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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/431/2023

ATA/227/2023 du 07.03.2023 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/431/2023-FPUBL ATA/227/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 7 mars 2023

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Laurent Lehner, avocat

contre

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE
représentés par Mes Anne Meier et Amel Benkara, avocat



Vu en fait la décision des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) du 27 janvier 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, par laquelle les rapports de travail avec Madame A______ ont été résiliés pour le 12 février 2023 ;

vu le recours interjeté le 27 janvier 2023 contre cette décision par Mme A______ devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), au terme duquel elle a conclu à la restitution de l’effet suspensif, et, au fond, à l’annulation de ladite décision et au maintien des rapports de service, subsidiairement à ce que sa réintégration soit ordonnée au poste d’infirmière diplômée au sein des HUG ;

qu’elle allègue au fond que la décision de résiliation des rapports de service violait l’exigence de motivation et était abusive, dès lors qu’elle consacrait une violation crasse de sa personnalité, de même que du devoir de protection incombant aux HUG ; aucun motif ne fondait cette résiliation, si ce n’était le fait qu’elle était diabétique et souffrait d’une insuffisance rénale ; ces motifs devraient pousser les HUG, en vertu de leur devoir de protection, à veiller à la protection de sa santé en lui permettant d’exercer son activité conformément à son cahier des charges et non pas à résilier les rapports de service ; partant, le principe de proportionnalité avait manifestement été violé ;

que l’on voyait mal quel intérêt public ou prépondérant pourrait s’opposer à la restitution de l’effet suspensif ; il n’y avait en particulier aucune mise en danger grave et imminente d’intérêts publics importants ; à l’inverse, il ne faisait nul doute que ses intérêts étaient gravement menacés, qu’ils aient trait à la considération personnelle et au respect de sa personnalité, au droit de poursuivre l’acquisition des connaissances en qualité d’infirmière diplômée, à la poursuite de sa carrière professionnelle, à son droit au salaire, au fait d’être sanctionnée par le chômage en raison du licenciement intervenu du chef de l’employeur, à l’impossibilité de toucher des indemnités de chômage au vu du bref délai de congé durant le temps d’essai ; le maintien des rapports de service pendant la procédure n’entraînerait aucune conséquence dommageable pour les HUG ; dans la mesure où la chambre administrative était autorisée à ordonner la réintégration, si elle retenait que la résiliation était contraire au droit, elle n’outrepasserait pas ses droits en restituant l’effet suspensif jusqu’à droit jugé ; faute de restitution de l’effet suspensif, un préjudice difficilement réparable lui serait inévitablement causé, puisqu’elle serait notamment privée de la possibilité de travailler et de percevoir une rémunération dès le 12 février 2023 ; le résultat de la pesée des intérêts était « limpide » : son intérêt au maintien des rapports de service l’emportait sans conteste possible sur celui d’une exécution immédiate de la décision attaquée ;

que les HUG ont conclu, le 21 février 2023, au rejet de la requête en restitution de l’effet suspensif ; dans la mesure où Mme A______ était employée et non pas fonctionnaire, la chambre administrative ne pouvait que proposer sa réintégration, à laquelle ils s’opposaient, si la résiliation devait être jugée contraire au droit ; dans la mesure où elle était en période probatoire, la présence d’un motif fondé n’était pas nécessaire pour la licencier ; en sa qualité d’infirmière, la recourante devait exercer ses fonctions au sein du service des mesures institutionnelles, dont la mission principale était de prendre en charge les mesures psychiatriques institutionnelles en milieu ouvert et fermé et d’exercer un contrôle de qualité sur le déroulement des suivis ambulatoires ; pour des considérations sécuritaires et organisationnelles liées à son état de santé, qui seraient développées dans les observations au fond, les HUG avaient décidé de résilier les rapports de service durant le temps d’essai ; une restitution de l’effet suspensif permettrait à la recourante de réintégrer son poste, qu’elle n’occupait plus depuis le 12 février 2023, et serait contraire au droit, puisqu’elle irait au-delà des compétences dont jouissait la chambre administrative sur le fond ; de jurisprudence constante, cette instance retenait que l’intérêt privé de la recourante à conserver le revenu relatif au maintien des rapports de service devait céder le pas à l’intérêt public à la préservation des finances de l’État ;

que, dans une réplique du 3 mars 2023, Mme A______ a relevé que la restitution de l’effet suspensif aurait matériellement pour seule conséquence de lui permettre de percevoir son salaire, ce qui n’anticiperait donc pas la décision sur le fond qui trancherait la question de sa réintégration ; les HUG ne démontraient pas qu’elle serait indigente et ne serait pas en mesure de restituer l’éventuel salaire perçu dans l’hypothèse où la décision de résiliation serait confirmée ; la restitution de l’effet suspensif ne préjugerait en rien l’issue du litige ni ne créerait de situation de fait quasi irréversible ; la rémunération de son activité, étant relevé que la qualité de son travail n’avait jamais été remise en question, ne saurait péjorer les finances de l’État, « bien au contraire », puisque dans l’hypothèse où les rapports de service ne seraient pas maintenus, l’assurance-chômage devrait lui verser des indemnités sans aucune contreprestation de sa part ;

que les parties ont été informées, le 6 mars 2023, que la cause était gardée à juger sur la question de l’effet suspensif ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge ;

qu'aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que, selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles, dont fait partie la restitution et le retrait de l'effet suspensif, ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/795/2021 du 4 août 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020) ;

qu'elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que, lors de l'octroi ou du retrait de l'effet suspensif, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

qu'en l'espèce, l’objet de la procédure consiste à déterminer si le licenciement est fondé ;

que la recourante, engagée le 1er décembre 2022, était en période probatoire au moment de son licenciement, ce qu’elle ne remet pas en cause  ;

qu’après le temps d’essai et pendant la première année d’activité, le délai de résiliation est d’un mois pour la fin d’un mois (art. 20 al. 2 loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 - LPAC - B 5 05) ; pendant le temps d'essai et la période probatoire, chacune des parties peut mettre fin aux rapports de service; le membre du personnel n'ayant pas qualité de fonctionnaire est entendu par l'autorité compétente; il peut demander que le motif de résiliation lui soit communiqué (art. 21 al. 1 LPAC) ;

que, contrairement aux fonctionnaires qui ne peuvent être licenciés qu'en présence d'un motif objectivement fondé, dûment constaté, démontrant que la poursuite des rapports de service est rendue difficile en raison de l'insuffisance des prestations, du manquement grave ou répété aux devoirs de service ou de l'inaptitude à remplir les exigences du poste, la présence d'un motif fondé n'est pas nécessaire pour licencier un employé (art. 21 al. 3 et 22 LPAC a contrario) ; que l'administration doit jauger, au vu des prestations fournies par l'employé et du comportement adopté par celui-ci pendant la période probatoire, les chances de succès de la collaboration future et pouvoir y mettre fin si nécessaire avant la nomination s'il s'avère que l'engagement à long terme de l'agent public ne répondra pas aux besoins du service. Elle dispose dans ce cadre d'un très large pouvoir d'appréciation quant à l'opportunité de la poursuite des rapports de service. Dans sa prise de décision, elle reste néanmoins tenue au respect des principes et droits constitutionnels, notamment celui de la légalité, de la proportionnalité, de l'interdiction de l'arbitraire et du droit d'être entendu (ATA/653/2020 du 7 juillet 2020 consid. 6; ATA/1784/2019 du 10 décembre 2019 consid. 5b ; ATA/115/2016 précité et les arrêts cités). Le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limite à la violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, de sorte qu'elle ne peut pas revoir l'opportunité de la décision litigieuse (art. 61 al. 1 et 2 LPA) ;

qu’il ressort du dossier que la recourante a été convoquée par sa hiérarchie le 27 janvier 2023 dans l’après-midi, à la suite de la réception d’un certificat médical d’aptitude au travail transmis par le service de santé au travail, qui ne figure pas encore au dossier ; la recourante indique qu’elle s’est alors vue notifier la résiliation des rapports de service au seul motif qu’elle ne pourrait, prétendument, pas exercer de veilles de nuit ; que la recourante soutient que son état de santé ne l’empêcherait en rien d’exercer sa profession « avec talent », produisant notamment des certificats médicaux ultérieurs à la décision entreprise attestant de son aptitude à effectuer des horaires de nuit ;

qu’elle évoque une violation de sa personnalité ;

que la recourante ne décrit pas le préjudice que lui porterait l’absence de restitution de l’effet suspensif, au-delà du fait de pouvoir être sanctionnée par le chômage et de ne pas pouvoir exercer comme infirmière ;

que, de jurisprudence constante, l'intérêt public à la préservation des finances de l’État est important et prime l’intérêt financier du recourant à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/466/2021 du 28 avril 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020; ATA/1559/2019 du 21 octobre 2019);

qu’au vu des pièces actuellement au dossier, étant rappelé que la résiliation est intervenue durant la période probatoire, alors que la recourante avait le statut d’employée, les chances de succès du recours ne paraissent pas d’emblée manifestes au point de justifier la restitution de l’effet suspensif ou l’octroi de mesures provisionnelles ;

qu’au vu de ce qui précède, la requête de restitution dudit effet sera rejetée ;

qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec la décision sur le fond ;

que la valeur du litige excède les CHF 15'000.-.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de restitution de l’effet suspensif et demande de mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

 

 

communique la présente décision à Me Laurent Lehner, avocat de la recourante, ainsi qu'à Mes Anne Meier et Amel Bankara, avocates des Hôpitaux universitaires de Genève.

 

 

La présidente :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :