reclassement.

Enfin, les motifs avancés par le département étaient peu convaincants, en plus d’être infondés et contraires au droit, renforçant matériellement le risque qu’il subisse un préjudice irréparable.

Les faits avaient été constatés de façon incomplète et inexacte. Les art. 22 et 26 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) avaient été violés. Malgré l’incapacité de travail du recourant depuis le
28 janvier 2022, son éventuelle incapacité à remplir les devoirs de service n’avait pas été constatée à la suite d’un examen médical approfondi pratiqué par le médecin conseil de l’État, tel que préconisé par cette dernière disposition. Le principe de l’interdiction de l’arbitraire avait été violé, à l’instar des directives n° 08.01.02 et 02.02.07 du mémento des instructions de l'office du personnel de l’État (ci-après : MIOPE). Le département persistait à s’opposer au retour de son employé à 20 ou 30%, sans étayer les motifs qui fondaient sa position et contrairement aux directives précitées. Malgré les allégations du DT, aucune procédure n’était en cours auprès de l’assurance-invalidité. Il contestait toute violation des art. 20 et 21 LPAC.

b. Le département a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif.

c. Par écritures du 28 juillet 2023, le département a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à ce qu’un délai lui soit octroyé pour compléter ses observations au fond, principalement au rejet du recours s’il devait être recevable.

d. Dans sa réplique, le recourant a persisté dans ses conclusions. La décision d’ouverture de procédure de reclassement lui causait un préjudice irréparable. Les attestations de ses deux médecins traitant ne mentionnaient pas d’incapacité de travail. Il était en bonne santé, « mais demandait, avec le soutien de deux médecins, l’accomplissement d’une partie de son travail en télétravail ». Il subissait un préjudice irréparable car il « ne souhaitait pas être reclassé dans un autre poste ».

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             L’objet du litige porte sur la décision incidente d’ouverture d’une procédure de reclassement.

2.1 Selon l'art. 57 let. c in initio LPA, les décisions incidentes peuvent faire l'objet d'un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable. Selon la même disposition in fine, elles peuvent également faire l'objet d'un tel recours si cela conduisait immédiatement à une solution qui éviterait une procédure probatoire longue et coûteuse.

2.2 L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Le préjudice irréparable visé par l’art. 93 al. 1 let. a et b LTF suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 138 III 46 consid. 1.2). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant. Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice. Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable. Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 147 III 159 consid. 4.1 ; 142 III 798 consid. 2.2).

2.3 La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c ; cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive : Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

2.4 Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1622/2017 précité consid. 4d ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d).

2.5 La seconde hypothèse de l’art. 57 let. c LPA suppose cumulativement que l’instance saisie puisse mettre fin une fois pour toutes à la procédure en jugeant différemment la question tranchée dans la décision préjudicielle ou incidente et que la décision finale immédiate qui pourrait ainsi être rendue permette d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (ATF 133 III 629 consid. 2.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_413/2018 du 26 septembre 2018 consid. 3).

2.6 Dans sa jurisprudence rendue avant 2017, la chambre de céans a en général nié l'existence d'un préjudice irréparable en cas d'ouverture d'une procédure de reclassement, une telle décision étant au contraire destinée, dans l’hypothèse où le reclassement aboutirait, à éviter ou à atténuer les effets de la décision de licencier envisagée (pour une casuistique : ATA/821/2021 du 9 août 2023 consid. 2.6).

Le Tribunal fédéral a néanmoins admis l'existence d'un préjudice irréparable dans un cas genevois, dans lequel le recourant n'avait eu d'autre choix que d'accepter une rétrogradation comme alternative à son licenciement, nouvelle affectation qui ne découlait toutefois pas d'un agrément passé entre lui et son employeur, mais des particularités propres à sa situation personnelle qui rendaient en pratique illusoire toute perspective réelle de réinsertion professionnelle en cas de licenciement. L'irrecevabilité prononcée revenait de facto à priver le recourant de la possibilité de contester devant l'autorité de recours les motifs qui avaient conduit à son changement d'affectation (au sens de l'art. 12 al. 3 LPAC). Le recourant ne pouvait en définitive les contester que s'il provoquait la résiliation de ses rapports de service, en s'opposant d'emblée à tout reclassement, ou en cas d'échec d'un reclassement. Or, déjà au moment du prononcé de la décision incidente, il apparaissait évident que le recourant n'avait guère d'autre choix que d'accepter toute mesure qui lui serait proposée comme alternative à son licenciement, en dépit de l'important déclassement professionnel, personnel et salarial que cela impliquerait. Du moment qu'il ne pouvait pas faire contrôler par le juge la réalité d'un motif fondé de résiliation des rapports de service au sens des art. 22 LPAC et 46A RPAC sans renoncer du même coup à un reclassement, le recourant subissait un préjudice irréparable, qu'il soit d'ordre juridique ou à tout le moins de fait. L'acceptation de la proposition de reclassement par le recourant n'était finalement pas susceptible de supprimer l'intérêt actuel juridique ou pratique au traitement de son recours, le recourant persistant en effet à contester les motifs de l'ouverture de la procédure de reclassement et à demander sa réintégration dans sa fonction précédente (ATF 143 I 344 consid. 7 et 9).

Depuis lors, dans un cas, la chambre de céans a admis la recevabilité d'un recours interjeté contre une décision d'ouverture d'une procédure de reclassement (ATA/37/2022 du 18 janvier 2022 consid. 2b). La décision litigieuse retenait que l’inaptitude totale de travail du recourant justifiait l’ouverture de la procédure de reclassement ; or, si la question du bien-fondé de l’inaptitude retenue, qui n’avait pas été établie dans le respect des règles applicables à une telle situation, ne pouvait pas être examinée à cette occasion, le recourant s’exposerait à un préjudice difficilement réparable, dès lors que l’ensemble de la procédure suivie alors différerait considérablement de celle qui serait conduite si son aptitude, même partielle, était reconnue. Partant, il y avait lieu, dans ces circonstances particulières, d’entrer en matière sur son recours.

Dans d'autres cas, la chambre administrative a déclaré les recours sans objet ou irrecevables parce que la décision au fond avait été rendue dans l'intervalle (ATA/1356/2021 du 14 décembre 2021 consid. 2 et les arrêts cités), ou a laissé la question de la recevabilité ouverte (ATA/1260/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2c).

3.              

3.1 En vertu de l'art. 21 al. 3 LPAC, l'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de l'insuffisance des prestations (art. 22 let. a LPAC), l'inaptitude à remplir les exigences du poste (art. 22 let. b LPAC), la disparition durable d'un motif d'engagement (art. 22 let. c LPAC).

3.2 Il y a motif fondé au sens de l'art. 22 LPAC, lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de : l'insuffisance des prestations (let. a) ; l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) ; la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c). Le motif fondé, au sens de l'art. 22 LPAC, n'implique pas l'obligation pour l'employeur de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu'elle n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration (ATA/856/2020 du 8 septembre 2020 consid. 6b). L'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel (ATA/493/2021 du 11 mai 2021 consid. 7a ; Mémorial du Grand Conseil 2005-2006/XI A 10420). Le premier cas de figure visé par la loi est aisé à saisir. Le second concerne par exemple un collaborateur incapable de s'adapter à un changement dans la manière d'exécuter sa tâche. Il en va ainsi de collaborateurs incapables de se former à de nouveaux outils informatiques. Le troisième cas concerne par exemple des collaborateurs frappés d'invalidité et, dès lors, durablement incapables de travailler (Rapport de la commission ad hoc sur le personnel de l'État chargée d'étudier le projet de loi modifiant la LPAC du 29 septembre 2015, PL 7'526-F, p. 3).

Au vu de la diversité des agissements susceptibles de constituer une violation des devoirs de service, le Tribunal fédéral admet le recours par le législateur cantonal genevois à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 du 26 juin 2020 consid. 4.2.2 et les références citées).

Selon le Tribunal fédéral, la violation fautive des devoirs de service n'exclut pas le prononcé d'un licenciement administratif (soit, pour le canton de Genève, le licenciement pour motif fondé comme dans le cas d’espèce au sens des art. 21 al. 3 et 22 LPAC). Si le principe même d'une collaboration ultérieure est remis en cause par une faute disciplinaire de manière à rendre inacceptable une continuation du rapport de service, un simple licenciement, dont les conséquences sont moins graves pour la personne concernée, peut être décidé à la place de la révocation disciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5).

3.3 Selon la jurisprudence, les motifs fondés de renvoi des fonctionnaires ou d'employés de l'État peuvent procéder de toutes circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite des rapports de service, même en l'absence de faute. De toute nature, ils peuvent relever d'événements ou de circonstances que l'intéressé ne pouvait éviter, ou au contraire d'activités, de comportements ou de situations qui lui sont imputables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_585/2014 du 29 mai 2015 consid. 5.2).

Des manquements dans le comportement de l'employé ne peuvent constituer un motif de licenciement que lorsqu'ils sont reconnaissables également pour des tiers. Il faut que le comportement de l'employé perturbe le bon fonctionnement de l'entreprise ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-897/2012 du 13 août 2012 consid. 6.3.2 ; ATA/493/2021 du 11 mai 2021 consid. 7b et les références citées ; Valérie DÉFAGO GAUDIN, Conflits et fonction publique : instruments, in Jean-Philippe DUNAND/Pascal MAHON [éd.], Conflits au travail, 2015, pp. 161-162).

S'agissant des devoirs du personnel, les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC). L'art. 21 RPAC prévoit que les membres du personnel se doivent, par leur attitude, d’entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés, de permettre et faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a), ainsi que d'établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public (let. b). Les membres du personnel se doivent, par leur attitude, de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (let. c). Quant à l'exécution du travail, ils se doivent notamment de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 RPAC). Le fonctionnaire doit s'acquitter de sa tâche, dans la mesure qui correspond à ses fonctions, en respectant notamment la légalité et l'intérêt public. Le fonctionnaire doit par ailleurs veiller à la conformité au droit de ses actes ; il lui appartient d'informer ses supérieurs des problèmes qui pourraient se poser et des éventuelles améliorations à apporter au service (Pierre MOOR/François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, Droit administratif, vol. III, 2e éd., 2018, n° 7.3.3.1).

3.4 L'employeur jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration. Les rapports de service étant soumis au droit public (ATA/1343/2015 du 15 décembre 2015 consid. 8 ; ATA/82/2014 du 12 février 2014 consid. 11 et les références citées), la résiliation est en outre assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité (art. 5 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), de l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.) et de la proportionnalité (art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst. ; ATA/993/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4e ; ATA/562/2020 du 9 juin 2020 consid. 6e et les références citées).

3.5 Préalablement à la décision de résiliation, l'autorité compétente est tenue de proposer au fonctionnaire qu'elle entend licencier des mesures de développement et de réinsertion professionnelle et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé (art. 21 al. 3 LPAC).

La procédure de reclassement est réglée à l’art. 46A RPAC, qui prévoit que lorsque les éléments constitutifs d’un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d’entretiens de service, un reclassement selon l’art. 21 al. 3 LPAC est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d’une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (al. 1). Des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement sont proposées (al. 2). L’intéressé est tenu de collaborer. Il peut faire des suggestions (al. 3). En cas de refus, d’échec ou d’absence du reclassement, une décision motivée de résiliation des rapports de service pour motif fondé intervient (al. 6).

3.6 En l’espèce, se fondant sur l’ATF 143 I 344, le recourant fait valoir qu’un recours doit être ouvert déjà au stade de la décision d’ouverture de la procédure de reclassement. À l’inverse, l’intimé considère que, contrairement au cas précité, le sort de la procédure de reclassement n’est pas connu, de sorte qu’il ne peut ainsi être prétendu que le recourant serait contraint de refuser une proposition de reclassement pour obtenir une décision finale susceptible de recours, en violation de la garantie de l’accès au juge.

S'agissant de la question de la recevabilité du recours, l'on ne se trouve en l'espèce ni dans le cas jugé par le Tribunal fédéral (acceptation d'un poste dans le cadre de la procédure de reclassement), dans lequel un préjudice irréparable est donné, ni dans celui où le licenciement est prononcé, ce qui rendrait le recours sans objet.

La procédure de reclassement a été ouverte par décision du 2 juin 2023. Dans ses écritures sur effet suspensif du 26 juin 2023, le département indique que la procédure de reclassement n’en était qu’à ses débuts et que l’on ignorait quelle en serait l’issue. Dans sa réponse au fond, l’autorité intimée a précisé que le recourant n’avait pour l’instant pas reçu une offre concrète de reclassement dans un poste nettement moins rémunéré que son poste actuel. Le recourant ne l’a pas contesté dans sa réplique, n’a donné aucune indication sur l’état d’avancement de la procédure ni produit de pièces y relatives. Il ne démontre notamment pas qu’il se trouverait dans la situation de l’ATF 143 I 344, soit que déjà au moment du prononcé de la décision incidente, il apparait évident que le recourant n'a guère d'autre choix que d'accepter toute mesure qui lui serait proposée comme alternative à son licenciement, en dépit de l'important déclassement professionnel, personnel et salarial que cela impliquerait, le fait qu’il soit âgé de 53 ans au moment de la décision ne suffisant pas.

Le recourant admet qu’il ne dispose pour l’instant pas de perspectives de reclassement concrètes, ni a fortiori que celui-ci pourrait être à son désavantage. Il ne peut donc être établi qu’il subirait un préjudice irréparable du fait de la procédure en cours. Dans l’hypothèse où celle-ci n’aboutirait pas, la réalisation du motif fondé invoqué par l’intimé serait examinée dans le cadre d’un éventuel recours contre la décision de licenciement.

En ces circonstances, lesquelles se distinguent du cas concerné par l’ATF 143 I 344, le recours doit être déclaré irrecevable.

Le recours étant fondé sur l’art. 22 let. b LPAC, la jurisprudence sur la disparition durable d’un motif d’engagement au sens de l’art. 22 let. c et l’application de l’art. 26 LPAC (ATA/37/2022 du 18 janvier 2022) n’est en l’état pas pertinente. Le recourant a par ailleurs soutenu dans sa réplique être capable de travailler, faisant état d’un différend quant au télétravail.

3.7 Quant à la seconde hypothèse de l'art. 57 let. c LPA, à savoir la venue à chef immédiate d'une décision finale susceptible d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse, elle n'est pas davantage réalisée. L'admission du recours ne serait pas susceptible de mettre fin à la procédure administrative en cours ouverte par l'annonce du chef du département qu'il envisageait de résilier les rapports de service le liant au recourant.

Le recours sera en conséquence déclaré irrecevable.

3.8 Le prononcé du présent arrêt rend sans objet la requête en restitution de l’effet suspensif.

4.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87
al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 13 juin 2023 par A______ contre la décision du département du territoire du 2 juin 2023 ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé, s’il est formé avant le 1er juillet 2023 au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, s’il est formé dès le 1er juillet 2023 au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Virginie JAQUIERY, avocate du recourant, ainsi qu'au département du territoire.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :