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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2342/2017

ATA/211/2018 du 06.03.2018 ( PROF ) , ADMIS

Descripteurs : AUTORISATION D'EXERCER ; PROFESSION ; AGENT DE SECURITE ; RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL) ; HONNEUR ; LIBERTÉ ÉCONOMIQUE ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPA.60.al1; Cst.29.al2; CES.4; CES.7; CES.8; CES.13.al1; CES.13.al3; Cst.27; Cst.36
Résumé : Révocation de l'autorisation d'exploiter une entreprise de sécurité en raison d'une condamnation pénale pour abus de confiance. Admission du recours, au regard de la jurisprudence de la chambre de céans, l'infraction commise étant sans lien avec l'exercice de la profession de l'intéressé, lequel n'a au demeurant aucune autre condamnation à son actif.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2342/2017-PROF ATA/211/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 mars 2018

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Andreas Dekany, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ ET DE L’ÉCONOMIE

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1964, de nationalité suisse, est directeur de B______ Sàrl (ci-après : B______), une société à responsabilité limitée inscrite au registre du commerce du canton de Genève (ci-après : RC) le 17 février 2010, qui poursuit comme but statutaire toute activité en lien avec la sécurité des biens et des personnes.

2) Le 22 mars 2010, le département de la sécurité, de la police et de l’environnement, devenu depuis lors le département de la sécurité et de l’économie (ci-après : le département), a autorisé M. A______, jusqu’au 21 mars 2014, à exploiter une entreprise de sécurité au nom et pour le compte de B______ et lui a délivré une carte de légitimation.

3) Le 4 mai 2013, le département a infligé à M. A______ un avertissement et une amende administrative de CHF 100.- pour avoir contrevenu aux dispositions relatives à la formation continue.

4) Le 22 avril 2013, M. A______ a créé, avec Monsieur C______, la société en nom collectif D______ (ci-après : D______) dont le but statutaire était l’exploitation d’un établissement public à l’enseigne « E______ » (ci-après : le café). À teneur du RC, MM. A______ et C______ étaient tous deux associés de cette société, avec signature individuelle.

5) Le 26 février 2014, le département a renouvelé l’autorisation de M. A______ d’exploiter une entreprise de sécurité, accordée au nom et pour le compte de B______, jusqu’au 25 février 2018.

6) Le 21 mai 2014, M. C______ a déposé plainte pénale contre M. A______, lui reprochant d’avoir « volé » son salaire.

7) Le 28 mai 2014, M. A______ a été entendu par la police en relation avec cette plainte, contestant les faits qui lui étaient reprochés. Bien qu’ayant retiré CHF 5'000.- du compte bancaire de D______, soit une partie de la somme versée par F______ à titre d’indemnités maladie pour son associé, en arrêt de travail depuis le 14 février 2013, il avait utilisé ce montant pour payer les dettes du café, de l’ordre de CHF 55'000.-, auxquelles M. C______ n’avait jamais participé.

8) Par ordonnance pénale du 15 décembre 2014, le Ministère public a reconnu M. A______ coupable d’abus de confiance et l’a condamné à une peine pécuniaire de soixante jours-amende à CHF 50.- le jour, avec sursis pendant trois ans.

Il lui était reproché d’avoir, le 20 mai 2014, effectué un retrait de CHF 5'000.- correspondant à une partie du salaire mensuel de M. C______ versé par F______ sur le compte bancaire de D______ et de s’être approprié sans droit cette somme pour s’acquitter de certaines factures relatives à l’exploitation du café, dont il était l’un des associés-gérants.

9) Le 12 janvier 2015, M. A______ a formé opposition contre cette ordonnance pénale, indiquant avoir cru que le délai légal pour former opposition était de trente jours.

10) Par ordonnance pénale du 19 janvier 2015, le Ministère public a jugé cette opposition tardive, refusé de restituer le délai d’opposition et transmis la cause au Tribunal de police afin qu’il soit statué sur la validité de l’ordonnance pénale et de l’opposition, les motifs invoqués par M. A______ étant imputables à une faute de sa part.

11) Le 27 janvier 2015, M. A______ a recouru auprès de la chambre pénale de recours de la Cour de justice (ci-après : CPR) contre cette ordonnance.

12) Par arrêt du 4 mars 2015, la CPR a rejeté le recours de M. A______, seule la négligence ou l’inattention de ce dernier étant responsable de la tardiveté de son opposition à l’ordonnance pénale du 15 décembre 2014.

13) L’ordonnance pénale du 15 décembre 2014 est entrée en force.

14) Le 27 février 2017, l’entreprise de sécurité G______ Sàrl (ci-après : G______) a transmis à la direction générale des transports (ci-après : DGT) les noms des personnes pour lesquelles elle sollicitait une habilitation de tiers à dénoncer des cas de stationnement illicites sur terrains privés, au nombre desquelles figurait M. A______.

15) Le 2 mars 2017, la DGT a transmis au département, pour examen, les noms de ces personnes. Selon les renseignements de police transmis, M. A______ avait fait l’objet d’une procédure pénale pour vol le 20 mai 2014 en qualité de prévenu.

16) Le 13 avril 2017, le département a informé M. A______ qu’il avait pris connaissance de sa condamnation pour abus de confiance. Compte tenu de la gravité de cette infraction, il envisageait de prononcer le retrait de son autorisation, lui impartissant un délai pour se déterminer.

17) Le 22 avril 2017, M. A______ lui a répondu que, à la suite de la création de D______, M. C______ et lui avaient ouvert un compte bancaire joint, avec signature individuelle, tous deux ayant convenu qu’il se chargerait de la « partie administrative » de l’établissement. En 2013, les affaires n’étaient pas florissantes, de sorte qu’il n’avait réalisé qu’un salaire de CHF 2'000.-, M. C______ ayant, quant à lui, perçu CHF 24'580.-. Au début du mois de février 2014, ce dernier, en arrêt de travail pour cause de maladie, s’était fait verser par F______ un montant de CHF 12'032.25 sur leur compte joint, dont il avait retiré CHF 5'000.- pour régler les factures des fournisseurs ainsi que le salaire de leur employé. Ayant appris cela, M. C______ avait porté plainte pénale à son encontre. Dans l’intervalle, il avait mis un terme à l’exploitation du café, D______ ayant été radiée du RC le 16 septembre 2014. Il n’était ni un voleur, ni un escroc, mais s’était « fait avoir » par son associé.

18) Le 24 avril 2017, le département a transmis à la DGT un préavis négatif concernant M. A______.

19) Par décision du 26 avril 2017, déclarée exécutoire nonobstant recours, le département a prononcé le retrait de l’autorisation d’exploiter de M. A______, ordonnant la restitution de sa carte de légitimation. M. A______ ayant été condamné pour abus de confiance, soit une infraction pénale objectivement grave, il ne remplissait plus la condition d’honorabilité requise par la réglementation applicable.

20) a. Par acte déposé le 29 mai 2017, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif au recours et à son audition et, sur le fond, à l’annulation de la décision entreprise et à l’octroi d’une indemnité de procédure.

Sa condamnation pour abus de confiance était injustifiée, choquante et injuste, dès lors que les éléments constitutifs de cette infraction n’étaient pas réalisés, puisqu’il s’était limité à s’acquitter des charges du café au moyen du montant versé par F______ sur le compte de la société, sans s’enrichir. Il avait bien tenté de contester l’ordonnance pénale du 15 décembre 2014 mais n’y était pas parvenu, ayant agi hors délai. Cette condamnation n’était au demeurant pas incompatible avec son activité professionnelle, le département n’ayant pas non plus tenu compte, in concreto, de la gravité objective des faits qui lui étaient reprochés.

b. Il a annexé à son recours :

– un décompte de F______ du 17 mai 2014 indiquant un versement de CHF 12'032.25 en faveur du café à titre de prestations d’indemnités journalières pour cause de maladie de M. C______, en arrêt de travail du 14 février au 15 mars 2014 ;

– des factures des fournisseurs du café entre 2013 et 2014, de sa caisse de compensation de juin 2014 et de la bailleresse du café au 31 mars 2014 indiquant un retard de loyer de CHF 35'000.- entre 2013 et 2014 ;

– une attestation de G______ du 16 mai 2017 selon laquelle elle n’était plus en mesure d’employer M. A______ suite au retrait de son autorisation d’exploiter et de sa carte de légitimation.

21) Dans ses observations du 7 juin 2017, le département s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif au recours ainsi qu’à l’octroi de toute autre mesure provisionnelle et, dans celles du 28 juin 2017, il a répondu sur le fond du recours, concluant à son rejet.

Les faits reprochés à M. A______ avaient donné lieu à une condamnation pénale définitive et exécutoire, incompatible avec l’exercice de la profession d’agent de sécurité, et c’était en vain qu’il tentait de démontrer, dans le cadre d’une procédure administrative, qu’il avait été condamné à tort par les autorités pénales. La décision respectait le principe de proportionnalité, ce d’autant que M. A______ ne se prévalait pas d’un éventuel intérêt privé à poursuivre seul l’exploitation de son entreprise de sécurité, qui n’avait plus d’employé depuis 2014 et dont l’activité semblait inexistante. M. A______ pouvait en outre envisager de déposer une nouvelle autorisation dans un délai de cinq ans à compter des faits reprochés, soit dès le 20 mai 2019.

22) Le 11 juillet 2017, la présidence de la chambre administrative a restitué l’effet suspensif au recours, réservant le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

23) Le 12 juillet 2017, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 18 août 2017 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

24) Le 18 juillet 2017, le département a persisté dans ses conclusions, indiquant n’avoir aucune requête complémentaire à formuler.

25) Dans ses observations du 18 août 2017, M. A______ a persisté dans les conclusions et termes de son recours.

26) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. A qualité pour recourir toute personne touchée directement par une décision et qui a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (art. 60 al. 1 let. b LPA). Le recourant doit avoir un intérêt pratique à l’admission du recours, qui doit être propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2). Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée, exigence qui s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 138 II 42 consid. 1) ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1) ou déclaré irrecevable si l’intérêt actuel faisait déjà défaut au moment du dépôt du recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1).

Il est toutefois exceptionnellement renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 140 IV 74 consid. 1.3 ; 139 I 206 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1157/2014 du 3 septembre 2015 consid. 5.2 ; ATA/70/2018 du 23 janvier 2018 et les références citées).

b. En l’espèce, l’autorisation accordée au recourant le 22 mars 2010 a été renouvelée le 26 février 2014 jusqu’au 25 février 2018, date à laquelle elle est arrivée à échéance. Le recourant dispose toutefois d’un intérêt à ce qu’il soit statué sur la validité de sa révocation, qui conditionne son renouvellement, l’autorité intimée ayant fait savoir qu’en cas d’issue négative du recours l’intéressé devrait attendre cinq ans après sa condamnation pour présenter une nouvelle demande d’autorisation.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l’autorité intimée, bien que le recourant apparaisse employé par G______, question au demeurant exorbitante au présent litige, rien n’indique qu’il ait mis un terme à l’activité de B______, dont il est le directeur, cette société étant toujours inscrite au RC.

Il s’ensuit que le recours est également recevable de ce point de vue.

3) a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit d’obtenir l’administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l’administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 135 II 286 consid. 5.1). Cette garantie constitutionnelle n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_674/2015 du 26 octobre 2017 consid. 5.1). Le droit d'être entendu ne comprend en revanche pas le droit d'être entendu oralement (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 et les références citées).

b. En l’espèce, le recourant sollicite son audition. Il ne sera toutefois pas donné suite à sa requête, le dossier contenant suffisamment d’éléments permettant à la chambre de céans de se prononcer en pleine connaissance de cause, en l’état du dossier. Par ailleurs, le recourant a eu l’occasion d’exprimer son point de vue par écrit durant la procédure ainsi que devant la chambre administrative, tant dans son acte de recours que dans ses observations du 18 août 2017, ce qu’il ne conteste au demeurant pas. Il s’ensuit que cette réquisition de preuve sera rejetée.

4) Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

Il n’en résulte toutefois pas que l’autorité est libre d’agir comme bon lui semble (ATA/768/2016 du 13 septembre 2016). Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux de droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2).

5) a. Le Concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (CES - I 2 14), entré en vigueur pour Genève le 1er mai 2000 (loi concernant le concordat sur les entreprises de sécurité du 2 décembre 1999 - L-CES - I 2 14.0), régit la surveillance ou la garde de biens mobiliers ou immobiliers, la protection des personnes et le transport de sécurité de biens ou de valeurs, lorsque ces activités sont pratiquées par les entreprises de sécurité pour des tiers, sous contrat de mandat (art. 4 CES).

b. Selon l’art. 7 CES, une autorisation préalable, en principe valable quatre ans et renouvelable sur requête (art. 12A al. 1 et 2 CES), est notamment nécessaire pour exploiter une entreprise de sécurité ou une succursale de celle-ci dans les cantons concordataires et engager du personnel à cet effet (al. 1 let. a). Cette autorisation est délivrée par l’autorité compétente du canton où l’entreprise a son siège (al. 2). L’art. 8 CES en fixe les conditions et prévoit en particulier qu’elle ne peut être accordée à l’entreprise de sécurité que si le responsable offre, par ses antécédents, par son caractère et son comportement, toute garantie d’honorabilité concernant la sphère d’activité envisagée. La commission concordataire édicte une directive fixant les exigences à cet égard et tient essentiellement compte de la gravité des actes commis précédemment à la requête d’autorisation, des circonstances subjectives de ces actes et du temps écoulé depuis ceux-ci (al. 1 let. d).

c. La commission concordataire concernant les entreprises de sécurité (ci-après : commission CES) a émis une directive spéciale, accompagnée d’un vade-mecum, en vue de la détermination de l’influence que peuvent notamment avoir la commission d’infractions pénales sur l’honorabilité (ch. 2.3.1 de la directive générale de la commission CES du 28 mai 2009).

Ainsi, selon la directive de la commission CES du 3 juin 2004 concernant l’exigence d’honorabilité, pour déterminer si cette condition est remplie, l’autorité doit examiner le comportement et la situation personnelle du requérant, ainsi que la gravité objective des actes à caractère pénal commis. En cas de nouvelle autorisation et de renouvellement, elle devra également tenir compte, d’une part, du temps qui s’est écoulé depuis l’acte et, d’autre part, des circonstances purement subjectives de celui-ci ainsi que du comportement de l’intéressé depuis l’acte (ch. 1). Les circonstances subjectives sont le degré de culpabilité, le mobile, les antécédents, la situation personnelle au moment de l’acte, la durée et l’ampleur de celui-ci, le comportement de l’intéressé postérieurement à l’acte et les éléments du dossier pénal (ch. 3). L’annexe à cette directive énumère la liste des actes considérés comme objectivement graves (ch. 2). En fait notamment partie l’infraction d’abus de confiance.

Le vade-mecum du 7 février 2005 à cette directive indique qu’une personne ayant commis un acte objectivement grave dans les dix ans n’est pas considérée comme honorable sauf si entre cinq et dix ans se sont écoulés depuis cet acte et si l’auteur n’a pas commis d’acte répréhensible depuis lors, à savoir un acte objectivement grave ou plusieurs actes objectivement non graves de même nature ou non.

6) a. Dans la définition de la notion d’honorabilité, que l’on retrouve dans d’autres textes légaux genevois, il s’agit avant tout de déterminer si le comportement de la personne exerçant ou voulant exercer une activité soumise à autorisation est compatible avec ladite activité (ATA/1570/2017 du 5 décembre 2017). Le Tribunal administratif, dont la chambre administrative a repris les compétences, a rendu plusieurs arrêts ayant trait à la notion d’honorabilité. Cette notion, uniforme, doit être comprise en rapport avec les faits reprochés à la personne concernée et à l’activité qu’elle entend déployer, une fois qu’elle aurait été reconnue comme honorable. Une condamnation pénale n’est pas le seul critère pour juger de l’honorabilité d’une personne, et ce même si le simple fait que celle-ci ait été impliquée dans une procédure pénale puisse suffire à atteindre son honorabilité. Cette question doit cependant être examinée en fonction de la nature des faits reprochés, de la position qu’elle a prise à l’égard de ceux-ci et de l’issue de la procédure proprement dite (ATA/162/2018 du 20 février 2018 et les références citées ; exposé des motifs relatifs au PL 9'195, MGC 2003-2004/VII A 3127), ainsi que la répétition éventuelle des faits reprochés à l’intéressé (ATA/957/2014 du 2 décembre 2014 et les références citées).

b. Par ailleurs, la situation des personnes qui exercent déjà une activité d’agent de sécurité de celle qui ne le font pas s’apprécie différemment. Il convient d’observer plus de retenue lorsqu’une personne exerce déjà l’activité professionnelle concernée que quand cela n’est pas le cas, l’atteinte à la liberté économique de l’intéressé étant alors plus grande (ATA/283/2013 du 7 mai 2013 et les références citées).

7) L’autorité qui a accordé la décision doit la retirer notamment lorsque les conditions de son octroi, prévues en particulier à l’art. 8 CES, ne sont plus remplies (art. 13 al. 1 let. a CES). Toutefois, à teneur de l’art. 13 al. 3 CES, l’autorité administrative peut également prononcer un avertissement ou une suspension d’autorisation d’un à six mois. Cette disposition permet ainsi de sanctionner les manquements aux règles fixées par le CES sans recourir au retrait de l’autorisation. Elle a valeur d’une exception au principe de l’interdiction d’exercer la profession au sens de l’art. 13 al. 1 CES et suppose que l’administré revienne à résipiscence, c’est-à-dire qu’il reconnaisse ses manquements et s’amende (ATA/283/2013 précité).

8) En tant qu’elle empêche le recourant d’exercer sa profession, la décision litigieuse constitue une atteinte grave à la liberté économique garantie par l’art. 27 Cst. Par conséquent, l’art. 36 Cst. exige qu’une telle mesure repose sur une base légale, qu’elle soit justifiée par un intérêt public, ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui, et proportionnée au but visé (ATF 130 II 87 consid. 3 et les arrêts cités).

9) En l’espèce, le recourant a été condamné le 15 décembre 2014 par le Ministère public à une peine pécuniaire de soixante jours-amende à CHF 50.- le jour, avec sursis durant trois ans, pour avoir effectué un retrait de CHF 5'000.-, correspondant à une partie du salaire mensuel de son associé versé par F______ sur le compte bancaire de D______, s’appropriant sans droit cette somme pour s’acquitter des factures du café. Le recourant n’ayant pas contesté cette ordonnance pénale dans le délai légal, elle est entrée en force et sa condamnation est devenue définitive.

Le recourant soutient que cette condamnation n’est pas de nature à attenter à son honorabilité, aux motifs que les éléments constitutifs de l’infraction d’abus de confiance n’étaient pas réalisés, l’autorité intimée n’ayant pas non plus tenu compte des faits qui lui étaient concrètement reprochés, et qu’elle n’est pas incompatible avec son activité professionnelle.

La condamnation dont a fait l’objet le recourant pour abus de confiance constitue une infraction qualifiée de grave en lien avec l’honorabilité d’un agent de sécurité, selon l’annexe à la directive de la commission CES du 3 juin 2004, ce qui n’est au demeurant pas contesté. Une telle condamnation n’est pas anodine et entre manifestement dans la notion des actes incompatibles avec la sphère d’activité envisagée, la fonction impliquant précisément que l’on puisse faire une grande confiance à ces agents (ATA/14/2007 du 16 janvier 2007 ; ATA/651/2002 du 5 novembre 2002). Le fait qu’elle soit définitive en raison de l’opposition tardive du recourant n’est en outre pas déterminant, rien ne permettant de retenir de manière certaine que s’il avait agi dans les délais, l’autorité de jugement aurait statué différemment en prononçant son acquittement, ceci quand bien même la réalisation de l'élément constitutif subjectif du dessein d'enrichissement illégitime apparaît effectivement discutable.

Il n’en demeure pas moins que l’importance de cette condamnation doit être relativisée, en lien avec les autres éléments du dossier. Outre le fait qu’elle a été prononcée en 2014, soit près de trois ans avant la décision entreprise, elle concerne des faits qui ne sont pas en relation avec l’exercice de la profession d’agent de sécurité, puisqu’ils ont trait à l’activité parallèle du recourant, en lien avec l’exploitation du café avec son associé. De plus, cette condamnation constitue un acte isolé, le recourant, qui est titulaire d’une autorisation depuis 2010 régulièrement renouvelée, n’apparaissant avoir aucun autre antécédent ni n’avoir eu de démêlé avec la justice pénale depuis lors. Quant à l’avertissement et l’amende qui lui ont été infligés le 4 mai 2013 pour avoir contrevenu aux dispositions relatives à la formation continue, ils constituent des sanctions administratives, sans lien avec le critère d’honorabilité.

L’autorité intimée ne pouvait ainsi, sur la base de la seule condamnation du recourant du 15 décembre 2014, inférer dans les circonstances d'espèce qu’il n’offrait plus les garanties de moralité et de comportement suffisantes, ce qui rendrait nécessaire de révoquer toutes les autorisations lui permettant d’exercer sa profession.

10) Il s’ensuit que le recours sera admis et la décision litigieuse annulée.

11) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 800.- sera allouée au recourant, qui obtient gain de cause, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 mai 2017 par Monsieur A______ contre la décision du département de la sécurité et de l’économie du 26 avril 2017 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision du département de la sécurité et de l’économie du 26 avril 2017 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 800.- à Monsieur A______, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Andreas Dekany, avocat du recourant, ainsi qu’au département de la sécurité et de l’économie.

Siégeant : Mme Junod, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :