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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2044/2023

ATA/796/2023 du 21.07.2023 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2044/2023-FPUBL ATA/796/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 21 juillet 2023

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par le Syndicat SIT, soit pour lui Madame Sarah GAJARDO, juriste

contre

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE intimés
représentés par Me Marc HOCHMANN FAVRE, avocat

 



Vu en fait :

la décision de résiliation des rapports de services pour motifs fondés des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) du 12 mai 2023 rendue à l’endroit de A______ avec effet au 31 août 2023 (repoussé au 30 septembre 2023 en raison d’un congé maladie), décision déclarée exécutoire nonobstant recours ;

le recours expédié le 16 juin 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative) par A______ aux termes duquel il a conclu à ce que soit ordonnée la restitution de l’effet suspensif au recours et au fond, principalement, à la nullité de cette décision, subsidiairement à l’absence de motif fondé à la résiliation, plus subsidiairement à ce qu’il soit constaté qu’elle était contraire au droit, et à ce qu’il soit dit que les rapports de services se prolongeraient au-delà du 31 août 2023, à ce que sa réintégration dans ses fonctions dès le 1er septembre 2023 soit ordonnée, subsidiairement proposée, et au renvoi du dossier aux HUG pour qu’ils ordonnent l’ouverture d’une enquête administrative ; en cas de refus de réintégration, il a conclu à la condamnation des HUG à lui verser une indemnité correspondant à 24 mois de son dernier traitement, plus intérêts à 5% l’an dès le 1er septembre 2023 ;

que A______ a exposé avoir fonctionné comme auxiliaire B______ à compter de l’automne 2001, d’abord comme auxiliaire, à temps partiel, puis à 100%, avant d’être engagé par contrat de durée indéterminée en cette qualité le 1er avril 2003 ; qu’il avait été nommé fonctionnaire par arrêté du 31 août 2004 en qualité de B______ au département de médecine communautaire, centre d’accueil et d’urgence des HUG ; que, dans le cadre d’une intervention du 17 octobre 2022 dans la soirée, il avait dû intervenir avec la cheffe de clinique de pédiatrie et le chef de clinique des urgences, alors de garde, à domicile, auprès d’un enfant de 5 ans s’étant plaint de douleurs abdominales aiguës, ayant fait un malaise, puis cessé de respirer ; qu’avant leur arrivée sur place, tous trois avaient reçu l’information que l’enfant se trouvait en arrêt cardiaque respiratoire ; qu’à leur arrivée sur place, deux ambulanciers procédaient à la réanimation de l’enfant ; que la possibilité de le ventiler par masque laryngé comme alternative à l’intubation avait été écartée au vu des importantes secrétions qu’il aurait fallu aspirer ; que l’ambulancière de référence avait demandé aux deux médecins présents de procéder à cet acte, mais que tous deux avaient refusé pour la raison qu’ils n’étaient pas en mesure de le faire ; que l’équipe sur place ignorait à quel moment le médecin cadre arriverait sur les lieux ; que, compte tenu du pronostic vital engagé de l’enfant, de l’état de stress de l’équipe et du refus des deux médecins d’effectuer l’intubation, il avait procédé à ce geste sous la supervision de ces derniers, ce qui aurait
peut-être pu sauver l’enfant ; qu’il n’avait pas l’habilitation d’effectuer l’intubation en question, mais en avait déjà réalisé environ une quinzaine réelles sur adultes et plusieurs centaines en simulation adultes et enfants ; qu’il avait aussi suivi le cours PALS (pédiatric advanced life support) en 2022 où il avait été mis dans des situations similaires à celle de l’intervention du 17 octobre 2022 ; que la médecin cadre était arrivée sur place quelques minutes après, qu’il avait effectué l’intubation et avait changé le tube à deux reprises ; que les secours professionnels étaient restés sur place durant 34 minutes ; que l’enfant était décédé le soir-même au service d’accueil et d’urgences pédiatriques ;

que la nécessité et l’urgence de l’intubation n’avaient pas été remises en cause par les intervenants et qu’il ressortait du dossier que son indication était indispensable ; que les HUG ne pouvaient sans autre instruction retenir sans autres mesures qu’il ne se justifiait pas de procéder à cet acte ; qu’il n’avait eu aucun intérêt à procéder lui-même à un tel acte si ce n’était celui de sortir d’une situation de blocage et partant donner une chance de survie à l’enfant ;

qu’il avait été suspendu dès le 20 octobre 2022 alors qu’aucune enquête administrative, pourtant nécessaire pour établir les faits de manière exacte, n’avait été diligentée pour ensuite être licencié sans autres mesures d’instruction, ce qui violait gravement son droit d’être entendu ;

que la décision attaquée était arbitraire dans la mesure où les HUG avaient instruit les faits uniquement à charge et qu’ils faisaient abstraction de son parcours exemplaire depuis
22 ans ; qu’il était impossible à ce stade de considérer que la décision de résiliation des rapports de services reposait sur un quelconque motif fondé ; que la situation du 17 octobre 2022 avait mis les HUG dans une situation délicate et qu’il était bien plus facile de se débarrasser du problème en rendant la décision attaquée, plutôt que d’entreprendre une procédure disciplinaire plus longue, mais aussi plus approfondie ;

que la décision querellée était déclarée exécutoire nonobstant recours sans aucune justification ; qu’il se voyait contraint de quitter soudainement son poste après 22 ans de bons et loyaux services, ce qui avait notamment pour conséquence de lui causer un dommage réputationnel ; que les chances de succès du recours étaient manifestes et que son intérêt privé devait l’emporter sur l’intérêt public des HUG ;

vu la réponse sur effet suspensif des HUG du 29 juin 2023 aux termes de laquelle ils ont conclu au rejet de la demande ; que le recourant ne démontrait pas que ses intérêts seraient gravement menacés si la restitution de l’effet suspensif était refusée ; que les chances de succès du recours n’étaient pas « manifestes » ; qu’il n’était pas sûr que le recourant serait en mesure de restituer aux HUG les traitements versés si l’effet suspensif était accordé ; que son intérêt à percevoir son traitement devait céder le pas sur l’intérêt public à la préservation des finances des HUG ; que le recourant ne pouvait, en se prévalant de la restitution de l’effet suspensif, solliciter de continuer à travailler, si tant était qu’il recouvrirait sa capacité de travail, pendant la durée de la procédure, ce qui équivaudrait à anticiper sur le résultat de la procédure au fond ;

vu la renonciation du recourant du 11 juillet 2023 à répliquer sur effet suspensif ;

vu l’information donnée aux parties le 12 juillet 2023 que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit  :

que l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par une juge ;

que l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) qui prévoit que, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/795/2021 du 4 août 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020) ;

qu’elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que lors de l'octroi ou du retrait de l'effet suspensif, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que, selon l’art 21 al. 3 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), l'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé ; elle motive sa décision ; elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé. Les modalités sont fixées à l’art. 46A RPAC ;

que, selon l’art. 22 LPAC, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de : l'insuffisance des prestations (let. a), l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) et la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c) ;

que l'employeur jouissant d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités), les chances de succès du recours n’apparaissent de prime abord pas évidentes ;

qu’en l'espèce, si le recourant devait obtenir gain de cause sur la question de l'existence d'un motif fondé de licenciement, sa réintégration serait obligatoirement ordonnée par la chambre de céans (art. 31 al. 2 LPAC ; ATA/348/2019 du 2 avril 2019 consid. 7) ;

que devant la chambre de céans, le recourant se plaint de ce que l’autorité intimée s’est contentée de prononcer, sans aucune motivation, le caractère exécutoire de la décision, alors qu’en principe les décisions ont effet suspensif. Il ressort toutefois de la décision entreprise que le retrait de l’effet suspensif est motivé par l’intérêt public prépondérant à son exécution immédiate. L’intimé a ainsi appliqué la jurisprudence constante de la chambre administrative, rendue en matière de résiliation des rapports de service, selon laquelle l'intérêt public à la préservation des finances de l’État est important et prime l’intérêt financier du recourant à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/227/2023 du 7 mars 2023 ; ATA/466/2021 du 28 avril 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/1559/2019 du 21 octobre 2019) ;

que le recourant ne se plaint pas de ce que la décision le prive de tout revenu à compter du 1er octobre 2023 ni a fortiori démontre en quoi la décision entreprise lui causerait un dommage difficile à réparer. Il ne prétend en particulier pas qu’il n’aurait pas droit aux indemnités de chômage. La chambre de céans relève au demeurant que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un employé rétabli dans son statut de fonctionnaire a droit au paiement du salaire qui aurait été dû si les rapports de service n'avaient jamais cessé (arrêts du Tribunal fédéral 8C_635/2021 du 13 janvier 2022 consid. 6.3 ; 8C_546/2020 du 25 janvier 2021 consid. 6) ;

quant à l'atteinte à sa réputation, force est de rappeler la jurisprudence de la chambre de céans, selon laquelle un dommage psychologique ou d'image résultant du fait de la libération de travailler, de la suspension provisoire ou de la résiliation des rapports de service ne saurait à lui seul justifier la réintégration à titre provisoire (ATA/663/2018 du 26 juin 2018 consid.4b ; ATA/443/2016 du 26 mai 2016 consid. 6 ; ATA/1383/2015 du 23 décembre 2015 consid. 2) ;

que la seule référence à l’intérêt privé du recourant, sans autre développement, qui devrait l’emporter sur l’intérêt public des HUG, ne suffit pas à justifier une réintégration immédiate ;

qu’enfin, et sans préjudice de l’examen au fond, les chances de succès du recours ne paraissent pas à ce point manifestes qu’elles justifieraient à elles seules la restitution de l’effet suspensif ;

que la requête de restitution de l’effet suspensif sera, partant, rejetée ;

qu’il sera statué ultérieurement sur les frais du présent incident.

 

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête d’effet suspensif ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal-Fédéral 29, 1005 Lausanne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision au Syndicat SIT, représentant A______ ainsi qu'à Me Marc HOCHMANN FAVRE, avocat des Hôpitaux universitaires de Genève.

Au nom de la chambre administrative :

La présidente :

Valérie LAUBER

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :