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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/599/2023

ATA/307/2023 du 27.03.2023 ( ANIM ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/599/2023-ANIM ATA/307/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 27 mars 2023

sur mesures provisionnelles

dans la cause

 

Madame A______

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES



Vu la décision du service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV) du 18 janvier 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, prononçant le séquestre définitif du cacatoès à huppe jaune, soit un psittacidé de grande taille, mâle, né le ______2018, nommé B______, bague n° 1______, détenu par Madame A______, interdisant à cette dernière de détenir tous oiseaux pour une durée de cinq ans, y compris ceux appartenant à des tiers, l’informant que toute demande d’acquisition d’un nouvel oiseau devra faire l’objet d’une autorisation pour une durée indéterminée, que tout animal qu’elle détiendrait en non-respect de cette décision serait séquestré immédiatement et à titre définitif, les frais relatifs étant portés à sa charge, l’informant qu’un rapport serait transmis au Ministère public pour suite pénale à donner, lui imputant tous les émoluments et frais inhérents au séquestre, soit notamment de garde du cacatoès, de transport ainsi que les éventuels frais vétérinaires et de mise en conformité administrative ;

qu’il ressort en substance de la décision que le SCAV avait été informé, le 7 janvier 2020, que Mme A______ détenait ce cacatoès sans l’autorisation requise et de manière individuelle ; que si la détentrice avait, le 17 juin 2020, adressé le certificat de formation théorique sur les perroquets requis, elle n’avait pas effectué le stage pratique demandé ; qu’elle s’était vu délivrer une autorisation provisoire expirant le 31 mars 2022 comportant des charges, notamment l’obligation d’introduction d’un deuxième psittacidé avant le 31 décembre 2020, de même que l’obligation d’accomplissement du stage pratique avec ce même délai, de même que l’obligation de respecter les exigences de l’ordonnance sur la protection des animaux du 23 avril 2008 (OPAn - RS 455.1) quant aux infrastructures d’hébergement du cacatoès ; que dès le 26 avril 2022, le SCAV s’est inquiété de savoir si Mme A______ respectait ces exigences, un délai exceptionnel, tenant compte de la situation de pandémie de COVID 19, avait été fixé au 31 août 2022 à cette dernière pour effectuer la formation pratique, finalement suivie au 28 novembre 2022 ; qu’à cette date, elle avait informé le SCAV qu’elle ferait l’acquisition d’un deuxième psittacidé dans les sept jours suivants, ce qui n’était pas le cas lors de la visite sur place des inspecteurs le 14 décembre 2022 ; qu’à cette occasion, il avait été constaté que le cacatoès était toujours détenu de manière individuelle, dans une cage aux mensurations de 60 × 80 × 90 cm (soit bien en deçà des 30 m³ requis) et dans un état de santé s’étant dégradé, le cacatoès étant fortement déplumé au niveau de la gorge, la poitrine, la nuque, l’intérieur des ailes et des pattes, de sorte que la peau était à nu ;

qu’en conséquence, le SCAV avait procédé au séquestre préventif de l’animal le 16 décembre 2022, confirmé par décision administrative du 21 décembre 2022 ;

que lors de son audition devant le SCAV du 5 janvier 2023, Mme A______ a reconnu ces faits, indiqué être la seule personne à s’occuper du cacatoès, le nourrir avec une mixture pour oiseaux ainsi qu’avec des restes de repas, changer la gamelle d’eau une fois par jour et veiller à la présence de sable, nécessaire à la digestion, laisser le cacatoès en liberté la journée en sa présence et ne l’enfermer dans la cage que la nuit ; que l’animal se déplumait depuis environ 18 mois ; qu’elle avait consulté une fois un vétérinaire à ce sujet et fait ses propres recherches ; qu’elle avait constaté une amélioration de cette problématique ; qu’elle n’avait pas pu acquérir un deuxième psittacidé en raison d’un enfant en situation de handicap ne pouvant être laissé seul ; qu’elle n’était pas d’accord avec le fait que les conditions de détention mettaient gravement en péril la santé et le bien-être du cacatoès qu’elle voulait récupérer ;

que selon un rapport vétérinaire reçu par le SCAV le 16 janvier 2023, le cacatoès présentait une peau sèche et abîmée, des plumes grignotées, rongées, arrachées et endommagées au niveau de la poitrine, des pattes et du dessus des ailes en raison de leur piquage, évocateurs d’un trouble comportemental résultant de plusieurs mois, voire années de conditions de détention inadéquates comme la solitude, l’ennui, le manque d’exercice ou une nourriture inadaptée ; qu’un pronostic d’amélioration était réservé ;

vu le recours expédié par Mme A______ le 6 février 2023 au SCAV et parvenu à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 22 février 2023, aux termes duquel elle a contesté la décision du 18 janvier 2023 ; qu’après avoir su qu’il fallait un permis de détenteur pour cacatoès, elle avait obtenu un diplôme avec une note de mérite ; qu’elle était de plus un membre actif et officiel de la société internationale des professionnels des animaux ; que lors de la deuxième visite des inspecteurs, les locaux avaient été approuvés verbalement, puisque le cacatoès n’utilisait sa cage que pour dormir et prendre son petit déjeuner, pouvant le reste du temps se déplacer dans toute la maison ; que dans la mesure où le cacatoès ne s’était jamais trouvé avec d’autres oiseaux, il pourrait tuer un intrus ; que le bien-être physique et mental de son oiseau était de la plus haute importance pour elle-même et ses enfants ; qu’il était connu que son épilation avait peut-être commencé à cause des changements hormonaux ; que son état s’était amélioré ; qu’il se douchait souvent avec elle pour apporter un peu plus d’humidité à ses plumes, en sus de l’humidificateur disposé à côté de sa cage ; que se trouvant dans une situation familiale et financière un peu difficile, elle avait essayé de trouver des solutions ; que le Bioparc avait refusé de prendre soin du cacatoès jusqu’à ce que cette situation se stabilise ; que lorsqu’elle avait trouvé un oiseau « potentiellement convenable » à Berne, les horaires proposés par le vendeur ne lui avaient pas convenu ; que la décision du SCAV était totalement injuste, inhumaine ; que la situation décrite ne correspondait pas à la réalité ; qu’elle ne s’opposait pas au fait que son cacatoès soit emmené au Bioparc, « au contraire », mais voulait le récupérer « éventuellement » une fois que sa situation serait claire ; qu’elle suggérait que la décision soit modifiée dans le sens où le séquestre devait être temporaire, soit uniquement jusqu’à ce qu’elle soit en mesure de prendre soin du cacatoès et des « autres oiseaux de la maison », que l’interdiction de détenir un tel animal soit supprimée et que le rapport au Ministère public soit basé sur une nouvelle décision ; elle souhaitait pouvoir rendre visite au cacatoès de temps en temps ;

que le SCAV, sur mesures provisionnelles, a, le 1er mars 2023, conclu à la confirmation que le cacatoès reste en ses mains et ne soit pas donné, vendu ou mis à mort jusqu’à droit connu sur le fond ; que l’interdiction de détenir des animaux serait traitée de pair avec la question du séquestre définitif dans la réponse sur le fond, étant noté que Mme A______ ne s’opposait pas au placement à titre temporaire de son cacatoès ;

que Mme A______ ne s’est pas manifestée dans le délai imparti pour déposer une éventuelle réplique ;

que les parties ont été informées, le 22 mars 2023, que la cause était gardée à juger sur la question de l’effet suspensif ;

Considérant, en droit :

que les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10) et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020) ;

qu’au terme de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que l’autorité peut d'office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016) ;

qu’elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu'aboutir abusivement à rendre d'emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, op. cit., p. 265) ;

que l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405) ;

que lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu'un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités) ;

qu’en l’espèce, la recourante paraît se satisfaire de ce que son cacatoès à huppe jaune soit séquestré de manière temporaire au vu des difficultés auxquelles elle dit devoir faire face dans sa vie personnelle ; qu’elle ne demande pas que l’animal lui soit restitué pendant la durée de la procédure ;

qu’il sera, cela étant, constaté, que le SCAV a, à ce stade de la procédure, rendu suffisamment vraisemblable une atteinte à la santé du cacatoès, objectivée, au moment de son séquestre provisoire à mi-décembre 2022, par un très fort déplumage au niveau de la gorge, la poitrine, la nuque, l’intérieur des ailes et des pattes, de sorte que la peau était mise à nu ; que la protection de l’animal doit donc, à ce stade de la procédure et sans préjudice de l’examen au fond, primer sur l’intérêt privé de la recourante à reprendre possession de son cacatoès ;

que la question de l’interdiction de détenir des oiseaux pour une durée de cinq ans fera l’objet de l’examen au fond du litige ;

qu’au vu de ce qui précède, l’effet suspensif ne sera pas restitué au recours ;

qu’en revanche et comme le SCAV y a conclu le 1er mars 2023, il sera ordonné qu’ « B______ » reste, jusqu’à droit jugé, en mains du SCAV et ne soit ni donné, ni vendu ni mis à mort ;

que le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

ordonne que le cacatoès à huppe jaune, mâle, né le______, nommé B______, bague n° 1______, reste jusqu'à droit jugé en mains du service de la consommation et des affaires vétérinaires et ne soit ni donné, ni vendu ni mis à mort ;

rejette la requête d’effet suspensif pour le surplus ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Madame A______ ainsi qu'au service de la consommation et des affaires vétérinaires.

 

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :